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Contentieux successoral
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Contentieux successoral

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About this ebook

Au cœur de cette « subversion complète » d’un microcosme familial face au silence indifférent du monde, peuvent se métastaser des conflits humains protéiformes et complexes, dont le décès est le catalyseur.

Le notaire ou l’avocat qui reçoit à sa consultation des hommes et des femmes déjà endeuillés, qui doivent en sus faire face à un conflit né à l’occasion de ce décès, ont un rôle fondamental à jouer. Ces affaires sont d’une nature très particulière, qui mêle subtilement les affects au patrimoine, les tensions intrafamiliales aux enjeux financiers. Le praticien de cette matière est un funambule qui doit aider son mandant à progresser avec stratégie sur le fil ténu de la raison, avec une maîtrise aigue des règles de fond et de procédure.

Ce livre vous invite à suivre le chemin de ces funambules, pour découvrir les écueils juridiques des conflits successoraux et pouvoir ainsi les mieux contourner.

Les auteurs sont tous praticiens expérimentés de la matière, et ont étudié les problèmes épineux, civils et fiscaux, posés aux successibles dès l’ouverture d’une succession, la question complexe du rapport des libéralités et du rapport de dettes, le célèbre mais méconnu recel successoral, le nouveau régime successoral des assurances-vie, les hypothèses de libéralités consenties en usufruit ou en rente viagère, la notion très fine de consentement dans le cadre des libéralités, les actualités brûlantes des incapacités de recevoir une libéralité, ainsi que la controverse toujours vive relative aux créanciers de frais funéraires. A la fin du chemin, un florilège de questions ponctuelles et précises relatives à la procédure judiciaire des conflits successoraux est offert en feu d’artifice final.
LanguageFrançais
Release dateDec 19, 2013
ISBN9782804467111
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    Contentieux successoral - Alexandra Demortier

    9782804467111_TitlePage.jpg

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    Pour toute information sur nos fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos site web via www.larciergroup.com

    © Groupe Larcier s.a., 2013

    Éditions Larcier

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

    ISBN 978-2-8044-6711-1

    La collection de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles rassemble les actes des colloques organisés par ses soins et reconnus pour leur grande qualité scientifique. Ils couvrent différents domaines juridiques, notamment le droit des sociétés, le droit des obligations, le droit de la concurrence, le droit social, le droit judiciaire ou encore le droit pénal.

    Le collection est dirigée par le Président de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles.

    Derniers ouvrages parus dans la collection :

    La vente. Développements récents et questions spéciales, 2013

    Sous la présidence de Patrick Wéry et la direction de Jean-François Germain

    Droit des groupes de sociétés. Questions pratiques, 2013

    Sous la direction de Georges-Albert Dal

    La fraude à la T.V.A en matière pénale, 2013

    Sous la direction de Laurent Kennes et Emmanuel Rivera

    La réforme de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles. Première approche thématique, 2012

    Sous la direction de Frédéric Gosselin

    Le droit social en chantier(s), 2012

    Cédric Alter, Pia Sobrana Gennari Curlo, Frédéric Georges, Michèle Grégoire, Fabrice Mourlon Beernaert, Charlotte Musch

    Les obligations et les moyens d’actions en droit de la construction, 2012

    Sous la direction de Marie Dupont

    Les mesures provisoires devant la Cour européenne des droits de l’homme. Une référé à Strasbourg ?, 2011

    Sous la direction de Frédéric Kenc

    Les pratiques du marché. Une loi pour le consommateur, le concurrent et le juge, 2011

    Sous la direction de Laurent de Brouwer

    La cession d’entreprise : les aspects sociaux, 2011

    Sous la direction de Loïc Peltzer et Emmanuel Plasschaert

    Les avocats face au blanchiment, 2011

    Sous la direction d’André Risopoulos

    Détentions préventive : 20 ans après ?, 2011

    Sous la direction de Benoît Dejemeppe et Damien Vandermeersch

    Introduction

    « Aux enfants, il faut laisser un bel héritage de conscience, plutôt que d’or ».

