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Construire des personnages de fiction: Récit, roman, scénario, théâtre
Construire des personnages de fiction: Récit, roman, scénario, théâtre
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Ebook250 pages2 hours

Construire des personnages de fiction: Récit, roman, scénario, théâtre

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About this ebook

Pour construire une histoire, il faut un scénario et des personnages.

Ce manuel se focalise sur cet élément capital : le personnage. Il souligne deux points trop souvent sous-estimés : 1) dans un récit, les personnages ne sont pas des êtres isolés, mais ils forment un véritable système, un système dramatique... 2) le personnage littéraire n’existe pas en chair et en os, ni même en image. C’est un être à 100 % de parole, parole qui est ce que dit le narrateur, ce qu’en disent les autres personnages, et ce qu’il dit de lui-même...

Un guide pratique pour vous aider à créer des personnages de fiction.

EXTRAIT

On peut résumer à quatre les manières de présenter un personnage. Une manière statique (l’être) : le portrait. Trois manières dynamiques (le faire) : par action (scène), par parole (dialogue) et par pensées (monologue intérieur).
La manière la plus classique est le portrait ; mais comme ces manières ne sont pas exclusives, elles seront pratiquement toutes utilisées à la suite pour les principaux personnages ; tandis que les personnages secondaires ne feront le plus souvent l’objet que de l’une ou de l’autre, et de façon plus succincte.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Louis Timbal-Duclaux, né en 1941 à Toulouse, est diplômé de l'École des hautes études commerciales (1963) et licencié en sociologie (1964).
Entré en 1966 au département des relations publiques du Gaz de France, Louis Timbal-Duclaux a poursuivi toute sa carrière dans cette branche. Actuellement il est responsable de la communication écrite à la Direction des études et recherches de l'Électricité de France.
LanguageFrançais
Release dateJul 28, 2017
ISBN9791096918041
Construire des personnages de fiction: Récit, roman, scénario, théâtre

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    Construire des personnages de fiction - Louis Timbal-Duclaux

    Introduction

    La notion de personnage et le portrait

    En pratique, concernant leur méthode de travail, on rencontre trois types d’écrivains :

    Ceux qui partent d’une histoire, d’un scénario structuré et qui, pour le faire vivre, sont amenés à créer des décors et des personnages.

    Ceux qui partent d’un thème, d’une époque, d’un milieu social ou géographique, et qui doivent ensuite créer personnages et scénario.

    Ceux enfin qui créent d’abord des caractères, des personnages, et se préoccupent ensuite de les faire vivre dans un milieu à l’aide d’un scénario.

    Mais dans tous ces cas, la création des personnages constitue une étape incontournable. Car le personnage est à l’action ce que, dans la phrase, le sujet est au verbe. Pas de phrase sans sujet, ni de scénario sans personnage.

    Nous allons procéder pas à pas.

    I – Les 5 sens du mot PERSONNAGE

    1 – Sens étymologique : du latin « persona », masque que portaient les acteurs au cours de représentations théâtrales. Par extension : le rôle joué, montré au public : l’apparence par opposition à la vérité de l’être (comme dans l’expression « il joue un personnage »). De ce sens dérivent tous les autres.

    2 – Sens artistique : être humain représenté dans une œuvre d’art, c’est à dire de fiction (par opposition à la réalité) : personnage d’un tableau, d’une sculpture, d’un roman, d’un poème, de cinéma, de la scène...

    3 – Sens technique : rôle prévu dans une pièce de théâtre et qui doit être incarné par un acteur (synonyme = emploi, rôle). Ou réciproquement, type d’acteur convenable pour incarner un certain type de rôle (le père noble, la soubrette, le jeune premier...).

    4 - Sens social : personne qui, dans la vie, joue un rôle important et en vue (synonyme : gros bonnet, grand manitou, personnalité...).

    5 - Sens psychologique : personne considérée dans son caractère ou son comportement particulier (synonyme de type, de caractère (en anglais, Personnage se dit Character). Expression : « C’est un drôle de personnage », « Il joue le personnage de l’homme outragé »... (manque de naturel, emphase, manque de sincérité...).

    De la même étymologie dérivent les termes suivants :

    Personne : individu de l’espèce humaine, considéré comme sujet de droit et de devoirs.

    Personnel : ce qui est propre à une personne. Ou, comme nom, ensemble des personnes employées dans une maison, une entreprise.

    Personnaliser : rendre plus personnel, adapter à la personne.

