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Recueil de jurisprudence: Responsabilité - Assurances - Accidents du travail (Belgique)
Recueil de jurisprudence: Responsabilité - Assurances - Accidents du travail (Belgique)
Recueil de jurisprudence: Responsabilité - Assurances - Accidents du travail (Belgique)
Ebook1,004 pages13 hours

Recueil de jurisprudence: Responsabilité - Assurances - Accidents du travail (Belgique)

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Les droits des assurances, de la responsabilité, ou encore des accidents du travail donnent lieu à une pléthore de décisions de jurisprudence dans laquelle le praticien aura parfois bien du mal à séparer le bon grain de l’ivraie. C’est la tâche ardue à laquelle se sont attelés les membres du comité scientifique de ce recueil.

Sur la base de plusieurs centaines de décisions, ces derniers ont établi une sélection des jugements et arrêts les plus marquants rendus au cours de l’année 2013 dans ces matières. En grande majorité inédites, ces décisions sont toutes commentées par un auteur spécialiste de la question, qui situe celle-ci dans les grands courants jurisprudentiels et les évolutions connues récemment dans la matière.

Établi dans le prolongement du Forum de l’assurance, revue juridique spécialisée en droit des assurances et de la responsabilité, ce recueil constitue un outil précieux pour tous les praticiens de ces matières : avocats, magistrats, juristes d’entreprise, etc.
LanguageFrançais
PublisherAnthemis
Release dateJun 26, 2015
ISBN9782874557972
Recueil de jurisprudence: Responsabilité - Assurances - Accidents du travail (Belgique)

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    Recueil de jurisprudence - Claude Devoet (sous la direction de)

    RECUEIL DE JURISPRUDENCE

    RESPONSABILITÉ – ASSURANCES – ACCIDENTS DU TRAVAIL

    Volume I - Jurisprudence 2011

    Sous la direction scientifique de

    Claude Devoet

    Jean-Luc Fagnart

    Catherine Paris

    Jonathan Wildemeersch

    Sous la coordination de

    Jessica Loly

    © 2013, Anthemis s.a.

    Place Albert I, 9, B-1300 Limal

    Tél. 32 (0)10 42 02 90 - info@anthemis.be - www.anthemis.be

    Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit, réservées pour tous pays.

    Dépôt légal : D/2013/10.622/5

    ISBN : 978-2-87455-797-2

    Mise en page : Michel Raj

    ePub : ebookme

    Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

    Sommaire

    1. RESPONSABILITÉ

    2. ASSURANCES

    3. ACCIDENTS DU TRAVAIL

    Tables des matières

    1

    Responsabilité

    Généralités

    Formes et effets de la mise en demeure

    Les sommes dues par l’assureur, mis en demeure de s’exécuter et donc d’indemniser son assuré, produisent des intérêts de retard dès l’envoi de cette mise en demeure. Si le montant à payer – et donc l’objet de l’obligation – n’est pas encore déterminé, à défaut d’un avis définitif de l’expert désigné, les intérêts de retard commencent à courir dès le moment où la dette devient exigible. En effet, en matière d’indemnisation d’un sinistre, le moment de l’exigibilité de la dette est celui où l’expert détermine le montant du préjudice. À ce moment, l’objet de la prestation de l’assureur est déterminé et il doit s’exécuter sans délai. La déclaration de sinistre envoyée précédemment constitue une mise en demeure de l’assureur et les intérêts de retard commencent donc à courir immédiatement.

    Civ. Liège (6e ch.), 17 janvier 2011

    Mise en demeure - Obligation non encore déterminée - Obligation non encore exigible - Prise de cours des intérêts de retard.

    Siég. : Mme Diverse

    Plaid. : MMes Humblet loco Frankignoul, et

    Dehousse loco Meunier

    (B. c. s.a. Vivium et s.a. AXA Belgium)

    R.G. no 09/5763/A

    […]

    1. Les faits

    a) Le 1er juillet 1992, B. a souscrit une police « individuelle accident » auprès de la s.a. Zurich. Il s’agit d’une police souscrite en coassurance 50/50 par la s.a. Zurich (actuellement la s.a. Vivium) et la compagnie Drouot Belgium (puis, par la suite, la s.a. AXA Belgium). La garantie souscrite consiste en une invalidité permanente avec majoration progressive (B) pour un montant assuré de 11.018.000 BEF.

    L’article 17, a), des conditions générales de la police stipule « Si l’accident a pour conséquence, dans un délai de trois ans, une invalidité physiologique reconnue définitive, la compagnie paie à l’assuré un capital calculé sur la somme assurée au prorata du taux d’invalidité fixé selon le barème officiel belge des invalidités en vigueur au jour de l’accident sans excéder un degré d’invalidité de 100 % »

    L’article 25 prévoit que toutes les indemnités sont payables dans le délai de quinze jours après fixation de leur montant et après légitimation du bénéficiaire, moyennant décharge complète sur le formulaire de quittance de la compagnie.

    Quant à l’article 13, il traite de l’indexation des montants assurés et de la prime.

    b) Le 20 juillet 1997, B. a été victime d’un accident.

    Par courrier du 14 février 2003, la s.a. Zurich lui a écrit que son médecin-conseil estimait que la situation n’était plus évolutive et était susceptible d’être consolidée à un taux d’invalidité de 34 %. Elle a joint à ce courrier une quittance définitive de 142.027,12 EUR.

    Le 13 mars 2003, B. a signé cette quittance après avoir ajouté les mots « provisionnelle de » avant la somme de 142.027,12 EUR et barré les lignes selon lesquelles le paiement de cette somme constituait un règlement amiable, forfaitaire et définitif du sinistre.

    En réponse, la s.a. Zurich lui a transmis un compromis médical d’expertise amiable. Elle lui a également fait part qu’elle versait la somme de 71.013,56 EUR et invitait à AXA (le coassureur) à faire de même.

    Les docteurs M et P, chargés par les parties de l’expertise médicale amiable ont conclu le 20 février 2008 après avoir eu recours au docteur D comme tiers arbitre : « Les médecins-conseils des parties sont d’accord pour admettre, selon l’avis du docteur D, l’attribution d’un taux global d’incapacité de 40 % à l’échéance de trois ans après le traumatisme, soit le 20 juillet 2008 ».

    Le 6 mars 2008, la s.a. Vivium (anciennement la s.a. Zurich) a écrit à la s.a. AXA Belgium que la somme revenant à B. était de 191.190,35 EUR (10.018.000, 12 EUR × 70 %, la garantie souscrite étant une incapacité permanente variante B, l’indemnité due pour une incapacité de 40 % est de 70 %, voy. article 17 des conditions générales) dont à déduire la somme déjà versée de 142.027,12 EUR. Elle demandait son accord pour émettre une quittance globale de 49.163,23 EUR.

    Par courrier des 25 avril et 21 mai 2008, le conseil de B. a invité la s.a. Zurich à régulariser les montants sur la base de l’incapacité de 40 % retenue.

    Par réponse du 30 juin 2008, la s.a. Vivium a transmis à B. une quittance équivalente à ce montant.

    Ce dernier l’a signée le 1er août 2008 après avoir ajouté à deux endroits la mention « provisionnelle ». Par courrier du même jour, le conseil de B. interpellait la s.a. Zurich, s’étonnant de ce que le montant assuré de 11.018.000 BEF n’avait pas été indexé selon l’indice 122,97 (soit l’indice de juillet 1996) qui donnait un capital de 12.278.582 BEF.

