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Droit des affaires et sociétés: Actualités et nouveaux enjeux (Droit belge)
Droit des affaires et sociétés: Actualités et nouveaux enjeux (Droit belge)
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Droit des affaires et sociétés: Actualités et nouveaux enjeux (Droit belge)

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La pratique des sociétés a connu, ces dernières années, des évolutions majeures issues de réformes du droit commercial et du droit fiscal impulsées par les législateurs belge et européen. D’importants développements jurisprudentiels ont également contribué à modifier l’environnement réglementaire dans lequel évoluent les sociétés.

Dans ce contexte, le présent ouvrage poursuit l’ambition d’examiner, avec un regard nouveau et résolument orienté sur la pratique, différentes problématiques d’actualité soulevant fréquemment des difficultés dans la vie des sociétés :
• la responsabilité sociale des entreprises,
• l’abus et ses modalités d’application en droit des sociétés et en droit fiscal,
• la libération du capital social et les difficultés juridiques qu’elle suscite dans les relations financières entre une société et ses actionnaires,
• quelques questions relatives au fonctionnement des organes sociaux et à la représentation des sociétés, notamment les règles relatives à la convocation des organes, aux conflits d’intérêts, aux clauses de « double signature » et aux délégations de pouvoir,
• le transfert transfrontalier du siège social et les principales étapes qui jalonnent la réalisation de cette opération, tant sous l’angle du droit d’émigration que du droit d’immigration,
• les récentes modifications législatives en matière de continuité des entreprises.

Compte tenu de la diversité des questions abordées, cet ouvrage s’adresse à l’ensemble des acteurs et praticiens du droit des sociétés – entrepreneurs, avocats, notaires, experts-comptables, réviseurs d’entreprises, magistrats, etc. – désireux d’actualiser leurs connaissances.
LanguageFrançais
PublisherAnthemis
Release dateApr 9, 2015
ISBN9782874558009
Droit des affaires et sociétés: Actualités et nouveaux enjeux (Droit belge)

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    Droit des affaires et sociétés - Collectif

    AILLE

    Introduction

    Il relève aujourd’hui du lieu commun d’affirmer que la gestion d’une entreprise nécessite la prise en compte d’une multitude de paramètres juridiques relevant de différents champs du droit, et en particulier de la réglementation commerciale, fiscale, comptable, financière et sociale. L’époque contemporaine est cependant caractérisée par un mouvement d’inflation et de complexification du droit des affaires qui trouve notamment son origine dans la multiplication et l’internationalisation des sources normatives. Plus que jamais, ces phénomènes exigent des acteurs économiques une faculté d’adaptation permanente.

    En focalisant son attention sur la pratique des sociétés, l’on peut observer que celle-ci a connu, ces dernières années, des évolutions majeures issues de réformes du droit commercial et du droit fiscal impulsées par les législateurs belge et européen. D’importants développements jurisprudentiels ont également contribué à modifier l’environnement réglementaire dans lequel évoluent les sociétés. En pratique, l’application de cette réglementation suscite de nombreuses hésitations et confronte les sociétés à des défis souvent cruciaux pour leur développement.

    Dans ce contexte, les auteurs du présent ouvrage ont pris le parti d’examiner, sous un regard original et orienté sur la pratique, différentes problématiques d’actualité qui soulèvent fréquemment des difficultés dans la vie des sociétés. Les promoteurs de ce livre, qui constitue le premier opus de la collection Pratique des sociétés, ont cependant tenté de réaliser une balance entre les préoccupations des praticiens et des réflexions portant sur des thématiques encore souvent méconnues du grand public.

    Ainsi, par exemple, peut-on penser qu’il n’existe pas de lien véritable entre une théorie générale de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et la fiscalité. Le professeur Jacques Malherbe a cependant rappelé dans sa contribution qu’au-delà de la poursuite de l’intérêt social au sens traditionnel du terme, la liberté dont disposent les entreprises en matière de politique fiscale peut bel et bien s’apprécier sur le plan de l’éthique. Au vrai, le domaine de la RSE est ouvert à la fiscalité, comme l’illustrent les différents points de contact entre ces deux sphères. Si les contours de ce que recouvre la RSE en fiscalité ne sont pas clairement circonscrits à l’heure actuelle, l’on observe qu’à l’initiative des législateurs nationaux et de différents forums internationaux, des incitants et des recommandations sont adoptés afin d’encourager l’inclusion de choix socialement responsables dans la politique de gouvernance des entreprises.

    Parallèlement aux incitants légaux susceptibles de favoriser l’adoption de comportements socialement responsables, les options de gestion ouvertes aux entreprises peuvent se trouver limitées en application de mécanismes classiques, tels que la théorie de l’acte anormal de gestion ou l’interdiction de l’abus de droit. Cette importante thématique de l’abus est bien connue en droit des sociétés, où elle a déjà fait l’objet d’abondants commentaires. Pour autant, le contenu et les contours de cette notion protéiforme demeurent incertains, et en proie à de fréquentes divergences d’interprétation. Dans sa contribution, Patrick Saerens est donc utilement revenu sur les fondements de l’abus qui est susceptible de découler de l’exercice du droit de vote des actionnaires/associés. Comme l’a mis en évidence la jurisprudence, l’exercice abusif du droit de vote peut être décliné sous la forme d’un abus de majorité, d’un abus de minorité, ou encore d’un abus d’égalité, et donner lieu à l’application d’un panel de sanctions judiciaires visant à préserver le fonctionnement équilibré de la démocratie actionnariale.

