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La mygale et la souris: Roman policier suisse
La mygale et la souris: Roman policier suisse
La mygale et la souris: Roman policier suisse
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La mygale et la souris: Roman policier suisse

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Enquête en milieu scolaire...

Lundi de décembre.

Au petit matin, La Neuveville s'éveille et s'ébroue dans le brouillard. Plus que deux semaines avant les vacances de Noël. Tenir jusque-là...
Au Collège du District, les leçons viennent de reprendre. Sauf en septième moderne. Le professeur n'est pourtant jamais arrivé en retard. Alors pourquoi aujourd'hui ? Que se passe-t-il dans la Maison du Pendu ?

Un polar qui soulève bien des mystères en plein cœur de la Suisse romande !

EXTRAIT

— Mon vélo ! Bande de voleurs !
— Toi, tu fermes ta gueule, si tu veux le retrouver ! T’as qu’à descendre à Saint-Joux et dire à tes copains d’en faire autant.
La victime se tut. Elle savait qu’un élève de septième s’était plaint à un prof qui n’avait jamais rien pu prouver. C’était parole contre parole. Parole de voyou contre parole de lésé, chacun le savait, mais comme la bécane avait été retrouvée dans un fourré, personne n’avait insisté. Juste une menace du médiateur de l’école envers celui qu’il devait considérer comme présumé innocent au lieu de lui flanquer une paire de baffes et un après-midi de retenue : « Encore une plainte contre toi, et je ne vais plus te lâcher ! » Pour le plaignant, ç’avait été la galère pendant les semaines suivantes : baskets disparues, anorak lacéré, pneus crevés, bousculades dans l’escalier, entorse d’une cheville causée par une chute improbable. Depuis, chacun se la coinçait.
Le calme régnait au Collège du District de La Neuveville…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jacques Hirt est né en 1937 et vit à La Neuveville, aux confins de la Romandie. Il obtient son brevet d’instituteur à Porrentruy puis poursuit ses études aux universités de Neuchâtel et Berne. Il enseigne au Collège du District de La Neuveville dont il sera le directeur pendant trente ans. Après trois mandats au Conseil de ville, il est élu maire de sa cité. Il exerce cette fonction pendant douze ans et préside aussi la Conférence des maires du Jura bernois. Il participe activement aux destinées culturelles de son pays, au sein de commissions cantonales et interjurassiennes. Il est l'auteur de Une Bière pour deux, Le Fourmi-Lion, Carré d’Agneaux, Embarcadère Sud, Deux Meurtres et demi aux Éditions RomPol.
LanguageFrançais
PublisherRomPol
Release dateMay 24, 2017
ISBN9782940164523
La mygale et la souris: Roman policier suisse

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    La mygale et la souris - Jacques Hirt

    1

    Vendredi, 15h20

    — Amène-toi avec ta munition, on se tire à La Gravière !

    Quentin emboîta le pas aux trois autres. Il y avait Michaël, celui qui donnait les ordres, leur aîné de deux ans. Puis Loïc, qui prendrait sa place à la prochaine rentrée d’automne, quand le meneur de la bande aurait quitté le Collège. Enfin Alyssa, qui aurait été jolie sans son teint cireux et ses yeux trop enfoncés.

    Dans le hall d’entrée, ils passèrent devant le concierge. Fidèle à ses principes, il contrôlait toutes les sorties, et avec une attention redoublée celles de fin de semaine, quand les fauves étaient lâchés pour deux jours. Seule Alyssa lui dit au revoir.

    Ils longèrent la pelouse détrempée de brouillard, descendirent des escaliers.

    — Grouillez, on a moins de deux plombes avant le départ du bus !

