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Ezistezistepa: Nouvelle édition, entièrement refondue
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Ezistezistepa: Nouvelle édition, entièrement refondue

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About this ebook

« En ce qui concerne EZISTEZISTEPA, qui me paraît résumer l’essence de « l’inexistentialisme », bravo ! Vous y faites éclater les structures de la pensée, dans l’esprit et dans la lettre. A vous suivre aux quatre vents de l’absurde et de l’anarchie littéraire, je me suis bien amusé comme vous avez dû vous-même le faire à l’écrire, et je gage que Raymond Queneau et, pourquoi pas, Bobby Lapointe y auraient trouvé leur bonheur. »
René Reouven, Alias René Sussan
Grand prix de littérature policière, Grand-prix de la Science-Fiction française, Grand prix de l’imaginaire…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Georges Richardot, consommateur attentif d’huile d’olive vierge (en l’occurrence, non impliquée dans quelque martyrat autre que celui de la langue française) naquit dans la zone d’influence de l’imagerie Pellerin d’Epinal, il y a des lustres, lesquels, dit la légende, sur son passage, tour à tour s’allumaient puis s’éteignaient. Il décida à Vence à une date non encore décédée, prenant toute sa place d’Inexistant dans l’emblématique Vie des saints, suivie d’une méditation pour chaque jour de l’année du Père Jean-Etienne Grossez, tenue à jour à cette seule intention par la succession de S. J. chargés du suivi.
(A mon fils.)
LanguageFrançais
Release dateApr 14, 2020
ISBN9782889491513
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    Ezistezistepa - Georges Richardot

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    Georges Richardot

    EZISTEZISTEPA

    Nouvelle édition, entièrement refondue

    Au Père Jean Étienne Grossez, S.J.,

    à Paul-Désiré Trouillebert,

    et à Pierre Larousse,

    sans qui à tout jamais

    eût paisiblement inezisté

    cette turpitude pseudo-littéraire.

    « Il y a des écrivains ravalés,

    dangereux loustics,

    farceurs au quarteron,

    sombres mystificateurs,

    véritables aliénés,

    qui mériteraient de peupler Bicêtre. »

    (Lautréamont, Les Chants de Maldoror)

    PremiÈre partie

    Chapitre 1

    Faux début – Qu’on n’aille pas s’affoler dans les chaumières ! –, à seule vocation d’exorciser les démons familiers de l’auteur, tout en servant de base à une ultérieure leçon de stylistique.

    Ce matin-là, à vue de nez raisonnablement nasal, il y avait dans l’air quelque 3,4 millibars d’acidité. Sortant, comme en chaque début de printemps, les reliques de leur patronne vénérée, dans l’espoir de la débarrasser des odeurs de moisi, les amis de Sainte-Absolute ne faisaient pas davantage recette que les années précédentes. L’escorte canticante se limitait à un quarteron d’inconditionnels vieillissants, dont la ferveur masquait mal la nostalgie d’uniformes détournés des lustres auparavant par leurs rivaux héréditaires : les salutistes.

    Je m’acquittai d’une toilette légère mais nourrissante, apte à me tenir lieu à la fois de douche et de petit déjeuner, puis, après m’être vêtu d’une sélection des choses habituelles sous nos latitudes, avoir descendu l’escalier, dont, comme chaque matin, mon instinct me glissait dans l’oreille qu’il ne rêvait que de me rendre la pareille (Me descendre, pour ceux qui !), je m’efforçai de faire sonner mon talon droit sur un trottoir dont la sonorité ne s’améliorait pas avec l’âge.

    Ce n’était là que le début d’une journée ordinaire…

    Eh bien, non ! Au fur et à mesure que se déroulait ma pérégrination, je relevais nombre d’indices donnant à penser que, s’il s’agissait bien d’un début de journée, il n’allait pas être vraiment ordinaire, en d’autres termes… on m’aura compris !