    En matière fiscale, la problématique de l’abus a récemment fait l’objet d’une importante réforme, à la faveur de la loi-programme du 29 mars 2012 qui a introduit la notion d’«abus fiscal» dans la législation belge. Cette intervention législative, qui traduit une volonté réaffirmée de lutter contre la fraude fiscale, n’a cependant pas manqué de susciter d’importantes inquiétudes dans le chef des contribuables, et en particulier des entreprises. Comme l’ont montré Thierry Blockerye et Pierre-Olivier van Caubergh, les nouvelles dispositions anti-abus contenues aux articles 344, § 1er du Code des impôts sur les revenus et 18, § 2 du Code des droits d’enregistrement ont un champ d’application très large. La portée de celles-ci prête cependant le flanc à des divergences d’interprétation préjudiciables à la sécurité des affaires. Dans ce contexte, les auteurs se sont penchés sur l’application de la notion d’abus fiscal à différentes opérations de réorganisation simples et complexes, pratiquées par les sociétés dans un but d’optimalisation fiscale.

    En droit belge, de nombreuses dispositions du Code des sociétés témoignent de l’influence traditionnelle du capital social dans la construction du régime juridique des principaux types de sociétés à responsabilité limitée. De la constitution à la dissolution, et tout au long de la vie sociale, ces sociétés sont tenues au respect des dispositions du Code des sociétés qui encadrent la souscription, la libération et, plus généralement, toutes les opérations sur le capital social. Si ces dispositions semblent a priori aisées à appréhender, elles peuvent toutefois engendrer certaines controverses, dans la mesure où elles ne règlent pas les particularités susceptibles d’affecter la libération du capital intervenant postérieurement à sa souscription. À cet égard, Henri Culot a judicieusement rappelé qu’en pratique, des difficultés juridiques apparaissent régulièrement dans les relations financières entre une société et ses actionnaires, en particulier dans les petites sociétés où la séparation entre la société, son organe de gestion et les associés est moins nette. Lorsqu’elle intervient postérieurement à la souscription, la libération du capital donne ainsi fréquemment lieu à des litiges, en particulier en cas de faillite ou dans certaines hypothèses où un compte courant d’associé a été établi. Il importait donc de se saisir de ces questions et de déblayer les controverses qui l’entourent, avant d’en tirer les enseignements pratiques.

    À l’instar de la problématique de la libération du capital social, les questions liées au fonctionnement des organes sociaux et à la représentation des sociétés peuvent sembler classiques, compte tenu de l’abondance des commentaires dont elles ont fait l’objet dans la littérature spécialisée. Pour autant, au même titre que les questions spéciales évoquées ci-dessus, cette matière demeure empreinte de nombreuses zones d’ombre et donne lieu à de fréquentes hésitations pratiques. Afin de coller le plus étroitement possible aux préoccupations des praticiens, Didier Willermain a focalisé son attention sur quelques thématiques qui posent fréquemment problème. D’une part, sous l’angle du fonctionnement des organes sociaux, l’auteur s’est attaché à rappeler les spécificités des règles de quorum de présence et de majorité, avant d’examiner les modalités d’application des règles du Code des sociétés régissant les conflits d’intérêts au sein des organes de gestion. Se penchant, en second lieu, sur la problématique de la représentation des sociétés, Monsieur Willermain s’est d’abord livré à l’examen des conséquences des irrégularités du processus de décision interne sur les engagements souscrits par un organe de représentation d’une société, avant d’aborder les différentes modalités de délégation du pouvoir de représentation.

    Conjointement avec Sophie Maquet, nous sommes revenus sur la problématique du transfert transfrontalier du siège social, qui se révèle aussi actuelle que complexe. En effet, en dépit d’une consécration par le juge européen, l’opération ne bénéficie toujours pas d’un régime juridique ad hoc en droit belge, en manière telle qu’elle donne souvent lieu à des solutions, certes pragmatiques, mais peu soucieuses des intérêts légitimes des tiers, singulièrement des créanciers. Après un rappel théorique de l’environnement réglementaire applicable en matière commerciale et fiscale, nous nous sommes attachés, dans une perspective notariale, à examiner les principales étapes qui jalonnent la réalisation de cette opération, tant sous l’angle du droit d’émigration que du droit d’immigration.

    Enfin, le présent ouvrage n’eut pas atteint son ambition s’il avait occulté l’examen des récents développements rencontrés en matière de continuité des entreprises. L’expérience acquise après bientôt quatre années d’application de la loi du 31 janvier 2009 a, en effet, mis en lumière la nécessité d’opérer certains aménagements destinés à rendre les instruments de réorganisation plus efficaces et performants. L’adoption de la loi du 27 mai 2013 s’inscrit dans ce contexte et traduit la volonté du législateur de répondre aux critiques formulées par les praticiens, en amendant et en clarifiant certaines dispositions légales.

    Comme l’a relevé Patrick della Faille, la nouvelle loi poursuit des objectifs importants, à savoir (i) l’amélioration de la prévention et de la détection des entreprises en difficulté; (ii) la prévention des abus; (iii) l’amélioration des droits des créanciers; (iv) la clarification des droits des travailleurs et du sort des organes consultatifs en cas de transfert sous autorité de justice; (v) la clarification des droits et obligations de l’ONSS et de l’administration fiscale; (vi) la clarification de certains éléments de la LCE; et (vii) sa simplification. C’est à l’analyse minutieuse de ces différentes questions pratiques qu’est dédiée la contribution de Monsieur della Faille.

