Le livre d'amour de l'Orient: Tome I - Ananga Ranga - Les Maîtres de l'Amour
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Le livre d'amour de l'Orient - Ligaran
Introduction
Le traducteur du Livre de volupté (Bah Nameh) place au frontispice de son œuvre une parole du Livre sacré de l’Orient (Sourate II, verset 23) : « Les femmes sont votre champ, allez à votre champ comme vous voudrez. » Et le commentaire sacré ajoute même : « Allez à votre champ comme vous voudrez, c’est-à-dire usez de vos femmes debout, assises, couchées sur le dos ou sur le ventre. »
Nombreuses sont les œuvres, dans la littérature orientale, qui sont l’amplification de cette simple leçon d’amour. Ce sont les plus remarquables, les plus significatives que nous nous proposons de présenter sous le titre général « Le Livre d’amour de l’Orient ». Elles se passent aisément de commentaires : leur netteté, la précision de leurs enseignements, le pittoresque de leurs tableaux suggestifs, tout cela risquerait d’être affaibli, voire même déformé, par d’inopportunes et d’anachroniques réflexions.
Il nous a paru cependant intéressant, pour replacer le lecteur dans la véritable atmosphère, de rechercher, parmi les études mêmes d’écrivains orientaux, quelques préliminaires renseignements sur les mœurs des peuples d’Orient en matière amoureuse.
Les Orientaux ne sont pas seulement sensuels, ils ont encore la préoccupation de la sensualité. Un chant populaire de Géorgie célèbre la femme aimée en ces termes : « Aucune autant que loi n’était femme et ne savait caresser et renouveler comme toi la voluptueuse étreinte. » Varier les plaisirs, renouveler les jouissances, éviter la monotonie, la satiété, c’est à quoi doit tendre tout homme, tout époux, de façon à pouvoir vivre avec sa femme « comme avec trente-deux femmes différentes ».
Quoi d’étonnant dès lors si des traites spéciaux ont été écrits et scientifiquement présentés sur ce sujet d’une importance vitale ? On connaît bien un traité arabe sur l’« Art d’avoir une belle verge » ; et l’on cite bien la dissertation d’un grand voyageur, Ibn Batoutah, sur l’identité de l’anneau de Salomon et du vagin de l’impératrice de Crimée. Sans se perdre jamais en des subtilités aussi minutieuses, les maîtres de l’amour ont formulé leurs enseignements philosophiques et empiriques que ne trouble pas un instant la pensée de libertinage.
Chose curieuse, cette arrière-pensée, nous la trouverions plutôt chez les poètes, qui chantent que « la volupté des caresses est plus profonde que les mers » et que « l’amant dans les bras de sa bien-aimée plonge dans un océan de félicités » et que « les moments voluptueux, quoique très courts, renferment chacun toute l’éternité ».
C’est encore un poète, Fazil Bey, mort en 1125 de l’hégire, qui a célébré lyriquement les aptitudes amoureuses des femmes de divers pays orientaux.
Les Persanes connaissent les menues coquetteries et devinent bien tout ce qu’implorent leurs amoureux. « C’est surtout l’envie du zebb qui gonfle le cœur de la Persane. Elle s’occupe continuellement de son histoire. Si elle trouve un homme, elle le saisit avec les dents. »
La démarche des Égyptiennes est un don de Satan. Là-bas, les putains se tiennent sur les routes, à droite et à gauche. Quelle lasciveté ! Quelles manières engageantes ! Quel désir de copulation ! On les a pour un poul (la plus petite monnaie).
Dans sa promenade, l’Égyptienne captive un ou deux vaillants copulateurs. Ensuite elle se met à danser à l’arabe. Elle s’assied tour à tour sur les genoux de chacun. Elle a l’air d’une Vénus, et les genoux de ses amants sont les constellations de son zodiaque. Elle est la putain du monde.
Les filles d’Abyssinie sont jolies et sveltes. Elles sont vierges à chaque nuit : on n’ouvre point la perle de leur trésor. Leur histoire délicieuse est un bouton de rose rougissant : si elle s’entrouvre la nuit, elle se referme dans la journée. Un sage dit que la matrice de ces femmes est chaleureuse comme un four ; et alors leur blessure se clôt naturellement par la seule force de cet incendie.