    Par réponse du 16 septembre 2008, la s.a. Vivium a répondu qu’elle acceptait cette nouvelle base de calcul et qu’elle interpellait la s.a. AXA Belgium. Après avoir adressé un rappel, une nouvelle quittance d’un montant de 21.874,31 EUR a été émise le 15 janvier 2009. Cette quittance a été signée le 26 janvier 2009 par B après avoir à nouveau précisé qu’elle était provisionnelle.

    Par courrier du 12 février 2009, le conseil de B. a écrit à la s.a. Vivium que son client imputait à la quittance un caractère provisionnel, car il s’imposait de tenir compte des intérêts de retard.

    Par lettre du 16 juin 2009, la s.a. Vivium a répondu qu’elle estimait que le retard à indemniser ne lui était pas imputable et qu’il n’y avait pas lieu à paiement d’intérêts.

    2. Objet de l’action

    B. demande la condamnation de la s.a. Vivium et de la s.a. AXA Belgium à lui payer, chacune à concurrence de 50 %, la somme de 66.337,57 EUR (soit 26.339,22 EUR, intérêt au taux légal sur la somme de 142.027,12 EUR du 20 juillet 2000 au 13 mars 2003, + 27.181,20 EUR, intérêt au taux légal sur la somme de 49.163,23 EUR du 20 juillet 2000 au 1er août 2008, + 12.817,15 EUR, intérêt au taux légal sur la somme de 21.874,31 EUR du 20 juillet 2000 au 26 janvier 2009) ainsi qu’aux intérêts légaux et judiciaires sur cette somme à dater du 6 novembre 2009.

    Il demande également leur condamnation aux dépens liquidés à la somme de 3.269,26 EUR (indemnité de procédure : 3.000 EUR) et l’exécution provisoire du jugement nonobstant tout recours et sans caution, ni cantonnement.

    La s.a. Vivium et la s.a. AXA Belgium contestent la demande de condamnation dirigée contre elles et sollicitent la condamnation de B. à leur payer une indemnité de procédure de 3.000 EUR.

    3. Discussion

    a) L’obligation contractuelle à laquelle étaient tenues les compagnies est une obligation de somme.

    Selon l’article 1153 du Code civil, « dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans les intérêts légaux, sauf les exceptions établies par la loi... Ils sont dus à partir du jour de la sommation de payer excepté le cas où la loi les fait courir de plein droit ».

    Selon l’article 1139, « le débiteur est constitué en demeure soit par une sommation, ou par un acte équivalent… ».

    La mise en demeure ne doit pas contenir plus que l’expression claire et non équivoque de la volonté du créancier de voir exécuter l’obligation principale (Cass., 18 décembre 1986, J.T., 1987, p. 162 ; Cass., 28 mars 1994, Pas., 1994, l, p. 317).

    En l’espèce, les compagnies ne contestent pas l’existence d’une déclaration de sinistre dont la conformité aux dispositions contractuelles n’a jamais été mise en cause.

    Par cette déclaration de sinistre, B. a fait connaître aux compagnies sa volonté de voir exécuter l’obligation principale, à savoir le versement d’une indemnité due sur la base de la garantie. Les compagnies ne s’y sont pas trompées, puisqu’elles ont désigné un médecin-conseil pour notamment examiner le dommage.

    Il s’en déduit que la déclaration de sinistre équivaut à une sommation (voy. en ce sens : Cass., 3 mai 1979, Pas., 1979, pp. 1045 à 1047).

    Certes, à la date de déclaration de sinistre, la dette existait, puisque les compagnies devaient accorder leur garantie, mais elle n’était pas exigible. Les compagnies devaient disposer du temps nécessaire pour constituer le dossier et déterminer le montant de l’indemnité.

    Aucune disposition légale n’interdit qu’une sommation soit antérieure à l’exigibilité de la dette ; toutefois, en cas d’antériorité de la sommation par rapport à l’exigibilité de la dette, elle ne produit d’effet qu’à partir de cette exigibilité (voy. Cass., 25 février 1993, Pas., 1993, l, pp. 211 à 214 ; Cass., 19 juin 1989, Pas., pp. 1132 et s.).

    b) Quand la dette est-elle devenue exigible ?

    Le fait que l’article 17 prévoie que la compagnie paie un capital si l’accident a pour conséquence dans un délai de trois ans, une invalidité physiologique reconnue définitive n’impose pas à la compagnie de payer le capital dans ce délai de trois ans. Au contraire, dans la mesure où cet article prévoit également que le capital à payer est calculé sur la somme assurée au prorata du taux d’invalidité fixé selon le barème officiel belge des invalidités en vigueur au jour de l’accident, il faut pour que le paiement intervienne que ce taux soit déterminé.

    En l’espèce, un premier taux de 34 % a été déterminé par le médecin-conseil des compagnies et communiqué par la s.a. Zurich à B. en date du 14 février 2003. Il n’est pas contesté que le capital évalué sur la base de ce pourcentage a été versé dès réception de la quittance provisionnelle signée le 13 mars 2003.

    Il n’est pas démontré que le temps mis à déterminer ce taux serait anormalement long et serait imputable à un manquement dû aux compagnies. En termes de conclusions, B. soutient que le taux de 40 % retenu par les médecins-conseils revient, in fine, à lui reconnaître ce qu’il réclamait depuis toujours. À cet égard, il convient d’observer qu’avant d’avoir recours au docteur D, son médecin-conseil dans le cadre de l’expertise médicale amiable évaluait son taux à 50 %.

    Il n’est pas plus démontré que les compagnies auraient adopté une attitude qui aurait eu pour effet de retarder le déroulement de cette expertise médicale amiable. C’est donc au dépôt de ce rapport qui détermine de façon définitive le taux d’invalidité, soit le 20 février 2008, que le montant du capital à payer a pu être déterminé de manière certaine.

    Ce n’est cependant que le 30 juin 2008 que la s.a. Vivium a, après deux rappels de B., transmis une quittance pour un montant de 49.163,23 EUR, et après contestation de B. du 1er août 2008 sur le capital de base, une dernière quittance d’un montant de 21.874,31 EUR en date du 15 janvier 2009.

    Ces paiements auraient pu intervenir plus tôt si les assureurs avaient fait preuve de plus de diligence dans la gestion de leur dossier et s’ils n’avaient pas commis d’erreur dans le calcul du capital à verser sur la base de la garantie.

    Compte tenu du fait que l’évaluation de l’indemnité par la s.a. Vivium date du 6 mars 2008, il convient de considérer que les compagnies auraient dû adresser la quittance dès le 15 mars 2008. Elles seront donc condamnées à payer des intérêts moratoires calculés au taux légal sur la somme de 49.163,23 EUR du 16 mars 2008 jusqu’au 1er août 2008 et sur la somme de 21.874,31 EUR du 16 mars 2008 jusqu’au 26 janvier 2009.

    c) B. ne justifiant pas sa demande d’exécution provisoire du jugement nonobstant tout recours et sans caution, ni cantonnement, il n’y sera pas fait droit.

    d) B. succombant partiellement dans sa demande, il convient de répartir les dépens. La s.a. Vivium et la s.a. AXA Belgium seront condamnées à lui payer les frais de citation de 269,26 EUR et une indemnité de procédure de 1.500 EUR.

    Par ces motifs,

    Le tribunal,

    Statuant contradictoirement,

    Dit la demande recevable et très partiellement fondée.

    Condamne la s.a. Vivium et la s.a. AXA Belgium à payer à B., chacune à concurrence de 50 %, des intérêts calculés au taux légal sur la somme de 49.163,23 EUR du 16 mars 2008 jusqu’au 1er août 2008 et sur la somme de 21.874,31 EUR du 16 mars 2008 jusqu’au 26 janvier 2009.

