Paysages en bataille: Les séquelles environnementales de la Grande Guerre
()
About this ebook
En bien des endroits, la nature est toujours lardée des cicatrices de la folie des hommes. La guerre fait encore partie du quotidien des paysans qui ramassent les obus et grenades que la terre recrache dans le sillon des tracteurs. Les sols et les mers resteront encore longtemps pollués par le conflit. La lecture des paysages de la Grande Guerre révèle aussi quelques « secrets » dérangeants. Et l’Armistice de 1918 n’a pas empêché la guerre de continuer à faire des victimes.
Comment observer ces séquelles dans nos paysages actuels ? Comment ne pas s'en inquiéter?
Isabelle Masson nous invite à l’accompagner, de l’Alsace aux Flandres, dans un voyage au coeur des paysages de 14-18. Ses pérégrinations géographiques et historiques témoignent de la relation intime des hommes avec la nature, et nous laissent émerveillés, comme en leur temps les Poilus, devant l'extraordinaire faculté de celle-ci à se relever des ravages subis.
Related to Paysages en bataille
Related ebooks
La première guerre mondiale vécue par les habitants de Bouilly (Aube) Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe Troisième registre de Tadoussac: Miscellaneorum Liber Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsAntoine Labelle: Curé et roi du Nord Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsFaits curieux de l’histoire de Montréal Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe Registre de Sillery (1638-1690) Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe trésor des Abbesses: Un mystère historique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa cité de Carcassonne Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe Sault-au-Matelot: Histoire de la famille Couillard à Québec au XVIIe siècle Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsFaits divers en Bretagne - Volume 3: Chroniques radiophoniques de France Bleu Breizh Izel Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsVoyages à travers l'Histoire: La chute de la Nouvelle-France Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsL'Histoire De L'Irlande Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLouis Riel: Combattant métis Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe Quatrième registre de Tadoussac Rating: 4 out of 5 stars4/5Deux coups de pied de trop: Une enquête de l'inspecteur Héroux Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsDe Sarah à Denise: Un témoignage bouleversant Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe camping du Corbeau: une histoire pour les enfants de 8 à 10 ans Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsAu temps de la Nouvelle France: Roman historique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe Choc des patois en Nouvelle-France: Essai sur l'histoire de la francisation au Canada Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa véritable histoire des héros du Far West: Ils ont vraiment existé Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsUN CRIME SANS NOM: L'affaire de Sault-au-Cochon Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLes Autochtones et le Québec: Des premiers contact au Plan Nord Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsTerre Ancienne: Science-fiction préhistorique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsQUÉBEC, berceau de l'Amérique française Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLes Incas ou la disparition de l'empire du Pérou (Oeuvre complète) Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsPeste et Choléra de Patrick Deville (Analyse de l'oeuvre): Analyse complète et résumé détaillé de l'oeuvre Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsCes lieux qui ont fait l'Histoire: Ouvrage historique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsCriminels et bandits anglais: Les ancêtres de Jack l'Eventreur Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsTerre promise au Québec: Littérature blanche Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsOscar Wilde, du dandy à l'écrivain: Grandeur et décadence d'un artiste provocateur Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsQuand sort la recluse de Fred Vargas (Analyse de l'oeuvre): Analyse complète et résumé détaillé de l'oeuvre Rating: 0 out of 5 stars0 ratings
Wars & Military For You
Le traité de Versailles et la fin de la Première Guerre mondiale: Chronique d’une paix manquée Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe Livre des Cinq Anneaux (Traduit) Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsDes soldats noirs dans une guerre de blancs (1914-1922): Une histoire mondiale Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa Première Guerre mondiale: Un guide pratique sur l'histoire de France au temps de la Grande Guerre Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsTraité de l’Art Militaire: De Re Militari Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa guerre froide, un combat de longue haleine: Quand l’URSS et les États-Unis se partagent le monde Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa guerre d'Algérie: La France face aux remous de la décolonisation Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsL'Art de la guerre: Traité de stratégie en 13 chapitres (texte intégral) Rating: 4 out of 5 stars4/5L'Art de la Guerre - Illustré et Annoté Rating: 5 out of 5 stars5/5Charles de Gaulle: L'homme de la