Les femmes du Hidjaz gardent leur pudeur et leur honneur intacts ; il n’y a pas de putains dans ce pays. Mais elles se tatouent en bleu. La plus élégante se fait tatouer un lapin sur le ventre et un lévrier sur la nuque : le lapin se réfugie dans son histoire, et le lévrier court après.
Les femmes de Halep ont beau visage. Il y a tant de putains dans Halep, qu’elles suffiraient à remplir le monde. Tous les quartiers de Halep regorgent de putains… Un habitant de Halep a fait tisser une étoffe toute en figures de zebbs et d’histoires, et s’en est habillé. Incomparable, n’est-ce pas, la pudeur de Halep ?
Toutes les femmes de Constantinople ressemblent à Vénus. Mais il faut distinguer. Les chastes, les pudiques, les « femmes à rideaux » ne quittent point leur maison. D’autres sont des prostituées, sous un manteau de chasteté ; elles font les putains, mais en se cachant. Suivies de deux esclaves, elles font la chasse aux beaux garçons, leur demandant à voir leurs « marchandises », à connaître « la mesure de leur zebb ». – Une autre catégorie, les lesbiennes, s’amourachent les unes des autres, beaucoup d’entre elles jouant le rôle de l’homme. Elles se cajolent et se disent mille gentillesses, puis elles commencent leur affaire. C’est peut-être bien la faute des hommes qui s’aiment entre eux.
Les Bosniaques ont le caractère sauvage. Elles ne se donnent pas souvent. Il y a beaucoup de belles parmi ces femmes, mais la violence et la rage les caractérisent.
Les Géorgiennes ont des charmes captivants, des yeux d’exception ; mais on ne les séduit pas pour de l’argent et des cadeaux ; il y faut des ruses, des pleurs, des gémissements. Elles ont le cœur très tendre.
Les Circassiennes ressemblent à la lune… L’amant trouve en elles tout ce qu’il désire… On se grise d’elles à les voir, à leur sucer les lèvres et les joues. Leur corps est fait de rayons choisis de lune et de soleil.
Nous empruntons à deux recueils spéciaux quelques pages utiles à connaître au point de vue ethnographique, et précieuses aussi pour la précision des conseils physiologiques qu’elles renferment.
Virginité
Chez les peuples de l’Orient, la préoccupation de la virginité est plus factice que réelle : les Turcs n’y tiennent pas absolument ; on est, du reste, très industrieux pour les tromper sur ce point.
Les Égyptiens désirent surtout des filles très jeunes, autant que possible de petite taille.
En Nubie, c’est vers neuf ans que se font les fiançailles ; le mari déflore la jeune fille avec son doigt et devant témoins ; elle ne devient réellement sa femme qu’après une année et plus.
Chez les Arabes, si la fiancée n’est pas nubile, elle est déflorée par une matrone avec l’indicateur de la main droite entouré d’un linge ; si elle a ses menstrues, c’est le mari qui s’en charge, mais toujours avec le doigt recouvert d’un mouchoir, qu’on montre aux parents.
Les Cophtes schismatiques font comme les Arabes.
Les chrétiens catholiques se servent de leur verge pour rompre l’hymen, les deux mères étant présentes.
À Constantinople, le mari commence à coïter ; il est contraint de se retirer lorsque les témoins jugent la femme déflorée, pour que le linge que l’on tient à montrer à la famille contienne seulement du sang.
Les Persans produisent aussi le mouchoir ensanglanté, après l’acte nécessaire à la défloraison.
Infibulation
Dans le Soudan, on incise la femme qui a été infibulée, c’est-à-dire dont le vagin a été rétréci artificiellement. L’infibulation se pratique généralement à l’âge de sept ans, en fendant un peu les grandes lèvres, à leur sommet, ainsi que le clitoris suivant sa longueur, et liant fortement les cuisses, les genoux et les chevilles, sans permettre de mouvement jusqu’à ce que les chairs se collent, ou en forçant le sujet à demeurer une huitaine de jours les jambes fléchies sur les cuisses, afin de faciliter les conditions que l’opérateur se propose pour la cicatrisation.
À Kartoum, on coud, dès l’âge de douze ans, les grandes lèvres, en ne laissant qu’un petit orifice.