    Dit que ces sommes seront majorées des intérêts moratoires calculés au taux légal depuis le 6 novembre 2009.

    Note d’observations

    I. Contexte

    B. souscrit une assurance individuelle accident lui garantissant, en cas d’invalidité, le versement d’une somme calculée sur le montant assuré, au prorata du taux d’invalidité définitif.

    À la suite d’un accident ayant entraîné une incapacité physiologique importante, le médecin-conseil estime que le taux d’invalidité définitif est de 34 % et, sur cette base, l’assureur propose de verser le montant assuré correspondant. B. signe la quittance de paiement, mais après avoir ajouté les mots « provisionnelle de » avant la somme indiquée et avoir barré la ligne selon laquelle le paiement de cette somme constituait un règlement amiable, forfaitaire et définitif du sinistre.

    En réponse, l’assureur lui propose un compromis médical d’expertise amiable et lui verse déjà la somme initialement proposée sur la base d’une incapacité de 34 %.

    À la suite de l’intervention du médecin tiers arbitre, les médecins-conseils relèvent le taux d’incapacité permanente à 40 % et, par conséquent, l’assureur propose de verser le montant correspondant, sous déduction des sommes déjà précédemment payées.

    Si B. ne reproche rien, sur le fond, à cette proposition transactionnelle, il estime que le montant proposé est néanmoins provisionnel, puisqu’il ne prend pas en compte les intérêts de retard.

    Face au refus de l’assureur, B. a saisi le Tribunal de première instance de Liège afin d’obtenir sa condamnation au paiement des intérêts de retard, représentant plusieurs dizaines de milliers d’euros.

    Se fondant sur la théorie générale des obligations et des effets attachés à la mise en demeure, le tribunal a condamné l’assureur à payer à son assuré l’ensemble des intérêts de retard dus sur le montant du principal, dès sa date de détermination.

    II. Observations

    Le jugement du Tribunal de première instance de Liège du 17 janvier 2011 nous offre l’occasion de faire le point sur les règles applicables à l’exigibilité des intérêts de retard et, plus spécialement à la mise en demeure.

    Selon l’article 1153 du Code civil, « dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans les intérêts légaux, sauf les exceptions établies par la loi. (…) Ils sont dus à partir du jour de la sommation de payer, excepté les cas où la loi les fait courir de plein droit. (…) ».

    En réalité, cette disposition constitue une application particulière de l’article 1139 du Code civil qui prévoit l’obligation de mettre le débiteur en demeure de s’exécuter, avant de lui appliquer une sanction quelconque.

    Ainsi, la mise en demeure fait courir les intérêts de retard au taux légal ou à un autre taux contractuellement convenu, sauf dans les cas où la loi fait exception au principe général et prévoit que ceux-ci sont dus automatiquement, dès l’exigibilité de la dette.

    Quelles sont les formes que doit respecter une mise en demeure et quels sont les effets juridiques attachés à celle-ci ? Si ces questions semblent simples, en apparence, elles présentent, en réalité, de nombreuses subtilités, sur lesquelles il n’est pas inutile de revenir.

    A. La mise en demeure

    Mettre en demeure son débiteur, c’est le sommer de s’exécuter sous peine de sanctions. Selon la définition du Professeur Wéry, il s’agit d’une « interpellation du débiteur en termes énergiques, par laquelle le créancier lui rappelle, d’une manière claire et non équivoque, la nécessité d’exécuter en nature son obligation »¹.

    Il ne s’agit donc pas uniquement d’un simple rappel de la prestation qui a été promise, mais bien d’une volonté de voir l’obligation exécutée comme convenu. La distinction tient dans le fait que la mise en demeure est un acte juridique par lequel le créancier manifeste sa volonté d’attacher des conséquences juridiques à l’inexécution de l’obligation en souffrance².

    Cette nécessité de mettre son débiteur en demeure avant de lui appliquer toutes sanctions légales, contractuelles ou judiciaires, a été élevée en principe général de droit par la Cour de cassation³. Peu importe l’objet de l’obligation contractuelle⁴ non exécutée (dare, facere, non facere), la mise en demeure constitue un préalable obligatoire à la mise en œuvre de toutes les sanctions de l’inexécution.

    En outre, bien que cela ne soit pas précisé dans le Code civil, la Cour de cassation a admis que le débiteur d’une obligation non encore exigible soit mis en demeure de s’exécuter dès que la dette sera devenue exigible⁵ (mise en demeure ad futurum). Par conséquent, le créancier est autorisé à anticiper la possible inexécution de son débiteur en le mettant en demeure de s’exécuter, avant même que celui-ci n’y soit tenu. Dès que l’obligation sera devenue exigible (par exemple, par la réalisation de la condition suspensive), les différents effets attachés à la mise en demeure seront d’application⁶.

    B. Les formes de la mise en demeure
    1. Le principe

    Le formalisme imposé à la mise en demeure est des plus réduits.

    L’article 1139 du Code civil dispose que « le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par un autre acte équipollent, soit par l’effet de la convention lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure ».

    Sous réserve de la possibilité, pour les parties, de déroger à cette disposition supplétive, en prévoyant, par exemple, que la seule échéance du terme constitue une mise en demeure automatique du débiteur, la mise en demeure doit revêtir la forme soit d’une sommation soit d’un acte équivalent.

    La sommation est faite par un exploit d’huissier ou à l’intervention d’un notaire⁷.

    L’acte équivalent à une sommation n’a pas été défini par la loi et a fait l’objet d’une interprétation jurisprudentielle évolutive. Se basant sur le fait qu’une sommation est faite par un officier public, la Cour de cassation a considéré que l’acte équivalent visait le commandement préalable à saisie ou la citation en justice⁸. À la citation en justice a été associé le dépôt des conclusions au greffe⁹.

    Par la suite, l’interprétation s’est faite plus large, en qualifiant d’acte équipollent à sommation à d’autres actes aux formes moins contraignantes. Tout d’abord en matière commerciale, la Cour de cassation a déclaré, par un arrêt du 7 mai 1880, que la mise en demeure pouvait s’établir par une reconnaissance du débiteur ou par un acte contenant une interpellation dont il a dû nécessairement induire qu’il était mis en demeure d’exécuter son obligation¹⁰. Cette position considérant qu’une mise en demeure peut résulter de tout acte par lequel le créancier manifeste à son débiteur, par des termes clairs et impératifs, qu’il veut le voir s’exécuter a ensuite été étendue en matière civile¹¹.

    Ainsi, une interpellation verbale du débiteur par le créancier pourrait également être considérée comme une mise en demeure. Dans ce cas cependant, le créancier devra pouvoir en faire la preuve, par toutes voies de droit (puisqu’il s’agit d’un acte juridique).

    En tout état de cause, dès lors que la citation est une mise en demeure, toutes les sanctions judiciaires que le créancier souhaitera obtenir seront nécessairement précédées d’une mise en demeure.

    2. Les exceptions

    En vue de renforcer la protection des intérêts de la partie considérée comme plus faible, le législateur impose parfois que la mise en demeure respecte un certain formalisme¹².

    Ainsi, en matière bancaire, l’article 29, 3°, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation impose que la mise en demeure adressée au consommateur qui a dépassé le montant de son crédit, prenne la forme d’une lettre envoyée par recommandé.

    Un autre exemple bien connu se trouve dans la loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrement amiable des dettes du consommateur.