    Pas de prof aux alentours. Celui qui avait la charge de la surveillance sévissait ailleurs. Ils se faufilèrent dans le garage à vélos, en demi-sous-sol. Ils en repérèrent deux qui n’étaient pas cadenassés. Pour les autres, Loïc extirpa d’une poche de ses jeans la cisaille qu’il venait de piquer à l’issue de la leçon de travaux manuels. Deux gestes précis. Les câbles sautèrent. Il les tira d’entre les rayons, les jeta dans un coin. À la queue leu leu, ils sortirent sur le chemin des Prés-Guëtins. Un collégien hurla :

    — Mon vélo ! Bande de voleurs !

    — Toi, tu fermes ta gueule, si tu veux le retrouver ! T’as qu’à descendre à Saint-Joux et dire à tes copains d’en faire autant.

    La victime se tut. Elle savait qu’un élève de septième s’était plaint à un prof qui n’avait jamais rien pu prouver. C’était parole contre parole. Parole de voyou contre parole de lésé, chacun le savait, mais comme la bécane avait été retrouvée dans un fourré, personne n’avait insisté. Juste une menace du médiateur de l’école envers celui qu’il devait considérer comme présumé innocent au lieu de lui flanquer une paire de baffes et un après-midi de retenue : « Encore une plainte contre toi, et je ne vais plus te lâcher ! » Pour le plaignant, ç’avait été la galère pendant les semaines suivantes : baskets disparues, anorak lacéré, pneus crevés, bousculades dans l’escalier, entorse d’une cheville causée par une chute improbable. Depuis, chacun se la coinçait.

    Le calme régnait au Collège du District de La Neuveville…

    Michaël et ses trois acolytes descendirent vers le lac par le chemin de Ruveau, empruntèrent le passage sous-voie, sali de slogans racistes, à côté du motel. Ils longèrent le terrain de football au sud de la ligne de chemin de fer, arc-boutés sur les pédales, le visage lacéré par les aiguilles de la bise. À la hauteur des installations de beach volley, ils s’arrêtèrent, laissèrent choir les vélos, pêle-mêle.

    Un passage goudronné menait à droite vers un petit port de plaisance réservé aux dériveurs. À mi-chemin, des voiliers étaient parqués à terre, sur des cales de bois. Sous les assauts du vent, les drisses détendues claquaient contre les mâts. Sur l’un d’eux, une mouette ébouriffée criaillait un défi aux rafales glaciales.

    Devant eux gémissait la forêt des Larrus, seule forêt sur la rive nord du lac de Bienne qui avait été épargnée par le béton. Elle était répertoriée d’intérêt national. On n’y intervenait pas, on n’y touchait pas. C’était bordélique, mais classé. Partout ailleurs, les villas pieds-dans-l’eau avaient défloré le paysage naturel. On pelousait, on palissadait. C’était nickel, mais pas classé.

    Un chemin en légère pente descendait vers un bungalow, séparé de la voie de chemin de fer par un bosquet de hauts bouleaux et de quelques hêtres victimes de l’étreinte létale du lierre. Une barrière grillagée arborait un écriteau blanc où figurait le nom du lieu-dit : « La Gravière ». Une bâtisse de bois s’y dressait. Elle donnait sur le lac auquel elle était reliée par un chenal qui se terminait sous la maison elle-même, de sorte que, sortant d’un bateau, on pouvait y accéder de l’intérieur. Au nord, une seule porte, rarement utilisée. L’entrée principale se situait à l’ouest, au premier étage. Un escalier extérieur y menait par un balcon de bois. Une chaîne munie d’une pancarte barrait le passage : « Accès interdit aux personnes non autorisées ». Ils passèrent par-dessous et, parvenus en haut, sautèrent la rambarde, ignorant le portillon cadenassé.

    La gérance du bungalow était déléguée à l’administration des ports. Le responsable passait une fois par semaine en hiver, le plus souvent sans même sortir de sa voiture. Un coup d’œil et basta, je ne vais pas me les geler ici ! Exceptionnellement, après les gros coups de vent, il faisait le tour du bâtiment, montait sur le balcon, s’assurait de l’absence de dégâts et s’en retournait vers la chaleur de son bureau et les statistiques superflues.