    Personnifier : incarner un personnage, une idée.

    Personnalisme : philosophie qui accorde une grande valeur à la personne humaine.

    De tous ces sens se dégage l’idée que le personnage est une façade de la personne, plus ou moins fabriquée, particulière à elle, et faisant impression sur les autres.

    Au total, le concept de personnage est ambigü autant dans la réalité que dans la fiction, dans la mesure où s’exprime la dialectique philosophique entre le paraître (le phénomène) et l’être (la réalité profonde).

    Le personnage est mélioratif dans la mesure où il exprime la vérité et la puissance de l’être (« un grand personnage »). Le même terme est dépréciatif, s’il connote la dissimulation coupable, l’illusion trompeuse, le mensonge. Cest bien l’ambiguïté même de l’art en tant que fiction, dont Cocteau a dit : « C’est un mensonge qui dit la vérité. »

    On définit alors l’art authentique comme celui qui utilise la fiction (notamment du personnage) comme un moyen pour dévoiler une plus grande vérité sur le monde dans les domaines du beau (esthétique), du vrai (logique), du bien (morale), seuls, ou conjoints, dans une vision globale de l’être (métaphysique). L’étude du personnage est donc inséparable d’une vision globale de l’art lui-même.

    De fait on verra comme le concept même du personnage a fortement évolué au fil des siècles.

    II. Brève histoire du personnage littéraire

    Toute l’histoire du personnage littéraire sur 20 siècles tourne autour du problème central de l’art.

    Pour l’école classique (Boileau), l’artiste doit abstraire de la réalité « l’essence générale » du personnage. D’où le goût pour les grands types : l’Avare (l’essence de l’avarice), le Distrait (l’essence de la distraction), l’Amoureuse (l’essence de la passion), etc...

    A l’inverse, l’école Romantique, cherche à abstraire de la réalité, le différent, le singulier, ce qui rend l’individu irréductible aux autres. D’où un goût pour le caractère ethnique (le Basque, le Corse...), les spécificités de langage (tournures, expressions...), les paysages typiques (la fameuse couleur locale), les pays étrangers ou inconnus (l’Orient mystérieux...), les situations et les personnages exceptionnels (monstres, mages...). D’où souvent des descriptions très détaillées des dits personnages, pour exalter leur singularité. Ce goût du détail réaliste connaît son apogée avec l’école naturaliste (Goncourt, Zola, Maupassant et Flaubert en partie). Mais il ne dépasse pas le 19ème siècle.

    Au contraire, au 20ème siècle, avec l’école symboliste et ses prolongements, les auteurs s’attachent au « réalisme subjectif », c’est à dire au personnage voyant, et non plus vu. C’est l’école subjective du « courant de conscience » (James, Proust, Joyce, Kafka, Dujardin...).

    Vers 1960, le courant du Nouveau Roman, en France, prolonge cette tendance subjective, en essayant d’abolir le personnage classique (à la Balzac). Cela, en le rendant flou, incertain, contradictoire selon les points de vue. On a vite touché à une limite ; et le roman actuel admet à peu près tous les modèles hérités du passé...

    Au total : bien des personnages modernes ne sont pas plus caractérisés que ceux de l’Antiquité ou du Moyen Age (on ne connaît pas la couleur des yeux ni d’Ulysse, ni de Roland, ni de Gargantua...)

    Le schéma suivant symbolise cette évolution millénaire.

    III – Quatre manières de présenter un personnage

    On peut résumer à quatre les manières de présenter un personnage. Une manière statique (l’être) : le portrait. Trois manières dynamiques (le faire) : par action (scène), par parole (dialogue) et par pensées (monologue intérieur).

    La manière la plus classique est le portrait ; mais comme ces manières ne sont pas exclusives, elles seront pratiquement toutes utilisées à la suite pour les principaux personnages ; tandis que les personnages secondaires ne feront le plus souvent l’objet que de l’une ou de l’autre, et de façon plus succincte.

    Le portrait classique de personnage

    De manière classique, on appelle portrait d’un personnage quelques lignes consacrées à le décrire.

    « Martin Beck avait l’air fatigué et sa peau brûlée par le soleil paraissait jaunâtre dans le jour gris. Il avait un visage étroit au front large et à la mâchoire puissante, un nez court et rectiligne, des lèvres minces, marquées de deux sillons profonds aux commissures. Ses cheveux noirs, coiffés en arrière, ne s’argentaient pas encore. Son regard bleu était limpide et calme.

