Séville : Andalousie, amoureuse tragédie: L'Âme des Peuples
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Qui peut ne pas aimer Séville ? La vieille capitale andalouse est un chaudron de passions, le lieu par excellence de la quête amoureuse où, sous le regard brûlant des Vierges, le blasphème accompagne les désirs, où la rédemption est au coin de la rue. À l’ombre de son architecture flamboyante, les plus grands créateurs, peintres, écrivains, musiciens, ont autant été inspirés par elle qu’ils ont contribué à son mythe. Sur les rives du Guadalquivir, l’âme de l’Andalousie se montre conquérante. Les faubourgs de Triana où vivait Carmen, les majestueuses arènes de la Maestranza, où toréait son amant Escamillo, le quartier Santa Cruz, où Don Juan ravit la fille du Commandeur et qu’il perça de sa rapière, la rue Sierpes où fut emprisonné Cervantès, où il imagina peut-être son chevalier errant... Tous ces lieux racontent plus qu’une histoire. Ils disent l’âme du peuple andalou et sévillan dont les folies ont toujours interloqué l’Espagne et séduit le monde. Ce petit livre n’est pas un guide. C’est un décodeur. Il vous raconte l’amoureuse tragédie sévillane et que Carmen ou Don Juan sont en chacun de nous. Un grand récit suivi d’entretiens avec Joseph Perez, Alain Dutournier et Francis Wolff.
Ce récit informatif et romancé, suivi d'entretiens avec Joseph Perez, Alain Dutournier et Francis Wolff, présente tous ces lieux qui incarnent l’âme du peuple andalou et sévillan dont les folies ont toujours interloqué l’Espagne et séduit le monde.
EXTRAIT
Comme l’indique l’historien et écrivain Fernando García de Cortázar, Séville est « un prodige qui surgit de l’eau et se nourrit de l’eau ». Prodige monumental pour son architecture, mais aussi pour les mythes qu’elle inspira.
La ville elle-même est mythe. Hispalis, de son nom romain, fut fondée par Hercule lors du voyage qui le conduisit au-delà des colonnes auxquelles il donna son nom, aujourd’hui le détroit de Gibraltar. Il a d’ailleurs sa colonne dans le vaste jardin public de la Alameda, à côté de celle de César qui, lui, fit construire de grands monuments. Les empereurs romains Trajan et Hadrien sont nés à Italica, cité toute proche.
C’est vrai que l’on va d’abord à Séville pour la beauté de son patrimoine architectural. Pour les palais de l’Alcázar, chef-d’œuvre absolu de l’architecture mudéjare. Ensuite, pour la cathédrale, la tour de l’Or, la Casa de Pilatos, le quartier Santa Cruz, ses musées, et plus récemment le pont de Calatrava…
Si l’on fait une rapide addition, on dénombre à Séville plus de 250 monuments classés. Sans compter tous ces merveilleux palais dont les vieilles noblesses refusent d’entrebâiller les portes, à l’exception de quelques-unes, moins orgueilleuses ou plus fauchées.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean Pierre-Perrin est l’auteur de Iran, la prière des poètes dans la même collection (Nevicata). Grand reporter et spécialiste du Moyen-Orient, il a reçu le prix Joseph Kessel en 2017 pour son livre Le djihad contre le rêve d’Alexandre (Seuil).
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Book preview
Séville - Jean-Pierre Perrin
L’ÂME DES PEUPLES
Une collection dirigée par Richard Werly
Signés par des journalistes écrivains de renom, fins connaisseurs des pays, des métropoles et des régions sur lesquels ils ont choisi d’écrire, les livres de la collection L’âme des peuples ouvrent grandes les portes de l’histoire, des cultures, des religions et des réalités socio-économiques que les guides touristiques ne font qu’entrouvrir.
Écrits avec soin et ponctués d’entretiens avec de grands intellectuels rencontrés sur place, ces riches récits de voyage se veulent le compagnon idéal du lecteur désireux de dépasser les clichés et de se faire une idée juste des destinations visitées.
Une rencontre littéraire intime, enrichissante et remplie d’informations inédites. Parce que pour connaître les peuples, il faut d’abord les comprendre.
Richard Werly est le correspondant pour la France et les affaires européennes du quotidien suisse Le Temps. Précédemment basé à Bruxelles, Genève, Tokyo et Bangkok, il s’est lancé dans l’aventure éditoriale de L’âme des peuples après avoir réalisé combien, en Europe et dans le monde, la compréhension mutuelle et la connaissance des racines culturelles et religieuses ne cessent de reculer sous la pression d’une économie toujours plus globalisée et de crises nouvelles et parfois brutales.
AVANT-PROPOS
Pourquoi Séville ?
Séville est Carmen.
Séville est Don Juan.
Séville est la corrida.
Séville est le flamenco.
Séville est la Semaine sainte.
Séville est la découverte de l’Amérique.