    (Platon)

    Platon n’était pas avocat spécialisé en contentieux successoral. Il aurait de suite relativisé la dichotomie apparente entre la conscience et l’or. Il aurait vu naître des conflits successoraux autour d’une succession humble. Il aurait vu naître des conflits successoraux entre des gens réputés pour leur probité morale. Il aurait pénétré les tréfonds de l’âme humaine pour comprendre que bien souvent, ce n’est pas l’or qui est générateur des conflits, et pas davantage la conscience qui les endigue. Emotion obscure et indéfinissable qui pousse les gens à venir consulter les praticiens parce qu’ils se sentent blessés dans leur âme d’enfant par un testament « inique », par une donation « injustifiable », par un oubli de leur nom dans l’attribution bénéficiaire d’une assurance-vie. Les notaires, premiers concernés par les conflits successoraux, se trouvent bien souvent démunis face au développement inexorable du litige entre cohéritiers, entre héritiers et légataires, entre héritiers et donataires, entre enfants d’un premier lit et conjoint de secondes noces. C’est là qu’intervient le rôle de l’avocat, qui doit aider son mandant à progresser au travers des écueils des liquidations judiciaires, et empêcher ce dernier de se briser contre un rocher du fond du droit, ou de s’échouer sur un banc de sable procédural. Et pourtant, l’avocat ne maîtrise bien souvent que trop mal la technique complexe des liquidations successorales, alors que la dévolution d’un héritage concerne tout un chacun.

    L’objectif premier des orateurs du colloque, tous praticiens expérimentés de la matière, est de donner les balises permettant d’aborder les obstacles juridiques des liquidations successorales avec sérénité et succès, mettant toujours l’accent sur les dernières actualités législatives et jurisprudentielles.

    Matthieu Van Molle, notaire associé à Ittre et maître de conférences à l’Université Libre de Bruxelles, étudie les thématiques cruciales de toute ouverture de succession, tant civiles que fiscales, et aborde avec virtuosité les difficultés de l’exercice de l’option successorale et de la déclaration de succession.

    Géraldine Hollanders de Ouderaen et Jessica Fillenbaum, avocates au barreau de Bruxelles, après avoir cerné le mécanisme fondamental du rapport des libéralités, approfondissent de façon convaincante le concept tout aussi fondamental dans la pratique, et pourtant méconnu, de rapport de dettes.

    Laurent Sterckx, avocat au barreau de Bruxelles et directeur de la Revue du Notariat belge, analyse les actualités jurisprudentielles du recel successoral. Poncif du droit successoral, le recel de l’article 792 du Code civil n’est généralement connu que dans la superficialité. La présente étude met en lumière la notion, et apporte un éclairage à maints égards surprenant.

    Vincent Wyart, avocat au barreau de Bruxelles et assistant à l’Université Libre de Bruxelles, se penche sur l’actualité brûlante du régime successoral des assurances-vie, et offre une étude précise et rigoureuse des lois toutes récentes, inspirées des arrêts de la Cour constitutionnelle.

    Alexandra Demortier, avocate au barreau de Bruxelles, donne un opus magistral sur la notion de consentement dans le cadre des libéralités, tant en terme de structuration d’une matière diffuse qu’en terme de richesse jurisprudentielle.

    Thomas Van Halteren, avocat au barreau de Bruxelles et assistant-doctorant à l’Université Libre de Bruxelles, traite du régime des incapacités de recevoir une libéralité. Son étude insiste sur les actualités législatives de la matière, encore méconnues à ce jour de la plupart des praticiens.

    Sarah Désir, avocate au barreau de Liège et ancienne assistante à l’Université de Liège, aborde en profondeur la controverse relative aux moyens d’action des créanciers de frais funéraires. L’étude se place dans l’angle de vue des créanciers successoraux, acteurs souvent trop méconnus des liquidations. Après avoir passé en revue les thèses classiques, l’auteur propose un fondement d’action original, de nature extrapatrimoniale.

    Pour ma part, j’étudie deux thématiques très distinctes. La première d’entre elles est relative au mécanisme de la réduction des libéralités, et plus particulièrement les modalités de remise en cause d’une libéralité portant atteinte à la réserve lorsqu’elle est consentie en une autre nature que de la pleine propriété. La seconde thématique étudiée n’a pas de visée scientifique ou académique, mais a pour dessein principal d’offrir au praticien qui voyage régulièrement dans les liquidations-partages de successions une sorte de « guide du routard » lui permettant de trouver son chemin dans ce qui peut rapidement devenir un cauchemar procédural.

    Enfin, je tiens à remercier chaleureusement Muriel Bialek et Delphine Denblinden, respectivement présidente et responsable des activités scientifiques de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles, pour leur accueil, leur investissement dans ce beau projet intellectuel, leur dynamisme à surmonter les difficultés, et, surtout, leur sourire séduisant.

