La Procédure
By Alex Tallon
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La Procédure - Alex Tallon
© Groupe De Boeck sa., 2012
EAN : 978-2-8044-5639-9
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www.larcier.com
Éditions Larcier
Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.
ISSN 2030-2452
Avant-propos et hommage
Lorsque la première édition du présent ouvrage est parue, la loi modificative du 5 juin 2007, adaptant la LPCC à la directive européenne 2005/29/CE, venait de paraître.
Trois ans plus tard, une toute nouvelle loi voyait le jour, ou plutôt deux, puisque le projet de loi initial fut divisé en deux parties.
Une mise à jour du volume consacré à la Procédure en matière de pratiques du commerce était dès lors indispensable.
Si les grands acquis de la LPCC restent, la LPMC¹, la loi du 6 avril 2010, a de manière fort heureuse toiletté les textes existants et leur a redonné une structure cohérente. Sur le plan de la procédure, on peut dire que l’évolution la plus marquante concerne le champ d’application de la loi et l’introduction de la notion d’entreprise, qui met la LPMC en harmonie avec la directive européenne ainsi qu’avec le droit de la concurrence en général. D’autres modifications concernent la prescription, le délai de régularisation, la publication, la sanction pénale du respect de l’ordre de cessation limitée à l’article 2 RPLPMC et la suppression de la possibilité d’introduire l’action en cessation par requête.
Je souhaiterais ici rendre hommage à Aimé De Caluwé qui nous a quittés en 2011 et qui est l’initiateur du présent ouvrage ainsi que de la collection. M. De Caluwé a toujours été, à juste titre, connu et reconnu comme un expert incontournable en la matière. Il avait d’ailleurs été à l’époque un acteur important dans la mise sur pied de la première loi sur les pratiques du commerce, en 1971. Praticien du droit avant tout, il a toujours eu à cœur d’éclairer de son expérience d’avocat les textes légaux et d’axer son analyse sur les cas concrets de la jurisprudence. J’espère humblement rester dans la ligne qu’il a tracée et que, de là où il est, il peut regarder en souriant, de ce sourire qui lui faisait scintiller les yeux, les efforts que je fais pour ne pas démériter.
1- Nous utilisons l’abréviation LPMC pour la loi sur les pratiques du marché et la protection du consommateur et RPLPMC pour la loi sur les règles de procédures relatives à cette loi.
PREMIÈRE PARTIE
De l’action en cessation
Chapitre 1
Évolution historique des actions concurrentielles
Section 1
1934 et avant
1. Avant 1934, la concurrence déloyale n’était réprimée que par le biais de l’action ordinaire en indemnisation fondée sur l’article 1382 du Code civil. Une demande en cessation y était parfois jointe, et était d’ailleurs entièrement recevable car fondée sur le pouvoir d’injonction que l’article 1036 du Code de procédure civile accordait aux tribunaux. Par ailleurs, quelques rares dispositions pénales réprimaient des infractions de nature à la fois trompeuse et concurrentielle.
Il s’est toutefois avéré, dans un monde de plus en plus concurrentiel, qu’il convenait de se doter d’instruments permettant une répression plus rapide et efficace de l’acte économique illicite.
Étant donné l’échec des tentatives de 1912 de créer une législation nouvelle, il fallut attendre 1934 avant que soit introduite dans notre droit une disposition créant une procédure pratique et rapide à l’instar de ce qui existait en Allemagne depuis le 7 juin 1907.
C’est ainsi, par l’arrêté royal no 55 du 23 décembre 1934 pris en exécution de l’article 10bis de la Convention d’Union de Paris, que fut introduite dans notre droit l’action en cessation. Outre une définition nouvelle de l’illicéité de l’acte concurrentiel, l’arrêté royal no 55 confiait au président du tribunal de commerce la tâche d’apprécier et d’appliquer la procédure sommaire et rapide comme en référé.
Le rapport au Roi précédant l’arrêté royal no 55 précise qu’il a paru plus expédient de ne pas faire de l’acte de concurrence déloyale lui-même une infraction, mais d’instituer l’action en cessation et de n’ériger en infraction que le manquement aux injonctions ou interdictions portées dans la décision ordonnant la cessation.
