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Les murmures du Cap: Un roman bouleversant
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Les murmures du Cap: Un roman bouleversant

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About this ebook

À l'occasion d'un procès pour meurtres, le destin de deux hommes et d'un pays resurgit...

Dans le prétoire du tribunal du Cap en Afrique du Sud, Reuben le métis, fils de pêcheur, délinquant et dealer, répond du meurtre de deux vieillards : Zandile, icône de la lutte contre l'apartheid, et le grand-père de la narratrice, un ancien résistant français de la Seconde guerre mondiale. Tout en haut du phare de Cap Columbine, ces deux hommes ont passé les dernières semaines de leur vie, partageant souvenirs de leurs guerres et de leurs amours, dans une amitié aussi improbable et éphémère que profonde. Et puis le phare a explosé.
Les murmures du Cap est l'histoire de deux vies croisées, de l'espérance humaine au-delà de la barbarie, et un hymne à l'amour absolu, dans le décor d'une société sud-africaine post-apartheid à la fois pleine d'espoir et couverte de blessures, refermées ou non.

L'auteure nous invite à traverser l'histoire de l'Afrique du Sud, depuis la colonisation jusqu'à l'Apartheid.

EXTRAIT

Il aurait dû prendre le temps de comprendre que les raccourcis de l'histoire sont toujours dangereux, les haines encore profondes et que la quête incessante de Wicus pour la vérité est essentielle à la réconciliation de son peuple. Et puis surtout, accepter de m'écouter lui dire les flammes ravivées dans les yeux de Grand-père, son rire, la vie revenue en lui, pendant trois précieuses semaines

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Grâce à une construction narrative très habile, l'auteure réussit le tour de force de nous proposer dans un tout petit roman (148 pages) un tour d'horizon de quelques-uns des événements les plus marquants de l'histoire de l'Afrique du Sud et d'évoquer de facon très touchante une amitié tardive entre deux vieillards à quelques semaines de leur mort. - Frueka, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Soline Lippe de Thoisy vit au Botswana. Avide de voyages, de nature et de rencontres, elle y puise l’inspiration de ses romans. Elle a publié L’Île des Rois aux Éditions Tensing en 2014. Les murmures du Cap est son troisième roman.
LanguageFrançais
PublisherEx Aequo
Release dateDec 5, 2017
ISBN9782359629910
Les murmures du Cap: Un roman bouleversant

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    Les murmures du Cap - Soline Lippe de Thoisy

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    Table des matières

    Résumé

    Les murmures du Cap

    Dans la même collection

    Résumé

    Dans le prétoire du tribunal du Cap en Afrique du Sud, Reuben le métis, fils de pêcheur, délinquant et dealer, répond du meurtre de deux vieillards : Zandile, icône de la lutte contre l'apartheid, et le grand-père de la narratrice, un ancien résistant français de la deuxième guerre mondiale. Tout en haut du phare de Cap Columbine, ces deux hommes ont passé les dernières semaines de leur vie, partageant souvenirs de leurs guerres et de leurs amours, dans une amitié aussi improbable et éphémère que profonde. Et puis le phare a explosé. Les murmures du Cap est l'histoire de deux vies croisées, de l'espérance humaine au-delà de la barbarie, et un hymne à l'amour absolu, dans le décor d'une société sud-sfricaine post-apartheid à la fois pleine d'espoir et couverte de blessures mal, ou pas, refermées.  

    Extrait : « Il aurait dû prendre le temps de comprendre que les raccourcis de l'histoire sont toujours dangereux, les haines encore profondes et que la quête incessante de Wicus pour la vérité est essentielle à la réconciliation de son peuple. Et puis surtout, accepter de m'écouter lui dire les flammes ravivées dans les yeux de Grand-père, son rire, la vie revenue en lui, pendant trois précieuses semaines. »

    Soline Lippe de Thoisy vit au Botswana. Avide de voyages, de nature et de rencontres, elle y puise l’inspiration de ses romans. Elle a publié L’Île des Rois aux Editions Tensing en 2014. Les murmures du Cap est son troisième roman

    Soline Lippe de Thoisy

    Les murmures du Cap

    Roman

    ISBN : 978-2-35962-991-0

    Collection Ultramarine

    ISSN : 2105-8539

    Dépôt légal novembre 2017

    © couverture Photo Cap Columbine, Afrique du Sud, collection de l’auteure.

