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Confessions d'un steward: Témoignage
Confessions d'un steward: Témoignage
Confessions d'un steward: Témoignage
Ebook376 pages5 hours

Confessions d'un steward: Témoignage

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About this ebook

La face cachée du « low cost ».

Tout le monde ne rêve pas d’être hôtesse de l’air. Mais lui, il y a toujours pensé. Un avion est une salle de spectacle : lubies des passagers, délires des commandants de bord qui se prennent parfois pour les rois du monde, équipages qui tentent de gérer au mieux les rotations de vol, les passagers incontrôlables, sans oublier… le nettoyage de l’avion. Oui, David Edelstein est steward sur une compagnie low cost. D’une plume trempée dans le vitriol, il raconte avec humour son quotidien ainsi que la réalité de ce système de gestion de l’aérien qui s’étendra bientôt à Air France et à toutes les compagnies aériennes aux prises avec une conjoncture économique en crise. Mesdames et Messieurs, veuillez attacher votre ceinture de sécurité et découvrez la face cachée du « low cost ». Et bien évidemment, toute ressemblance avec des compagnies aériennes n’est pas... fortuite.

Plongez dans le témoignage d'un steward, et découvrez un portrait du monde aérien dressé avec humour.

EXTRAIT

-Ah les demoiselles ont de la chance ! s’écrie le pilote.
-Je ne pense pas. Je suis basée à Londres Gatwick. Alors que je me rendais à l’aéroport pour un simple aller-retour vers La Rochelle, ils m’ont informée que je serais sur le vol vers Lyon. Lorsque je suis arrivée dans la salle des équipages, nous étions cinq au lieu de quatre sur le vol. Nous étions tous étonnés. Ils nous ont ensuite appelé pour demander à l’un d’entre nous de se porter volontaire pour une « mise en place » vers Lyon. Comme j’étais la seule à avoir des habits de rechange, l’équipage m’a désignés, se plaint une collègue.
LanguageFrançais
Release dateApr 25, 2018
ISBN9782390091684
Confessions d'un steward: Témoignage

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    Book preview

    Confessions d'un steward - David Edelstein

    steward

    Bienvenue à bord

    Je poursuis ma carrière dans le transport aérien. Je l’ai débutée chez CarrottAir, je suis ensuite parti quelques années chez Air Mirage au Moyen-Orient, à bord du plus gros avion des airs, pour finalement revenir chez CarrottAir, en France. J’aime CarrottAir et j’aime mon métier: steward, hôtesse de l’air, PNC, désormais chef de cabine. J’aime toujours autant prendre l’avion tous les matins. J’aime cette ambiance, cette odeur, ces passagers.

    « Mesdames et Messieurs, nous avons retrouvé un cerveau dans la salle d’embarquement, celui ou celle qui l’a oublié, merci de quitter l’appareil sur le champ ! ». Les passagers applaudissent et rient aux éclats.

    « Mesdames et Messieurs, tous les appareils électroniques, y compris les téléphones portables doivent être éteints pour le décollage ; même s’ils sont en mode avion, ils doivent être complètement éteints ».

    Je dois négocier avec une bonne dizaine de clients pour qu’enfin ils daignent éteindre leurs précieux outils de communication. D’autres cachent leur joujou dans leur poche, et le ressortent aussitôt, dès que je m’éloigne. Or, je me rends vers le fond de la cabine, alors que je dois m’asseoir à l’avant. Les passagers ne remarquent pas que je rebrousse chemin et je les surprends tous. Un jour, je perdrai patience et j’écraserai un iPhone sur la tête d’un passager. Il sera alors temps que je prenne ma retraite. J’aurai de beaux souvenirs à raconter.