    Cette loi, qui s’applique à toute personne physique ou morale pratiquant l’activité de recouvrement de créances (en ce compris – mais partiellement – les avocats, officiers ministériels ou mandataires de justice), impose notamment que la mise en demeure faite à un consommateur respecte un formalisme renforcé.

    Non seulement l’auteur de la mise en demeure est-il tenu de faire connaître, de façon claire, quelle est sa qualité sans créer d’ambiguïté quant à sa fonction, mais en outre, la mise en demeure, qui doit nécessairement être écrite, doit contenir certaines mentions.

    L’article 6 prévoit en effet que :

    « § 1er. Tout recouvrement amiable d’une dette doit commencer par une mise en demeure écrite, adressée au consommateur.

    Cette mise en demeure doit contenir de manière complète et non équivoque toutes les données relatives à la créance. Elle doit comprendre au minimum les données énumérées au paragraphe 2 et il ne peut être procédé à d’autres techniques de recouvrement qu’après écoulement du délai prévu au paragraphe 3.

    § 2. Dans cette mise en demeure apparaissent au moins les données suivantes :

    1° l’identité, le cas échéant, le numéro d’entreprise, l’adresse, le numéro de téléphone et la qualité du créancier originaire ;

    2° le nom ou la dénomination, l’adresse et, le cas échéant, le numéro d’entreprise de la personne qui procède au recouvrement amiable de créance ainsi que les coordonnées de l’administration de surveillance auprès du Service public fédéral Économie, P.M.E., Classes moyennes et Énergie ;

    3° une description claire de l’obligation qui a donné naissance à la dette ;

    4° une description et une justification claires des montants réclamés au débiteur, en ce compris les dommages-intérêts et les intérêts moratoires réclamés ;

    5° la mention que, en l’absence de réaction dans le délai prévu au paragraphe 3, le créancier peut procéder à d’autres mesures de recouvrement ;

    6° dans le cas où le recouvrement est effectué par un avocat, un officier ministériel ou un mandataire de justice, le texte suivant figurera dans un alinéa séparé, en caractères gras et dans un autre type de caractère :

    Cette lettre concerne un recouvrement amiable et non un recouvrement judiciaire (assignation au tribunal ou saisie).

    § 3. Dans la mise en demeure, le délai dans lequel la créance peut être remboursée avant que des mesures complémentaires soient prises est mentionné. Ce délai est d’au moins quinze jours et commence à courir à la date de l’envoi de la sommation écrite ».

    Enfin, aux termes de l’article 3, § 2 (2° et 3°), la mise en demeure ne peut comporter aucune communication comportant des menaces juridiques inexactes, ou des informations erronées sur les conséquences du défaut de paiement et il est interdit d’apposer une quelconque mention dont il ressort que la correspondance concerne la récupération d’une créance.

    3. Le contenu de la mise en demeure

    Non seulement le législateur n’a pas imposé de formes à respecter, mais, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la mise en demeure ne doit pas non plus respecter un contenu spécifique (sous réserve des mentions formelles qui sont parfois imposées par exception, comme décrit au paragraphe précédent).

    Il faut, mais il suffit, qu’elle constitue l’expression claire et non équivoque de la volonté du créancier de voir exécuter l’obligation principale.

    4. Les effets de la mise en demeure

    La mise en demeure constitue un préalable obligatoire à la mise en œuvre des sanctions de l’inexécution des obligations.

    Outre le fait qu’il s’agit de la première étape du processus d’exécution forcée du débiteur, la mise en demeure a deux effets particuliers : le transfert des risques sur le débiteur et l’application des intérêts moratoires.

    C. Le transfert des risques

    Dès la mise en demeure, l’ensemble des risques relatifs à l’obligation sont mis à charge du débiteur. Peu importe l’objet de l’obligation¹³, la perte ou la destruction de cet objet, même en cas de force majeure, sera à charge du débiteur (qui devra donc supporter la charge économique liée à la perte ou à la destruction de la chose ou de la prestation).

    C’est ce que l’article 1302 du Code civil énonce de manière négative en disposant que « lorsque le corps certain et déterminé qui était l’objet de l’obligation vient à périr, est mis hors du commerce ou se perd de manière qu’on en ignore absolument l’existence, l’obligation est éteinte si la chose a péri ou a été perdue sans la faute du débiteur et avant qu’il fût en demeure ».

    D. Les intérêts moratoires

    Sur la base des articles 1153 et 1155 du Code civil, le débiteur d’une obligation pécuniaire est tenu aux paiements de dommages et intérêts dès le moment où il est mis en demeure de s’exécuter.

    Sauf si les parties ont expressément décidé d’écarter l’obligation de mise en demeure préalable du débiteur, les intérêts moratoires ne seront dus qu’à dater de celle-ci¹⁴ et jusqu’au complet paiement.

    Si l’obligation est une obligation en nature qui sera exécutée par équivalent (intérêts compensatoires), la mise en demeure n’a pas cet effet de faire courir les intérêts de retard puisque le jour de la sommation n’a pas d’influence sur l’évaluation des dommages et intérêts compensatoires¹⁵. Toutefois, dès que les intérêts compensatoires sont évalués, ils produisent des intérêts moratoires¹⁶.

    Dans l’affaire ici annotée, le raisonnement suivi par le Tribunal de première instance de Liège est conforme à la jurisprudence¹⁷. La déclaration de sinistre envoyée à l’assureur constitue une mise en demeure ad futurum qui ne sort ses effets qu’à partir de l’exigibilité de la dette, soit au moment de son évaluation.

    Marie D

    UPONT

    Avocate au barreau de Bruxelles

    Assistante en droit des obligations et des contrats à l’U.L.B.

    _______________

    1 P. W

    ÉRY

    , Droit des obligations, vol. 1, Théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 388.

    2 Voy. notamment Mons, 19 décembre 2006, J.L.M.B ., 2007, p. 1341.

    3 Cass., 9 avril 1976, Pas ., 1976, I, p. 887.

    4 Le préalable de la mise en demeure n’est cependant pas limité aux obligations contractuelles, mais s’impose quelle que soit la source de l’obligation inexécutée (déclaration de volonté unilatérale, disposition légale ou contrat). Elle n’a cependant pas cours en matière d’obligation légale de réparer un dommage extracontractuel. Voy. notamment S. S

    TIJNS

    , D. V

    AN

    G

    ERVEN

    et P. W

    ÉRY

    , « Chronique de jurisprudence - Les obligations : les sources (1985-1995) », J.T., 1996, no° 90 ; Cass., 7 novembre 1991, Pas., 1992, I, p. 190 ; Cass., 26 septembre 1996, Pas., 1996, I, p. 868.

    5 Cass., ch. réun., 25 février 1993, R.D.C ., 1994, p. 141 et Cass., 19 juin 1989, Pas ., 1989, I, p. 1132.

    6 Une mise en demeure anticipative ne produit donc pas immédiatement ses effets, mais, dès l’échéance du terme ou la réalisation de la condition, les conséquences juridiques attachées à la mise en demeure se feront immédiatement sentir.

    7 P. W

    ÉRY

    , « La mise en demeure en matière d’obligations contractuelles », in Les obligations contractuelles, Bruxelles, éd. Jeune barreau, 2000, p. 288.