Résistance aux multiples facettes Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLes crimes cachés des présidents: Une autre histoire de l'Amérique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa bataille des Thermopyles: Léonidas et ses 300 Spartiates contre l'Empire perse Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsClovis, roi des Francs: L'Homme derrière la légende Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa bataille de Poitiers: Charles Martel et l'affirmation de la suprématie des Francs Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa guerre de Vendée: L’insurrection populaire de 1793 Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLes plus surprenantes histoires de 14-18: Essai historique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLes femmes les plus scandaleuses de l'Histoire: Portraits de femmes hors du commun Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsHistoire de Vercingétorix: vérités et légendes sur la figure d'un héros national Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLa Première Guerre Mondiale : L’Histoire En Bref – La Grande Guerre Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsL'Ancien Régime: Les origines de la France contemporaine Vol. I Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsUne brève histoire des colonies françaises: Étude historique Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLe Précis de leadership militaire Rating: 5 out of 5 stars5/5Frantz Fanon aux Etats Unis Suivi de commentaires par Josie Fanon, son épouse Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsSS Français: Récits, lettres et témoignages inédits de la SS Charlemagne Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsChateaubriand: Ouvrages historiques (L'édition intégrale - 20 titres): Analyse raisonnée de l'histoire de France + Essai sur les révolutions + De la Vendée + De Buonaparte et des Bourbons + Duchesse de Berry + Vie de Rancé + Les Quatre Stuarts + Génie du Christianisme… Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsLes Arts de la Guerre (Premium Ebook) Rating: 0 out of 5 stars0 ratingsAnciennes Cartes marines 120 illustrations Rating: 5 out of 5 stars5/5L'Art de la Guerre: Suivi de Vie de Machiavel Rating: 3 out of 5 stars3/5De la Stratégie en général Rating: 5 out of 5 stars5/5
Related categories
Reviews for Paysages en bataille
0 ratings0 reviews
Book preview
Paysages en bataille - Isabelle Masson-Loodts
Sur le chemin du front
Par où commencer ce gigantesque voyage temporel et géographique ? Lorsqu’il se fige à la fin de 1914, jusqu’au printemps 1918, le front occidental de la Grande Guerre relie la mer du Nord à la Suisse par une ligne de tranchées continue, longue de 700 km ! Les sources historiques sont nombreuses, les récits littéraires aussi. J’ignore encore si l’angle de la nature déroulera un fil rouge qui me permettra de me repérer dans ce que les combattants de 1914 appelaient le no man’s land, ces quelques dizaines ou centaines de mètres de « terre de personne », entre les tranchées ennemies de première ligne. Ce ne sont pas les seuls lieux que j’envisage de parcourir. Dans le Sud de la Belgique, durant les premières semaines du conflit, le front fut mouvant et les combats sanglants.
Pour l’heure, je cherche un guide. Je découvre avec surprise que Michelin a publié dès 1917 une série d’ouvrages illustrés dédiés aux champs de bataille de la Grande Guerre. Cette collection fut un succès dès sa parution. Déjà bien avant la fin de la guerre, des familles endeuillées venaient en pèlerinage sur le front. Je les imagine découvrir, avec l’accord des autorités militaires, la désolation des contrées délaissées par les combats… Les veuves de guerre et mères orphelines de leur fils, qui obtenaient un laissez-passer pour se rendre sur la tombe du disparu, étaient accompagnées par des soldats qui devaient, je l’imagine, commenter les éléments de ce paysage apocalyptique de ferrailles, de cratères, de fermes détruites, pour retracer les faits qui s’y étaient déroulés.
Les Poilus, les Jass, les Tommies ¹ ont aujourd’hui tous disparu. Le paysage a sans doute changé. Qui pourra m’aider à comprendre ce qu’il nous raconte encore ? Je suis persuadée qu’il a des secrets à nous raconter. Je cherche l’interprète qui le fera parler.
Mes premières recherches me font découvrir le travail d’un botaniste ayant étudié la flore de la région de Verdun. Dans ses publications sur ce thème, Georges Henri Parent parle de « plantes obsidionales », c’est-à-dire de plantes arrivées sur ces lieux au travers de la guerre. Leur présence permettrait même, à certains endroits, de localiser les positions des troupes ennemies, les plantes obsidionales amenées par les belligérants étant différentes selon leurs origines.
Je pense alors que Georges Henri Parent sera peut-être le guide que je cherche. Étrange coïncidence, ce naturaliste réside en Belgique, non loin d’Arlon. Lorsque je parviens enfin à le joindre au téléphone, il me dit de but en blanc qu’il n’aime pas beaucoup les journalistes, mais me fixe rendez-vous quelques jours plus tard, chez lui. En route pour le rencontrer, je cogite. Parviendrai-je à le persuader de m’aider dans mes recherches ? Acceptera-t-il de m’accompagner sur le terrain ? Je ne connais pas encore grand chose de l’histoire de 14-18 et mes notions de botanique sont celles d’une amatrice, pas d’une spécialiste, m’en tiendra-t-il rigueur ?