Ce moyen de défense nouveau se révéla extrêmement efficace et il y fut fait un appel sans cesse croissant pour lutter contre les excès de la lutte économique, y compris à l’époque pour les violations des droits de propriété intellectuelle. Un survol de la jurisprudence de 1934 à nos jours permet du reste de déceler les points forts de ces conflits, de par les types de questions tranchées, l’abondance relative de décisions à un moment donné indiquant les problèmes controversés ou épineux, tels ceux des pièces détachées avant 1940, des prix imposés, des conventions d’exclusivité entre 1930 et 1960.
On comprend dès lors que le législateur de 1971 l’ait maintenu et en ait même étendu le champ d’application.
On remarquera cependant que le principe même de l’action en cessation était pour l’époque assez exorbitant, puisqu’il dérogeait à l’idée enracinée qu’une infraction devait être assortie d’une sanction pénale. On tenta de justifier la nouvelle formule en considérant qu’une sanction pénale exigeait la mauvaise foi, plus fréquemment absente dans les manquements concurrentiels.
C’était singulièrement négliger que la concurrence illicite était étrangère à toute notion de bonne ou de mauvaise foi, cette distinction ancienne étant largement dépassée.
La justification réelle du nouveau mode de répression était principalement la facilité de son application, qui évitait le recours au juge pénal peu enclin à s’immiscer dans des conflits privés. Aussi, tous ceux qui avaient l’expérience de la question envisagèrent-ils l’extension la plus large possible du champ d’application de l’action en cessation.
L’exposé des motifs témoigne cependant de l’embarras du législateur, moins conscient des impératifs de la pratique quotidienne. Aussi l’évolution législative nous indique-t-elle le passage d’un savant, mais peu réaliste, équilibre des sanctions d’après la bonne ou la mauvaise foi. Ce souci du législateur a néanmoins engendré une certaine équivoque et a donné erronément l’impression que l’ordre de cessation n’était qu’un avertissement, créant l’illicéité pour l’avenir. Cette conception est inexacte, parce que l’acte condamné est interdit et donc illicite a priori, comme le faisait ressortir la rédaction de l’article 54 de la loi de 1971 (actuellement l’art. 2 de la loi du 6 avril 2010 réglant certaines procédures dans le cadre de la loi sur les pratiques du marché – la RPLPMC). La décision judiciaire n’est donc pas un avertissement, mais une mesure de discipline commerciale.
Que la récidive de l’acte illicite soit sanctionnée pénalement ne signifie nullement que l’ordre de cessation est démuni de sa fonction disciplinaire, mais bien qu’à la gravité accrue de l’acte correspond une autre sanction.
De l’équivoque créée, il subsistera que l’acte de mauvaise foi pourra faire l’objet de poursuites répressives (art. 61 de la loi du 14 juillet 1971, actuellement art. 125 LPMC). Cette équivoque est d’autant plus flagrante que, par la loi modificative de juin 2007, le législateur a assorti de sanctions pénales la quasi-totalité des pratiques déloyales, à l’exception de l’interdiction générale visant les actes entre vendeurs (voy. l’art. 102 LPCC introduit par la loi modificative du 5 juin 2007, actuellement art. 124 LPMC et applicable aux entreprises).
Section 2
De 1971 à 1991
2. La période qui s’étend de 1971 à 1991 ne paraît pas avoir amené une grosse modification de cette façon de voir.
Dans les commentaires qui ont suivi l’entrée en vigueur de la loi de 1971, les auteurs ont pratiquement confirmé la vision qui a été énoncée¹, encore qu’à l’époque ils soulignaient le peu de fréquence de l’action en cessation, situation qui a rapidement pris fin par la suite pour aboutir à une véritable explosion.
