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La mémoire et le vent: Roman
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Ebook154 pages2 hours

La mémoire et le vent: Roman

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About this ebook

À l’aube de sa huitième année, Domi quitte l’Espagne de Franco, ses cousins, ses amis et les chevaux qu’il adore, pour aller vivre dans l’est de la France. Voici son histoire…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1956 à Valladolid, en Espagne, Desiderio Botran arrive dans l’est de la France, à Belfort, en août 1963. Il y passe une jeunesse et une adolescence heureuses et insouciantes. À la suite de l’obtention de son Baccalauréat de technicien (F3) en 1975, il vit à Paris, puis en Alsace. L’auteur, père de 3 enfants, réside actuellement dans le Tarn où, ayant du mal à se déplacer en raison de sa maladie, il a développé une passion pour l’écriture.
LanguageFrançais
Release dateApr 17, 2020
ISBN9791037706454
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    La mémoire et le vent - Desiderio Botran

    Desiderio Botran

    La mémoire et le vent

    Roman

    © Lys Bleu Éditions – Desiderio Botran

    ISBN : 979-10-377-0585-4

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    À Alejandro et Auréa

    Le soleil timide jouait avec le rideau de nuages. Le printemps espagnol avait eu pitié des habitants de Valladolid en s’accrochant à l’hiver et en ne faisant pas les yeux trop doux aux rayons du soleil. Bientôt ils embraseraient l’atmosphère en laissant un ciel bleu, lumineux et sans le moindre nuage.

    — Donne-moi la main et attention aux voitures ! Aurora, la mère de Domi, fit passer le sac qu’elle tenait de la main gauche dans sa main droite et après avoir regardé à maintes reprises des deux côtés de la voie, ils traversèrent rapidement la route qui reliait Valladolid à la capitale espagnole. Du haut de la butte poussiéreuse qui précédait les rails, Dom jeta un rapide coup d’œil en arrière pour s’assurer qu’aucun de ses copains ne le regardait tenir la main de sa mère. Les moqueries puériles et enfantines étaient déjà assez difficiles à supporter quand elles n’avaient pas d’autre fondement que l’imagination de ses potes de jeux. Mieux valait qu’ils ne l’aperçoivent pas traversant la nationale, serré contre sa mère qui ne lui laissait pas le moindre centimètre de liberté tant que la traversée de la grande route était potentiellement dangereuse. Après cette périlleuse et rapide traversée, le duo enjamba la voie de chemin de fer qui longeait la route et s’engagea, sur la droite. Le chemin entre les rails et la pinède promenait des parfums subtils que le furtif orage de la nuit avait réveillés et aiguisés. Sa mère lui avait murmuré au creux de l’oreille en le réveillant : « Le tonnerre a grondé fort cette nuit et la foudre a frappé. Pour ce qui est de la pluie, deux ou trois gouttes… L’eau des benêts qui ne fait pas de bruit et ne mouille personne. » Effectivement, aux alentours du pâté de six maisons mitoyennes qui avaient pour seule adresse postale : « route de Madrid, kilomètre 187 », rien ne laissait deviner que les nuages qui couraient dans le ciel avaient arrosé ces lieux secs et poussiéreux. Malgré les chansons des enfants implorant la vierge de la grotte et des orages pour qu’elle laisse ses larmes arroser ce coin de misère, l’eau était rare et la sécheresse rendait les travaux des champs assoiffés encore plus pesants, brûlants et pénibles. Le sol sablonneux était jonché de grosses pommes de pin. Dans leur fracassante chute, elles avaient disséminé aux alentours leurs délicieux pignons enfermés dans un joli sarcophage brun et noir qui vous salissait les mains.