    Un coup d’œil circonspect. Personne. Le lieu n’était habité que par la bise. Michaël fit un signe à Loïc qui fouillait déjà dans la poche de sa veste, en tira un couteau suisse, en releva la lime à ongles. Un bref mouvement du poignet, la serrure céda. Il poussa la porte.

    Le local était loué par le Club de plongée. Aux murs pendaient des combinaisons subaquatiques, sur des rayons s’ennuyaient des masques, des embouts, des palmes. Dans un coin, un appareil de réanimation et des bouteilles d’oxygène attendaient un improbable noyé.

    Ils allumèrent. Volets clos, impossible de les voir de l’extérieur. Ils déroulèrent quelques minces matelas-mousse et les jetèrent au sol, au pied d’une paroi.

    — Toi, sur la chaise, bien en face de nous ! lança Michaël à Quentin. Quand t’auras réussi ta dernière épreuve, on avisera !

    Sans un mot, Quentin s’exécuta.

    — T’as ce qu’il faut ?

    Quentin extirpa une pochette CD de son blouson, l’ouvrit. À la place du disque, quelques joints ovales, comme des cigarettes orientales.

    — Dis, t’en as déjà tiré trois ou quatre aujourd’hui ! Tu vas finir complètement pété !

    Il ne répondit pas. Les autres se servirent. Alyssa tendit son briquet plaqué or, piqué à son père. Ils inhalèrent longuement.

    — C’est déjà nettement mieux, lâcha Michaël à Quentin. Il y a un mois, on aurait dit du persil. Tu leur as installé l’éclairage, ou t’as toujours la trouille ?

    — Ouais, ils l’ont, l’éclairage. Mais il a fallu tout piquer dans les grandes surfaces. Deux lampes au sodium, les câbles et tout le micmac, j’ai pas pu faire en un coup. Et l’installation non plus. Maintenant, ça marche impec, mais c’est ma mère…

    — Quoi ? À ton âge tu te laisses encore impressionner ? ricana Alyssa.

    — Non, c’est pas ça. Elle rentre tard du boulot, souvent après minuit. Alors je dois attendre qu’elle soit couchée pour enclencher l’éclairage. Le matin, pas de problème, elle pionce encore quand je pars pour le bahut. Ça me prend dix minutes pour éteindre et en tirer une.

    — T’en prends une déjà à six heures du mat’? T’es cinglé ! s’exclama Michaël.

    — Non, ça me fait du bien. J’oublie.

    Le cannabis lui montait maintenant au cerveau. Il se sentait bien. Il se leva pour aller s’affaler à côté des autres qui ne réagirent pas, toute hargne émoussée par la drogue. Sa tête reposait à proximité du torse d’Alyssa. Elle sentait bon. Une eau de toilette masculine, musquée. Elle n’aimait pas les nanas : une blessure secrète pas encore cicatrisée et qui ne le serait qu’une fois vengée. Elle n’utilisait que des cosmétiques réservés aux hommes mais, comme presque toutes les adolescentes, elle s’était aspergée trop généreusement.

    Quentin tira encore une bouffée de son joint, inhala profondément. Toute timidité vaincue, il posa la tête sur la poitrine d’Alyssa. Il l’entendit soupirer. Elle posa une main dans ses cheveux, en un geste protecteur, un geste de femme, déjà. Il était bien, il s’abandonna comme il le faisait enfant dans la tiédeur rassurante du corps de sa mère.

    Un soubresaut le souleva. Ça lui revenait, il la sentait à pleines narines. Il la reconnaissait. C’était la même senteur ! Il ne put se maîtriser.

    — Salaud !

    Les autres ouvrirent à peine les yeux. Ils se tenaient repliés sur eux-mêmes, dans une position fœtale, pour retenir le plus longtemps possible l’évasion chanvrée.

    Quentin revivait le drame, revoyait l’autre. Celui du parfum. Ça le prenait aux tripes. Une convulsion révulsa son estomac, la bile monta, souilla sa gorge. Il serra les dents pour empêcher le vomissement.