    Frédéric Lalière

    1

    Questions choisies en matière d’ouverture de la succession

    Matthieu

    Van Molle

    Notaire associé

    Maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles

    Introduction

    Section I

    Ouverture de la succession

    Section II

    Personne disparue

    Section III

    Divorce et ex-conjoint

    Section IV

    Obligations fiscales

    Section V

    Option successorale

    Section VI

    Successions en déshérence

    Introduction

    1. L’ouverture de la succession est source de multiples questions susceptibles de compliquer la tâche du praticien de ce domaine du droit ; elles vont de la compétence ratione loci des tribunaux à la résolution des successions en déshérence, en passant par la détermination des ayants droit et le délicat exercice de l’option successorale.

    Nous avons choisi de traiter, dans la présente contribution, (I) de la date et du lieu de l’ouverture de la succession, (II) de la succession des personnes disparues, (III) de celle des personnes divorcées, (IV) des obligations fiscales des héritiers, (V) de l’exercice de l’option héréditaire et des dangers de l’acceptation sous bénéfice d’inventaire, et (VI) des successions en déshérence.

    I. Ouverture de la succession

    2. La succession s’ouvre avec le décès (art. 718 C. civ.). Dès ce moment, les personnes appelées à hériter par la loi ou par le défunt (testament ou institution contractuelle) se trouvent investies de la propriété des biens de ce dernier, pour autant qu’elles n’aient pas renoncé à la succession¹.

    Le décès s’ouvre au lieu du dernier domicile du défunt (art. 110 C. civ.) ; ce sont donc les tribunaux territorialement compétents en fonction de ce domicile qui sont appelés, d’une part, à recevoir la déclaration d’acceptation sous bénéfice d’inventaire (art. 793 C. civ.) ou de répudiation de la succession (art. 784 C. civ.) et, d’autre part, à trancher les conflits nés de la succession.

    3. Les miliciens sont censés conserver leur domicile existant au jour de leur entrée en service, même s’ils étaient casernés à l’étranger lors de leur décès. Pour les officiers et militaires de carrière, on retient en revanche le domicile réel².

    Les membres des missions diplomatiques sont réputés conserver leur domicile dans leur pays d’origine³. Cette exception découle des privilèges et immunités traditionnellement conférés aux agents diplomatiques⁴.

    II. Personne disparue

    II.1. Jugement déclaratif du décès

    4. Lorsque le décès n’a pu être « constaté » par l’officier de l’état civil parce que le corps du défunt n’a pu être retrouvé ou identifié, l’acte de décès ne peut être dressé. En ce cas, la loi du 9 mai 2007 modifiant diverses dispositions relatives à l’absence et à la déclaration judiciaire de décès⁵ a consacré l’institution prétorienne de la déclaration judiciaire de décès (voy. art. 126 C. civ.).

    Ce régime trouve à s’appliquer dans les cas où le décès de la personne disparue ne fait aucun doute, bien que le corps n’ait pu être retrouvé ou identifié.

    Le jugement fixe la date du décès et tient lieu d’acte de l’état civil (art. 131, al. 1er, et 133 C. civ.). C’est à cette date que s’ouvre la succession, en vertu des dispositions du droit commun.

    5. Du point de vue fiscal, la déclaration de succession doit être déposée par les héritiers ou légataires universels, par le fait de la décision judiciaire, dans les quatre mois⁶ à partir du jour où celle-ci a acquis force de chose jugée (art. 40, al. 2 C. succ.).

    6. Si, avant la date fixée par le jugement déclaratif de décès, une succession échoit à la personne disparue, celle-ci hérite en principe car la preuve de son décès n’est pas encore rapportée. Un notaire est alors désigné par le tribunal de première instance pour représenter ses intérêts dans la succession, jusqu’au prononcé dudit jugement (art. 128 C. civ.). Il est certain que le notaire ainsi désigné se bornera à poser des actes conservatoires ou de gestion ordinaire, tel notamment le dépôt de la déclaration de succession de l’auteur du disparu, mais certainement aucun acte de disposition.

    II.2. Absence

    7. Le régime de l’absence est réservé aux cas où la personne a disparu sans qu’aucune certitude ne puisse être établie ni quant à sa vie, ni quant à son décès.

    Depuis la réforme de 2007⁷, la procédure relative à l’absence est divisée en deux phases. Premièrement, la présomption d’absence, dont la demande peut être introduite au plus tôt trois mois après que la personne a disparu (art. 112 C. civ.). Le jugement n’a pas pour effet d’ouvrir la succession du présumé absent, puisqu’il demeure une incertitude quant à la vie ou au décès de ce dernier⁸. Ses biens sont alors gérés par un administrateur judiciaire, désigné par le juge de paix du dernier domicile du présumé absent, à moins que celui-ci n’ait donné mandat général à un tiers d’administrer ses biens (art. 113 C. civ.).