    En définitive, la diversité et la richesse des thématiques esquissées ci-dessus illustrent, s’il en est besoin, l’utilité de poser un «nouveau regard» sur la pratique des sociétés, résolument kaléidoscopique. Mobilisant des disciplines juridiques diverses, la société, vêtement privilégié de l’entreprise, requiert plus que jamais de ses promoteurs une démarche d’interdisciplinarité et une adaptabilité aux évolutions de l’environnement juridique. C’est, en tout cas, dans cet esprit que le présent ouvrage a été conçu.

    Édouard-Jean N

    AVEZ

    Responsabilité sociale de l’entreprise et fiscalité

    ¹

    Jacques M

    ALHERBE

    Professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain

    Avocat au barreau de Bruxelles (Liedekerke)

    À première vue, il n’existe pas de rapport entre une théorie générale de la responsabilité sociale de l’entreprise et la fiscalité. La fiscalité est étroitement et strictement définie par la loi. L’entreprise observe la loi non seulement en vertu de principes de responsabilité sociale mais plus simplement en vertu de l’obligation qui s’impose à tout citoyen. La prise en considération par l’entreprise de l’environnement fiscal semblerait se limiter à cette attitude respectueuse des normes.

    Parfois, la discussion va au-delà et place l’attitude fiscale d’un contribuable sur le plan de l’éthique.

    Si l’on y regarde de plus près, les points de contact entre responsabilité sociale et fiscalité existent néanmoins.

    Section 1

    Les options fiscales

    1. La gestion par l’entreprise de sa fiscalité fait partie de la gestion financière. L’entreprise se trouve devant une série de choix fiscaux qui peuvent être purement tactiques et relever de la technique fiscale.

    Des options lui sont en effet offertes par la loi. Elle peut choisir de pratiquer les amortissements accélérés ou pas, d’acter ou non des plus-values de réévaluation, d’imputer ses déficits dans le passé ou dans le futur, de choisir un système d’intégration fiscale, de pratiquer des réorganisations sous forme de fusions ou de scissions, de choisir parfois un régime d’imposition forfaitaire ou réel, d’accorder à des salariés des rémunérations déductibles ou des avantages de toute nature (voiture de société, etc.) qui ne seraient que partiellement déductibles.

    Les Professeurs Amparo Grau et Javier Martín Fernández² ont étudié les incitants fiscaux comme source de promotion de la responsabilité sociale. Comme il s’agira de textes législatifs, ils trouvent leur justification dans la Constitution. Si l’on prend l’exemple de l’Espagne, on y lira le droit au travail, le droit à un environnement adéquat, le droit au traitement des personnes physiquement diminuées. Les incitants seront les suivants: amortissements libres pour les petites entreprises ayant développé l’emploi; réduction de l’impôt des sociétés dans des conditions semblables; incitants à l’engagement de handicapés; déduction pour investissements favorables à l’environnement; exemption favorisant le transport public des travailleurs.

    Nos auteurs n’oublient pas la responsabilité de l’administration fiscale: l’Espagne a introduit un Code de bonnes pratiques de cette administration.

    Dans l’exercice de ces choix, qu’ils soient mineurs ou importants, l’entreprise devra tenir compte de règles comptables qui lui laissent également parfois une marge d’appréciation. Dans les pays où le bilan fiscal s’identifie au bilan comptable, la contrainte sera plus forte. Les règles d’évaluation adoptées par le conseil d’administration de l’entreprise s’imposeront sur le plan comptable comme sur le plan fiscal. De plus, des règles comptables comme le principe de permanence des méthodes comptables, le principe de prudence, imposant notamment dans la comptabilité traditionnelle la comptabilisation au prix d’acquisition, le choix d’une méthode d’évaluation des stocks (LIFO, FIFO, prix moyen pondéré) détermineront le cadre comptable et, par répercussion, le cadre fiscal dans lequel s’insère l’entreprise.

    Les choix ainsi effectués auront des conséquences diverses. Ils peuvent être dictés par le seul souci de diminuer le résultat imposable. En diminuant la charge d’impôt, les dirigeants considéreront qu’ils effectuent un acte de bonne gestion. Ils diminuent toutefois également le résultat distribuable aux actionnaires et peut-être l’attractivité de leurs titres lors d’émissions ultérieures. Ils diminuent la base sur laquelle sera calculée leur rémunération variable.

    S’inscrit également dans ces limites politiques le choix, relevant tant des actionnaires que des administrateurs, entre financement par fonds propres et financement par fonds empruntés. Le financement par fonds empruntés permet généralement une déductibilité des intérêts mais affaiblit la structure financière de l’entreprise. Le financement par fonds propres donne plus de sécurité et permet un accès plus vaste au crédit bancaire. Dans certains pays, la déduction d’intérêts notionnels ou théoriques sur fonds propres permet un rapprochement des deux situations (Belgique – Brésil).

    Les politiques d’intéressement des travailleurs aux résultats de l’entreprise ont également un impact fiscal, tant pour la société que pour son personnel. On voit donc que les « stakeholders » – l’État bien entendu mais aussi les actionnaires et les travailleurs – sont intéressés aux choix de politique fiscale de la société.

    Section 2

    La gestion du risque fiscal

    2. La gestion du risque fiscal est un autre aspect du gouvernement d’entreprise. La loi fiscale est loin de donner à ses lecteurs une certitude absolue d’absence de redressement lors de choix effectués en dehors des options techniques qu’elle offre.