    J’aime mon métier. J’aime cette ambiance particulière au transport aérien, cette solidarité qui existe entre les employés de toutes les compagnies aériennes. J’aime mes collègues aussi : ces débats à l’arrière de la cabine autour de savoir si Britney Spears est trop grosse ou non, cette formidable liberté de parler de sexe. J’aime voir les hétérosexuels se transformer peu à peu en homosexuels, les commandants de bord continuer de croire qu’ils sont les rois du monde parce qu’ils règlent la note de tout l’équipage au bar de l’hôtel. J’aime également cette énorme facilité que nous avons pour voyager : mes parents se préparent des semaines avant leur départ, je peux préparer ma valise pour un trekking de trois semaines au Népal deux heures avant de me rendre à l’aéroport. J’aurai d’ailleurs pris la décision de partir au Népal trois heures avant de décoller pour Katmandou.

    Je profite de la vie, je ne travaille qu’un jour sur trois. Je profite d’un excellent salaire, trois fois le revenu minimum. La retraite se touche après trente ans de travail seulement. J’ai du temps. Du temps pour entreprendre, pour apprendre, pour écrire, pour rire.

    J’ai intégré CarrottAir et je poursuis gentiment ma carrière dans l’aérien. J’aime l’ambiance de travail détendue. J’ai réussi à gravir les échelons très rapidement : je suis devenu chef de cabine. Désormais, je dois gérer la bonne coordination entre les hôtesses, les pilotes, les agents d’escales, les passagers, les femmes de ménage et les réceptionnistes des hôtels. Un défi ? Non ! De bonnes occasions de rire ! Tellement qu’un producteur m’a proposé de monter un « one-man-show ». J’imagine le spectacle : « Jean-Pierre, l’hôtesse de l’air ». Un spectacle haut en couleurs, avec des chorégraphies, des danses, des costumes, des effets de lumières, des vidéos rigolotes et surtout un escalier posé sur la scène d’où descendrait Jean-Pierre, une bouteille de champagne à la main, le regard hautain, un nœud rouge autour de la taille, entonnant : « Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air, toute ma vie j’ai rêvé de voir le bas d’en haut. Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air, toute ma vie j’ai rêvé d’avoir les fesses en l’air ! ».

    Un avion, c’est aussi une salle de spectacle. En attendant, voici mon témoignage, mon métier, mon quotidien comme vous ne les avez jamais vus. Voici mes souvenirs!

    Joyeux Halloween !

    Il y a des travaux de voirie en face de chez moi. Les employés de la direction départementale de l’Equipement (la DDE), habillés en orange vif comme les prisonniers de Guantanamo, ont lancé leurs marteaux-piqueurs dès sept heures du matin, ce qui a le chic d’énerver tout le voisinage. Je gare ma voiture et comme je suis sur les rotules après avoir fait mes quatre vols du matin, j’oublie d’enlever mon uniforme avant de me rendre à la boulangerie voisine pour acheter une baguette. Garder son uniforme lorsque l’on doit affronter la foule est une faute de « bleu ». Dans l’avion, je représente l’autorité, j’ai une légitimité toute faite. Hors du tube métallique, je suis un guignol mal fagoté, à la merci des frustrations de passagers qui m’imputent tous les maux du transport aérien : le vol était en retard, un bagage a été cassé, il y a eu des turbulences pendant le trajet, le café n’est pas bon dans les avions. Qu’ils aient voyagé dans un avion de ma compagnie ou non, ils s’en fichent. Je suis steward, je travaille dans les avions, c’est-à-dire dans le transport aérien, donc je suis responsable de la grève des contrôleurs aériens, de la pluie et du beau temps. J’entre dans la boulangerie. Il y a un monde fou. On me remarque grâce à ma grande parka de couleur orange vif. Le nom de ma compagnie est écrit en grand sur les manches, le dos et l’avant de cette veste en plastique. Les clients me dévisagent, hébétés par l’immondice que je porte sur mes épaules. Heureusement, ils ne peuvent apercevoir le jean baggy et la chemise gris-orange que je porte. Alors que j’étais le dernier arrivé dans la boulangerie, tous les clients reculent, me libérant le passage dans le but ultime de me dévisager encore plus. J’entends leurs chuchotements. Quelle spécialité française de critiquer les tenues vestimentaires de leurs concitoyens ! Je garde mon calme, j’ai perdu toutes mes forces : je suis exténué. J’attends derrière une vieille dame. Elle a du mal à trouver une pièce de deux euros qu’elle confond, étonnamment, avec les centimes. Elle prend son temps car à son âge, du temps, on en a plus qu’il n’en faut. Elle profite également de ce moment où elle reçoit, enfin, toute l’attention qu’elle demande. Elle papote et se plaint bruyamment des travaux de voirie. Je semble être le seul à trépigner, les dizaines de clients qui attendent ont l’esprit occupé par mon parka très moche. Quand la vielle se retourne enfin, elle reste figée, me dévisageant de la tête aux pieds :