    © 2017 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.

    Toute modification interdite.

    Éditions Ex Aequo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.fr

    J’ai cueilli ce brin de bruyère

    L’automne est morte souviens-t’en

    Nous ne nous verrons plus sur terre

    Odeur du temps brin de bruyère

    Et souviens-toi que je t’attends.

    Guillaume Apollinaire

    1

    — Je pense qu’il s’agissait d’un accident. J’ai dit, d’une voix blanche. Ni plus ni moins qu’un accident.

    — Un accident. Très bien. Vous voulez dire que Zandile et votre grand-père ont péri dans l’explosion du phare par accident ?

    Maître Du Toit avait prononcé ce dernier mot en appuyant sur chaque syllabe.

    — Oui. C’est bien ce que je veux dire.

    L’avocat a repris, lentement :

    — Madame Sonder, tâchez d’être précise. Vous dites que c’était un accident, vous voulez donc dire que Reuben n’avait pas l’intention de tuer ?

    Il y eut un silence. Je rassemblais mes forces.

    — Madame Sonder ? a répété Wicus, la cour a besoin de comprendre, que voulez-vous dire exactement par « un accident ? »

    J’ai relevé les yeux. L’audience était nerveuse, impatiente. Ses attentes me paraissaient soudain si pressantes. Le prétoire était bondé, inadapté à la foule chaque jour plus dense qu’attirait le procès. De la barre des témoins, je lui faisais face. À quelques mètres de moi, derrière la première rangée de bancs occupée par les avocats des deux camps et leurs équipes, se tenaient les proches de Zandile, dignes et silencieux. Une adolescente, petite fille ou arrière-petite fille, cachait mal ses sanglots. Derrière eux sur plusieurs rangées, la famille élargie, les amis personnels ou politiques se raclaient bruyamment la gorge, chuchotaient et commentaient sans grand respect pour la cour. Quelques figures me semblaient familières, visages coutumiers des journaux, personnalités politiques locales ou nationales, anciens compagnons de la lutte, venus soutenir la famille par loyauté véritable ou opportunisme. Et au fond de la salle, sur les derniers rangs de bancs de bois et au balcon – le prétoire ressemblait à un vieux théâtre européen – se tenait une foule hostile, compacte et solidaire : les proches de Reuben et toute la communauté fatiguée des pêcheurs de Paternoster. Sur les deux côtés de la salle, on avait rajouté à la hâte des chaises en plastique pour faire face à l’afflux. Elles encombraient le passage et contribuaient à la pagaille des débuts et fins d’audience. Mais depuis l’annonce par la presse au début de la semaine de l’imminence de mon témoignage à la barre, elles ne suffisaient plus, et une salle annexe du palais où les plaidoiries étaient retransmises en direct avait été aménagée. En plus du public, elle accueillait les journalistes. Il en venait de partout. Beaucoup de Français, intrigués par l’histoire insolite d’un vieux compatriote de quatre-vingt-seize ans assassiné à l’autre bout du monde par un fils de pêcheur. Faute de faits, de vérités, ils ne comprenaient rien et simplifiaient tout. Ils rédigeaient de brèves chroniques entre une excursion au Cap de Bonne Espérance et une dégustation de vin à Stellenboch dans lesquelles ils expliquaient, avec toute la condescendance que leur confèrent – pensaient-ils – une révolution et deux cent ans d’histoire républicaine, que ce meurtre était l’illustration de l’échec de la nouvelle Afrique du Sud multiraciale et démocratique.