    Au hasard : ex abrupto, une femme mûrissante m’apostrophe d’un friselis de la lèvre inférieure. On prend ou on laisse ! Pour moi, chers nouveaux compagnons de fortunes diverses, l’absence d’ambiguïté subliminale du signal me fait toucher du doigt le bord de mon chapeau, ce qui, si l’on retient le fait que je suis nu-tête, équivaut à une fin de non-recevoir clairement déguisée.

    Poursuivant dans cette veine, je pourrais ajouter au tableau d’autres touches : un poète célèbre, dont le nom m’échappe, traînant en laisse un homard imbu de lui-même, lequel s’y adjuge l’occasion inespérée d’un strapontin dans l’histoire littéraire ; une machine à cueillir les haricots, revendue au plus offrant par son propriétaire saisi par la débauche – et que, naturellement, la pauvre ne parvient plus à contenter, etc. Mais il n’est pas mauvais d’en garder pour les vieux jours, sans oublier les nuits qui les suivent, quand elles ne les précèdent pas !

    À ce stade, ne conviendrait-il pas que je me présentasse, en espérant que la démarche vous vaudra quelque indulgence de ma part ?

    Qui suis-je, pris isolément, sinon cette machine ambulatoire d’un mètre virgule septante-douze de hauteur, d’une épaisseur demeurant, le Ciel aidant, inférieure à la largeur, d’une teinte délicate sans être franchement malsaine, avec des yeux, des oreilles, des pognes – pour les menottes, fallait pas louper le coche à la libération –, des paluches aux poignets, des poignets aux bras, des bras à la cruche, des cataplasmes, des poils moins longs mais plus fournis désormais que les cheveux, eux-mêmes raréfiés, asphyxiés, madame, obstinés quand même, inintéressants de toute façon, ce qui, qu’on veuille bien leur rendre cette justice, ne fut pas toujours Leica (sic) !

    Avec une bouche, des quenottes – maintes fois cassées, elles vont de pair (par paires aussi) avec les menottes –, des biscoteaux, un poilu, une verrue mauve, deux gnougnoufettes, une feuille de vigne prête à toutes les vendanges, des rotules, des clavicules, des molécules, des ventricules, des monticules, des mandibules, des globules, des vestibules, des testibules…

    Bref, comme tout un chacun, votre serviteur existe ; vite s’apercevra-t-on que c’est de là justement que vont découler ses difficultés, et, par voie de conséquence, les moins imméritées des vôtres !

    Chapitre 2

    Venant à point nommé rassurer le lecteur, qui déjà tendait la main vers son pébroque.

    Vais-je l’avouer, renonçant ainsi sans contrepartie au bénéfice du doute ? Au fil du chapitre précédent, il est patent que j’ai cédé à certain penchant que mes intimes – il fut un temps où j’en avais deux ou trois à la fois – ne se faisaient pas faute de déplorer. J’entends par là une recherche débridée d’originalité, volontiers ficelée de provocation, que les plus mal intentionnés des susmalmentionnés ci-dessus qualifiaient de lourde, absconse, périmée, postsurréalisante, racoleuse, roborative, flamboyante, jubilatoire, inconvenante, latino-celtique, décadente, quelquefois – ça, je ne suis pas près de le pardonner –, à connotation anglo-saxonne, en ixe mots : de perfidement, d’obscurément, de débilement géniale. Ah, ces « Petit coquin ! », ces « Où c’est qu’il va chercher tout ça ? », ces « Givré, ce c… ! », dont le souvenir insubmersible roucoulant dans mes oreilles érémitiques persistera à transcender en sacerdoce mon humble labeur !

    Après cette prise de conscience, dont, j’imagine, les péripéties vous importent peu – ne vous excusez pas, mes vermisseaux redondants, on s’habitue –, me voici concluant qu’après tout chacun n’a que ce qu’il mérite. D’où ma décision de reprendre à zéro ce début, dans un style plus conforme à des ambitions (Qu’on ne s’y trompe pas : les vôtres.) limitées. Mots d’ordre : clarté, accessibilité, authenticité, autorité – de la chose jugée –, chasteté, congruité, crédibilité, densité, dignité, doigté, efficacité, fermeté… nous arrêterons l’abédédaire à ce F bien français, avec, tout juste, en équilibre instable – tel, attendu, par, langue pendante, le fameux chien du fusil à fleur – un susucre d’acidité, revu lui aussi à la baisse !