    En principe, l’administration ne peut intervenir dans les décisions de gestion de l’entreprise. Toutefois, des notions comme celles de l’acte normal de gestion, de l’abus de droit ou de la dépense sans lien avec l’objet social de l’entreprise créent des risques qui peuvent être considérables. Il en est de même du domaine des prix de transfert.

    Sans doute la certitude peut-elle parfois être obtenue par un rescrit ou ruling de l’administration. La validité d’un tel ruling dépend souvent d’un exposé complet et sans réticence de toutes les circonstances de fait. Il se complique sur le plan international par l’intervention parallèle de diverses administrations dans le cas d’opérations entre entreprises liées situées dans des pays différents. L’entreprise devra donc apprécier un risque de gestion et peut-être rechercher des justifications qui se concilient avec l’existence de motifs non fiscaux à ces décisions: prise en considération de l’emploi, de la conquête de marchés ou au contraire d’un repliement nécessaire.

    Le professeur Martial Chadefaux a jadis consacré sa thèse à l’audit fiscal, anticipant ainsi l’importance de cette démarche dans la gestion du risque fiscal. Il faut distinguer l’erreur comptable, commise de bonne foi, et la décision de gestion qui implique un choix. La jurisprudence de nombreux pays admet que l’on puisse revenir sur une erreur comptable et que l’assemblée générale peut amender un bilan déjà approuvé.

    Il ne pourrait toutefois être admis que la décision de considérer une somme comme un bénéfice soit rectifiée au prétexte d’une erreur³, ni en ce qui concerne la comptabilisation en résultat et non dans un compte de réserves indisponibles⁴.

    De même, en France, si des immobilisations incorporelles sont à tort considérées comme des charges, la charge sera rejetée pour ce qui dépasse l’amortissement qui aurait été admis pour l’exercice. Un amortissement par régularisation des écritures comptables avec inscription de l’immobilisation incorporelle à l’actif et réintégration du prix d’achat dans les bénéfices ne sera admissible que si l’administration considère que le contribuable a agi de bonne foi et n’a pas commis d’erreurs graves ou répétées⁵.

    Section 3

    Les aides fiscales

    3. La politique fiscale prendra également en considération l’existence d’aides fiscales en faveur de certaines activités, de certaines régions, voire de l’établissement dans certains pays. Ces aides fiscales sont généralement accordées à des investissements d’une certaine permanence, ce qui les lie à nouveau à une décision de gestion qui ne peut être dictée seulement par des considérations fiscales. Les engagements pris à cet égard vis-à-vis d’autorités locales devront être respectés. La réputation mondiale d’une entreprise multinationale peut être en jeu (voy. Arcelor Mittal ou Peugeot).

    Section 4

    Les paradis fiscaux

    4. Une autre zone délicate est celle de l’utilisation de filiales ou succursales établies dans les paradis fiscaux, notamment par les banques. Le recours à des zones de non-fiscalité peut être licite pour certaines opérations. Les « hedge funds » ont tendance à utiliser des partnerships établis dans des paradis fiscaux pour réaliser des investissements dans des produits qui sont, eux, fiscalisés. Ils évitent ainsi les frottements fiscaux qui peuvent également être réduits par le recours à certains organismes de placement collectif établis dans les juridictions « normales » mais dont le maniement est lourd, complexe et sujet à autorisation.

    En revanche, le recours à ces juridictions peut dissimuler des opérations marginales, critiquables dans le pays de l’un ou l’autre ou de tous les investisseurs concernés. Des dispositifs comme celui des sociétés étrangères contrôlées impliquent que le recours à ces constructions est licite mais que le revenu dégagé dans la juridiction privilégiée doit être déclaré immédiatement par l’investisseur dans son pays de résidence.

    La répugnance croissante des pays industrialisés, surtout depuis le début de la crise, attache toutefois un risque de réputation à ces techniques. On peut le juger paradoxal puisque la crise trouve son origine dans les mauvaises pratiques des banques américaines, à savoir de celles de la juridiction la plus industrialisée.

    Dans la mesure où la responsabilité sociale de l’entreprise ne se conçoit qu’audelà du droit et non comme la simple application de règles de droit, il faut constater que la lutte contre l’usage abusif des juridictions privilégiées n’a connu aucun résultat tant que des mesures législatives n’ont pas été prises, d’une part, pour rendre l’exonération de sociétés étrangères établies dans ces juridictions inefficace par des mesures de transparence fiscales et, d’autre part, en appliquant à ces juridictions, théoriquement indépendantes, une pression considérable pour obtenir des renseignements concernant leur utilisation par des contribuables de pays industrialisés.

    S’ajoutent à ce double mouvement des opérations que l’on peut qualifier de piraterie internationale par l’utilisation de données volées dans les banques par d’anciens employés, voire même par l’achat de telles informations. On se trouve bien entendu dans ce cadre au-delà du droit. Il est divertissant de comparer l’attitude d’un pays qui, comme les États-Unis, se voit dérober des données militaires ou diplomatiques et entreprend une campagne indignée contre les auteurs de ces actes et l’attitude d’États qui sont également des États de droit à l’égard de délits de droit commun qui peuvent leur révéler des données fiscales intéressantes.