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    C’était le procès le plus médiatisé qu’ait jamais connu la cour du Cap. Toute l’administration judiciaire était sérieusement mise à l’épreuve, du juge qui tentait de maintenir l’ordre, prévenir les fuites à la presse et les déclarations trop hâtives des témoins, aux policiers débordés par les photographes impudiques et les deux communautés prêtes à en découdre à la sortie du tribunal. La rue Keerom, où se dresse le palais dans le centre-ville du Cap, était encombrée ce matin-là. D’une foule anonyme et curieuse, de badges et de caméras, et de tous ceux qui préféraient attendre dehors, trop intimidés par les visages graves des magistrats, leurs robes noires et leur jargon impénétrable. Ceux-là bravaient l’hiver, réchauffés par leur colère et des mignonnettes de brandy bon marché dans les poches. Ils avaient les mêmes visages cuivrés que la foule du fond du prétoire, aux pommettes très hautes et aux joues creusées. Les visages des métis, des coloured, des maudits lekutwane, le bas de l’échelle sociale de l’Afrique du Sud. Depuis trois cent cinquante ans, ils sont les impurs, produits des femmes esclaves venues d’Asie et d’océan indien ou des Khois indigènes prises de force, et des colons hollandais. Stigmatisés par les Noirs, dénigrés par les Blancs, ils sont les oubliés de la Nation Arc-en-ciel, sous-race sans racine ni identité.

    Contre mon gré, j’étais un témoin clé de l’affaire. Parce que c’est avec Grand-père, et de notre maison, que Zandile était parti ce matin-là vers le phare. Parce que j’étais la dernière à les avoir vus, la salle d’audience tout entière était pendue à mes lèvres. Zandile, le vieux combattant de la liberté, icône de la lutte et ombre du grand Madiba, était mort. Les Noirs réclamaient une punition à l’outrage infâme. L’un des plus illustres héros de l’histoire de l’Afrique du Sud, de ceux qui avaient libéré avec un courage immense leur pays de l’apartheid, avait été assassiné. C’était un blasphème, une insulte à leur dignité d’hommes noirs bafouée pendant des siècles, et reprise, à force de poings levés, de grenades et de sang depuis vingt ans à peine. Les Noirs voulaient la peau de Reuben. Reuben le mauvais garçon, délinquant et dealer. Reuben le métis, accusé idéal.

    Dans le camp adverse au fond de la salle, la rage grondait comme des ondes mauvaises sur les visages marqués trop jeunes par les longues journées en mer, l’alcool, le crack ou les coups. Ils demandaient un jugement équitable, pas la crucifixion d’un bouc émissaire. Reuben était un voyou, mais il n’avait pas tué. Les conclusions avaient été tirées trop rapidement.

    Je les observais, ces hommes et ces femmes, chacun dans leur douleur, leur injustice. La salle était un damier, les peaux foncées devant, les claires derrière. Et je me trouvais là, à la barre, si étrangère à leurs causes et à leurs mondes, pleine de ma peine d’avoir perdu Grand-père. Mais de lui, de sa mort et de l’explosion du phare, il ne s’agissait plus. Le procès était devenu celui de la déchirure historique et sociale d’un pays tout entier qui n’a pas fini de lécher ses plaies. Il suffisait de si peu pour les rouvrir, mal soignées, cachées sous les bandelettes fines de vingt ans de démocratie fragile. La mort de Zandile mettait la société Sud-Africaine à nouveau face à ses démons. Les réflexes hideux, raciaux et communautaristes n’attendaient pas meilleure occasion pour refaire surface. Les attentes des deux camps étaient essentielles, identitaires. Elles touchaient au respect de leur communauté, à leur histoire, celle de chacun dans ce pays neuf, à la fois immature et pétri de siècles de haine. Mais surtout, elles étaient incompatibles, et ni un camp ni l’autre n’était prêt à entendre ce que j’avais à dire.