    « C’est donc vous qui faites tant de bruit avec vos travaux ? »

    « Désolé, Madame. Non ce n’est pas moi. »

    « Comment ça, ce n’est pas vous ! Vous êtes habillé en orange. Vous travaillez pour la DDE, non ? »

    « Non Madame. Je travaille pour une compagnie aérienne, je suis steward. »

    « Vous, steward ? Avec ça, sur le dos ? Les stewards sont élégants et certainement pas habillés en clowns comme vous. J’espère que vous aurez bientôt fini avec vos travaux car le bruit me tape sérieusement sur les nerfs ! » Et la vieille sort du magasin, fière d’avoir mis les points sur les « I » à l’impertinent que je dois être à ses yeux.

    Je reste bouche bée, le public rit aux éclats. Je m’engonce dans ma parka surdimensionnée et je prends la poudre d’escampette.

    Welcome !

    Ce matin, ma chef de cabine semble froide. Elle ne décoche pas un sourire et garde un visage fermé. Je soupçonne une sciatique. Elle est de mauvaise humeur alors que je suis de très bonne humeur. Nous voyageons à destination de Palma de Majorque. L’avion est plein à craquer de touristes allemands. Ils sont également d’humeur festive. Je dois détendre ma chef de cabine à tout prix, la faire rire. Ça tombe bien, ce matin je n’avais comme sous-vêtement propre que mon caleçon zèbre. Elle saisit l’interphone pour saluer nos passagers en trois langues : français, anglais et allemand. Je saisis une boite métallique où nous rangeons nos ustensiles, et je me tiens dessous, à l’arrière de la cabine. La chef de cabine me dévisage, se demandant quelle bêtise je m’apprête à faire. J’ai une réputation à tenir : celle de guignol de service. Alors que le ton de sa voix ferait s’endormir un mort, les passagers ont les yeux rivés sur leur magazine ou scrutent l’horizon. J’en profite pour baisser mon pantalon et danser comme un canard. La chef de cabine réagit, enfin presque. Elle écarquille les yeux. Je ne prête plus attention à ce qu’elle dit ; elle entame sa présentation en dialecte suisse. Elle annonce aux passagers :

    « Mesdames et Messieurs, vous pouvez à présent profiter d’une chorégraphie effectuée par mon collègue à l’arrière de la cabine. Je précise qu’il vient de baisser son pantalon et qu’il porte un caleçon zèbre. »

    A cet instant très précis, cent cinquante-six paires d’yeux se tournent vers moi. Je pivote sur moi-même. Je réalise, après un long moment de solitude, que je suis en train de me ridiculiser devant cent cinquante-six personnes. De grands éclats de rires fusent en cabine. Ma chef de cabine me rejoint à l’arrière et m’annonce :

    « Tu feras le service tout seul. Bon courage ! »

    A l’atterrissage, les bars sont vides. Les touristes allemands ont tout acheté. Pour vendre, il faut savoir donner de sa personne, et je remercie Dieu car il fait en sorte que le ridicule ne tue pas.