    Les tribunaux nationaux se sont montrés peu réceptifs aux reproches faits à l’utilisation de preuves obtenues illégalement. La jurisprudence a souvent exigé, pour qu’elles soient écartées des débats, qu’il soit établi que l’autorité administrative ou judiciaire elle-même, en la personne par exemple d’un procureur ou de la police, avait participé au délit. Une décision de la Cour d’appel de Bruxelles, confirmant un jugement du tribunal de première instance, a par exemple écarté un ensemble de données recueillies par la police à la suite de perquisitions fictives et de contacts avec des intermédiaires négociant des données volées⁶.

    Deux règles morales s’affrontent ici: d’une part, la raison d’État et la défense, en des temps de crise, des ressources fiscales, d’autre part, le respect de la règle pénale.

    La lutte contre la concurrence fiscale dommageable ne s’est d’ailleurs pas limitée aux paradis fiscaux mais s’est étendue à l’attitude de pays industrialisés les uns vis-à-vis des autres, soit dans le cadre européen⁷, soit dans le cadre de l’OCDE⁸.

    La pression politique exercée sur les États a, entre États industrialisés, amené à la suppression d’un certain nombre de mesures fiscales critiquables destinées à attirer les investissements au détriment d’autres États. Parfois, l’intervention de la Commission européenne, en application des règles de la prohibition des aides d’État, a été nécessaire.

    À la suite de la crise, les actions du G20 ont mené à la conclusion avec de nombreux paradis fiscaux d’accords ad hoc sur l’échange d’informations. Dans le cadre même de l’OCDE, l’article 26 de la Convention modèle sur la prévention de la double imposition et de l’évasion fiscale internationale, proposant aux États membres un échange d’informations sur demande, a été maintenant largement accepté par la totalité des juridictions, y compris la Suisse. Un nouveau mouvement se dessine en faveur d’une généralisation de l’échange d’informations automatiques, déjà prévue par la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne sous forme d’intérêts. Les quelques pays qui pratiquaient encore, dans ce dernier cadre, une retenue à la source à partager entre l’État de la résidence et l’État de la source, manifestent leur disposition à terme à passer à l’échange d’informations automatique, ce que le Luxembourg fera par exemple pour les intérêts à partir de 2015.

    D’autre part, des dispositions légales s’adressent aux contribuables eux-mêmes, à la suite notamment d’autres initiatives de l’OCDE⁹.

    Le droit positif exige des contribuables la communication, via leur déclaration fiscale, de divers renseignements: détention de comptes à l’étranger, numéro de ces comptes, existence de « positions fiscales incertaines », voire communication de planifications fiscales agressives en général.

    Surtout, au-delà du droit, s’engagent des programmes de discipline fiscale coopérative fondés sur de meilleures relations entre les contribuables, l’administration et les conseillers fiscaux¹⁰. À la suite d’un vaste mouvement d’opinion, faisant suite à certains scandales financiers, comme la révélation par ministre français du Budget de l’existence d’un compte en Suisse¹¹, un mouvement de réprobation et donc un risque réputationnel affecte les entreprises dont on révèle les activités dans des paradis fiscaux¹². Dans de nombreux pays, les rapports de gestion des sociétés doivent s’accompagner d’informations en matière de contrôle interne, d’actions sociales ou environnementales. La Commission des finances de l’Assemblée Nationale française a proposé en septembre 2009 qu’on y ajoute la publication de l’ensemble des activités conduites par l’entreprise dans les paradis fiscaux, le cas échéant scindées en une obligation d’information générale et une obligation d’information détaillée à destination de l’autorité de contrôle¹³.

    La dimension fiscale est maintenant insérée dans de nombreux ouvrages théoriques sur la gouvernance d’entreprises¹⁴. Les études récentes sur les paradis fiscaux fleurissent, d’études scientifiques et documentées¹⁵ aux récits plus proches du journalisme¹⁶. De nombreux magistrats se sont également exprimés dans la presse en réclamant davantage de moyens. Certains ont pris la plume pour écrire des romans non dénués de mérite littéraire¹⁷.

    L’application de la règle fiscale et de ses prolongements éthiques s’avère complexe: si l’observation des dispositions précises de la loi est une obligation évidente, l’optimisation fiscale est parfois considérée comme un élément de ce que Milton Friedmann appelait la principale responsabilité sociale: la maximisation du profit de l’entreprise.

    Cette optimisation, à son tour, entraîne des risques notamment dès lors que fleurissent dans les législations des dispositions générales imposant en matière fiscale de ne recourir qu’à des structures juridiques reflétant des réalités économiques, voire de respecter non seulement la lettre de la loi mais également son esprit. Certains vont jusqu’à attendre des entreprises des attitudes qui consisteraient à ne pas choisir les solutions fiscales les plus avantageuses¹⁸.

    Section 5

    La délocalisation

    5. Enfin se pose sur le plan de l’éthique la question de la délocalisation. La motivation principale de celle-ci est généralement une diminution des coûts salariaux mais des motivations fiscales peuvent également intervenir. La concurrence fiscale est loin d’être condamnée par l’Union européenne. Seule a fait l’objet de critiques la concurrence fiscale dommageable, tant au sein de l’OCDE que de l’Union. La décision politique que constitue le Code de conduite européen a permis d’éliminer de nombreuses pratiques mais cette fois-ci dans le chef des gouvernements. La condamnation des aides d’État par le droit de la concurrence européen a eu le même effet.

    Songeons à la règle espagnole qui permettait jadis l’amortissement du « goodwill » d’acquisition de sociétés étrangères¹⁹.