    Ce, on le conçoit, au détriment des mots de désordre (pour les sous-développés du dernier rang : mots d’ordre à rebours)¹, auxquels, non sans un serment de cœur, je fais serrement de renoncer dès le prochain chapitre.

    Ce nouveau début, remis à neuf, je le dédierai aux acheteurs de livres à plein temps et prix de vente indexé que, tel saint Taiseux-premier-du-nom prêchant dans le désert, je ne cesse d’appeler de mes vœux – jusqu’à présent sans réciprocité palpable !

    Chapitre 3

    « Tout juste un peu d’acidité dans l’air » : détail infime mais qui, Dieu merci, vient nous confirmer qu’on est parti pour repartir à zéro, et d’un bon pied !

    Ce matin-là, il y avait tout juste un peu d’acidité dans l’air. J’avais passé le plus clair de la nuit à me retourner dans mon lit, tentant de résoudre, au moins pour la partie protubérante de l’iceberg, les problèmes qui m’affectaient.

    Des problèmes ? Lesquels ? C’est un sujet sur lequel nous n’aurons que trop à revenir ; pour l’instant, contentons-nous de noter que ma réflexion avait été vaine.

    Par pur besoin de diversion, arrosoir en main, je sortis sur le balcon rafraîchir mes géraniums. Même dilemme : lesquels ? Eh bien, ceux qui réclamaient. Il eût été contraire à mes principes de faire un tri, nous ne sommes pas à Nuremberg ! D’ailleurs, par ce beau matin de printemps, les bleus comme les rouges avaient fière allure.

    Je ne pouvais en affirmer autant de moi. Il est vrai que je n’avais pas encore procédé à ma toilette. Je gagnai la salle de bains, où je m’acquittai des ablutions que, durant l’enfance puis l’adolescence, m’avaient, avec la pittoresque mais inflexible pudeur de l’époque, enseignées, alternativement – le haut et le bas – et respectivement, ma mère (dont il y aura fort à dire !) et mon père, ce héros au sourire si doux (il était percepteur).

    Ah, mes crapouillots goutteux, j’oubliais de mentionner que j’avais pris mon petit déjeuner sur le pouce… le mien : célibat oblige ! Saturé par mes cogitations nocturnes, je n’aspirais, croyais-je alors, qu’à une rassérénante promenade, susceptible de ramener la serinité dans mon esprit serin.

    Je passai des vêtements repassés par exception de façon passable ; j’ouvris, puis sur moi refermai la porte ; je descendis d’affilée mes deux étages, saluai au passage les boîtes à lettres sagement alignées dans le hall et me trouvai dehors, conjointement, faut-il le préciser ? à un grand nombre de quidams, indispensables à l’ambiance, sinon à l’intrigue pointant à l’horizon.

    J’avais parcouru une bonne centaine de mètres quand me rattrapa la révélation de l’endroit vers lequel me portaient mes pas. Cette adresse, ne se communiquant que sous le manteau – particularité éliminant les vacances d’été et même Pâques, où l’on ne voit alentour que parkas et blousons d’aviateur –, qui diable avait pu me l’inséminer ? Je n’en gardais pas souvenir.

    Cette circonstance, au reste, ne faisait que contribuer au mystère qu’en grand professionnel je sentais s’épaissir autour de moi.