    Chippendale

    Nous retournons vers Bâle depuis Barcelone. C’est mon dernier vol car je quitte CarrottAir pour m’exiler à Dubaï. Suis-je en train de faire une erreur ? Suis-je en train de me laisser bercer par des illusions ? Suis-je en train de sacrifier une carrière prometteuse au sein de CarrottAir pour pouvoir voler à bord de l’A380 ? Autant de doutes qui m’habitent mais ne me désarment pas. S’il s’agit de mon dernier vol en tant que cabin crew pour CarrottAir, je veux conclure par une note exceptionnelle et faire de ce dernier vol un vol inoubliable. Ce fut un vol inoubliable pour moi, car sur ce vol, un homme d’une beauté exceptionnelle a pris place aux sorties de secours, où je me tiens. J’ai remarqué cet homme aux allures de statue grecque dès son embarquement. La chef de cabine croise mon regard et elle semble tout autant aux anges que moi. Il a la peau mate, une barbe très bien taillée. Il est grand. Sa chemise ouverte laisse apparaitre la ligne verticale qui sépare deux pectoraux ultradéveloppés. Son sourire d’ivoire est impeccable. Je devine de l’ambre dans ses yeux. Son parfum est enivrant. Sa voix, rauque, m’hypnotise. Ses mains sont larges, comme celles d’un travailleur manuel. Je pense qu’il doit beaucoup courir car ses fesses sont rebondies et bien hautes. Je remarque qu’il n’a pas de bague à son annulaire gauche. Je rêve. J’engage une conversation avec lui, j’essaie de déceler des indices qu’il pourrait me donner sur son orientation sexuelle. Une voix qui s’élève dans les aigus, un regard charmeur sur mon postérieur, une allusion à ma cravate car la cravate, droite et longue est l’allégorie de ce que l’on aime chez les hommes. L’indice que j’attendais vient d’embarquer par la porte avant gauche. Je croise à nouveau le regard de ma chef de cabine qui semble être désolée…pour moi.

    Une bimbo aux seins aussi faux qu’ils sont hauts, aux fesses aussi larges que mon bras et aux lèvres, supérieures, de la taille d’un pouce chacune, secoue ses hanches pour rejoindre son amoureux qu’elle embrasse ostensiblement devant mes yeux écœurés. Je retourne à l’arrière de la cabine, déçu par tant de faux espoirs. A ce moment-là, je ne soupçonne pas encore que mes mains glisseront bientôt le long de son corps.

    Nous débutons le service. Il ne s’agit plus d’un service mais d’une course entre la chef de cabine et moi, une course à celui ou celle qui, le premier, servira ce bellâtre et sa péripatéticienne. Je gagne la course bien évidemment, et sans tricher. Au moment où je m’apprête à lui proposer quelque chose à boire, l’être mi-homme mi-dieu se lève et me demande de lui dégager l’espace pour qu’il aille aux toilettes. Il a l’air livide. Je suis empêtré avec mon chariot et je prends de longues secondes avant de pouvoir le déplacer. Je me tiens en face du bel-ami qui tombe raide sur ses genoux. Sa tête arrive au niveau de ma taille ; son visage, au niveau de ma ceinture. Je sue, une bouffée de chaleur me réchauffe jusqu'à la pointe des oreilles. J’ai un beau garçon à mes pieds, dans une position pour le moins très érotique. Ma transe est presque interrompue par les rires et les sifflements coquins des passagers qui assistent à cette scène pour le moins croustillante. Le passager évanoui tombe ensuite sur son dos épais. Mon réflexe, très juste, est de lui relever les jambes. Je pose la jambe droite sur l’accoudoir du siège droit ; la gauche sur l’accoudoir de gauche. Je rampe jusqu'à son visage, je lui tapote les joues pour vérifier ses réflexes. Etrangement, cette position me force à poser mon bassin sur le sien, et à écarter un peu plus ses jambes. Je dois vérifier sa respiration. Ma main s’achemine sur son torse, je déboutonne sa chemise lentement, chaque bouton ouvert me fait frémir de plaisir. Je découvre un torse parfait, aux muscles saillants. Sa respiration est quasi inexistante. Je souris à l’idée de devoir lui faire du bouche à bouche. Je prends une bouffée d’oxygène et entrouvre ma bouche. L’auditoire en reste muet : ils s’apprêtent tous à devenir témoin d’une scène de viol. Les secondes deviennent de longues minutes. L’exaltation est à son comble. Mon pantalon devient de plus en plus serré au niveau de l’entre-jambes. Je prends appui sur mes deux bras, mon bassin colle au sien, je ne suis qu’à quelques centimètres de son visage.