D’éminents auteurs ont appuyé l’opinion selon laquelle le caractère de bonne foi de l’acte poursuivi n’empêche pas le tribunal de statuer² et se sont contentés de rappeler que la recevabilité de la demande est subordonnée au double fondement de l’existence de l’acte contraire aux usages honnêtes et de l’exigence de sa cessation³. La volonté du législateur d’élargir le champ d’application de l’action en cessation pouvait également être constatée⁴.
Encore que le législateur de 1991 se soit assez peu penché sur la nature de l’action en cessation et sur sa portée, cette absence de volonté de modification permet de conclure que l’appréciation de cette action est favorable. On en voudra pour preuve sa généralisation en quantité de domaines tels que la publicité trompeuse émanant de professions libérales ou les atteintes au droit d’auteur ou la matière financière.
Cette satisfaction du législateur se retrouve dans l’exposé des motifs du projet 947 du 23 juillet 1985⁵ qui souligne que : « Loin de désavouer le processus de dépénalisation de la matière entamé en 1971, le présent projet le conforte, en étendant doublement le champ d’application de l’action en cessation (chapitre V). Il l’étend tout d’abord, ratione materiae, à tous les manquements à la loi, même pénalement réprimés, et non plus seulement à une liste de manquements limitativement énumérés. Il l’étend ensuite ratione personae. Par approbation en effet de l’article 18 du Code judiciaire, et par le jeu de dispositions nouvelles relatives à la norme générale de conformité aux usages honnêtes à l’égard du consommateur, à la vente par correspondance et à la vente en dehors de l’entreprise du vendeur notamment, le bénéfice de l’action en cessation est accordé également au consommateur qui justifie d’un intérêt né et actuel. Mieux que des réformes importantes et coûteuses, l’équilibre des instruments ainsi mis à la disposition des professionnels et des consommateurs, dont l’expérience acquise a permis d’évaluer l’efficacité, contribuera à l’assainissement du marché. »
Certains passages des travaux préparatoires permettent également d’apercevoir des objectifs nouveaux, tels que la publicité d’extraits des jugements de condamnation et non plus du texte entier en vue d’assurer une meilleure intelligibilité de cette publication et tels aussi qu’un accès facilité à ce type d’action pour les associations et groupements⁶.
Les auteurs du projet 947⁷ ont également souligné leur volonté de réprimer par l’action en cessation tous les manquements à la loi.
La discussion ultérieure du projet devant le Sénat n’a pas donné lieu à d’autres observations que celle visant à substituer le terme « manquement » au terme « infraction » figurant à l’article 95. La réponse du ministre a le mérite de souligner la volonté du législateur de soumettre à l’action en cessation toutes les atteintes tant à la loi elle-même qu’aux arrêtés d’exécution et, en ce dernier cas, par le biais des articles 93 et 94⁸.
Section 3
Depuis 1991 jusqu’aux modifications apportées par les lois de 2007
3. Les auteurs appelés à se pencher sur l’action en cessation au moment de la promulgation de la loi du 14 juillet 1991, n’ont pas manqué de souligner l’inflation doctrinale ou jurisprudentielle suscitée par la loi de 1971, et ce, contrairement à ce que témoignait la situation antérieure⁹.
Il convient de relever également l’opinion critique exprimée par le regretté J. Laenens¹⁰. L’auteur examine la question sous l’angle procédural et exprime le regret de voir une fois de plus mettre à mal l’unité voulue par le Commissaire royal Charles Van Reepinghen. Nous pouvons en effet déplorer ce droit à deux vitesses notamment sur le plan des clauses abusives et aussi des définitions sui generis aptes à semer la confusion. Le savant auteur fait toutefois erreur lorsqu’il regrette que le législateur ait conçu une procédure sui generis portant atteinte à l’unité antérieure. Ce point de vue néglige le fait que déjà l’article 589 du Code judiciaire avait retenu l’action en cessation telle qu’elle s’exerçait en vertu de l’arrêté royal du 23 décembre 1934. Les seules modifications subies par cette procédure de 1934 à 1991 constituent des accessoires sous l’angle de l’unité procédurale.