    « Bon, eh bien, m’interpellai-je, remontant le col de mon trench-coat, un des rares gestes que je ne tenais pas de mes géniteurs, mais de Douglas Fairbanks… en tant que narrateur, j’ai tout lieu de m’en féliciter, car le mystère, en même temps qu’il nous dispense, nous, les aristocrates de la plume, de fastidieuses explications, constitue un ressort romanesque irremplaçable, du moins dans certaines collections que, vous comme moi, chacun dans le cadre de ses activités et intérêts respectifs, respectivons infiniment, et restons prêts à réactiver au mieux des mêmes intérêts. »

    Au demeurant, on ne peut exclure que, d’ici l’achèvement de cet ouvrage, j’aie mitonné quelques éléments de clarification propres à me concilier les esprits rationnels, qui n’ont que trop tendance à proliférer dans chaque entre-deux-guerres…

    Peut-être, à ce stade du récit, ne serait-il pas mauvais que je réesquissasse une description sommaire de mon personnage principal – et, pour ce qui est du principal, mes mâchicoulis de tomate, comptez sur moi pour que ça ne reste pas un vain mot !

    Antérieurement, placé par inadvertance dans la même situation, j’avais mal vécu l’appréhension d’être identifié : je songe aux contrôles tatillons de la Brigade du Chômage Organisé. Peu après qu’une tante, catholique jusqu’au bout d’ongles rognés par la contrition, m’eut, pour mes trente-trois ans, offert un blouson réversible, je mis au point la parade : retourner la réalité pour endosser son contraire. M’apprêtais-je à rejouer le coup foireux ? L’avenir le dira…

    Il l’a dit. Voici donc le peu que vous avez à savoir de moi. Je suis plutôt petit, le cheveu et l’œil noirs autant que charnus, le sourire, quand en périphérie le hasard en amène l’aménité, accueillant mais terne (Voyez, là : exemple typique [et non qui pique, comme d’aucuns, souvent les mêmes, d’ailleurs, ne se priveraient pas de mettre dans la bouche de ma plume] de la supercherie : dans la réalité, c’est exactement l’inverse !), mains et pieds convenablement membrés, le nez au milieu de la figure (sur le devant, ce qui, dans l’axe, lui a suscité quelque émule – baptisé en catimimi (sic) « le bonheur des dames » – plus folâtre, du moins dans ses jours ouvrables)… à l’instar de la bouche, laquelle feint d’ignorer depuis combien d’années elle a connu, puis oublié les fièvres du samedi soir, des pectoraux de magnitude fort moyenne sur l’échelle de Richter (on les travaille), plus bas le nombril, plus plus bas l’attirail à peu près complet de tout homme raisonnablement masculin (ne pas montrer sa force pour avoir à s’en servir). Nous en resterons là, dans la mesure où, si je porte généralement chaussettes et chaussures, ce sont organes intermittents, qu’on saurait difficilement mettre sur le même pied, dès lors qu’on en détient déjà deux…

    Finalement, mes otorhinos enrhumés de l’oreille, vous l’avez compris, le parti pris auquel – oh, la ruse ! – je me suis arrêté consiste à mélanger le vrai et le faux, ce qui, accessoirement, quand sera venu mon tour de tomber, tête la première, dans le domaine public, pourra donner matière à de passionnants jeux de société !

    Après que je l’eus ainsi mis en pratique, je fus tellement séduit par le procédé que je décidai de l’étendre à l’ensemble de l’œuvre. Il s’ensuit que je ne songerai pas à celer que, malgré son positionnement sado-mosaïquement autobiographique, ce récit comportera maints faits, péripéties, intempéries, syllogismes, conjonctures et conjectures, hypothèses, demi-aveux, flatulences, rétractations, palinodies et autres prétextes à polémique, dont l’insolente débauche d’authenticité ne saurait tromper personne bien longtemps !

    Chapitre 4

    Réflexions de technique avancée, susceptibles d’être retirées dans les contextes de promotion et soldes.

    En dépit de sa brièveté, le chapitre précédent appellerait une foule de commentaires, mais il n’est pas dans notre intention de chipoter le pain dans la bouche des critiques ! La présente intervention, magistrale et éclairante, se bornera donc à éclairer magistralement les changements les plus notables entre cette seconde version et l’antérieure (et non « rieuse »).

