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Contes des Juifs de Tunisie
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Contes des Juifs de Tunisie

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Un florilège de mythes, de contes et de légendes permet de pénétrer dans l'imaginaire des Juifs de Tunisie

La fête battait son plein. La mariée se tenait, immobile... comme une mariée. Assise sur son trône élevé, parée, fardée, attifée comme une poupée, tellement chargée de robes et de bijoux que tout mouvement lui est difficile, la mariée attend. C'est une belle et grande femme... un peu trop grande peut-être. Enfin vient le moment de se retirer et d'aller dans la nouvelle maison avec son mari. Le cortège arrive devant la porte de la nouvelle demeure, mais ô stupeur, la mariée est bien trop grande ! Impossible de lui faire passer la porte ! Ou alors, c'est la porte de la maison qui est trop basse. Comment résoudre ce problème ? Chacun y va de son conseil :
- Il faut démolir le linteau de la porte !
- Il faut couper la tête de la mariée !
- Non, lui couper les jambes !
On s'échauffe, on s'énerve, la mariée pleure et re-pleure. A ce moment passe Ch'ha. Il observe la scène. Et puis il s'avance et brusquement, il donne un coup sur la nuque de la pauvre fille qui baisse la tête et est projetée en avant. Elle passe ainsi la porte. C'est le délire ! Les youyous reprennent ! On porte Ch'ha en triomphe... Quand on ne trouve pas une solution simple à un problème simple on dit :
- La porte de la maison est trop basse et la mariée est trop grande.


À PROPOS DE LA COLLECTION

« Aux origines du monde » (à partir de 12 ans) permet de découvrir des contes et légendes variés qui permettent de comprendre comment chaque culture explique la création du monde et les phénomènes les plus quotidiens. L’objectif de cette collection est de faire découvrir au plus grand nombre des contes traditionnels du monde entier, inédits ou peu connus en France. Et par le biais du conte, s’amuser, frissonner, s’évader… mais aussi apprendre, approcher de nouvelles cultures, s’émerveiller de la sagesse (ou de la malice !) populaire.

DANS LA MÊME COLLECTION

• Contes et légendes de France
• Contes et légendes de la Chine
• Contes et légendes du Burkina-Faso
• Contes et légendes d'Allemagne, de Suisse et d'Autriche
• Contes et récits des Mayas
LanguageFrançais
Release dateApr 30, 2015
ISBN9782373800203
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    Contes des Juifs de Tunisie - Susanne Strassmann

    PRÉFACE

    Il était une fois…

    Cela commence comme un conte, mais ce n’est pas un conte. Oui, il était une fois des Juifs en Tunisie. Ils vivaient dans ce pays depuis des temps immémoriaux, arrivés peut-être avec les Phéniciens qui fondèrent Carthage. D’autres ont été amenés comme esclaves depuis la Judée par les Romains après qu’ils eurent détruit le Temple de Jérusalem. Ils connurent la domination de Byzance, puis des Vandales. Ils virent arriver les cavaliers arabes et prirent part aux rudes combats que leur opposèrent les Berbères sous la conduite de leur reine, la célèbre Kahena, que l’on dit elle-même juive.

    Ils participèrent à la splendeur de Kairouan sous les princes Aghlabites puis les califes Fatimides. Ils virent débarquer les Normands dont on se demande ce qu’ils venaient faire entre la Sicile et l’Ifriqiya. Ce fut ensuite une période espagnole lorsque Charles-Quint réalisa enfin son obsession d’occuper Tunis. Puis la Tunisie devint un vyalet (province) de l’immense Empire turc. En 1881, les Français arrivèrent et imposèrent au Bey leur protectorat. Ils amenaient avec eux leur langue et leur culture dont les juifs ont largement profité. Pour les Juifs Tunisiens qui vivaient jusque-là dans la condition de dhimmis, citoyens de deuxième zone, protégés par l’Islam moyennant le paiement d’un impôt spécifique, la jazya, ainsi qu’un certain nombre de limitations et pas mal d’humiliations, la période française fut incontestablement l’une des plus heureuse, sinon la plus heureuse de leur histoire. À la veille de l’indépendance, près de 150.000 Juifs vivaient en Tunisie et il n’y avait pas de ville ou de village qui ne possédait sa synagogue. Il en reste aujourd’hui moins de deux mille. Les autres se sont dispersés à travers le monde, surtout en France et en Israël. Leur langue, le judéo-arabe, un mélange d’arabe, d’hébreu, avec des emprunts à l’italien, l’espagnol et le français a pratiquement disparu. Il faut remercier Sonia Koskas d’avoir par cet ouvrage contribué à conserver une partie de leur folklore. Avec elle on retrouve la foi profonde qui les animait, leurs coutumes et aussi leurs superstitions.