4. La loi du 5 juin 2007¹¹ apporte des modifications importantes à la loi de 1991, sans qu’elles soient fondamentales au niveau de la procédure. La modification légale vise à transposer la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs¹². Le champ d’application de la directive est large : ne sont ainsi exclues dudit champ d’application, comme il ressort du sixième considérant de cette directive, que les législations nationales relatives aux pratiques commerciales déloyales qui portent atteinte « uniquement » aux intérêts économiques de concurrents ou qui concernent une transaction entre professionnels. Ne sont donc pas exclues les dispositions nationales qui visent également la protection concurrentielle ou les dispositions nationales qui visent aussi d’autres intérêts que les intérêts des consommateurs¹³.
Cette directive a pour objectif principal d’harmoniser la protection des consommateurs et établit une interdiction générale des pratiques commerciales déloyales qui altèrent le comportement économique des consommateurs. Le premier alinéa de l’article 95 LPCC, qui est la base de l’action en cessation, est resté inchangé.
Par contre, d’autres modifications légales ont eu plus d’impact sur l’action en cessation et la compétence du président du tribunal, et nous pensons plus particulièrement à la loi du 10 mai 2007 relative aux aspects de droit judiciaire de la protection des droits de propriété intellectuelle qui entrera en vigueur le 1er novembre 2007 (nous en parlerons plus loin).
5. D’autres lois ont repris le principe de l’action en cessation. Ainsi :
– l’article 109 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation modifié par la loi du 24 mars 2003 : « le président du tribunal de commerce constate l’existence et ordonne la cessation des actes, même pénalement réprimés, constituant une infraction aux dispositions des articles 5 à 9 (concernent la publicité du contrat de crédit), 14 (concernant les mentions du contrat de crédit), 29 à 31 (concernant les clauses de déchéance et les clauses modificatives), 33 (sur l’interdiction de garantie par lettre de change), 33bis (sur la vente forcée du bien acquis par crédit), 40 (sur la publicité en matière de vente à tempérament), 41 (sur les mentions dans le contrat de vente à tempérament), 48 (sur la publicité en matière de crédit-bail), 49 (sur les mentions dans les contrats de crédit-bail), 55 à 58 (sur les publicités et mentions en matière de prêt à tempérament et des ouvertures de crédit), 63 à 65 (sur les obligations des intermédiaires) de la présente loi, conformément aux règles prévues par la législation sur les pratiques du commerce en matière d’action en cessation » ;
– l’article 6 de la loi du 26 mai 2002 relative aux actions en cessation intracommunautaires en matière de protection des intérêts des consommateurs (M.B., 10 juillet 2002, err. M.B., 6 août 2002) ;
– l’article 16 de la loi du 17 juillet 2002 relative aux opérations effectuées au moyen d’instruments de transfert électronique de fonds (M.B., 17 août 2002) ;
– l’article 9 de la loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrement amiable des dettes du consommateur (M.B., 29 janvier 2003) ;
– l’article 9 de la loi du 24 mars 2003 instaurant un service bancaire de base (M.B., 15 mai 2003) ;
– l’article 4 de la loi du 12 mai 2003 concernant la protection juridique des services à accès conditionnel et des services d’accès conditionnel relatifs aux services de la société de l’information (M.B., 26 mai 2003) ;
– l’article 4 de la loi du 1er septembre 2004 relative à la protection des consommateurs en cas de vente de biens de consommation (M.B., 21 septembre 2004) (l’action en cessation visant les intérêts collectifs des consommateurs est dans ce cas réservée aux associations ayant pour objet la défense des intérêts des consommateurs).
Signalons enfin que le succès de l’action en cessation¹⁴ et la rapidité des décisions auxquelles elle donne lieu ont incité le législateur à l’appliquer en dehors des domaines strictement commerciaux, en instituant par exemple une action similaire en matière de protection des droits d’auteur et des droits voisins par la loi du 30 juin 1994 (et ses art. 87 et 87bis), en matière de protection juridique des bases de données par la loi du 31 août 1998 (et son art. 7). Ces deux lois donnaient compétence exclusive au président du tribunal de première instance. Depuis la modification de 2007, la compétence est attribuée, selon la qualité de commerçant de la partie citée, au président du tribunal de première instance ou au président du tribunal de commerce. Mentionnons enfin la loi du 26 juin 2003 relative à l’enregistrement abusif des noms de domaine qui donne compétence, par son article 4, au président du tribunal de première instance ou, le cas échéant, au président du tribunal de commerce.