    Il reprend soudainement conscience après qu’un verre d’eau ait été jeté depuis un siège. Le visage trempé, je me retourne. Sa petite amie a mis fin à la scène. Je le savais : celles qui ont un petit ami aussi beau ne peuvent qu’être femmes, égoïstes et jalouses.

    DIRIGAF, Do I really give a fuck ?

    Le métier de personnel navigant commercial (PNC) est un métier de « service à la clientèle ». Nous devons être là pour nos clients, répondre à leurs besoins, leur apporter du confort et nous assurer de leur sécurité. Nous devons surtout leur parler, communiquer avec eux, échanger des informations et répondre à leurs questions à la con. Apres plusieurs années d’expérience dans le transport aérien, j’ai appris à abréger les dialogues et à répondre de la façon la plus concise et rapide qui soit. Dans le pays de Descartes, où l’éloquence est plus importante que le sens, mieux vaut être succinct plutôt que de s’attarder et s’empêtrer dans des dialectiques infécondes. De toute façon, nous n’avons pas le temps : il serait intenable d’accorder plus de cinq minutes à chacun des cent quatre-vingt passagers voyageant entre Paris et Nice, c’est-a-dire soixante minutes de vol. Alors on fait court.

    « Pourquoi sommes-nous en retard ? »

    « C’est la tour de contrôle qui nous a impose une restriction DIRIGAF, retardant ainsi notre départ ».

    « Pourquoi n’a-t-on pas le droit d’emporter une bouteille d’eau à bord ? »

    « C’est l’agence DIRIGAF qui a imposé cette mesure à tous les passagers de toutes les compagnies aériennes ».

    « Votre uniforme est bien moins joli que celui d’Air FanFan ! »

    « C’est pourtant le designer DIRIGAF qui les a dessiné ! »

    « C’est quoi le bruit qu’on vient d’entendre ? »

    « C’est le DIRIGAF »

    « Comment est le pilote ? »

    « Il a été formé chez DIRIGAF »

    « Pourquoi l’avion bouge autant ? »

    « Nous traversons une couche de DIRIGAF »

    « Puis-je vous régler en pesos ? »

    « Désolé, Monsieur, mais la procédure DIRIGAF ne me l’autorise pas »

    « Est-ce difficile de devenir hôtesse de l’air ? »

    « Il faut obtenir le master en DIRIGAF »

    « Comment s’appelle ce petit village-là que l’on voit sur le versant sud de cette montagne ? »

    « DIRIGAF, Monsieur, il y a un très bon restaurant là-bas qui s’appelle le DIRIRIGAF avec comme spécialité le SOAP (shit on a plate, merde sur assiette) »

    « La rivière qu’on voit, elle s’appelle comment ? »

    « DIRIGAF, elle se jette dans la Garonne »

    « On vient de croiser un avion juste à l’instant, c’est quelle compagnie ? »

    « DIRIGAF, bien plus cher que la nôtre »

    La réponse à toutes les questions, c’est DIRIGAF :

    « Pour quoi faut-il attacher nos ceintures ? »

    « Pourquoi ça pue ? »

    « Quel est le nom de la rue ? »

    « Quel est le nom de la station de métro ? »

    « Où puis-je me plaindre ? »

    « Comment me fais-je rembourser ? »

    « Pourquoi vous ne volez pas vers Trucmuche-les-bains ? »

    « J’ai voyagé avec votre collègue très sympathique, comment s’appelle-t-elle ? »