    À la délocalisation des entreprises s’ajoute celle de leurs propriétaires. L’instauration, en France particulièrement, d’un impôt sur la fortune n’y est pas étrangère. Des articles de presse ont également attaché une réprobation morale à ce genre de déplacements, pourtant significatifs de la liberté de circulation des personnes en Europe²⁰.

    Section 6

    Les amnisties fiscales

    6. Dans le cas où l’entreprise aurait participé dans le passé à des opérations dont la licéité fiscale peut être critiquée, se posera à elle le choix de les révéler lors de procédures d’amnistie ou de régularisation fiscale, qui lui seraient ouvertes dans le pays de son siège. Ce choix relève tant de la décision de gestion que de l’éthique.

    Les amnisties fiscales ont existé avec plus ou moins de fréquence dans divers pays. Les progrès de l’échange international d’informations leur assurent actuellement un grand succès²¹.

    7. Un exemple de passage du domaine de la soft law au domaine de la hard law réside dans la taxation environnementale. Au lieu d’un encouragement, on en arrive à des mesures contraignantes avec parfois des options (taxe carbone).

    La politique environnementale comprend non seulement des mesures de répression et de contrôle mais également des instruments économiques au nombre desquels figurent sans doute les impôts mais surtout la création, étrange en principe, d’un marché, défini comme « un ensemble de transactions dans lesquelles des montants de réduction d’émission de gaz à effet polluant s’échangent »²².

    Section 7

    La gouvernance fiscale

    8. La gouvernance dans les relations entre l’administration fiscale et les citoyens fit l’objet, les 20 et 21 septembre 2012, d’un colloque organisé par le Ministère des finances autrichien et l’Institut autrichien de droit fiscal de l’Université d’économie de Vienne avec, fait remarquable, la collaboration de la Faculté de psychologie de l’entreprise²³. Sans surprise, les rapporteurs proposent, en fonction d’une « compliance – pyramide », de faciliter la vie des contribuables disposés à coopérer et de décourager l’évasion et la fraude.

    L’originalité des rapporteurs Mitja Cok (Slovénie) et Klaus Dieter Drüen (Düsseldorf) fut de souligner l’importance de relations de partenariat entre l’administration et les entreprises, basées sur la confiance mutuelle et la transparence. Ce « enhanced relationship » serait un instrument de gouvernance novateur en réaction à la crise. Pour Judith Freedman (Oxford), ce type de relation peut être une réaction efficace à la complexité des lois fiscales.

    D’intéressantes décisions ont vu dans des manquements de l’administration à des principes de gouvernance une faute au sens du droit civil. Ainsi, en Belgique, une décision de la Cour constitutionnelle avait annulé certains aspects du régime de taxation des indemnités pour incapacité permanente causée par un accident du travail ou une maladie professionnelle. L’administration avait négligé de porter cette modification rapidement à la connaissance du public. Par conséquent, un contribuable s’était trouvé hors délai pour l’invoquer judiciairement sous forme de réclamation. En revanche, l’administration aurait pu, par la voie d’un dégrèvement d’office, rétablir la situation dans un délai plus long. La Cour d’appel de Mons, suivie par la Cour de cassation, y vit une faute de l’État et condamna celui-ci à verser au contribuable le montant de la taxation excessive²⁴.

    Le droit européen peut aussi constituer un remède aux législations imprécises. Une disposition de droit fiscal, belge à nouveau²⁵, prévoit que certaines dépenses ne sont pas considérées comme frais professionnels lorsqu’elles sont payées à un contribuable non résident qui, en vertu de la législation de son pays, y est soumis à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui de la Belgique à moins qu’il soit justifié que l’opération est réelle et sincère et que sa rémunération ne dépasse pas les limites normales.

    La Cour de justice de l’Union européenne estima que, si les exigences de sincérité et de normalité se justifiaient par la répression de la fraude, l’expression « régime notablement plus avantageux que celui de la Belgique » était trop vague. La disposition constituait donc une restriction injustifiée à la liberté de prestation des services au sein de l’Union européenne²⁶.

    La gouvernance peut également jouer un rôle dans les relations entre États. Conformément à l’article 4.3 du Traité de l’Union européenne, les États doivent respecter le principe de coopération loyale, qui les amène normalement à interpréter le droit national conformément au droit de l’Union, y compris les recommandations émanant de la Commission.

    La recommandation de la Commission européenne sur la planification fiscale agressive²⁷ recommande aux États membres de ne pas tolérer la double non-imposition et de ne prévoir une exemption d’un élément de revenu que lorsque cet élément de revenu est taxable dans l’autre État partie à une convention internationale préventive de la double imposition.

    L’interprétation des tribunaux belges est en sens contraire: lorsqu’une disposition prévoit qu’un revenu est exonéré s’il a été imposé à l’étranger, les tribunaux appliqueront la règle « Exemption vaut impôt », considérant que si le régime normal étranger est l’exemption, le revenu doit être considéré comme taxé à l’étranger et sera donc exonéré en Belgique²⁸.

    La fiscalité relevant de la souveraineté nationale, il serait exagéré, semble-t-il, d’exiger que désormais les tribunaux belges se rallient à la doctrine exprimée par la Commission, portant ainsi atteinte à la sécurité juridique²⁹.

    _______________

    1 Rapport présenté en espagnol sur ce thème par l’auteur au colloque « Responsabilidad social corporativa » – Emprender desde la RSE en el mercado global, 6-7 juin 2013, Grupo S-Universidad Complutense de Madrid – Chambre de commerce de Madrid.