Séville est…
Et comme on n’en finirait pas de dire ce qu’elle est, on la résumera avec l’immense poète natif de Séville, que fut Antonio Machado¹. Dans un petit guide consacré à l’Andalousie où il résumait chaque ville par quelques épithètes, il en raconta la transcendance par une formule magique. Celle-ci commence et se termine par un point d’exclamation : « ¡ Y Sevilla ! »
« ¡ Y Sevilla ! », seule façon de rendre cette ville dont la majesté qui la distingue aujourd’hui n’était en rien une évidence. N’a-t-elle pas surgi dans une plaine morne et fade, brûlante et désespérément plate, pour tout dire sans intérêt ? Heureusement, son berceau était à côté du Guadalquivir, du grand fleuve, que les Romains appelaient Bætis, du nom de la province Bétique, qui correspond aujourd’hui à l’Andalousie, et les Arabes al-Wadi al-Kabir, « la grande vallée ». C’est cette rivière qui permit le miracle.
Comme l’indique l’historien et écrivain Fernando García de Cortázar, Séville est « un prodige qui surgit de l’eau et se nourrit de l’eau ».² Prodige monumental pour son architecture, mais aussi pour les mythes qu’elle inspira.
La ville elle-même est mythe. Hispalis, de son nom romain, fut fondée par Hercule lors du voyage qui le conduisit au-delà des colonnes auxquelles il donna son nom, aujourd’hui le détroit de Gibraltar. Il a d’ailleurs sa colonne dans le vaste jardin public de la Alameda, à côté de celle de César qui, lui, fit construire de grands monuments. Les empereurs romains Trajan et Hadrien sont nés à Italica³, cité toute proche.
C’est vrai que l’on va d’abord à Séville pour la beauté de son patrimoine architectural. Pour les palais de l’Alcázar, chef-d’œuvre absolu de l’architecture mudéjare.⁴ Ensuite, pour la cathédrale, la tour de l’Or, la Casa de Pilatos, le quartier Santa Cruz, ses musées, et plus récemment le pont de Calatrava…
Si l’on fait une rapide addition, on dénombre à Séville plus de 250 monuments classés. Sans compter tous ces merveilleux palais dont les vieilles noblesses refusent d’entrebâiller les portes, à l’exception de quelques-unes, moins orgueilleuses ou plus fauchées.
Les amateurs de peinture sont aussi gâtés puisque Séville vit naître plusieurs figures universelles, toutes issues du Siècle d’or.
Vélasquez, qui apporta une belle modernité à la peinture et dont les bouffons, gnomes et autres personnages difformes nous offrent, aujourd’hui encore, des visages bienveillants et familiers, comme s’ils avaient toujours fait partie de notre mémoire. Si l’on remonte la vieille calle de la Gorgoja, on rencontre la maison natale du peintre. Et dans la calle del Puerco se trouvait l’atelier de Francisco Pacheco chez qui l’illustre artiste débuta.
Et puis Murillo, le plus Sévillan de tous les grands maîtres, qui, au dix-septième siècle, bouleversa lui aussi la peinture. Iconographe de la dévotion populaire et d’une mystique kitsch, encombrée d’un académisme religieux pesant, on retrouve ses œuvres sur les bagues de cigares, les étiquettes, les almanachs. Pourtant, il influença Picasso, Man Ray, Duchamp, Hockney… Il était encore tant à la mode à l’époque napoléonienne que ses œuvres furent toutes pillées par le maréchal Soult – à l’exception de celles du couvent des Capucins que les moines parvinrent à sauver. Ce qui explique pourquoi on trouve autant de ses toiles au Louvre, à Paris.
Zurbarán, l’ami de Vélasquez, est encore plus fascinant. Né dans la pauvre Estrémadure, il fit son apprentissage à Séville et s’y installa, développant dans ses tableaux un mysticisme exacerbé qui bouleverse même les incroyants. Ne peint-il pas des ribambelles de religieux – « Moines de Zurbarán, blancs chartreux qui, dans l’ombre, glissez silencieux sur les dalles des morts » écrivait, fasciné, Théophile Gautier –, des saints, des vierges, des martyres déguisées en grandes dames andalouses ? Pourtant, quelle modernité dans cette peinture qui inspira les cubistes, Picasso et tant d’autres. Car ce qui intéresse l’artiste, ce n’est pas tant le sujet – il lui est imposé par les ordres religieux pour lesquels il travaille et par l’esprit de la Contre-Réforme – mais le réel des tissus, le chant brut des étoffes, la danse des ombres et de la lumière dans l’étreinte d’un clair-obscur. « Ce que Zurbarán étudiait, un tableau après l’autre, c’était la matière, la plasticité (des plis) de la matière, les couleurs primaires, explique l’écrivain hollandais Cees Nooteboom, un inconditionnel du peintre.⁵ Si on mettait bout à bout ces tableaux, on obtiendrait une infinité de noir et de blanc, parfois plusieurs mètres carrés sur un seul tableau. Il a tout peint, tous les mystères de l’ombre et de la lumière, toutes les nuances de l’éclairage, résultant du tomber du tissu. »
Quand arrive le moment du voyage où, sous peine d’indigestion architecturale,