Avant de frapper à la porte de son domicile, une sorte de trac m’assaille. Georges Henri Parent apparaît. Le petit homme est tout gris. Sa santé n’est pas fort bonne ces derniers temps. Elle l’oblige à ne plus sortir comme il l’aime tant. Son bureau est devenu son antre. Il m’y insalle, m’écoute avec un brin de méfiance, mais aussi de l’intérêt. Pour ce spécialiste, il doit sembler impossible qu’une novice aussi inculte puisse en quelques mois comprendre ce qui a fait l’objet du travail d’une vie, la sienne. Quel âge a-t-il ? Je n’ose pas lui poser la question…
Je tente d’en connaître un peu plus sur sa propre histoire, sur les raisons qui l’ont mené à s’intéresser à la flore particulière des anciens champs de bataille de Verdun. Je suis comme ça, je ne peux m’empêcher de m’intéresser aux parcours personnels de ceux que la vie met sur mon chemin. Georges Henri Parent tique.
« Je n’aime pas qu’on sombre dans l’anecdote… Ce qui m’a ammené à m’intéresser à cette flore particulière, c’est le petit sonneur, un petit crapaud dont la carte de répartition est assez extraordinaire. »
Il s’arrête, sonde des yeux une pile de carnets, retrouve celui qui contient l’observation, et précise.
« Je l’ai découvert le 1er septembre 1979 dans le Bois des Caures, dans un carrefour avec des ornières. La nouvelle de cette découverte a été colportée par tam-tam jusqu’au Conservatoire des sites lorrains… Pendant dix ans, c’est resté la seule station ² connue. Aujourd’hui, on en dénombre deux cents… C’est le site le plus important de France ! »
Ce petit sonneur m’intrigue autant que les plantes obsidionales. C’est donc à Verdun que commencera mon enquête.
« À Verdun, vous retrouvez des témoins végétaux, animaux et paysagers de ce qu’était la nature avant la guerre de 14. C’est bouleversant de voir ça… Le second paradoxe, c’est que c’est sur les sites les plus mitraillés que se trouvent les témoins les plus intéressants. »
En me racontant tout cela, mon interlocuteur sort et étale des cartes. Je sais déjà qu’il ne pourra pas m’accompagner sur place. Il comprend à mon expression, lorsqu’il pointe des noms sur la carte, que je n’y suis encore jamais allée et que j’ignore ce qui s’y est déroulé dans le détail, entre 1914 et 1918… Les Éparges, le Mort-Homme, Froideterre, les Quatre-Cheminées, Douaumont : chacun de ces noms fait naître en moi la curiosité.
Je quitte Georges Henri Parent avec la copie d’une de ses publications sous le bras ³. En première page, l’auteur a inscrit une citation tirée de l’Éloge de la fuite d’Henri Laborit. « Si je pénètre malgré tout dans ce champ miné, c’est plus pour poser des questions que pour y répondre ». Ce soir-là, si je roule vite, ce n’est pas que je fuis. Je suis pressée de me lancer dans la lecture, de programmer mon premier séjour sur l’ancien front, de pénétrer ce champ d’investigation, déjà miné de questions…
1.
Les combattants de la guerre de 1914–1918 reçurent des surnoms : le terme « Poilus » s’appliqua aux soldats français, tandis que les Belges portèrent celui de « Jass » (évoquant le mot jas qui désigne en néerlandais un imperméable), les Anglais furent appelés « Tommies », les Américains « Doughboys » ou « Sammies, les Australiens « Diggers » (ceux qui creusent), et les Allemands « Michel’s » ou « Landsers ».
2.
Une « station » est le site où croît une plante.
3.
Études écologiques et chronologiques sur la flore lorraine, in Bull. SHNM, 1990.
En zone rouge
Au cours de notre conversation, Georges Henri Parent mentionne à plusieurs reprises le nom d’Eric Bonnaire, un agent de l’Office National des Forêts, à Verdun, qui devrait être un excellent guide pour me faire découvrir le champ de bataille sous l’angle de la nature. Quelques jours après cet entretien, je parviens à joindre le forestier et me retrouve aussitôt invitée à participer à un week-end de recensement des chauves-souris hibernant dans les forts, souterrains et autres ouvrages militaires de la fameuse « zone rouge » de Verdun.
Au lendemain de la Grande Guerre, neuf villages de la région de Verdun sont tellement dévastés qu’ils n’accueilleront plus jamais d’habitants. En vertu de la loi du 17 avril 1919 sur la réparation des dommages de guerre, l’État français achète un immense territoire de 17 000 hectares de terrains devenus impropres à la culture. En 1923, cette « zone rouge », désignée ainsi parce qu’alors entourée d’un trait écarlate sur la carte géographique de la région, est confiée à l’administration des Eaux et Forêts pour être boisée. Des parcelles de terre y ont été réhabilitées, avec le