    Il était mince, pas particulièrement grand et ses épaules étaient légèrement voûtées. Certaines femmes auraient dit qu’il était bel homme, mais la plupart l’auraient trouvé tout à fait ordinaire. Son costume n’attirait pas l’attention. On pouvait tout au plus penser qu’il s’habillait de manière trop discrète. » (Sjöwall et Wahlöö : Roseanna coll. 10x18)

    Le plus souvent ce portrait est physique mais laisse transparaître (comme ici) un arrière plan moral. Ce portrait est souvent fait par le narrateur (comme ici), mais il peut être fait par le personnage lui-même, ou par un autre personnage. Si ce personnage est le héros (comme ici), il intervient assez tôt dans le récit (page 13).

    Ces rappels d’histoire littéraire étant faits, on peut maintenant se lancer dans une série d’analyses plus détaillées dans les chapitres suivants. Ces analyses ne sont pas strictement séquentielles, et sont relativement autonomes. On peut les considérer comme autant de « coups de projecteur » éclairant une face de ce sujet très complexe : le personnage.

    La place de ce livre

    Aristote, 4 siècles avant J.-C., distinguait déjà dans la fiction littéraire, quatre éléments de base :

    1 – La fable, que nous appelons aujourd’hui intrigue ou scénario.

    2 – Les caractères agissants, ou personnages.

    3 – L’élocution ou manière de dire, que nous appellerions modes de focalisation ou de narration.

    4 – Et enfin la Pensée, que nous appellerions le sujet, le genre ou le message de l’œuvre.

    Dans d’autres livres que j’ai écrit dans cette collection, j’ai traité des types de scénario et des genres. Ce livre qui traite du point 2 d’Aristote, vient compléter les précédents (aux éditions Ecrire Aujourd’hui) :

    J’écris mon premier roman.

    J’écris des nouvelles et des contes.

    J’écris mon premier polar.

    Techniques du récit et composition dramatique.

    Ecrire un roman.

    Ecrire des nouvelles.

    Ecrire comique (étude spéciale des personnages comiques, que je ne reprends pas ici mais que je recommande). Je précise enfin que je compte publier bientôt dans cette collection un nuveau manuel consacré à l’écriture fantastique et ses personnages (fantôme, loup-garou, androïde, vampire, chose sans nom) dont je ne parlerai pas ici.

    PARTIE I.

    LES PERSONNAGES DE FICTION ET LEUR SYSTÈME

    Chapitre 1

    Le personnage :

    une force agissante

    avec un but et des conflits

    A tout seigneur, tout honneur : Aristote, le grand philosophe grec qui vivait 4 siècles avant Jésus Christ, a été une des premières sources de la pensée occidentale sur l’art de la fiction en général, et le personnage en particulier. Il a été récemment remis à l’honneur par la pensée structuraliste. Mais autant revenir à la source.

    I - ARISTOTE : LE PERSONNAGE, « SUJET DE L’ACTION »

    La poétique d’Aristote, même 24 siècles après sa parution, reste la référence incontournable de la critique et de la réflexion littéraire. Il n’existe guère de livre sérieux qui n’y fasse au moins allusion (que ce soit pour le célébrer, ou l’amender, ou même le critiquer).

    Notre thèse sera très claire : fondamentalement Aristote a raison. Toutefois on ne saurait en rester là pour 4 motifs.

    La pensée d’Aristote nous est parvenue incomplète, en raison de la perte de son second livre sur la comédie (il ne parle que de l’épopée et du théâtre tragique dans ce tome 1).

    Aristote ne pouvait guère parler du roman, forme qui n’existait pas à son époque. A fortiori, il n’a pas pu parler des nouveaux médias (toutefois le roman se rapproche de l’épopée, et le cinéma du théâtre. Mais il existe aussi des différences sensibles à préciser).

    Bien qu’esprit exceptionnellement brillant, Aristote n’a jamais eu une réflexion linguistique très poussée (il faudra attendre, en fait, le 20ème siècle pour que la linguistique se constitue en tant que science autonome).

    Enfin, la société humaine a beaucoup changée entre le 4ème siècle avant J.C. et le monde actuel.

    Ce qui nous oblige à comprendre et poursuivre sa pensée.

    L’action dramatique est centrale

    La thèse d’Aristote est que l’œuvre dramatique est une « mimésis d’action ». Cette définition est lourde de conséquence.