    8 Voy. notamment Cass., 17 octobre 1957, Pas ., 1958, I, p. 143 ; Liège, 2 juin 1998, R.G.D.C ., 1999, p. 420.

    9 Comm. Bruxelles, 20 juillet 1989, J.L.M.B ., 1990, p. 368.

    10 Cass., 7 mai 1880, Pas ., 1880, I, p. 138.

    11 Cass., 28 mars 1994, Pas ., 1994, I, p. 317.

    12 Voy. notamment les exemples cités par J.-F. G

    ERMAIN

    , « Le défaut de paiement », in Le paiement, coll. Recyclage en droit, Anthemis, 2009, p. 217.

    13 Ainsi notamment, par un arrêt du 6 décembre 1985, la Cour de cassation a fait application de cette règle pour une obligation de facere. ( Pas ., 1986, I, p. 437). En matière d’obligation de non facere , la question ne se pose cependant pas. En effet, dès que le débiteur enfreint son obligation de ne pas faire, l’irréparable est commis et la mise en demeure n’a plus aucune utilité (D

    E

    P

    AGE

    , Traité élémentaire de droit civil belge, 2e éd., t. III, no° 83).

    14 Voy. notamment Cass., 28 mars 1994, Pas ., 1994, I, p. 317.

    15 J.-F. G

    ERMAIN

    et E. P

    LASSCHAERT

    , « L’exécution des obligations contractuelles », in Commentaire pratique - Obligations, Bruxelles, Kluwer, 2003, p. II.1.6. – 13.

    16 Cass., 29 avril 1963, Pas ., I, p. 924.

    17 Depuis son arrêt du 19 juin 1989, la Cour de cassation estime qu’« aucune disposition légale n’interdit que cette sommation soit antérieure à l’exigibilité de la dette dont l’existence n’est pas contestée » ( Pas ., 1989, I, p. 1132). Voy. également Cass., ch. réun., 25 février 1993, Pas ., 1993, I, p. 210 ; S. S

    TIJNS

    , D. V

    AN

    G

    ERVEN

    et P. W

    ÉRY

    , « Chronique de jurisprudence - Les obligations : les sources (1985-1995) », J.T., 1996, p. 719 ; P. V

    AN

    O

    MMESLAGHE

    « Examen », R.C.J.B., 1975, n° 107.

    L’État responsable de l’inaction des parties ?

    1. Depuis que l’arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2006 a consacré clairement le principe de la responsabilité de l’État en cas de dépassement du délai raisonnable, le justiciable doit, conformément à l’article 35 de la Convention européenne des droits de l’homme, d’abord épuiser les recours devant les juridictions nationales.

    2. Le seul fait du dépassement du délai raisonnable doit être considéré, a priori, comme une violation par l’État belge, de ses obligations imposées par l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme. Il appartient donc à l’État belge d’apporter la preuve de ce que le dépassement du délai raisonnable se déduit d’un « facteur exogène ».

    3. L’État a l’obligation positive d’organiser son système judiciaire de manière à ce que les procédures, quelle qu’en soit la complexité, ne connaissent pas de dénouement dans des délais déraisonnables. Il est en faute s’il n’adapte pas sa législation de telle sorte que ses juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations de caractère civil dans un délai raisonnable.

    4. Le recours en indemnisation doit conduire à la réparation du préjudice matériel et du préjudice moral liés au dépassement du délai raisonnable. Il existe une présomption réfragable que tout dépassement du délai occasionne un dommage moral. En dérogation aux principes du droit commun de la responsabilité civile, ce n’est donc pas à la victime qu’il incombera de faire la preuve de son dommage moral, mais à l’État de rapporter la preuve de l’inexistence de ce dommage.

    Civ. Marche-en-Famenne, 12 mai 2011

    Responsabilité des pouvoirs publics – État législateur – Organisation de la justice – Délai raisonable – Obligation de résultat – Réparation du dommage subi par le défendeur condamné.

    Siég. : Mme Coëme

    Plaid. : MMes Couchard loco Misson et Martin loco Hiernaux

    (R. c. État belge)

    R.G. n° 10/107/A

    Les faits

    R. est médecin spécialiste en gastro-entérologie. Actuellement retraité, il a exercé notamment sa profession au sein de l’hôpital de Marche-en-Famenne.

    Dans le cadre de ses fonctions, il a été amené à pratiquer régulièrement des dialyses sur des patients insuffisants rénaux.

    Par courrier du 30 mai 1978, R. a interrogé les médecins-inspecteurs de l’I.N.A.M.I. quant à savoir « quel est le critère d’agréation de spécialiste pour l’installation de rein artificiel prescription numéro 3011K400 ».

    La question qui se posait alors portait principalement sur la notion d’interniste.

    Le docteur G, médecin-inspecteur principal, lui a répondu le 25 janvier 1979 qu’il s’agissait de faire application de la règle interprétative no 12 (surtout le 4°), p. 505 de la nomenclature, dont il joignait copie en annexe.

    Il semble que R. ait continué à pratiquer des dialyses, par ailleurs vitales pour les patients, et à en obtenir le remboursement des mutuelles, sans aucune opposition de qui que ce soit, et en particulier de l’I.N.A.M.I.

    Par diverses requêtes et citation, quatre unions mutuellistes ont réclamé à R. le remboursement de prestations d’assurance soins de santé qui lui avaient été versées à la suite de dialyses qu’il avait effectuées, en raison de ce qu’il ne disposait pas des qualifications requises.

    La procédure a été introduite devant le tribunal du travail de Marche-en-Famenne entre le mois d’août 1982 et le mois de novembre 1984.

    […]

    R. a introduit, le 11 septembre 2006, un pourvoi en cassation qui a été rejeté par un arrêt du 13 octobre 2008.

    Selon le décompte qu’il produit, daté du 15 juillet 2010, le montant total que R. a dû payer aux différentes mutuelles s’est élevé à 172.036.16 EUR.

    Objet de la demande

    En termes de dernières conclusions, R. demande qu’il soit dit pour droit que l’État belge a agi fautivement par ses organes, à son préjudice, en pratiquant :

    une violation de l’exigence du délai raisonnable protégée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

    une violation de son droit de propriété, protégé par l’article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention.

    Il demande la condamnation de l’État belge à lui verser la somme provisionnelle de 100.000 EUR destinée à couvrir notamment :

    les intérêts moratoires qu’il a dû payer uniquement en raison de la durée de la procédure qui a dépassé les limites du raisonnable ;

    les dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la violation du délai raisonnable soit la somme de 100.000 EUR ;

    somme à majorer des intérêts légaux à dater de la citation.

    Il demande en outre la condamnation de l’État belge aux dépens, en ce compris les frais et honoraires d’avocats exposés pour la présente procédure, lesquels seront déterminés à la fin de celle-ci ou, à titre subsidiaire, l’indemnité de procédure prévue à l’article 1022 du Code judiciaire, liquidés à la somme de 10.000 EUR.

    Il demande enfin que le jugement soit assorti de l’exécution provisoire.

    L’État belge conclut à la recevabilité, mais à l’absence de fondement de la demande.

    Il postule la condamnation de R. aux dépens, liquidés à l’indemnité de procédure fixée à 7.500 EUR.

    Examen de la demande principale

    a) Discussion

    R. détaille comme suit les fautes qu’il reproche à l’État belge :

    « Fautes commises en tant que pouvoir législatif : ne pas avoir adopté les mesures adéquates pour éviter l’encombrement des juridictions, pour mettre à la disposition des justiciables et des juridictions les moyens nécessaires à ce que justice soit rendue dans un délai raisonnable et, de manière générale, pour ne pas avoir organisé le système judiciaire de manière telle que la célérité des procédures puisse être assurée ;

    Fautes commises en tant que pouvoir judiciaire : pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires, dans le cas d’espèce, afin de diriger la procédure et de contrôler les actes qu’il ordonne, de manière à assurer la rapidité de la justice rendue ;

    Fautes commises en tant que pouvoir exécutif : pour ne pas avoir donné, dans les limites de ses compétences, les moyens matériels et humains permettant aux juridictions de fonctionner avec la célérité requise ».