    On retrouve les jnoun (djinns) ou lutins qui tenaient une si grande place dans leur vie. Ces djinns omniprésents étaient, croyait-on, capables de tout le bien comme de tout le mal et il fallait absolument s’assurer leurs bonnes grâces au moyen d’encens, d’offrandes de fruits secs et de séances d’exorcisme dont l’origine vient du fond de l’Afrique. Les musiciens spécialisés dans ce genre de cérémonie se déplaçaient à trois dans les rues de Tunis. L’un jouait de la cornemuse ou du biniou, le deuxième tapait sur un tambour et le troisième agitait des cymbales. On les hélait depuis les balcons et les fenêtres et moyennant quelques francs, ils animaient un stambali (la fête accompagnée de la musique par les Gnaoua, originaires de Guinée), au cours duquel, dans les lourdes fumées de l’encens, les femmes dansaient jusqu’à la syncope pour extirper le démon qui était en elles. Pas un djinn ne pouvait leur résister. Et après leur départ, on pouvait être certain que tous avaient été ramenés à la raison. Tunis-la-juive, c’était aussi les rabbins miraculeux dont on invoquait la mémoire à longueur de journée pour leur demander d’intercéder auprès de Dieu. Les pèlerinages à Testour sur la tombe de Rebbi Fragi Chaouat, El Seyed (« le seigneur »), un rabbin illustre venu d’Espagne au dix-septième siècle ou à El Hamma, petit village de la région de Gabès au mausolée de Rebbi Youssef El Maarabi.

    Mais comment parler du folklore tunisien sans évoquer les facéties et les bourdes de Ch’hâ, ou Djoha, le roi de l’absurde, personnage mythique des deux bords de la Méditerranée, tour à tour odieux et attachant, stupide ou finaud, honnête ou voleur, sincère ou menteur selon les circonstances. Il y avait beaucoup plus de pauvres, très pauvres, que de bourgeois ou de riches parmi cette communauté, mais tous partageaient la même joie de vivre, le même optimisme et Charles Aznavour a bien raison quand il chante : « Il me semble que la misère serait moins pénible au soleil ». Ils avaient aussi en commun les séquelles de leur long passé d’opprimés : la peur, la honte, la crainte du péché qui restreignaient énormément leur dynamisme et les empêchaient de s’épanouir comme ils le firent après l’exil. C’est pourquoi l’évasion leur était indispensable vers le merveilleux, le conte, la légende qui leur faisaient oublier les difficultés de leur condition dans les ruelles sordides de la Hara, leur quartier d’origine aujourd’hui détruit, inondé de soleil et de poussière à la saison chaude, transformé en bourbier à la moindre pluie. C’est aussi à cette Hara, haut lieu de la foi, si bien décrite par Paul Sebag que Sonia Koskas a voulu rendre hommage, sur les traces de Vehel et de Ryvel, deux enseignants de l’école de l’Alliance israélite qui furent au début du vingtième siècle les tout premiers à la faire vivre dans leurs livres. Aujourd’hui, c’est seulement dans les livres et dans les mémoires qu’elle existe encore.

    André Nahum

    Écrivain, chroniqueur

    à Radio Judaïques FM (Paris)

    I.

    LES DÉBUTS DU MONDE. L’HOMME, LA FEMME, LA FAMILLE

    Les fondations du monde

    Aaron fut le premier grand prêtre des Hébreux. Il était le frère aîné de Moïse et de Miriam. Un jour qu’il s’apprêtait à sacrifier un taureau dans le Temple, l’animal brisa ses liens et s’enfuit. On courut sur sa trace et on le retrouva dans un pré en train de s’accoupler avec une vache. Quelque temps plus tard, la vache mit bas un petit veau qui se mit à grandir d’une façon extraordinaire. En quelques jours, il devint un énorme taureau, et peu de temps plus tard, il était si grand que le monde ne pouvait plus le contenir et la bête se mit à errer dans le ciel. Alors Dieu prit le globe terrestre et le posa sur la corne droite du taureau, et l’animal supporta ainsi la terre. Mais les hommes commettent des péchés, et la terre pèse de plus en plus lourd sur la corne du taureau. Alors, pour se soulager, le taureau lance la terre de sa corne droite vers sa corne gauche d’un vigoureux mouvement de sa grosse tête. Et sur la terre, tout se met à trembler, le sol se fend, la mer s’agite en des vagues gigantesques, les murs des maisons s’écroulent : c’est un tremblement de terre qui punit les hommes de leurs péchés. Le globe terrestre redevenu plus léger, le taureau peut le porter sans le faire trembler. Mais les hommes commettent des péchés…

    Si les hommes respectaient les commandements de Dieu, alors le globe terrestre se tiendrait tranquille sur la corne du taureau et la terre ne tremblerait plus.