    Cinq ans après le jugement constatant la présomption d’absence ou sept ans après la disparition de la personne, le jugement déclaratif d’absence peut être sollicité (art. 118 C. civ.). Une fois coulée en force de chose jugée, la décision judiciaire produit tous les effets du décès, à la date de sa transcription dans les registres de l’état civil (art. 121, § 2, al. 2 C. civ.). C’est donc à cette dernière date que s’ouvre la succession et que débute le délai pour déposer la déclaration de succession et payer les droits de succession.

    8. Si, avant le prononcé du jugement déclaratif d’absence, une succession échoit à la personne disparue, celle-ci hérite car aucune preuve n’est rapportée de son décès. L’acceptation de la succession ou du legs ne peut avoir lieu que sous bénéfice d’inventaire ; elle nécessite l’autorisation spéciale du juge de paix (art. 115, § 3, al. 2, 5° C. civ.). Le présumé absent est représenté dans les opérations liées à la succession ou à son partage par l’administrateur judiciaire (art. 116, al. 1er C. civ.). À défaut, le juge de paix désigne un notaire pour l’y représenter ; les mêmes réserves doivent être faites qu’en matière de personne disparue (voy. supra, no 6)⁹.

    III. Divorce et ex-conjoint

    III.1. Droits héréditaires de l’ex-conjoint

    9. Cet élément est fréquemment oublié, surtout depuis la dernière réforme du divorce : l’ex-conjoint du défunt peut avoir conservé des droits successoraux. En effet, par application de l’article 299 ancien du Code civil : « Pour quelque cause que le divorce ait lieu, hors le cas du consentement mutuel, l’époux contre lequel le divorce aura été admis, perdra tous les avantages que l’autre époux lui avait faits, soit par leur contrat de mariage, soit depuis le mariage contracté ». A contrario, l’époux innocent conservait tous ces droits.

    Cette disposition légale a été remplacée par la loi du 27 avril 2007, avec effet au 1er septembre 2007, par le texte suivant : « Sauf convention contraire, les époux perdent tous les avantages qu’ils se sont faits par contrat de mariage et depuis qu’ils ont contracté mariage ».

    La Cour de cassation a estimé que la notion d’avantage matrimonial reprise dans cet article 299 (ancien, mais la solution demeure sous l’empire de la nouvelle disposition) ne vise pas les avantages qui naissent, lors du partage, de la composition du patrimoine commun¹⁰. Ne sont donc ici concernés que les droits de survie, tels que les dispositions relatives au partage inégal de la communauté ou au préciput, les institutions contractuelles et les legs testamentaires, ainsi que les donations entre époux¹¹.

    Deux hypothèses doivent être envisagées.

    III.2. Divorce antérieur au 1er septembre 2007

    10. En vertu des règles applicables en matière de droit transitoire, la question semble maintenant réglée : les avantages matrimoniaux qui survivaient en faveur de l’époux innocent sont abrogés pour le futur¹². Par conséquent, toute succession ouverte après le 1er septembre 2007 ne sera plus « perturbée » par les droits éventuels de l’ex-conjoint.

    Certains estiment que cette interprétation est contraire aux principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination, ouvrant la voie à un recours juridictionnel¹³. Nous ne pouvons leur donner tort puisqu’il y a là un véritable déni des attentes légitimes de ces ex-conjoints sans justification impérieuse apparente.

    Il nous paraît donc toujours essentiel de consulter l’ancien contrat de mariage et les dispositions matrimoniales prises pendant le mariage (donation entre époux), ainsi que le jugement de divorce (pour cause déterminée) ou les conventions préalables à divorce par consentement mutuel. Il s’agit, tout d’abord, d’identifier dans le premier cas le conjoint innocent, de déterminer ensuite s’il existait des avantages matrimoniaux et enfin de s’assurer si ceux-ci ont ou non survécu au divorce.

    11. S’il devait apparaître que l’ex-conjoint du défunt a conservé des droits patrimoniaux sur la succession future de son ex-époux, et pour autant que l’article 299 nouveau du Code civil soit reconnu inconstitutionnel, le premier serait appelé à la succession du second. Dans ce cas, une solution s’offre encore, s’agissant des dispositions conclues hors contrat de mariage, par le biais de l’application de l’article 1096 du Code civil et la révocation ad nutum des donations faites entre époux pendant le mariage. La jurisprudence considère que l’époux demandeur d’un divorce pour faute a, implicitement mais certainement lorsque les reproches allégués sont graves, révoqué les donations faites à son conjoint¹⁴. Il est cependant probable que cette disposition sera abrogée dans le cadre de la prochaine réforme du droit successoral.