    — Tiens, porte le sac avec tes affaires. Heureusement que tu es presque un homme maintenant et que je n’ai plus à te porter à bout de bras ! continua la mère de Dom en lui tendant le petit baluchon où elle avait glissé deux ou trois vieilles affaires de son aîné. Sous le compliment parfaitement calculé et tendrement distillé, Domi, gonfla le torse, prit le petit sac et emboîta le pas de sa mère. Ils commencèrent leur route en direction de Laguna de Duero. Même en marchant à une allure alerte et rapide, il leur faudrait pour le moins une bonne heure pour rejoindre la ferme où son grand-oncle et parrain était métayer. Domi aimait passer la journée avec Crescencio et Maria. N’ayant pas d’enfant, le couple gâtait leur neveu et celui-ci leur rendait cet amour. Domi adorait partir avec son oncle pour piéger les grosses écrevisses sous le vieux pont qui enjambait le ruisseau affluent du Duero, dans lequel il se jetait quelques kilomètres plus loin. Les bonnes années, quand le ciel distribuait l’eau sans fracas, avec régularité et patience, les paysans de la région faisaient pousser tout ce qu’ils voulaient. Sa tante Maria, qui avait le dicton facile, répétait souvent :

    — Ici, avec de l’eau et l’aide du seigneur, on fait pousser ce que l’on veut ! Et immanquablement son mari la reprenait :

    — De l’eau, du travail et de la sueur, ça c’est sûr… ! Quant au seigneur, je ne sais pas… ! Vaut mieux le laisser en paix ! En général, la querelle verbale s’arrêtait là, mais si l’un des deux combattants était d’humeur guerrière, maussade ou simplement légèrement contrariée, la discussion pouvait rapidement s’envenimer entre « le mécréant blasphématoire » et « la crédulité faite femme », comme ils s’interpellaient respectivement. En présence de Domi, ces accrochages tendres et sporadiques devenaient beaucoup moins âpres et plus courtois.

    Outre la pause et le ramassage, au fond du ruisseau, des briques dans lesquelles venaient se réfugier les écrevisses, les travaux de la métairie, qui ne présentaient pas de danger, étaient pour Domi des travaux pratiques d’éveil et de compréhension de la vie. Il y avait également l’infatigable et remuant compagnon du jeune homme : le chien de la ferme Tobi, qui, avant même que quiconque puisse apercevoir son jeune copain humain, commençait à tourner en rond et à aboyer comme un fou afin qu’une âme charitable lui ouvre le portail.

    Aurora et Domi bifurquèrent à gauche sur le petit chemin perpendiculaire à la voie ferrée. Ils marchèrent pendant quelques minutes dans la pinède qui séparait la voie du chemin de fer de la propriété du colonel, l’employeur de Crescencio, quand Tobi se présenta devant eux. Gémissant de plaisir, il commença à tourner autour des deux visiteurs.

    — Arrête, tu vas nous faire tomber ! ordonna sèchement Aurora à l’encontre du chien qui aussitôt s’assit sur son postérieur et, tout en remuant frénétiquement la queue, prit un air de sainte ni-touche capable d’attendrir le plus sévère des diables de l’enfer. Pendant que sa mère regagnait la maison, Domi fila vers les écuries où il savait qu’il trouverait son oncle.

    — Qu’est-ce que tu fais là, tu avais l’ennui de ton parrain ? demanda Crescencio sur un ton ravi. Pour toute réponse, Domi se blottit contre lui et le serra aussi fort qu’il le put.

    — C’est vrai que je vais partir en France avec Maman et Alex pour vivre avec mon papa ? demanda le garçonnet en regardant son parrain qui, pour se donner de la contenance, empoigna une fourche et reprit sa besogne. Ce n’était pas une question. Sa mère lui avait annoncé l’avant-veille, après le passage du facteur, une bonne et une mauvaise nouvelle : il allait bientôt rejoindre son papa, parti travailler dans l’est de la France deux ans plus tôt.