    Première thèse, capitale : l’action prime le personnage, qui lui est subordonné à tous points de vue. En effet dit Aristote, on peut très bien réaliser des récits sans personnages (par exemple l’histoire d’un typhon ravageant la Jamaïque). En revanche, on ne saurait pas raconter une histoire avec des personnages, mais sans action (essayez voir !).

    Qui plus est, dans le vocabulaire d’Aristote le mot « personnage » n’existe pas ! (ce mot, tardif, tiré du latin signifie à l’origine « masque de théâtre » ou rôle). Il emploie très curieusement le verbe agir, faire (pratein) sous sa forme de participe (prattontes) : soit littéralement « les agissants », c’est à dire « les sujets de l’action ». C’est ce que 24 siècles plus tard la théorie structurale du récit appellera « les actants », c’est à dire les forces agissantes du récit !

    Deuxième point capital : la théorie de la « mimésis ».

    Tous les auteurs sérieux préfèrent garder le mot grec plutôt que de le traduire par imitation. Ce qui induit de graves confusions, si on prend ce terme au sens courant de « double ressemblant » à un modèle réel. Ce qui nous entraîne aussitôt dans une théorie fausse mais tenace, selon laquelle le but de l’art serait de copier le réel le mieux possible. Aussi une photo couleurs serait automatiquement meilleure que la même en noir et blanc, et la meilleure photo serait celle qui ressemblerait « le mieux » à son modèle ! Autrement dit, l’idéal de la peinture serait la peinture en trompe l’œil, celle qui provoquerait l’illusion la plus parfaite...

    De même, dans la fiction, le personnage le plus réussi serait celui qui ressemblerait le plus et le mieux aux vrais personnages de la vie...

    Aristote précise , dans la Poétique, une thèse adverse en distinguant 3 types de « personnages » : les personnes réelles (en chair et en os) ; les personnages historiques ayant réellement existé ; et les personnages de fiction qui sont les seuls en cause ici, et qui sont différents des deux premiers.

    Alors qu’un historien, tel qu’Hérodote, raconte des histoires qui se sont réellement passées, le poète (le « créateur »), raconte des histoires qui pourraient avoir lieu (au conditionnel et non au passé). Raconter une fiction c’est donc « faire comme si » au conditionnel, c’est à dire en imaginant, et non pas en rapportant le réel fidèlement. Seule limite, selon Aristote : l’action doit avoir lieu « dans l’ordre du vraisemblable et du nécessaire », pour être reçue comme crédible par les auditeurs.

    L’auteur ne doit s’attacher qu’à reproduire, parmi les 4 causes, la seule cause formelle propre. En effet, dans le cas du sculpteur faisant une statue de Vénus, la 1ère cause est la cause matérielle de la statue (le marbre et non pas la chair) ; la seconde la cause instrumentale (le ciseau du sculpteur) ; la troisième la cause formelle (l’idée de beauté féminine que l’artiste abstrait de la femme réelle qui lui sert de modèle) ; la 4ème cause est la cause finale de l’artiste (devenir riche et célèbre par exemple). Ici, seule la 3ème cause formelle est en cause : représenter la beauté féminine, ou du moins une certaine conception de la beauté féminine (et non pas la vraie femme qui pose).

    Ainsi le mot de « mimésis » devrait plutôt être traduit par transposition, transformation, recréation par d’autres moyens (d’autres causes matérielles et instrumentales). La meilleure preuve est que deux grandes voies sont possibles pour Aristote :

    Le théâtre (spectacle) qui est une « mimésis d’action » réalisée par des acteurs, c’est à dire des hommes réels, mais qui « miment » (au sens physique) des personnages de fiction (par des gestes, actions, paroles...).

    Le récit (lecture publique ou privée) qui est une « mimésis de langage » où les actions sont décrites par des paroles du narrateur.

    Enfin, il existe deux modes principaux de mimésis selon le modèle mimé. La voie supérieure qui s’attache à figurer l’action des personnages socialement supérieurs (dieux, demi-dieux, héros, rois...). C’est le cas de la tragédie et de l’épopée. La voie inférieure qui s’attache à figurer l’action de personnages socialement inférieurs pris du commun : c’est le cas de la comédie et du récit satirique.

    Au total : la mimésis s’applique à l’action, et non directement au personnage, et elle est une recréation partielle « vraisemblable » et non une copie réaliste totale.

    Pour Aristote, un récit bien formé doit former un tout par rapport à l’action. Un tout où rien ne manque d’essentiel, mais aussi où il n’y a rien de

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