    Dans le cas contraire, une négociation avec l’ex-conjoint s’impose. Il nous paraît inconcevable de l’écarter purement et simplement, compte tenu de l’épée de Damoclès qui pend au-dessus du nouvel article 299 du Code civil.

    12. En pratique, nombre d’institutions contractuelles ont été conclues, hors contrat de mariage, avant la loi du 14 mai 1981 modifiant les droits successoraux du conjoint survivant, afin d’accorder à ce dernier quelque droit successoral là où le Code Napoléon ne lui réservait qu’une part congrue. Aujourd’hui, la plupart de ces actes, de même que les droits de survie stipulés dans une convention matrimoniale, sont conclus sous la condition que le mariage prenne fin par le décès, ce qui résout la question.

    III.3. Divorce prononcé depuis le 1er septembre 2007

    13. Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du divorce, les avantages matrimoniaux au sens de l’article 299 sont caducs sauf s’ils ont été maintenus conventionnellement. La convention visée dans cette disposition peut être l’acte constitutif de l’avantage matrimonial, à savoir le contrat de mariage ou l’institution contractuelle faite hors contrat de mariage, de même que les conventions préalables à divorce par consentement mutuel et toute convention d’accord prise pendant la procédure en divorce ou dans celle de liquidation-partage¹⁵.

    Tous ces documents devront donc être soigneusement consultés pour déterminer si quelque droit successoral revient à l’ex-conjoint du défunt.

    III.4. Décès en cours de divorce

    14. Tant que le divorce n’est pas prononcé et les délais de recours expirés, les époux sont toujours considérés comme mariés ; le mariage est alors dissous par décès¹⁶. De ce fait, le conjoint survivant hérite normalement du défunt, en qualité d’héritier réservataire, sauf testament exhérédatif visé à l’article 915bis, § 3, du Code civil.

    Le praticien doit toutefois rester attentif au règlement des droits successoraux pris par les ex-époux, pour le temps de la procédure, dans leurs conventions transactionnelles préalables à divorce par consentement mutuel, que l’article 1287, alinéa 3, du Code judiciaire impose. Ces dispositions sortent leur effet à compter de la date du dépôt de la requête au greffe du tribunal de première instance¹⁷.

    IV. Obligations fiscales

    IV.1. Déclaration de succession

    15. Le décès génère une obligation fiscale : le dépôt d’une déclaration de succession, reprenant l’ensemble de l’actif et du passif (mondial) dépendant de la succession, en vue de la perception des droits de succession (art. 35 et 36 C. succ.). Celui-ci incombe aux héritiers, légataires et donataires (c’est-à-dire bénéficiant d’une institution contractuelle) universels (art. 38 C. succ.).

    Elle doit être déposée au bureau de l’enregistrement dans le ressort duquel le défunt avait son dernier domicile, dans la Région dans laquelle il avait établi son domicile le plus longtemps au cours de cinq années précédant le décès (art. 38 C. succ.).

    C’est à compter de la date du décès que se comptent les délais fiscaux pour le dépôt de la déclaration de succession : quatre mois lorsque le décès a eu lieu en Belgique, cinq mois lorsqu’il a eu lieu dans un autre pays européen et six mois lorsqu’il a eu lieu hors d’Europe (art. 40 C. succ.).

    16. Les droits de succession sont calculés en fonction du droit applicable dans la Région du lieu d’ouverture de la succession et sont payés à cette même Région. Le dernier domicile du défunt est donc déterminant. Si celui-ci était domicilié, successivement, dans plusieurs Régions au cours des cinq dernières années précédant son décès, la Région compétente est celle dans laquelle le défunt est resté domicilié, en dernier lieu, le plus longtemps au cours de la même période (art. 5, § 2, 4° de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions ; art. 38 C. succ.).

    Ils doivent être payés auprès du bureau de l’enregistrement compétent, dans les six, sept ou huit mois du décès si celui-ci a respectivement eu lieu en Belgique, dans un autre pays d’Europe ou ailleurs dans le monde (art. 77 C. succ.).