    Le tout n’est pas de répondre DIRIGAF, encore faut-il savoir le dire avec la bonne intonation et la bonne gestuelle. Il faut prononcer DIRIGAF avec beaucoup d’aplomb, comme s’il s’agissait d’une certitude. Il faut ajouter un brin d’arrogance et surtout de condescendance envers celui qui semble ne pas connaitre une chose aussi simple que le DIRIGAF. Dans le pays de Descartes, très peu avoueront ne pas connaitre le DIRIGAF. En France, personne n’avoue son ignorance mais préfère mentir plutôt que de creuser le fond tant que la forme parait brillante. Par contre, les imbéciles existent et vous risquez de rencontrer deux ou trois passagers qui demanderont plus d’informations sur le DIRIGAF. Vous leur répondrez :

    « Mais, Monsieur, vous ne connaissez pas le DIRIGAF ? C’est un organisme très connu pourtant, je vous laisse aller sur leur site internet. »

    L’imbécile se connectera sur Google et trouvera cette définition :

    DIRIGAF: acronyme pour Do I really give a fuck ? Ou Qu’est-ce que j’en ai à cirer très souvent utilisé par les hôtesses de l’air ou steward en guise de réponses à des questions stupides ou pour couper court à tout ce qui semblerait être une perte de temps.

    Free seating, placement libre

    En Italie, il est strictement interdit d’embarquer des passagers lorsque nous sommes en train de faire le plein de kérosène. Il s’agit d’une mesure de sécurité propre à ce pays du Sud, alors qu’en France, les passagers s’installent dans l’avion et peuvent admirer à travers leur hublot le camion citerne. Je travaille dans le transport aérien depuis plusieurs années et je ne comprends toujours pas pourquoi certaines mesures de sécurité s’appliquent dans un pays et non pas dans l’autre. Je me tiens sur le pas de la porte avant gauche de l’appareil. Nous attendons la fin du refuelling (plein de carburant) pour embarquer la centaine de passagers entassés dans le bus. Cela fait déjà dix minutes qu’ils patientent, coincés dans un bus sans climatisation. Nous sommes quatre cabin crew à bord, le plein est bientôt fini. Les passagers vont pouvoir partir dans une course folle : la course à la meilleure place.

    C’est le top départ ! Les portes du bus s’ouvrent. Les dizaines de passagers se lancent à l’assaut de l’avion. Monsieur B a profité des dix minutes d’attente dans le bus pour élaborer sa stratégie et atteindre l’avion le premier : bien qu’il soit installé à l’avant du bus, en face de la porte avant gauche de l’avion, il se dirigera vers la porte arrière gauche, pour pouvoir choisir lequel des cent quatre-vingts sièges accueillera son derrière. Il laisse Madame B, sa femme, un peu désorganisée, ma foi c’est une femme, entrer par la porte avant, pour améliorer leurs chances d’avoir une bonne place. Et voilà Monsieur B qui court à grandes enjambées pour grimper quatre à quatre les marches de la passerelle d’embarquement. Il bouscule une petite fille qui tombe sur le tarmac. Monsieur B se retourne et s’excuse brièvement. Il remarque qu’un autre passager lui a grillé la politesse : en effet, monsieur C est désormais en tête et a déjà posé un pied sur la passerelle. Madame C s’attarde autour de la petite fille bousculée qui pleure : elle s’est écorché le genou. Monsieur C lance un cri vers sa femme pour la rappeler à l’ordre : Cours ! Cours ! Réserve-nous des places !

    Il perd ainsi de nombreuses secondes et monsieur B a maintenant les deux pieds sur la passerelle d’embarquement. Les deux bonhommes jouent du coude. Un jeune garçon passe entre leurs jambes. Il s’agit du fils de monsieur D, un habitué des vols de CarrottAir.

    Monsieur D a laissé sa femme à la porte d’embarquement, elle le rejoindra plus tard, le goût pour la course lui faisant défaut. Tant mieux, s’était dit monsieur D. Son fils sous le bras, monsieur D est sûr de son coup. La passerelle d’embarquement se divise en 37 marches plus une petite plate-forme pouvant accueillir trois personnes. Le trio de tête à la porte arrière gauche est donc : le fils de monsieur D, mademoiselle F et monsieur E, car messieurs C et B se disputent sur le tarmac.