    Michaël se redressa soudain, s’ébroua, tira Quentin de son cauchemar.

    — S’agira de doper ton herbe avec des lampes plus fortes, et d’ici pas trop longtemps !

    — Mais comment tu veux que je…

    — Pas mon problème ! Il me faut du concentré. Ou bien tu retournes avec les autres mouflets. Y a pas de place pour les demi-portions, ici !

    Il se recoucha, soulagé. Il devait de temps en temps lâcher son fiel, comme une plaie son pus.

    Quentin déglutit avec peine, se blottit contre Alyssa, referma les yeux.

    C’était bien le même parfum qui émanait du cou d’Alyssa, de derrière ses oreilles. Alors, il revécut une fois encore ce qui hantait ses nuits.

    Il l’aimait bien, son père. Malgré sa dureté, tant avec lui qu’avec sa mère. Malgré ses rentrées tardives où le moindre détail le mettait en boule : une paire de chaussures mal rangée, son fils scotché devant la télévision, la planche de skate de travers dans le corridor…

    Mais il y avait aussi, certains samedis, à l’aube, les départs en sa compagnie vers les Combes de Nods, puis plus haut vers Chasseral, jusqu’à la limite supérieure de la forêt. Au-delà, plus que des pâturages avares, rocailleux, mais regorgeant de senteurs, étoilés du velours des gentianes. Ils montaient d’un pas régulier, dans la fraîcheur du matin et de la brume bleue qui nappait le Plateau de Diesse. La rosée perlait leurs chaussures de marche, un lièvre déboulait d’un taillis. Sa fuite les faisait éclater de rire, c’était comme un hoquet répété sans fin. Le pompon blanc de sa queue rythmait la poussée de ses pattes arrière, se projetait si haut qu’il donnait l’impression que l’animal allait capoter, cul par-dessus tête. Puis il disparaissait dans l’ombre touffue d’une sapinière. Plus loin, des crottes globuleuses et un lit de feuilles mortes tassées trahissaient la sieste d’un chevreuil. Et les arrêts devant les framboisiers ! Ils s’en gobergeaient comme, à l’automne, les étourneaux de raisin. Leurs mains seraient rouges jusqu’à la prochaine source, et encore…

    À midi, ils faisaient halte dans une clairière. Pendant que son père érigeait un cercle protecteur avec des pierres, Quentin allait chercher alentour de la darre sèche et du bois mort. Bientôt la flamme crépitait, bientôt ils tenaient au-dessus une baguette empalée d’un cervelas aux extrémités entaillées en croix. Sous la chaleur, c’était comme s’il écartait les bras et les jambes de douleur, on aurait dit un supplice du moyen-âge. Des gouttelettes de graisse en suintaient, crépitaient dans le foyer. L’odeur de rissolé devenait promesse.

    Ils pique-niquaient d’abord en silence. La chair grillée, nappée de moutarde, craquait sous la dent, le quignon de gros pain fleurait les blés mûrs. Ils mâchaient, tétaient la bière à la bouteille – son père lui permettait deux ou trois gorgées. Il n’appréciait guère, trouvait cela trop amer, mais il se sentait grand. Devant le panorama des trois lacs et, au loin, de la chaîne des Alpes, ils ne disaient rien, conscients que, devant le sublime, on ne dit que des banalités.

    Après un long moment, son père se mettait à parler. De son enfance, de son adolescence. Cela paraissait loin à Quentin, très loin… mais son père était tout près et cela lui faisait du bien.

    Puis, un soir, le pasteur du village avait frappé à la porte. Comme ils n’allaient pas à l’église, ce ne pouvait qu’être une mauvaise nouvelle. Son père avait raté un virage dans les gorges de Douanne. La voiture avait arraché la glissière de sécurité, fait un bond de trente mètres pour s’écraser dans le lit du torrent. Il avait fallu appeler les pompiers pour le désincarcérer. Non, on ignorait les causes de l’accident. Non, il valait mieux ne pas le voir tout de suite. Oui, le corps reposait à la morgue de La Neuveville. Oui, il avertirait les pompes funèbres, si on n’y voyait pas d’inconvénient. Pouvait-il encore faire quelque chose pour eux ? Non ? Il prierait. Et il s’esquiva, comme honteux.