    IV.2. Habitant du Royaume

    17. Ces règles sont applicables au décès d’un habitant du Royaume. Est un habitant du Royaume la personne qui, au moment de son décès, y a établi son domicile ou le siège de sa fortune (art. 1er, al. 2 C. succ.). Ces critères, qui sont alternatifs¹⁸, sont interprétés entièrement comme des éléments de fait qui s’apprécient comme tels et sont respectivement entendus comme, d’une part, l’habitation réelle, effective et continue du défunt et, d’autre part, le centre de son domus, de sa famille et de ses activités (professionnelles ou non)¹⁹.

    IV.3. Non-habitant du Royaume

    18. Lorsqu’un non-habitant du Royaume décède en laissant un immeuble (ou une part dans un immeuble) situé en Belgique, une déclaration de mutation par décès doit être déposée (art. 1er, 2° C. succ.). Il s’agit exactement du même document que la déclaration de succession, mais les règles relatives à l’obligation de dépôt, à l’actif imposable et au passif déductible sont différentes.

    Seuls les héritiers, légataires ou donataires (universels, à titre universel ou particuliers) des biens immeubles sis en Belgique sont tenus au dépôt de la déclaration de mutation par décès (art. 38 C. succ.). Le bureau compétent est celui dans le ressort duquel sont situés les immeubles à déclarer ; si les immeubles sont situés dans des ressorts de bureaux différents, le bureau compétent est celui dans le ressort duquel est situé l’immeuble (ou les immeubles) qui présente(nt) le revenu cadastral le plus élevé²⁰. Les mêmes principes sont appliqués pour déterminer la législation régionale applicable à la succession.

    Seul l’actif immobilier situé en Belgique doit être déclaré. Même si le défunt était propriétaire de meubles ou d’actifs financiers se trouvant sur notre territoire, ceux-ci ne doivent être déclarés que dans le pays de résidence du défunt.

    Le passif n’est déductible que de manière limitée (art. 18 C. succ.). La Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale ont introduit, pour se conformer à un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes²¹, la possibilité de déduire les dettes qui se rapportent spécialement aux biens immeubles situés en Belgique (art. 18 et 27bis C. succ. wall. ; art. 18 et 27, al. 2, C. succ. Bxl.), comme une dette hypothécaire, d’entretien ou de rénovation de l’immeuble. La Région flamande s’est limitée à prévoir la même mesure pour les ressortissants de l’Espace économique européen (art. 27 C. succ. fl.). La preuve doit en être apportée, par toutes voies de droit. En pratique, il s’agit d’une négociation avec l’administration fiscale.

    IV.4. Sanctions des délais

    19. En cas de retard dans la rédaction de la déclaration de succession, des délais supplémentaires peuvent être obtenus moyennant demande expresse et circonstanciée auprès du bureau de l’enregistrement compétent pour le dépôt, introduite avant l’expiration du délai (art. 41 C. succ.). En général, la plupart des bureaux accordent facilement deux mois de report de délai, à condition de présenter des faits objectifs au retard.

    À défaut, une amende pour dépôt tardif sera due par chaque personne tenue à l’obligation de dépôt. Celle-ci s’élève à 25 euros par personne et par mois de retard, tout mois entamé étant dû en entier (art. 124 C. succ.). Le total des amendes ne peut être supérieur au dixième des droits dus par le contrevenant, ni être inférieur à 25 euros. En pratique, l’amende est réduite au dixième de son montant nominal, sauf mauvaise foi.

    Si la demande de prolongation du délai est introduite après l’expiration du délai, l’amende sera due pour le premier mois de retard.

    20. Aucun délai supplémentaire ne peut être obtenu pour le paiement des droits de succession. Toute somme payée en retard produit des intérêts au taux légal de 7 % l’an, calculés par quinzaine (c’est-à-dire quinze jours), la fraction de quinzaine étant négligée (art. 81-82 C. succ.). Concrètement, si un report d’au moins deux mois du délai pour le dépôt de la déclaration de succession a été obtenu, il sera nécessaire de provisionner le compte du bureau compétent du montant attendu des droits de succession.

    V. Option successorale

    V.1. Rappel du principe

    21. La succession ne doit pas être obligatoirement acceptée par les successeurs (art. 775 C. civ.). Ceux-ci ont en effet un choix à faire, appelé option héréditaire. Les effets de ce choix remontent au jour du décès, quel que ce soit le moment où il est réellement exercé (art. 777 C. civ.).

    Actuellement, les héritiers ont trente ans pour opter ; passé ce délai, ils perdent leur droit à la succession (art. 789 jo art. 2262 C. civ.).