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    (dir.) et M.A. G

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    R

    UIZ

    (coord.), Responsabilidad social de las organizaciones, Madrid, Ed. Grupo 5, 2013.

    3 Voy. par exemple récemment en droit belge, Gand, 4 décembre 2012, T.F.R. , 2013, p. 340, obs. S. D

    E

    R

    AEDT

    , à propos de différences de cours prises en résultat lors de l’évaluation des bénéfices d’un établissement étranger.

    4 Gand, 31 mars 1992, F.J.F ., n o 92/179 et Bruxelles, 10 mars 1992, T.R.V. , 1992, p. 251.

    5 M. C

    HADEFAUX

    et J.-L. Rossignol, « La politique fiscale de l’entreprise », in P. A

    MANN

    (dir.), Gestion et droit, Paris, Dalloz, 2000, p. 205, note 28.

    6 Bruxelles, 16 décembre 2010, J.T ., 2010, p. 54.

    7 Code de conduite, Concl. ECOFIN sur la politique fiscale du 1 er décembre 1997, DOC 2101 du 6 janvier 1998.

    8 Rapport sur la concurrence fiscale dommageable : un problème mondial, 1998.

    9 Rapport OCDE sur les initiatives en matière de communication de renseignements. Lutter contre la planification fiscale agressive par l’amélioration de la transparence et de la communication de renseignements, février 2011 ; Recommandation de la Commission du 6 décembre 2012 sur la planification fiscale agressive (C. 2012/8806) ; Rapport de l’OCDE sur l’érosion de l’assiette et le transfert de profits (BEPS, Base erosion and pro fi t shifting ), février 2013 ; Rapport de l’OCDE sur la planification fiscale agressive basée sur le hedging après taxes, mars 2013.

    10 Actes du colloque du département Sorbonne Fiscalité de l’École de droit de la Sorbonne et de HEC, « La responsabilité sociale des entreprises : un nouvel enjeu fiscal », Droit fi scal , 2012, n o 6, spéc. Communication de M. Raffaele Russo, conseiller principal à l’OCDE, pp. 30-31 ; États-Unis : Compliance Assurance Process, Royaume-Uni, Tax Compliance Risk Management Process.

    11 Aff. Cahuzac .

    12 D. G

    UTMANN

    , Droit fiscal des affaires, 2e éd., Paris, Montchrestien, 2012, notamment réf. citées aux notes 246 à 248.

    13 Rapport Migot-Carrez et A., Ass. nat., 10 septembre 2009, n o 1902, p. 119, cité par D. G

    UTMANN

    , ibid., note 260.

    14 W. S

    CHÖN

    (éd.), Tax and Corporate Governance, Berlin, Springer, 2008 ; J.-L. R

    OSSIGNOL

    , « Fiscalité et responsabilité globale de l’entreprise », Management et avenir, 2010/3, no 33, p. 175, id., « Taxation : a new corporate governance instrument in France ? », Intertax, 2010, p. 462 ; id., « Risques et fiscalité de l’entreprise », Droit et patrimoine, 2002, no 109, p. 26.

    15 C. C

    HAVAGNEUX

    et R. P

    ALAN

    , Les paradis fiscaux, 3e éd., Paris, La Découverte, 2012.

    16 X. H

    AREL

    , La grande évasion, Vrai scandale des paradis fiscaux, Préface d’Eva Joly, Paris, LLL (Les Liens qui Libèrent), 2010 ; M. Z

    AKI

    , Le secret bancaire est mort, vive l’évasion fiscale, Lausanne, Éd. Favre, 2010, id., UBS, Les dessous d’un scandale, Comment l’empire aux trois clés a perdu son pari ?, Lausanne, Éd. Favre, 2008.

    17 M. C

    LAISE

    , Le forain, Avin, Éd. Luce Wilquin, 2008 ; id., Larmes du crime, Avin, Éd. Luce Wilquin et Vivaqua, 2011 ; on épinglera la postface du premier de ces ouvrages : « Quant aux fraudes décrites dans leur mécanisme, elles sont à ce point classiques qu’on les retrouve dans tous les cabinets de tous les juges financiers d’Europe. Comme quoi la banalité est capable de battre toutes les fictions ! »

    18 M. C

    HADEFAUX

    et J.-L. R

    OSSIGNOL

    , « éthique et comportement fiscal de l’entreprise », entreprises éthiques, Octobre 2001, no 15, p. 12.

    19 Art. 12 du texte refondu de la loi sur l’impôt des sociétés (T.R.I.S.).

    20 Voy. Ph. K

    ENEL

    , Délocalisation des personnes fortunées étrangères en suisse et investissements, guide juridique et pratique, analyse politique, Lausanne, Éd. Favre, 2011.

    21 Un séminaire de l’international Fiscal Association leur a été consacré lors du Congrès de Vancouver de l’organisation en 2009 : voy. J. M

    ALHERBE

    (éd.), Tax Amnesties, Alphen-aan-den-Rijn, Wolters Kluwer, 2011.

    22 Voy. le n o spécial Revista del Instituto peruano de derecho tributario , 50 ans, 1961-2011, avril 2011, n o 51 et en particulier, J.-P. G

    ODOY

    F

    AJARDO

    , « Tributación y ambiente : una aproximación a los aspectos tributarios del mercado del carbono », p. 109 ; R. R

    IVEROLA

    , J.-C., H

    ERNANZ

    et al., « Mecanismo para un desarrollo limpio (ndl) : algunas repercusiones de orden tributario en proyectos con punto de conexión con España », p. 5.