Section 4
La loi sur les pratiques du marché de 2010
6. Moins de trois ans après les modifications substantielles apportées en 2007, l’urgence de légiférer était à nouveau à l’ordre du jour (voy. le rapport à la Chambre du 9 février 2010).
La nouvelle loi est en effet intervenue rapidement. Après avoir scindé en deux le projet initial, les deux nouveaux projets (l’un contenant l’ensemble des dispositions sur les pratiques, dites à présent « du marché », sauf les règles de procédure, reprises dans l’autre) furent évoqués par le Sénat, qui décida finalement de ne pas amender les deux textes et de les renvoyer à la Chambre.
La scission était nécessaire sur la base de l’article 72.2.2° du règlement de la Chambre qui prévoit :
« Au cas où, dans un projet ou une proposition de loi qui relève, en vertu de son article 1er, d’une des trois procédures législatives visées à l’article 74, à l’article 77 ou à l’article 78 de la Constitution, des dispositions sont proposées qui relèvent d’une autre de ces trois procédures, ces dispositions sont disjointes de ce projet ou de cette proposition de loi ».
Les travaux parlementaires n’en disent mot. L’action en cessation – matière qui intéresse l’organisation des cours et tribunaux – relève de la compétence tant de la Chambre que du Sénat en vertu de l’article 77 de la Constitution. Le surplus du projet initial tombe sous l’application de l’article 78 de la Constitution et ne peut être examiné pour autant qu’il est évoqué.
C’est ainsi que deux lois furent votées le 6 avril 2010 : la loi relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (la LPMC) et la loi concernant le règlement de certaines procédures dans le cadre de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur (la RPLPMC).
L’exposé des motifs du projet de loi déposé le 28 décembre 2009 (pp. 7 et 8) indique que la réglementation telle que modifiée en 2007 était trop récente pour être d’ores et déjà soumise à une évaluation. Le rapport de M. De Bauw, qui forme la base de la nouvelle loi du 6 avril 2010, n’aborde dès lors pas les modifications de 2007, à quelques exceptions près. Ces modifications ne font donc pas partie de la révision proposée par M. De Bauw. La loi de 2007 prévoyait d’ailleurs, par la voie d’une mesure transitoire, une coordination complète de la loi de 1991. Cette disposition n’est évidemment pas conciliable avec la volonté du même législateur, exprimée dès 2007, d’en venir rapidement à une nouvelle loi. Les modifications de 2007 ne furent somme toute qu’une étape intermédiaire dans la refonte de la loi sur les pratiques du commerce. Elles ne correspondaient d’ailleurs pas à une transposition complète de la directive européenne, puisque la notion de « vendeur » fut maintenue, ce qui excluait d’office les professions libérales pourtant incluses dans la notion d’entreprise prônée par la directive. Le législateur de 2010 a repris la notion d’entreprise, en excluant toutefois les professions libérales soumises à un organe disciplinaire. En d’autres termes, il ne s’agit toujours pas d’une transposition complète de la directive, puisque la loi de 2002 n’a pas fait l’objet d’une mise à jour. Nous y reviendrons plus tard.
1- G. SCHRICKER et B. FRANCQ, La répression de la concurrence déloyale dans les États membres de la CEE – Belgique, Paris, Dalloz, 1974, nos 125 à 127.
2- P. DE VROEDE et G.L. BALLON, Handboek Handelspraktijken, Anvers, Kluwer, 1989, no 1305.
3- P. DE VROEDE et M. FLAMÉE, Handboek van het Belgisch economisch recht, Anvers, Kluwer, 1989, no 2027.