    V.2. Multiplicité des vocations successorales

    22. « Il se peut qu’une même personne ait plusieurs vocations successorales. Ainsi, un ascendant peut être successeur anomal et successeur ordinaire ; un parent du défunt peut être successeur ordinaire et légataire universel. Il ne se déduit pas de l’indivisibilité de l’option que le successible soit tenu d’exercer ses différentes options héréditaires de la même manière. Chaque vocation est distincte de l’autre et peut être exercée de manière différente, pourvu que ce soit de manière indivise relativement à l’ensemble des biens et des dettes qu’elle concerne. »²² En cas de vocations multiples, il y aura donc de multiples options²³.

    V.3. Les trois branches de l’option successorale

    23. En synthèse, chaque héritier (légal, testamentaire ou contractuel) peut²⁴ :

    1° soit accepter la succession purement et simplement, avec tous ses avantages et toutes ses dettes, soit expressément (en l’exprimant clairement dans un quelconque document), soit tacitement (par son comportement ou les actes posés) (art. 778 à 780 C. civ.).

    Par exemple, un héritier qui vend un bien successoral sans rien dire préalablement quant à son choix est censé avoir accepté purement et simplement²⁵ ;

    2° soit accepter sous bénéfice d’inventaire, c’est-à-dire ne pas être tenu des dettes du défunt qui excéderaient l’actif successoral.

    Cette branche de l’option successorale nécessite une déclaration au greffe du tribunal de première instance dans le ressort duquel la succession s’est ouverte, sa publication aux annexes du Moniteur belge et la réalisation d’un inventaire authentique (art. 793 à 795 C. civ.). Elle implique ensuite la liquidation active de la succession par l’héritier (art. 803 C. civ.), avec l’autorisation du tribunal en cas de vente des actifs (art. 806 C. civ.), en vue du paiement des différents créanciers (art. 808 et 809 C. civ.)²⁶ ;

    3° soit renoncer expressément à la succession, par déclaration au greffe du tribunal de première instance (art. 784 C. civ.) ; l’héritier devient alors étranger à la succession (art. 785 C. civ.).

    24. La formalité de déclaration au greffe n’est toutefois pas nécessaire pour renoncer à un legs à titre particulier²⁷.

    La question est en revanche discutée s’agissant de la renonciation à un legs universel ou à titre universel. Selon la doctrine traditionnelle, les formalités relatives à la renonciation ou à l’acceptation sous bénéfice d’inventaire (art. 784 et 793, al. 1er C. civ.) ne s’appliquent pas aux legs universels ou à titre universel²⁸. La même solution s’appliquerait aux institutions contractuelles²⁹ ; l’exercice de l’option héréditaire par les légataires et les institués contractuels est dès lors dépourvu de toute condition de forme mais doit résulter d’une expression certaine de la volonté du gratifié.

    Une minorité d’auteurs estiment toutefois que la déclaration au greffe est nécessaire pour toute renonciation ou acceptation bénéficiaire par un légataire universel ou à titre universel³⁰ ; certains sont encore d’avis qu’il faut, à cet égard, distinguer selon que le légataire jouit ou non de la saisine, les formalités n’étant imposées que pour les premiers³¹.

    Bien que la solution traditionnelle doive, selon nous, l’emporter, la prudence peut commander de procéder à la déclaration au greffe vis-à-vis des créanciers successoraux, particulièrement pour l’acceptation bénéficiaire.

    V.4. Effets de l’option

    25. L’option est exercée à titre définitif, de telle sorte que l’héritier ne peut revenir sur son choix (art. 783 C. civ.). Son exercice n’est donc pas un acte anodin et doit être mûrement réfléchi, une fois que les forces de la succession ont pu être raisonnablement établies. En théorie (mais la pratique ne va pas du tout dans ce sens), l’inventaire précède l’option !

    Il existe deux exceptions à ce principe :

    1° l’héritier ayant accepté sous bénéfice d’inventaire peut renoncer à son bénéfice, et ainsi devenir héritier pur et simple ;

    2° l’héritier renonçant peut encore accepter la succession, même sous bénéfice d’inventaire, pour autant qu’aucun autre héritier n’ait accepté cette succession entre-temps (art. 790 C. civ.).

    V.5. Observations pratiques : mieux vaut temporiser

    26. Dans la majorité des cas, la question ne se pose pas réellement car les héritiers acceptent purement et simplement ; cette acceptation peut être tacite et l’acte d’hérédité ne doit contenir aucune mention particulière à cet égard (art. 778 C. civ.). En revanche, si les héritiers acceptent sous bénéfice d’inventaire, tant l’acte d’hérédité que la déclaration de succession devront reprendre, par sécurité juridique, la mention expresse de cette circonstance.