    En bonne logique, nous nous pencherons d’abord sur la phrase d’entrée. On a abondamment glosé sur la portée toute spéciale, en matière romanesque, des incipits… à vos souhaits ! Si l’on compare ceux de nos deux versions, quelles modifications relevons-nous ?

    Deux. La première saute aux yeux comme un collyre de l’institut Mérieux : « 3,4 millibars d’acidité » est remplacé par « tout juste un peu d’acidité ». Moins technique, plus sobre, surtout moins toxique, pour une efficacité à peine diminuée : bilan positif. Quant à la seconde… eh bien, à vous de jouer !

    Vous restez secs ? Allons, c’est qu’au rang des chapitres, ladite phrase a rétrogradé du premier au troisième : elle y a perdu son importance stratégique, et, partant, la justification de plus amples développements – ce qui serait plutôt une bonne nouvelle pour ceux qui, se sentant déjà un creux, salivent à l’appel sous-jacent de la pause casse-croûte ! Quand même, reprenons la leçon ! Entre les variantes de ces chapitres introductifs, ce qui essentiellement, aura évolué, c’est le ton, le climat. En dehors de quelques échappées dues manifestement à la main gauche, le style s’est simplifié, resserré. Dans le même esprit, on notera la suppression d’éléments anecdotiques (la procession, la jeune femme au friselis), pittoresques, certes, mais sacrifiés sur l’autel du box-office, par crainte de heurter des sensibilités multiples : intégristes, salutistes, féministes, jusqu’au-boutistes, psychanalystes, monothéistes, bref d’un peu tout le monde, ce qui, on en conviendra, en matière d’unanimité, équivaudrait à mettre la charrue avant le bœuf en plein pot-au-feu !

    Cependant, des âmes sensibles, de penchants légitimistes notamment, ne vont-elles pas se prendre à regretter ces grands riens qui, à force, font ces petits touts suscitant les petites toux tapies derrière le gant en point de Calais des salonnardes et autres slalomeurs de l’intellect ?

    Tenez : si à nouveau je retourne ma casquette, qui serait mieux placé que le modeste commentateur se présentant ainsi à vos yeux blasés pour vous donner une idée de ce que l’immodeste auteur de base était prêt à concocter, pour notre plus grande déductibilité ? Des exemples, on en a plein la tronche à Basile ! Et de prouver, clé en main !

    Une ville de moyenne importance. Par une bouche d’égout, émerge un sous-marin atomique. Le commandant sort sur le pont et, simple coïncidence, ajuste sa casquette. Malgré les apparences, il ne ressemble à aucun acteur connu. S’apercevant que l’environnement ne lui est guère favorable car rien moins qu’aqueux (sans mauvais jeu de mots, même si on ne perd rien pour attendre)…

    (Suite expédiée, plutôt expéditivement, en Annexe. Effectivement, après un vif échange de vues avec moi-même (les chaises ont volé), dans un souci mercantile d’apaisement, je me suis résigné à reporter la suite en Annexe. Rendez-vous là-bas aux vrais connaisseurs. Les autres, à moins, bien sûr, qu’ils ne mettent en quantité significative du vin dans leur eau… eh bien ces autres-là resteront les autres ! Il en faut aussi !)

    Chapitre 5

    Où, promis juré, on entre enfin dans le vif du sujet.

    Chaque fois que l’expression « entrer dans le vif du sujet » me tamponne le tympan, je me sens visé au plus sensible : allez savoir pourquoi ! Comme, peut-être, il vous plaira de vous en souvenir, le quartier où je venais de pénétrer, et que je ne désignerai pas autrement, n’étant pas, après tout, le Guide Bleu, avait été ravagé, durant les années 80, par une terrible explosion de passiflore, entreposée sans précautions… l’explosion, pas la passiflore, inoffensive. Par bonheur, la catastrophe n’avait pas fait de victimes, en dehors d’une dizaine de représentantes de la gent féminine, dont la soustraction de l’espèce pléthorique ne risquait guère de se remarquer.