    Il considère que ces fautes ont engendré, pour lui, une violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en ce qu’il garantit le droit à une procédure judiciaire menée dans un délai raisonnable. Par répercussion, il estime que ces fautes ont porté atteinte au droit au respect des ses biens, tel que protégé notamment par l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.

    La question de la soumission de l’État belge aux règles générales de responsabilité civile, dont la garantie est confiée aux tribunaux de l’ordre judiciaire n’est pas contestée entre les parties.

    R. précise que la violation de règles internationales, même dans le respect des règles de droit interne, compte parmi les fautes dont l’État belge peut être déclaré responsable. Il invite le tribunal à puiser à la source de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

    En ce qui concerne la charge de la preuve, R. indique que, en la matière, il y a lieu pour lui de prouver les diverses étapes de la procédure, et à l’État belge de démontrer l’existence d’actes ou d’événements durant les étapes de prétendue inactivité. Il estime qu’il appartient à l’État belge de fournir l’explication pertinente des délais d’inactivité constatés.

    En ce qui concerne la faute reprochée à l’État belge en sa qualité de pouvoir judiciaire, M. invoque l’absence de diligence dont ont fait preuve les différentes juridictions saisies. Il invoque le fait que la faute d’un magistrat ou d’une juridiction peut être constatée lorsque celui-ci « soit n’use pas des moyens qui sont expressément prévus par la loi en faveur de la célérité de la procédure (règles spécifiques de mise en état judiciaire, par exemple) soit n’use pas des moyens qui, sans être prévus expressément par la loi, ne sont pas interdits par elle et laissent donc une marge d’appréciation au magistrat, et pourraient avoir un même effet de traitement d’une affaire avec célérité ». Il précise que la responsabilité de l’État pour faute du pouvoir judiciaire ne porte pas atteinte à l’immunité des magistrats.

    Quant à la faute reprochée à l’État belge en tant que pouvoir exécutif, R. invoque le fait que l’abstention par l’exécutif d’adopter les mesures indispensables à la réalisation d’une obligation découlant d’une règle supranationale est actuellement reconnue comme une faute du pouvoir exécutif (arrêt de la Cour de cassation du 23 avril 1971).

    Il reproche enfin à l’État belge, en sa qualité de législateur, de ne pas avoir adopté, en temps opportun, les mesures adéquates afin de lutter efficacement contre l’arriéré judiciaire. Il estime que les mesures adoptées en 2007, soit à la fin de la procédure en cause, sont la preuve des problèmes connus antérieurement et dont l’existence constitue une violation par l’État belge de ses obligations internationales.

    Décrivant plus précisément les fautes reprochées à l’État belge, il précise que l’obligation du juge d’assurer la célérité de la procédure ne disparaît pas du seul fait que le système judiciaire est fondé sur la conduite du procès par les parties.

    Il précise néanmoins que les trois pouvoirs peuvent avoir concouru, par leur comportement, à la violation du droit supranational, et que la faute en revient en définitive à l’État tout entier.

    Il conteste que son comportement, dont il reconnaît qu’il a pu engendrer un retard de quelques mois, soit à l’origine du dépassement du délai raisonnable, qui s’apprécie sur l’ensemble de la procédure.

    Examinant concrètement les fautes reprochées à l’État belge, R. considère que la durée même de la procédure constitue une faute par la violation de l’exigence du délai raisonnable. Il fait notamment reproche au tribunal du travail de ne pas avoir fixé de calendrier contraignant ou des audiences relais pour s’assurer de la mise en état du dossier. Il invoque à cet égard plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme précisant que « même dans les systèmes juridiques consacrant le principe de la conduite du procès par les parties, comme le fait le Code de procédure civil allemand, l’attitude des intéressés ne dispense pas les juges d’assurer la célérité voulue par l’article 6, § 1er ».

    Il rappelle que la première procédure, au fond, a duré cinq ans, dont quatre après le premier jugement ordonnant la jonction des causes.

    R. souligne ensuite que plus de dix-sept ans se sont déroulés entre la requête d’appel et l’arrêt final. Il mentionne que huit ans se sont écoulés entre la requête d’appel et le premier jugement ordonnant la réouverture des débats, puis quatre ans avant la réouverture des débats suivante. Il estime que « la juridiction aurait dû, avec l’arsenal législatif et pratique dont elle disposait, contraindre les parties à exprimer leurs opinions relatives à cet arrêt dans un laps de temps circonscrit ». Il reproche encore à la cour du travail d’avoir pris trois mois pour rendre son arrêt.

    S’il admet que l’affaire était complexe, tant en ce qui concerne la question posée qu’en ce qui concerne le nombre de parties en cause, il estime que cette complexité ne justifie pas l’anormalité de la longueur de la procédure.

    Il précise les implications financières et humaines de la procédure, dans la mesure où il s’est dit convaincu d’avoir agi de bonne foi et dans l’intérêt de ses patients.

    Il conteste avoir adopté un comportement dilatoire, précisant qu’il était défendeur tout au long de la procédure, et n’ayant fait qu’un usage normal des voies de recours qui lui étaient ouvertes.

    Il invoque enfin le fait que la seule durée de la procédure, soit vingt-quatre ans, suffit à établir le dépassement du délai raisonnable et donc la violation de l’article 6 de la Convention.

    Il invoque encore une seconde faute, à savoir la violation de son droit de propriété. En effet, la durée de la procédure a eu pour effet qu’il a dû payer sur les sommes, initialement relativement modiques qui lui étaient réclamées des intérêts considérables.

    Il invoque à cet égard l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme qui dispose que :

    « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».

    Il invoque à cet égard la bonne foi qui l’animait et sa position de défendeur dans la procédure litigieuse.

    Il décrit son préjudice comme étant le montant des intérêts payés par lui, comme ayant couru pendant la période dépassant les limites du délai raisonnable, l’incertitude dans laquelle il a vécu durant vingt-trois ans et l’impossibilité actuelle de déduire fiscalement les sommes payées, puisqu’il a arrêté son activité professionnelle.

    L’État belge estime quant à lui que le juge du fond belge ne peut se fonder directement sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pour conclure à sa faute, mais doit examiner concrètement s’il existe une faute dans le chef d’un des organes de l’État. Il estime que le raisonnement de R. revient à faire peser indûment sur l’État une obligation de résultat. Pour l’État belge, l’examen de la cause devant le juge civil doit consister dans l’appréciation de l’équilibre entre les obligations des parties en présence, et non les obligations abstraites d’un État à l’égard de ses citoyens.

    Il estime que le demandeur n’apporte pas la preuve qui lui incombe et le met dans l’impossibilité d’assurer un débat contradictoire, il lui reproche en outre d’inverser la charge de la preuve. Il produit l’inventaire des dossiers des procédures litigieuses, destiné à justifier que des choses se sont passées durant les périodes prétendues d’inactivité.

    Tout en admettant la possibilité de voir engagée la responsabilité civile des pouvoirs publics, l’État belge indique qu’il appartient au demandeur de préciser l’organe ou le préposé visé comme ayant adopté un comportement fautif.