    Maître Du Toit m’encourageait du regard. « Notre camp, m’avait-il répété avant l’audience, et souvent lorsqu’il m’avait sentie, lors des réunions de préparation de ma déposition, tentée de faire marche arrière, de chercher de vaines raisons de me défausser : notre camp, c’est la vérité, nous la leur devons. » Je me suis lancée :

    — Je veux dire que Reuben n’a tué personne. Il n’a pas fait exploser le phare. Zandile et mon grand-père se sont fait sauter tous seuls. Par accident.

    La juge a bien essayé de rétablir le silence, en vain. Mes paroles ont eu l’effet d’une bombe. Le fond de la salle exultait d’une joie mauvaise, pleine de vengeance et de frustrations contraintes. La famille de Zandile, paralysée sur son banc, me regardait sans comprendre. Les proches, cousins, petits-enfants, me fixaient, interdits. Les autres, déjà, me montraient du doigt, m’accusaient de trahir leur héros, me dénonçaient. Je devinais des menaces sur leurs lèvres. Du Toit m’avait prévenue. La seule vérité qu’ils accepteraient jamais serait la leur. Quiconque osant apporter une lumière différente sur l’affaire serait un traitre, et déjà leurs regards changeaient. Dans les yeux rouges de colère se reflétait la blancheur de ma peau. Soudain elle expliquait tout. Bêtement, tellement plus simple et confortable que la vérité. Soudain je n’étais plus la petite fille de l’ami de Zandile, en deuil comme eux. Je n’étais plus celle qui avait partagé les derniers jours et goûté à l’amitié de leur héros. Il avait suffi de mes quelques mots pour qu’en un instant, son clan me réduise à la couleur de ma peau. Que je vienne d’un autre continent, que je sois si lointaine, étrangère à leur histoire ne comptait plus. J’étais de la même peau que Wicus Du Toit, l’Afrikaner, l’avocat des métis. En disculpant Reuben, je choisissais leur camp. Eux les faibles, les soumis qui pendant la lutte contre l’apartheid et jusque dans les isoloirs des premières élections libres de 1994, à l’aube de la nouvelle Afrique du Sud, s’étaient rangés du côté des oppresseurs. Par ignorance, peur du lendemain, et parce que leur monde était ainsi depuis la nuit des temps, depuis que les navires négriers avaient acheminé leurs ancêtres jusqu’au Cap : la servitude à un maître blanc tout puissant qui pense pour eux, décide pour eux, arbitre chaque instant de leurs vies. Les Noirs ne leur ont pas pardonné cette trahison. Ce procès était un exutoire de plus. Il ne laissait pas de place à la raison, et sous la peau neuve encore si fine de la jeune démocratie, les rancœurs ressurgissaient avec un empressement effrayant. Que j’ose mettre en doute la culpabilité de Reuben ne pouvait, dans l’irrationnelle montée de leur colère jamais apaisée, être expliqué que par la couleur de ma peau. Qu’elle était soudain loin de ce prétoire, la nation arc-en-ciel rêvée par Mandela.

    La juge n’a eu d’autre choix que d’ajourner la séance et faire évacuer la salle d’audience. Un nombre impressionnant de policiers a soudain envahi les lieux. J’avais l’impression de me noyer. Ce n’était pas le procès de Zandile et de Grand-père, c’était bien plus et, oh non, je n’y avais pas ma place. La juge nous a demandé de rester, Maître du Toit, Maître Pillay, le procureur et moi. Elle m’a fait répéter ma déclaration, mot pour mot : « Zandile et mon grand-père se sont fait sauter tous seuls. Par accident. » Elle m’a écoutée très attentivement, et quand j’ai eu fini… s’est appuyée lourdement au dossier de son siège. Elle paraissait soudain vieille et très fatiguée. Elle a soupiré et a pris congé de nous, nous donnant rendez-vous trois jours plus tard pour la reprise des audiences.

    Wicus m’a fait sortir par une porte dérobée qui donne sur la rue Victoria, où étaient garées nos deux voitures, le long du jardin botanique du Cap. Nous entendions la rumeur de la foule mécontente de l’autre côté du palais, les ordres de dispersement hurlés dans les haut-parleurs, des débuts de bagarres avortées

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