Dans leurs excursions en Égypte et en Nubie, MM. Cadalvène, de Breuvery et Combes nous décrivent aussi cette opération. C’est à huit ou neuf ans que les jeunes filles sont soumises à l’infibulation ; un tube très étroit sert à ménager l’ouverture indispensable aux écoulements naturels. Des matrones préposées à cet usage sont chargées de pratiquer la contre-opération à l’époque du mariage. Ces femmes mettent ordinairement à leurs soins un prix élevé ; aussi advient-il quelquefois que le nouveau marié ne peut, faute d’argent, faire subir à sa fiancée cette opération essentielle, et, telle douloureuse qu’elle paraisse, beaucoup de femmes sont exposées à la subir plusieurs fois ; on dit qu’il arrive rarement qu’un Nubien parte pour un long voyage sans s’assurer, par ce moyen de couture, de la vertu de sa moitié pendant son absence. Ce qui, du reste, n’empêche pas en Nubie, comme ailleurs, un jaloux d’être trompé. Lorsque la femme apprend, par une caravane, le retour prochain de son mari, elle se fait recoudre ; il en est ainsi sur lesquelles l’infibulation a été répétée jusqu’à six ou huit fois.
Après le mariage et lorsque le moment est venu d’employer le ministère des matrones, c’est le nouveau marié qui donne ses instructions particulières à celle-ci.
Ainsi qu’il arrive souvent, lorsqu’on croit avoir tout prévu, l’infibulation, qui paraissait la meilleure garantie de la virginité des jeunes Nubiennes, produit fréquemment un résultat absolument opposé : bien des femmes, vendues comme esclaves, se refont ainsi une virginité en subissant ce mode de rétrécissement artificiel, qui permet au marchand de tromper l’acheteur sur la valeur réelle de sa marchandise.
Relations sexuelles
Sauf le premier jour, pendant lequel le vocabulaire du marié est plein de paroles affectueuses et passionnées, les Égyptiens affectent, sous prétexte de dignité, la plus grande indifférence et manquent absolument de tendresse. Les femmes le leur rendent bien, mais avec, cette différence qu’elles ne le font pas paraître et profitent du domino qui les couvre indifféremment dans la rue pour commettre toutes sortes d’infidélités.
Il ne peut en être autrement, surtout en pays musulman, quand cela ne serait que par curiosité, puisque leur religion vante seulement les plaisirs des sens comme étant le plus grand attrait du paradis de Mahomet.
L’avortement est pratiqué sur une grande échelle au Caire, ainsi que la pédérastie, sans se cacher ni s’en défendre.
J’ai été à même, pendant plusieurs années de séjour en Perse, de me convaincre que la sodomie était dans l’Iran une habitude aussi invétérée qu’elle était ancienne. Là, les hommes ne se montrent réellement amoureux et jaloux que de leurs mignons.
Les poésies sont faites surtout pour vanter les délices de ce genre de libertinage, soit avec des enfants, soit avec des animaux.
Des jeunes garçons de douze ans et plus servent à ce plaisir honteux. On désigne ces adolescents sous différents noms : autrefois icoglans, aujourd’hui danseurs, pages ou pichketmets, comme au Caire les mameluks, qui ont la spécialité de coucher toujours aux pieds du maître, avec lequel ils sont, tour à tour, serviteur passif ou actif.
Les femmes, un peu délaissées et que les maris voient seulement pendant la journée, se livrent entre elles à la masturbation ; elles ont souvent un amant de leur sexe, de même que le maître courtise un homme. Pour ce dernier cas, les détails ne nous manquaient pas, et, comme nous cherchions surtout à nous renseigner sur ce qui avait rapport aux tribades arabes, la chose nous fut affirmée, et je dois même ajouter que le narrateur nous surprit beaucoup en nous racontant le fait suivant :
« Deux femmes vivaient ensemble dans une grande intimité. Le mariage de l’une n’interrompit pas leurs coupables embrassements. Un beau jour, celle qui n’avait pas de mari devint enceinte ; à côté de l’affirmation qu’elle en donnait, il fut presque prouvé qu’elle ne recevait pas d’homme. »
Je ne raconte ce fait que parce que Godard l’a consigné dans ses notes en l’apostillant de la remarque qu’il était possible que la femme active, la vulve encore chargée de semence, ait frotté celle de sa compagne et y ait déposé les animalcules de son mari.