4- J. STUYCK, Handels- en Economisch Recht, Deel 2, « Mededingingsrecht-Handelspraktijken », Gand, Story Scientia, 1985, no 8, p. 10.
5- Doc. parl., Sénat, sess. 1984-1985, no 947/1, 23 juillet 1985, pp. 84-85.
6- Doc. parl., Ch. repr., sess. 1989-1990, no 1240/20, rapport du 10 janvier 1991, pp. 10 et 11.
7- Voy. la note 5, p. 46.
8- Doc. parl., Sénat, sess. 1990-1991, no 1200/2, rapport de la Commission, pp. 101 et 102.
9- B. FRANCQ, « Procédure et sanctions », in Les pratiques du commerce et la protection et l’information du consommateur depuis la loi du 14 juillet 1991, Bruxelles, Éditions du Jeune Barreau, 1991, p. 219.
10- J. LAENENS, « De vordering tot staking herbezocht », in J. STUYCK et P. WYTINCK, De nieuwe wet handelspraktijken, Anvers, Kluwer, 1992, pp. 15 et s.
11- M.B., 21 juin 2007, entrée en vigueur à partir du 1er décembre 2007.
12- La directive vise une harmonisation complète, de telle sorte que les États membres ne peuvent interdire des pratiques commerciales, quelles que soient les circonstances, qui ne sont pas reprises dans la liste limitative de la directive : J. STUYCK, « Pratiques du commerce et concurrence : vers un nouvel équilibre ? », D.C.C.R., no 91, 2/2011, p. 14.
13- Arrêt Plus Warenhandelsgesellschaft, CJUE, 14 janvier 2010, C-304/8 ; arrêt Mediaprint, CJUE, 9 novembre 2010, C-540/8.
14- J. VAN COMPERNOLLE et M. STORME (éd.), Le développement des procédures « comme en référé », actes du colloque du 17 décembre 1993 à Louvain-la-Neuve, Bruxelles, Bruylant, 1994.
Chapitre 2
Champ d’application
Section 1
Évolution de 1934 à 1971
7. Dans cette période, la jurisprudence a eu à arbitrer trois controverses importantes en ce qui concerne le champ d’application de l’arrêté royal no 55 du 23 décembre 1934 sur des thèmes qui reviendront par la suite.
La matière de la propriété dite industrielle a été exclue¹. Le même sort a été réservé aux actes constituant un engagement contractuel².
Quant à l’application éventuelle de l’action en cessation aux actes interdits par une loi pénale distincte, de nombreuses décisions ont statué de manière contradictoire. La doctrine avait néanmoins réagi, en se préoccupant du recours à l’action en cessation pour tous les actes économiques pénalement réprimés³.
Aussi a-t-on vu s’amorcer dans la jurisprudence la confirmation de la compétence du juge de l’action en cessation en matière de délits⁴, évolution qui fut heureusement maintenue par l’article 55 de la loi du 14 juillet 1971.
Section 2
Les travaux préparatoires et la loi du 14 juillet 1971
8. Le champ d’application de la loi du 14 juillet 1971, qui est repris dans les articles 55 et 56 de cette loi, a fait couler beaucoup d’encre.
En effet, l’avant-projet de la loi le restreignait considérablement, en soustrayant à l’action en cessation la réglementation des prix, tout ce qui faisait l’objet des articles 1er à 53 de la future loi, ainsi que les actes constituant une infraction à une disposition pénale !
L’exclusion des infractions pénales, qui rejoignait la jurisprudence de l’époque, était fort critiquée⁵. Dans son avis, le Conseil d’État rejoignait cette critique⁶ en précisant qu’il ne serait pas logique d’écarter l’action en cessation pour des faits plus graves constitutifs d’infraction pénale. Le Conseil d’État suggérait par ailleurs d’instaurer une règle générale grâce à laquelle tout acte contraire aux usages honnêtes pourrait faire l’objet d’une action en cessation, qu’il soit ou non constitutif d’infraction en vertu du projet ou en vertu d’autres dispositions pénales.
L’avis du Conseil d’État approuve enfin l’exclusion