    Tout comme le demandeur, il invoque l’arrêt rendu le 19 décembre 1991 par la Cour de cassation, mais en déduit que « ce n’est qu’exclusivement en sa qualité de responsable des fautes commises par ses organes dans le cadre de l’exercice de leur fonction que l’État belge pourrait voir sa responsabilité engagée », et expose qu’il appartient au demandeur de prouver in concreto la faute d’un magistrat ayant violé une norme de droit international.

    En ce qui concerne sa responsabilité en tant que pouvoir législatif, l’État belge admet que la Cour de cassation reconnaît que sa responsabilité pourrait être engagée en raison d’une abstention d’agir, alors qu’une norme supérieure de droit international le lui imposait et que la sanction de cette responsabilité appartient aux tribunaux de l’ordre judiciaire.

    Il invoque toutefois de la doctrine critiquant cette jurisprudence de la Cour de cassation et conclut que même en admettant cette jurisprudence comme justifiée, elle n’en revient pas pour autant à consacrer le principe d’une responsabilité de l’État sans faute d’un organe en raison uniquement du fonctionnement défectueux de la justice, mais qu’il s’agit uniquement de la consécration de « la possibilité d’engager la responsabilité de l’État en raison d’une faute du Parlement pour n’avoir pas permis à un justiciable de voir sa cause jugée dans un délai raisonnable ».

    Selon l’État belge, « la responsabilité de l’État belge ne saurait se voir engagée que dans l’hypothèse où il est avéré que le Parlement (un de ses organes) n’aurait pas légiféré de manière à ce qu’un dossier judiciaire puisse être traité dans un délai raisonnable dans le respect des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme », mais non dans le cas où l’arsenal législatif existe, mais n’est pas utilisé par le justiciable. Il rappelle qu’il ne s’agit pas ici d’un problème d’arriéré judiciaire, mais d’une mise en état inadéquate.

    Il estime que R. ne motive pas sa demande en ce qu’elle serait fondée sur une faute de l’État en tant que pouvoir exécutif.

    Dans le cas concret, l’État belge souligne les limites des prérogatives dont disposent les juridictions en ce qui concerne la mise en état des causes, tandis que des possibilités existent en mains des justiciables. Il rappelle encore les limites imposées par l’interdiction pour le tribunal de statuer ultra petita et le nécessaire respect du principe du contradictoire, qui justifie que le tribunal invite les parties à aborder les questions de droit que pose une évolution jurisprudentielle, ce qu’a fait la cour du travail en l’espèce. Il relève la complexité de la cause et la nécessité d’assurer la contradiction à l’égard de toutes les – nombreuses – parties en cause.

    Il fait le reproche à R. de sembler avoir fait volontairement durer les procédures, afin de gagner du temps, ou à tout le moins de ne pas avoir fait usage des possibilités qui s’offraient à lui en vue de diligenter la procédure.

    Préalablement à l’examen concret de la procédure litigieuse, l’État belge considère que la seule mention de la durée de la procédure est insuffisante à prouver la faute.

    Il relève notamment la complexité du litige, le nombre des parties en cause et les recours introduits, notamment deux pourvois en cassation introduits par R.

    Il relève l’imprudence de R. qui a laissé traîner la procédure en longueur, alors que cette durée lui était potentiellement préjudiciable, en raison des intérêts encourus. Il relève que R. aurait notamment pu cantonner les fonds pour éviter le paiement des intérêts, « ce que toute partie normalement prudente et diligente aurait fait ».

    Analysant la durée des procédures litigieuses, l’État belge souligne la lenteur avec laquelle les parties, et singulièrement R. ont mis le dossier en état d’être plaidé. Il relève qu’aucun retard ne peut être observé dans le chef des autorités judiciaires, notamment en réponse aux demandes de fixations et remises, ni dans le prononcé des différentes décisions. Il relève que R., comme les autres parties, aurait pu faire usage des possibilités procédurales existantes. Il souligne enfin le retard de ce dernier à exercer certaines voies de recours, tel son pourvoi du 5 juin 2002 contre l’arrêt du 9 mai 2001.

    Il en déduit qu’aucune faute « n’est imputable à l’un des organes de l’État clairement identifié, lequel pourrait entraîner l’engagement de la responsabilité du concluant ».

    En ce qui concerne la violation du droit de propriété, il renvoie aux propres carences procédurales du demandeur, relevées ci-dessus, ainsi que son imprudence. Il conteste pour le surplus les chiffres avancés par R.

    Rappelant enfin les principes gouvernant la responsabilité civile en droit belge, l’État conteste principalement le lien de causalité, qu’il estime non prouvé en l’espèce. Au demeurant, il estime que si une faute devait être établie, il ne devrait être tenu compte que du dommage relatif à l’étape de la procédure pour laquelle il devrait être responsable.

    b) Les principes

    L’article 6.1 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

    Cet article a été à la base de nombreuses condamnations de différents États et notamment de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’homme pour dépassement du délai raisonnable en matière de procédure civile.

    La possibilité de mise en cause de la responsabilité civile de l’État belge devant les juridictions de l’ordre judiciaire a été progressivement reconnue et est actuellement admise, qu’il s’agisse de l’action ou de l’omission fautive d’agir de chacun de ses pouvoirs, judiciaire, exécutif ou législatif.

    Plus précisément en ce qui concerne ce dernier pouvoir, l’arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2006 a admis que « Saisi d’une demande tendant à la réparation d’un dommage causé par une atteinte fautive à un droit consacré par une norme supérieure imposant une obligation à l’État, un tribunal de l’ordre judiciaire a le pouvoir de contrôler si le pouvoir législatif a légiféré de manière adéquate ou suffisante pour permettre à l’État de respecter ses obligations, lors même que la norme qui l’a prescrit laisse au législateur un pouvoir d’appréciation quant aux moyens à mettre en œuvre pour en assurer le respect » (Cass., 28 septembre 2006, J.L.M.B., 2006, p. 1548).

    Contrairement à ce que plaide l’État belge, il ne s’agit pas ici pour la Cour de cassation de faire œuvre législative, mais de faire application des normes internationales directement applicables en droit belge en en tirant les conséquences logiques.

    Il faut rappeler que l’arrêt du 28 septembre 2006 a précisément été rendu en matière de délai déraisonnable dans une procédure civile, même si le contexte (à savoir en l’espèce l’arriéré chronique de la Cour d’appel de Bruxelles siégeant en matière civile) est différent de celui de la présente affaire.

    c) Pouvoir du juge judiciaire

    Contrairement à ce que plaide l’État belge, il n’est pas question dans la présente procédure pour le tribunal de se substituer à la Cour européenne des droits de l’homme. Il lui est uniquement demandé de déterminer si l’État belge a commis une faute au sens des articles 1382 et suivants du Code civil belge, et en tirer les conséquences en droit et en fait.

    Au demeurant, il se déduit de la jurisprudence actuelle de la Cour européenne des droits de l’homme (voy. arrêt Depauw c. Belgique du 15 mai 2007, J.T., n° 6283, 34/2007, p. 720 et note F. Krenc) que le recours indemnitaire en responsabilité contre l’État belge devant le juge judiciaire peut être considéré, depuis que l’arrêt Ferreira Jung rendu le 28 octobre 2006 par la Cour de cassation est suffisamment connu, comme un recours devant préalablement être épuisé au sens de l’article 35 de la Convention.

    Pour l’appréciation de la faute, le tribunal doit cependant vérifier quelles étaient les obligations de l’État belge au regard des dispositions de droit interne et de droit international directement applicable.

    d) Charge de la preuve

    Selon la jurisprudence strasbourgeoise constante, l’article 6, § 1er, de la Convention oblige les États contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que les tribunaux puissent remplir chacune de ses exigences, notamment celle du délai raisonnable.