    A l’avant, les familles se partagent la priorité à l’embarquement. Je vois arriver pas moins de cinq familles avec bébés. Je les entends hurler en italien. Je soupire. Les familles italiennes considèrent leurs enfants comme des rois, en aucun cas, je n’ai envie de me transformer en bouffon des rois en les laissant s’asseoir à l’avant. Comme sauvé par un coup du sort, on me demande d’ouvrir la porte avant droite car une personne à mobilité réduite est acheminée par ambulift (sorte de camion de chargement sur roues télescopiques). Les procédures de sécurité exigent que l’embarquement par la porte avant gauche ne puisse se poursuivre si la porte opposée est ouverte. Pour une fois, j’applique une procédure de sécurité avec bonheur ! Je fais signe au chef-avion de diriger les passagers vers la porte arrière uniquement. Fâchés, certains se disputent avec lui, d’autres enchaînent les pas le plus rapidement possible, pour laisser croire qu’ils marchent au lieu de courir. C’est si peu chic de courir ! Je vois mademoiselle F atteindre le haut de la passerelle arrière sans grande difficulté. La manière dont elle se meut est un spectacle ahurissant : elle ne donne pas l’impression de courir, ni même de marcher, mais de rouler sur le bitume. Mademoiselle F est sans aucun doute l’individu le plus gras que j’aie jamais vu. Tous les passagers dévisagent la jeune adolescente sans cou ni jambes. Monsieur C et monsieur B signent une trêve de courte durée, stupéfaits par cet être informe. Nous installons une vieille dame très charmante au premier rang. Nous rangeons sa canne et son sac dans les compartiments à bagages. Nous défions la mauvaise réputation de CarrottAir dans sa gestion des handicapés.

    Je remarque qu’aucun passager n’est encore installé : ça bouchonne à l’arrière. Je saisis l’interphone et appelle mon collègue à l’arrière.

    « Ils parlent tous italien et me baragouinent que ce sont leurs femmes qui ont les cartes d’embarquement ! Et bien évidemment, leurs femmes sont ailleurs ! Mademoiselle, Mademoiselle ! Attendez ! Tu l’as vue, la grosse ? Elle m’a balancé sa carte à la figure et a bousculé tout le monde ! Je vais me la faire ! Je vais me la faire ! »

    « Attends, je m’en occupe ! »

    Je regarde ma montre : l’heure tourne. Nous serons en retard dans deux minutes. Je dois prendre les choses en main. Je demande à ma collègue de rester à l’avant et de vérifier les cartes d’embarquement. Je lui donne l’instruction de ne laisser passer aucun passager sans carte d’embarquement. Je fais signe au chef-avion, qui se dispute encore avec deux familles, que la voie est libre à l’avant ! Il y a deux passagères à bord, une vieille et une obèse, tandis que cent soixante-dix-huit personnes, plus six bébés, attendent sur le tarmac. Un raz-de-marée humain s’élance vers la porte avant. Un avion de la compagnie irlandaise concurrente est en attente car il ne peut se garer à côté de nous, car des enfants gambadent partout. C’est le bordel, à l’italienne. Je prends le contrôle de la situation. Je m’avance vers le milieu de la cabine pour gérer au mieux le flux de passagers.