    Pourquoi Dieu créa-t-il la femme à partir d’une côte d’Adam ?

    Adam s’ennuyait au paradis. Aussi Dieu décida-t-il de lui donner une compagne qui serait faite de la même matière que lui : Il prendrait un morceau d’Adam pour en faire une femme. Oui, mais quel morceau choisir ?

    – Si je prends les yeux, la femme sera trop curieuse, cela n’est pas bon ! Si je prends une main, elle sera chapardeuse ! Non, non, pas de ça ! Si je prends la langue, elle sera bavarde ! Je n’en veux pas ! Si je la fais à partir d’un pied, elle sera coureuse ! Non plus ! Si c’est à partir d’une oreille, elle sera indiscrète…

    Finalement, Dieu choisit de façonner la femme dans une côte d’Adam, parce que, se dit-Il, la côte est un endroit discret et modeste, ainsi la femme sera de même… C’est ce que fit Dieu.

    Et voilà pourquoi la femme est si discrète et si modeste !

    La pomme d’Adam ou Comment une bosse est venue au cou des hommes

    Quand le serpent a tendu la pomme à Ève, Ève a pris la pomme : c’était une belle grosse pomme rouge et brillante, appétissante et parfumée. Et Ève a croqué la pomme. Hum ! Elle était savoureuse, juteuse, le jus coulait lentement dans sa bouche au fur et à mesure qu’elle mâchait doucement la pomme, qu’elle la savourait… Et elle l’a avalée. Et la pomme était si bonne qu’elle a voulu la partager avec son homme. Et Ève a tendu la pomme à Adam. Mais Adam avait mauvaise conscience. Il y avait une petite voix qui lui disait :

    – N’y touche pas, malheureux ! C’est un fruit défendu !

    Mais une autre voix lui disait :

    – Mais vas-y, goûte-la, tu en meurs d’envie… Que veux-tu qu’il t’arrive … Regarde Ève, la pomme ne lui a fait aucun mal…

    Et Adam était terriblement partagé, entre ces deux voix qui lui disaient : « Ne fais pas ça » et « Laisse-toi tenter ». Finalement, il n’a plus pu résister, et il a croqué dans la pomme. Mais il était si mal à l’aise, il avait tellement mauvaise conscience, qu’il n’a pas pris le temps de la goûter, de la mâcher, il l’a avalée tout rond ! Mais il l’a avalée de travers. Et un petit morceau de la pomme lui est resté coincé dans le gosier. Et ce petit bout de pomme n’est pas non plus passé dans le gosier des fils d’Adam, ni dans celui des fils de ses fils…

    C’est depuis ce temps-là que les messieurs portent au milieu du cou un petit rebond, une bosse, ou un fort promontoire qui est le souvenir de leur premier péché.

    Quant aux filles d’Ève, elles ont le cou rond et lisse, qui semble narguer les hommes et demander avec une arrogante innocence : « La pomme, quelle pomme ? »

    Oui, je sais, il y a des messieurs qui n’ont pas de pomme d’Adam, qu’ils ne s’inquiètent pas : c’est qu’ils n’ont pas, en eux, le moindre sentiment de culpabilité ! Et ça, ils l’ont hérité de leur mère.

    Comment l’argent est venu au monde

    Le Talmud raconte qu’il y a de ça très longtemps, l’argent n’existait pas : il n’y avait pas de gens riches et de gens pauvres. Il n’y avait que des gens angoissés. Et savez-vous pourquoi les gens étaient angoissés ? Parce qu’ils pensaient à la mort ! Ils étaient obsédés par l’idée de la mort. Et ça leur coupait l’appétit. Et les hommes étaient maigres. Ils vivaient maigres, maigres, maigres, et quand ils mouraient, ils étaient encore plus maigres.

    Et ça, ça ne faisait pas l’affaire de tout le monde. Non, et les vers, vous avez pensé aux vers ? Parce que les vers, quand ils voyaient un mort arriver, ils se disaient :

    – Chic, à table !

    Et dès qu’ils mordaient dedans, ils se cassaient les dents… Alors un jour ils ont envoyé une délégation voir Dieu et ils lui ont dit :

    – Béni sois-tu, Éternel, notre Dieu, roi de l’univers, créateur de toutes choses, certes, ta création est parfaite, mais….

    Dieu a dit :

    – Mais ? Il y a quelque chose qui vous tracasse ?

    – Oui, on n’est pas content ! On

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