    Il en résulte que le seul constat de ce qu’une procédure a dépassé les limites du délai raisonnable constitue pour l’État une faute.

    Il est en effet actuellement admis que la Cour européenne des droits de l’homme impose aux États membres, sur la base de l’article 13 de la Convention, l’indemnisation à titre curatif des dommages résultant d’un dépassement, préalablement constaté, du délai raisonnable de la procédure judiciaire.

    « La particularité de cette obligation d’indemnisation est que sa naissance et son étendue ne sont aucunement subordonnées à la démonstration du caractère spécifiquement fautif du comportement de l’autorité qui se trouve à la base de la méconnaissance, préalablement établie, du délai raisonnable. Toute appréciation portée sur ce caractère fautif est contenue, et, pour ainsi dire, s’épuise dans la question préalable de savoir s’il y a eu ou non, violation de la garantie du délai raisonnable. Si l’allongement de la procédure juridictionnelle en cause est imputable à des facteurs exogènes au comportement de l’autorité – la complexité de l’affaire, le comportement des parties, ou encore, un cas fortuit telle une grève du barreau face à laquelle l’autorité se trouve démunie – alors, et selon les principes classiques qui gouvernent la matière, nulle violation de l’article 6, § 1er, de la Convention ne sera constatée, et la question de l’éventuelle indemnisation du justiciable victime de cet enlisement procédural ne se posera pas. Si par contre ledit enlisement n’est pas attribuable à l’un des facteurs exogènes prérecensés, mais bien au comportement de l’autorité – qu’elle soit judiciaire, administrative ou législative, peu importe – la violation de l’article 6 de la Convention sera consommée, et la victime de celle-ci pourra automatiquement, sans avoir à rapporter de démonstration supplémentaire sur le caractère fautif ou non de cette violation, prétendre à la réparation de son dommage »(S.

    VAN

    D

    ROOGHENBROECK

    , « Arriéré judiciaire et responsabilité de l’État législateur : dissiper les malentendus et les faux espoirs », R.C.J.B., 2007, p. 393).

    e) Examen des critères

    L’examen de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est nécessaire aux fins d’apprécier quelles étaient précisément les obligations de l’État belge en l’espèce.

    Comme dit ci-dessus, la Belgique a encouru un grand nombre de condamnations en raison de la durée déraisonnable des procédures civiles.

    L’essentiel de ces arrêts de condamnation concernait l’arriéré chronique de fixation des causes devant la Cour d’appel de Bruxelles, dans le courant des années 1990 en raison de l’insuffisance de magistrats et le système de liste d’attente mis en place à cet égard.

    Plus rares sont les arrêts rendus à l’encontre du Royaume de Belgique qui concluent au dépassement du délai raisonnable en raison de la mise en état de la cause.

    Dans un arrêt Marien c. Belgique 46046/99 du 3 novembre 2005, la Cour européenne des droits de l’homme a néanmoins examiné une affaire où ce n’étaient pas tant les délais de fixation qui étaient en cause, mais également la mise en état de l’affaire.

    En l’espèce une procédure avait duré douze ans et neuf mois pour trois instances.

    La cour a rappelé que « Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause, lesquelles commandent en l’occurrence une évaluation globale, et en tenant compte des critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voy., parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France, gr. ch., n° 30979196, § 43, CEDH 2000-VII) ».

    Après avoir constaté que ni la première instance ni l’instance en cassation n’avaient été traitées dans des délais déraisonnables, la Cour décide de s’arrêter à la procédure d’appel, qui avait duré sept ans.

    À cet égard, la Cour est d’avis qu’il y a lieu de distinguer entre la période mise en état, qui avait duré six années et la période postérieure à la mise en état de la cause. À cet égard, la Cour constate que « la procédure a débuté le 17 juillet 1987 par l’acte d’appel des requérants. L’État belge a déposé des conclusions le 9 septembre 1988. Par une lettre du 17 avril 1989, le greffe a informé les requérants que l’audience était fixée au 25 octobre 1993. La Région flamande a succédé à l’État belge le 2 septembre 1993. Le 23 septembre 1993, les requérants, auteurs de l’appel, ont déposé des conclusions incomplètes, finalement complétées le 4 février 1994 après que la cour d’appel ait (sic) ordonné, pour cette raison, la réouverture des débats par un arrêt interlocutoire du 20 décembre 1993 ».

    La Cour relève « d’une part, qu’en droit belge, la procédure civile est régie par le principe dispositif et rappelle que ce principe, qui consiste à donner aux parties des pouvoirs d’initiative et d’impulsion, implique que la responsabilité de la marche de la procédure incombe aux parties (voy., entre autres, mutatis mutandis, Scopelliti c. Italie, arrêt du 23 novembre 1993, série A, n° 278, § 25). D’autre part, selon sa jurisprudence, il incombe aux États contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (arrêts Entreprises Robert Delbrassine s.a. et autres c. Belgique du 1er juillet 2004, § 27, et Vocaturo c. Italie du 24 mai 1991, série A, n° 206-C, p. 32, § 17) ».

    Dans le cas d’espèce la Cour a estimé que « le délai de fixation de plus de quatre ans et demi est imputable à l’État défendeur à qui il appartenait d’organiser les tribunaux de manière telle que le respect des exigences de l’article 6, § 1er, en matière de délai raisonnable soit assuré. Tel n’était pas le cas s’agissant dudit délai et la qualité de partie au procès de l’État belge ou de la Région flamande est sans incidence sur ce point. En revanche, selon la Cour, le délai supplémentaire qui s’est écoulé en raison du caractère incomplet des conclusions déposées par les requérants ne saurait être reproché à l’État belge. Il n’en reste pas moins que du fait des quatre ans et demi imputables à l’État, le délai global de l’instance d’appel, a été porté à sept ans et trois mois. L’ensemble de la procédure a ainsi duré plus de douze ans pour trois degrés de juridiction ».

    Dans un arrêt rendu le 26 octobre 2006 dans une affaire Lenardon c. Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme avait à connaître d’une cause dans laquelle « la période à considérer a débuté le 10 mars 1987 avec le jugement condamnant pénalement le responsable de l’accident et s’est achevée le 14 janvier 2003 par l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, statuant sur les intérêts civils, soit dix-sept ans après les faits. La procédure a donc duré quinze ans et plus de onze mois ».

    Après avoir rappelé les principes ci-avant, et sans relever de retard particulier dans la fixation de la cause, la Cour a constaté que « des retards ont affecté la procédure. Ainsi, cinq ans se sont écoulés entre le premier arrêt rendu par la cour d’appel et l’arrêt définitif. La Cour relève également que l’expertise ordonnée en première instance a duré plus de deux ans et rappelle à cet égard que l’expert travaillait dans le cadre d’une procédure judiciaire contrôlée par un juge qui restait chargé de la mise en état et de la conduite rapide du procès (arrêts Capuano c. Italie du 25 juin 1987, série A, n° 119, § 30, et Pierazzini c. Italie du 27 février 1992, série A, no 231-C, § 18). Elle relève aussi que l’expertise ordonnée en appel, alors que la procédure avait déjà atteint une durée de plus de dix ans, a duré plus de trois ans. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse était excessive et ne répondait pas à l’exigence du délai raisonnable ».

    Il se déduit de ce dernier arrêt que la longueur excessive d’une procédure, due à sa mise en état, et ce même dans le cas d’une procédure régie par le principe dispositif peut être constitutive de faute dans le chef de l’État.

    f) Cadre législatif de

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