    À la suite de deux ou trois pétitions de principe, le bloc entier avait été reconstruit en haut de gamme : trottoirs mi-larges de chez Hermès, chaussées antireflet réversibles, feux rouges attifés façon punk déstructuré, et, pour les immeubles proprement dits, faux marbre, épilé matin et soir, et, déferlant des ascenseurs, patchouli a giorno.

    En dépit du temps écoulé et de semestrielles bénédictions pascales, alternées latin-français en sorte de quadrupler les chances annuelles, on n’y circulait encore qu’à pas feutrés – j’avoue n’avoir point songé à me munir du matériau voulu – et en baissant la voix, ce à quoi, par contre, je me pliai d’autant meilleure grâce que ma solitude ne m’incitait que modérément à la jacasserie.

    Assuré de la bonne tenue de mon anonymat, ne manquant pas, le soir, au coucher, de le glisser sous le matelas, je franchis in petto – latin de cousine, traduction approximative : « en patins » – le portail fatidique.

    Ainsi qu’il fallait s’y attendre, le hall est dallé de faux marbre, épilé de frais ; du patchouli sort à gros bouillons des ascenseurs, routinièrement en panne, toutes portes ouvertes mais fenêtres prudemment closes, comme à la maison.

    Des secrétaires de tous acabits vaquent au traintrain habituel, portant des cafés dénués de qualificatifs – on ne saurait en garnir jusqu’aux percolateurs des entreprises –, ou d’épais dossiers dont, d’aventure, sortent une moustache de chat en alerte ou une nageoire frigorifiée de colineau, saisie juste avant le court-bouillon.

    Infatigables, elles avancent, s’arrêtent, repartent, jamais au grand jamais ne reculent, saluent, se font saluer, répondent à un bonjour, puis à un guttural, maintes fois répété en chœur, guten abend, se tapotent la mèche, se papotent la pêche, expédient des baisers dans l’air à hauteur de petit bonhomme, courent pour les rattraper avant qu’ils ne retombent au sol, esquissent un pas de danse, un second, jamais au grand jamais – superstition – un troisième, se jettent au cou grassouillet du directeur, feignent de ne jamais, au grand jamais, avoir même envisagé de se jeter au cou du sous-directeur soûl, recollent d’un doigt humecté de salive les sourcils d’un jeune coursier ébahi et bâillant baillardement, essuient la cravate bon marché de l’homme à tout faire (connu pour ne rien foutre, serait-ce en pareille conjoncture), avec un mouchoir à initiales subtilisé à la pimbêche du Contentieux, alors qu’elle se contentionnait sous le premier échelon de sa hiérarchie à elle, trient les visites – d’un côté les gras souillés, de l’autre les maigres nichons –, classent semblablement les communications téléphoniques, un pas en avant, un pas en arrière, et on s’incline bien bas parce que, depuis l’ite missa est, on n’a pas – à quoi bon ? – renfilé sa petite culotte : « Hélas, cher monsieur, je ne peux pas vous le passer, il s’en est allé couper les joncs, la rirèèèètte, la rirèèèète, si t’as oublié ta faucille, t’es le roi des billes ! », « Pour sûr, madame de la main droite, dès qu’i reviendra, j’y ferai la commisse, à votre génie du polochon, tandis qu’on baisera et fera des ronds, traderidera traderideron ! », « Ah, m’sieur l’inspecteur des impôts et fraudes assorties, chez la crémière il est sorti. Ce qu’i va être désolé, ollé, d’êt’z’allé au lait ! I parlait encore de vous c’matin à m’sieur Remy Martin, pendant que la Manpower et moi, on faisait pipi dans le sous-main des gros malins ! »…

    Mentionnons aussi des huissiers – les incipits, comme, entre eux, par dérision, les surnomment les catholiques repentis –, relisant les papiers gras de leur sandwich, d’autres qui, épongeant de la main gauche leur front moite de sueur, récrivent « L’assassin à la tache d’herpès », à moins que « La Chartreuse de Parme », deux fleurons de la Pléiade que je m’obstine à confondre, au

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