    Je demande la carte d’embarquement à la demoiselle obèse. Elle a le malheur de me manquer de politesse en me répondant que la carte est restée avec mon collègue. Je me vengerai le moment venu. Messieurs C et B, essoufflés, arrivent enfin dans l’avion et s’assoient aux sorties de secours. Il faut dire que les sièges aux sorties de secours offrent plus de place pour les jambes, ils sont donc très convoités. Bien qu’ils ont été sur le point d’en venir aux mains, ils deviennent complices et savourent leur victoire commune : tous les deux seront bien installés. Je vois monsieur D hurler à la figure de ma collègue car elle refuse de le laisser entrer sans carte d’embarquement. Il s’impatiente car ils voient les sièges des premières rangées se remplir. Celui qui est installé à l’avant sera le premier à sortir de l’avion à Paris. Mais tous devront attendre ensemble la livraison de leurs bagages, qu’ils soient installés à l’avant ou à l’arrière. Il hurle de plus belle. Je me vengerai. En cabine, c’est le chaos. Ça se bouscule, ça hurle, ça pullule, ça pue même. Ceux qui entrent par l’arrière veulent s’asseoir à l’avant et inversement. Je me tiens en milieu de cabine et je bloque ces contre-courants. Je perds patience et me transforme en commandant militaire.

    « Vous, ici ! Vous êtes deux ? Venez vous asseoir là ! Monsieur, poussez-vous, laissez passer ! Madame, vous chercherez votre magazine plus tard ! Non, tu ne peux pas aller aux toilettes ! Ne fermez pas le coffre à bagages ! Comment ça, vous ne voulez pas que d’autres y mettent quelque chose ? Madame, Monsieur V, inutile de garder une place libre entre vous, l’avion est plein (je me vengerai) ! Madame, ne changez pas votre bébé sur le siège ! A qui est cette veste ? Elle prend trop de place, tenez, reprenez la sur les genoux ! Les petits sacs iront sous les sièges devant vous ! Monsieur, restez à l’arrière ! Oui, Monsieur, même l’arrière de l’avion va à Paris ! Il n’y a plus de places pour deux personnes ! Oui, Monsieur, madame survivra de ne pas être à vos côtés pendant une heure, elle en profitera même ! Monsieur, vous ne voyez pas que ce jeune homme veut s’asseoir ? Laissez-le passer ! Mais levez-vous enfin ! Assis ! Assis ! Assis ! Et on se tait ! »

    Madame D rejoint enfin son mari et son garçon. Je m’avance vers eux. J’installe madame et son fils à la rangée numéro deux. Monsieur sera assis à la trentième rangée : il profitera des odeurs des deux toilettes et des conversations grivoises des membres de l’équipage. Je me suis vengé.

    Mademoiselle F me regarde d’un œil inquiet. Je lui demande si elle peut boucler sa ceinture de sécurité. Elle me dit que oui. Je lui demande de le faire. Elle attrape ses bouées de graisse, les passe presque par-dessus l’épaule et boucle sa ceinture. Elle devient bleue : elle ne peut plus respirer. Je la regarde fixement. Elle est en apnée. Soudain, elle saisit sa ceinture et se détache. Elle a besoin d’une extension de ceinture pour pouvoir s’attacher confortablement, or les extensions ne sont pas acceptées au niveau des sorties de secours. Les issues de secours sont petites et les gros ne passent pas. Je lui signifie qu’elle ne pourra pas rester assise aux sorties de sécurité. Je reste ferme et lui ordonne de s’installer ailleurs (je me suis vengé). Je lui propose de me suivre car j’ai trouvé une place disponible. Je l’installe entre monsieur et madame V (je me suis vengé). Tous les passagers sont installés. Beaucoup ont laissé leurs bagages dans l’allée centrale. Je leur demande de les ranger dans les compartiments à bagages. On me répond qu’il n’y a plus de place et que c’est à moi de leur en trouver. Je pourrais le faire mais préfère me venger. Je saisis une à une les valises et les mets sur la passerelle d’embarquement pour que le chef-avion puisse les mettre en soute. Mon sourire semble rassurer les passagers vindicatifs mais résignés à devoir attendre la livraison de leurs bagages à Paris. Je confie les valises des passagers H, G, T, O, R, W, A, et Q au chef-avion.

    Ce dernier me signifie que la tour nous ordonne de décoller dans moins de cinq minutes. Je comprends que les valises n’arriveront pas à Paris au même moment que leurs propriétaires.

    Je souris (je me suis vengé).

    Hématomes

    Le vol vers Alicante s’annonce agréable. Depuis la salle de briefing, nous ne

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