    23 Tax Governance – The future role of tax administration in a networking society , op. cit ., pp. 134 et 156.

    24 Cass., 27 avril 2012, R.G.C.F ., 2013, p. 15, concl. avocat général A. H

    ENKES

    .

    25 Art. 54 CIR.

    26 CJUE, 5 juillet 2012, SIAT , aff. C-318/10, R.G.C.F ., 2013, p. 29, obs. J.-P. B

    OURS

    .

    27 Recommandation 2012/772/UE du 6 décembre 2012, JO n o L 338 du 12 décembre 2012, p. 41.

    28 Cass., 15 septembre 1970, Arr. cass. , 1971, p. 43.

    29 A. V

    AN DE

    V

    IJVER

    , « De toekomst van regels ter verkoming van dubbele belasting volgens de aanbeveling van de Europese commissie over agressieve fiscale planning », T.F.R., 2013, p. 327.

    L’abus (en droit des sociétés), mais dans quel but

    ¹ ?

    Patrick S

    AERENS

    Avocat au barreau de Bruxelles

    Professeur invité à l’Université de Lorraine et chargé de cours à l’ICHEC

    La notion d’abus de droit est parmi les plus commentées en droit des sociétés. Au-delà des querelles doctrinales, son intérêt pratique doit être analysé à l’aune d’une jurisprudence qui se partage entre hésitation et scepticisme.

    Depuis un demi-siècle, la meilleure doctrine s’est penchée sur les questions d’abus de majorité et ses corollaires que sont l’abus de minorité et l’abus d’égalité. Le concept a certes évolué depuis la thèse de Pierre Coppens, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pour qui l’abus (de majorité) ne peut être accueilli que si l’unique dessein était de favoriser les associés majoritaires². L’élément intentionnel a longtemps été déterminant pour qualifier un comportement d’abusif. En 1981, les professeurs Van Ryn et Ommeslaghe enseignaient encore qu’il fallait vérifier l’intention bien établie de dépouiller la minorité³. Doctrine et jurisprudence ont depuis lors affiné les conditions mais la mise en garde du professeur Coppens, qui estimait inconcevable que « les tribunaux […] s’érigent en chambres d’appel des délibérations d’assemblées générales », garde encore toute son acuité.

    1. Assise légale. Le législateur est resté peu prolixe sur le sujet même si l’abus de majorité peut désormais être sanctionné à travers l’article 178 du Code des sociétés. On sait que cette disposition autorise le tribunal de commerce à prononcer, à la demande de toute personne qui y a intérêt, la nullité d’une décision de l’assemblée générale notamment pour excès ou détournement de pouvoirs. Cette procédure est ouverte, entre autres, à tout actionnaire qui n’a pas voté en faveur de la décision attaquée, sauf le cas où son consentement a été vicié⁴. Si l’excès de pouvoir consiste en son exercice usurpé par un organe dépourvu de toute compétence pour en user, le détournement de pouvoir recouvre quant à lui l’abus de majorité et l’abus de minorité⁵. Mais ce texte n’évoque qu’un des fondements possibles de cette censure⁶. Les autres cas d’abus en droit des sociétés font l’objet d’interprétations divergentes sans véritable fil conducteur si ce n’est peut-être l’extrême prudence des cours et tribunaux à s’immiscer dans la vie sociale, au point que l’abus de droit est parfois évoqué à tort et à travers, érigé en sorte de « Saint-Bernard des plaideurs »⁷, à défaut de pouvoir évoquer d’autres concepts moins friables.

    Notre pays n’a d’ailleurs pas l’apanage de la controverse comme en témoignent les législations des pays limitrophes qui, à l’exception des Pays-Bas, semblent aussi peu prolixes, laissant à la doctrine et aux magistrats le soin de se pencher sur la question⁸. Le droit européen n’est guère plus disert sur la question⁹ même si la jurisprudence de la Cour de justice permet d’en cerner quelque peu les contours dans ce qu’on a appelé « le feuilleton hellénique »¹⁰. L’abus de droit ne peut se présumer, selon la CJUE, du seul fait que l’opération apporte un avantage économique évident: il sera toutefois présent si un actionnaire a choisi parmi les voies de recours disponibles, celui qui cause un préjudice tel qu’il s’avère manifestement disproportionné¹¹.

    2. L’abus de droit, angle mort de la bonne foi? Le lien entre la notion d’abus de droit et la théorie de la bonne foi a surtout été mis en avant par la doctrine civiliste, relayée depuis les années quatre-vingt par une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Traditionnellement, on attribue à la bonne foi trois fonctions principales¹². D’une part, une fonction interprétative qui impose au juge de rechercher l’intention réelle des parties conformément à son esprit. D’autre part, une fonction complétive qui permet au tribunal d’imposer aux parties contractantes des obligations additionnelles en vue de la bonne fin du contrat, tels les devoirs de renseignements ou d’informations, l’obligation de restreindre son dommage, l’obligation de faciliter l’exécution, l’interdiction de tout comportement qui empêcherait l’autre partie de retirer le bénéfice normal du contrat… Enfin, une fonction modératrice ou limitative qui impose un devoir de pondération dans l’exercice des droits contractuels. Ce devoir de « modération » a été confirmé par les arrêts de la Cour de cassation du 19 septembre 1983¹³ et du

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