On a souvent agité dans la Société d’anthropologie la grande question de la génération.
M. Claude Bernard a traité ce sujet dans d’instructives conférences ; j’ai cru comprendre que le savant professeur ne serait pas éloigné d’accorder à la conception une limite d’effet un peu plus grande que celle admise, jusqu’à autoriser à penser, par exemple, qu’une femme vue par un blanc et par un noir dans la même nuit peut concevoir deux enfants, l’un noir, l’autre blanc.
Des dispositions des femmes et de leur âge
Il est bien connu des gens experts en la matière à quels fâcheux inconvénients les femmes sont exposées par leur constitution. C’est cependant lors de ces époques qu’elles sont plus disposées au contact sexuel, car il les aide à revenir à leur état ordinaire : c’est ce qu’il y a de meilleur pour elles ; se livrer alors à la copulation leur procure un surcroît de vitalité. C’est aussi alors que l’homme y trouve plus de plaisir.
S’il leur survient un accès de fièvre, elles sont plus travaillées et plus brûlantes encore du désir voluptueux ; c’est aussi dans cette circonstance que l’on jouit plus agréablement d’elles. Tout le long du jour elles éprouvent, entre les grandes lèvres, une démangeaison qui les porte à un incessant frottement. L’urine qui se produit dans ce cas est des plus saines et sa sortie équivaut à une purification, car elle est alors formée de la crème des substances laiteuses. De plus, quand vient la nuit, les grandes lèvres se collent l’une contre l’autre et, toutes fermées qu’elles sont alors, elles exhalent une odeur plus suave que la bouche d’un galantin.
Koran-bey, le bien-aimé, s’exprime ainsi : – Subtil, ingénieux et expérimenté comme je le suis, je conseillerai de s’abstenir de l’action d’amour pendant le sommeil de la belle, quelque violents que soient les désirs et la passion dont vous soyez agités, car alors la purifiante et agréable humidité dont nous avons précédemment parlé ne se reproduit point. Pour la même raison, ajoutent les auteurs, abstenez-vous de toute fille qui n’a point dépassé sa douzième année.
Pir-Ali-Hafiz donne la limite de treize à dix-huit ans comme la plus convenable pour user des filles.
Hanem-Abla conseille de se tenir entre quinze et vingt ans.
Mahmoud le Gaznevide prétend que tout âge est bon du moment, où la fille inspire des désirs, du moment où elle fait naître chez l’homme une passion sensuelle.
Rétis exprime l’opinion que pour l’action charnelle la fille de seize ans est préférable, mais qu’on peut user de la femme tant que l’esprit se porte vers elle. Je prétends que c’est pousser les choses trop loin et qu’il ne faut pas dépasser l’âge où les règles ont cessé.
Kasgani-Muchir-Pacha s’exprime ainsi : – En pareille matière, mes amis, rien ne peut remplacer l’expérience. En cela, l’opinion d’un simple nègre peut l’emporter sur tous les autres. Nous voulons dire par là que chacun a, sur ce sujet, des vues particulières, conformes à sa nature et à son tempérament ; ses appétits en tiennent directement et ils subsistent chez lui jusqu’à la mort.
Des moments et des âges
Il nous faut d’abord dire que tous les médecins, c’est-à-dire ceux véritablement instruits dans leur art, prescrivent à l’homme de s’abstenir de toute copulation et de toute éjaculation au lever du jour. Ils prétendent que c’est chose des plus contraires à la santé ; elle fait naître des maladies et engendre une vieillesse anticipée.
Selon certains auteurs, à qui fait l’amour chaque soir faiblesse est inconnue.
Il est également mauvais et de s’abandonner sans mesure à l’entraînement des passions juvéniles et d’y résister presque absolument.
Le père de la vérité (Mahomet) dit à ceux dont la barbe commence à blanchir : « Le commerce charnel est cause de maladie pour le vieillard et pour celui que les infirmités accablent. » D’après cela, il est nécessaire d’assigner un délai de continence aux gens blessés, jusqu’à ce qu’ils aient recouvré leurs forces.
Jusqu’à la puberté, il faut s’abstenir.
La copulation fréquente est nuisible même jusqu’à la vingtième année ; à cet âge, il est suffisant de s’y livrer une fois en deux jours. Il est bien entendu qu’il faut toujours que les deux parties soient d’accord : la femme