    Sa mère alla s’asseoir dans la cuisine. Elle était grise. Son corps était saisi de soubresauts, elle gémissait de l’intérieur. Quentin s’approcha, lui mit le bras sur l’épaule, hoqueta :

    — Maman…

    Un frisson la parcourut. Elle allait s’effondrer, hurler. Il ne devait pas subir cela et il fallait pourtant que ça sorte. Elle fit un dernier effort pour se dominer, le repoussa le plus maternellement qu’elle le put.

    — Un moment, Quentin, juste un moment, s’il te plaît…

    Il s’écarta, regagna l’escalier qui menait à sa chambre. Des larmes brûlaient ses joues. Il aurait tant aimé un baiser…

    La nuit, il l’entendit sangloter dans la chambre à coucher, en bas. Il ne supportait pas cela. Lui aussi, il avait besoin de pleurer. Il sentait confusément que pleurer seul, ce n’était pas bien. Il descendit, se glissa dans la chambre. Sa mère était allongée tout au bord du grand lit. Elle fuyait cette absence à côté d’elle, mais ce vide la suppliciait.

    Quentin fit le tour, resta debout, figé. Puis il osa. Il s’étendit à la place de son père. L’oreiller sentait un peu le tabac brun.

    Ils s’endormirent quand ils n’eurent plus de larmes.

    Pendant deux semaines, il se coucha là puis, un soir, alors qu’il venait dans la chambre après avoir procédé à sa toilette, sa mère en pyjama se leva. Elle s’avança vers lui, le prit dans ses bras. Il sentit ses seins contre son torse, une chaleur douce l’envahit. Il s’abandonna.

    — Mon chéri, je crois que maintenant ça ira. Tu peux dormir dans ton lit. Bonne nuit, à demain, mon Quentin !

    Il s’en retourna sans rien dire. L’effleurement des seins sur sa poitrine… Il venait de découvrir que sa mère était aussi une femme.

    Trois mois passèrent. Le père n’avait guère laissé d’économies. Les rentes de veuve et d’orphelin étaient maigres. Le patron de La Pierre-Grise l’engagea. Il était vieux garçon, elle avait la quarantaine avenante. Le dancing était à mi-chemin de Bienne et de Neuchâtel, dans le haut du village de Nods. À l’écart, discret, et les contrôles de police très rares. Tard le soir, de grosses limousines venaient se garer sous les arbres et des couples étrangement assortis se glissaient de l’obscurité complice du parking aux banquettes de cuir du dancing. Au-dessus du toit de l’établissement, sur l’immense masse noire de Chasseral, se dressait un Cyclope narquois : la tour de relais de la télévision clignotait de son œil rouge.

    La mère de Quentin assuma bientôt la responsabilité du bar. Autant pour la frime que pour se déculpabiliser, les clients laissaient de gros pourboires. Vieil atavisme religieux : après le culte, la générosité à la collecte peut contribuer à la rémission des péchés. À La Pierre-Grise, c’était avant.

    La situation familiale s’améliora. Quentin reçut des cadeaux de sa mère : argent de poche en augmentation, teeshirts, jeans et baskets griffés. Il allait quelquefois souper à La Pierre-Grise. Des mets qu’il découvrait avec étonnement : gambas au miel, saint-pierre au confit d’oignons, écrevisses à la menthe… Il était ravi des cadeaux et des repas, mais il aurait tout donné pour un câlin de sa mère ou un mot de son père. Ou pour ne pas devoir s’endormir dans une maison vide.

    Un soir, il se réveilla vers minuit. Sa mère n’était

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