    Cette relative « insouciance » de la pratique devrait être revue à la lumière du nouveau régime des notifications successorales, dès lors que les dettes fiscales ou sociales de l’un des héritiers sont susceptibles de bloquer les avoirs successoraux³². Il peut également se présenter une succession bénéficiaire mais modeste, échue à plusieurs héritiers dont l’un au moins présente des dettes fiscales ou sociales dont le montant dépasse le patrimoine successoral et partant la part de l’ayant droit désargenté.

    Dans tous ces cas, les avoirs successoraux ne peuvent être libérés, sauf accord de mainlevée de l’administration fiscale ou de l’organisme percepteur des cotisations sociales. Pourtant, les droits de succession doivent être réglés dans les six mois du décès³³ et ceux-ci ne sont pas privilégiés par rapport aux dettes fiscales et sociales. Dans une telle hypothèse, et si une solution ne peut être trouvée rapidement, à l’amiable, entre toutes les parties concernées, la renonciation à ladite succession peut être indiquée dans certains cas.

    27. Si les héritiers dits « du premier rang », c’est-à-dire ceux appelés prima facie à la succession, décident de renoncer à celle-ci, ils doivent garder à l’esprit que sont alors appelés les héritiers du second rang, qui devront eux-mêmes opter. Ceux-ci sont, le plus souvent, les enfants des premiers. D’une certaine manière, la répudiation de la succession revient, dans ce cas, à renvoyer « la patate chaude » à ses propres descendants et ne constitue donc pas un cadeau ! D’autant que, immanquablement, se présentera en deuxième ou troisième rang un descendant mineur, pour lequel l’intervention du juge de paix sera nécessaire (voy. art. 378 jo art. 410 C. civ.).

    28. Si les héritiers présomptifs hésitent à opter, compte tenu des risques liés à la succession (voy. infra), ils peuvent retarder leur choix et déposer une déclaration de succession à titre conservatoire, dans laquelle ils précisent qu’ils réservent l’exercice de l’option successorale. Le simple dépôt de la déclaration de succession n’emporte pas acceptation tacite de la succession, d’autant plus si elle est accompagnée d’une réserve expresse³⁴.

    V.6. Option successorale et succession obérée ou particulière³⁵

    V.6.1. Des idées reçues

    29. L’acceptation d’une succession sous bénéfice d’inventaire est présentée comme la panacée universelle : l’héritier recueille l’actif et ne doit supporter le passif qu’à concurrence de et sur celui-ci. Il ne pourrait donc en résulter qu’un bénéfice. Cette idée reçue est partagée par le législateur qui, d’une part, n’interdit que l’acceptation pure et simple dans les régimes de protection des personnes incapables, sans donner plus d’indications (art. 410, 5° et art. 488bis-F, § 3, e) C. civ.) et, d’autre part, impose l’acceptation bénéficiaire lorsque plusieurs héritiers ne s’accordent pas sur l’exercice de l’option recueillie dans la succession de leur auteur (art. 782 C. civ.).

    Cependant, force est de constater que cette idée n’est pas vérifiée dans tous les cas³⁶. En effet, l’acceptation sous bénéfice d’inventaire présente de nombreux pièges en matière de droits de succession. Si, en principe, l’héritier n’est taxé que sur l’actif net de la succession qu’il perçoit, après désintéressement des créanciers (art. 1er, 1° C. succ.), de nombreuses exceptions viennent amender cette règle. Puisque les héritiers sont, chacun en proportion de sa part héréditaire, personnellement obligés à la charge de l’hérédité que constituent les droits de succession³⁷, ils peuvent être exposés à payer, sur leurs biens personnels, des droits qui excéderaient l’actif. L’héritier bénéficiaire est, au regard du Code des droits de succession, soumis au même régime que l’héritier acceptant pur et simple (art. 73 C. succ.). Il est notamment tenu au dépôt de la déclaration de succession et au paiement des droits³⁸.

    L’acceptation bénéficiaire peut présenter également des avantages ou des désavantages sous l’angle du droit successoral civil, dans les questions de rapport, de réduction et de conservation des biens successoraux en nature.

    C’est pourquoi l’héritier doit s’interroger, pour chaque succession, s’il n’est pas plus intéressant pour lui d’y renoncer, voire de l’accepter purement et simplement, plutôt que de l’accepter sous bénéfice d’inventaire³⁹. Les

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