    La conséquence de ce départ était beaucoup plus difficile à évaluer et en tout état de cause, moins réjouissante : il devait bientôt dire adieu à Valladolid, à ses cousins et à ses copains. Il ne comprenait pas très bien le chamboulement qui se préparait dans son existence, mais pressentait que celui-ci allait bouleverser sa vie. Son cousin Fernando, que tous ses copains appelaient Néné, de trois mois son aîné, lui avait assuré que la France était beaucoup plus loin que Madrid… qui était déjà au bout du monde, ou plutôt au bout de son monde. Pour se donner du courage, il s’était également renseigné auprès de Toño, plus âgé de trois ans. Celui-ci ne se montra pas plus rassurant en lui déclarant que la France se trouvait après la frontière et qu’il fallait traverser des montagnes pour s’y rendre. La seule consolation que Domi put trouver dans les vagues propos de ses cousins était que, dans le beau pays qu’il allait rejoindre, tout le monde était riche et possédait une belle automobile. Dès qu’il eut compris que son départ devenait inéluctable, il tenta de répondre à toutes les questions qui le tarabustaient. Il espérait y voir un peu plus clair à travers ce qu’il pouvait entendre et comprendre en écoutant attentivement les conversations des adultes. Lorsque ceux-ci oubliaient sa présence chétive et timide, il se fondait dans le décor, invisible et muet. Il n’était nullement perturbé par ce qu’il pourrait trouver dans ce nouveau pays, mais par ce qu’il allait perdre en quittant son univers en Castille.

    — Bonjour Domi ! Tu vas bien ? Mercedes, la fille aînée du Colonel le tira des questions qui trottaient dans son esprit d’enfant depuis qu’il savait que son départ, prévu de longue date, se rapprochait à grands pas. Il leva le front et sourit à la jeune demoiselle qui lui passait la main dans les cheveux. Serrée dans son pantalon, cravache à la main et bombe sur la tête, elle avait l’air prête à partir pour la conquête d’un Nouveau Monde :

    — Tu veux monter à cheval avec moi jusqu’au portail, je viens de seller Relampago ? demanda la demoiselle un tantinet hautaine et dont la principale qualité, et apparemment la seule selon Crescencio et Maria, était d’adorer les enfants. Même en rassemblant toute sa méfiance, Domi ne pouvait pas refuser une pareille invitation ! Il adorait les chevaux !

    Les regarder galoper, les caresser ou leur parler était déjà une belle récompense, alors chevaucher Relampago, même sur quelques mètres ! Il baissa la tête et acquiesça timidement. Mercedes, la plus âgée des deux filles du colonel, passait rarement à la ferme. Plutôt jolie, elle n’avait pas un caractère désagréable, il manquait juste deux ou trois mots dans son vocabulaire. Des mots pourtant simples, comme « s’il vous plaît », ou « merci » s’obstinaient à ne pas vouloir sortir de sa bouche. Ce manque de politesse, ajouté à la sévérité d’un joli visage naturellement fermé et sans l’esquisse du moindre début de sourire, était certainement conforté dans leur fier et froid dédain par le fait que son père lui donnait toujours raison et lui passait tous ses caprices.

    Tous ces petits détails avaient pour fâcheuse conséquence que peu de personnes appréciaient la présence de « señorita Mercedes », bien qu’elle ne fût pas particulièrement méchante, ni agressive ou désobligeante.

    Sauf pour ces petites sorties équestres, Domi préférait la sympathique présence de Pilar. Plus jeune que sa sœur d’une dizaine de printemps, la seconde fille du colonel se trouvait aux antipodes du caractère de sa sœur. Potelée, polie et souriante, elle avait une peur bleue des chevaux et des chiens. Elle se réfugiait derrière Domi dès qu’elle apercevait Tobi ou l’un des quatre chevaux qui peuplaient l’écurie. Le petit espagnol pouvait alors donner de la voix et ordonner aux équidés ou au chien de la maison de se tenir tranquilles, ce dont il n’était pas peu fier. Immanquablement, la jeune bourgeoise gratifiait son sauveur d’un « merci » ou, en cas de grosse frayeur, d’une gentille bise. En outre, Domi préférait cette souriante et rondelette compagnie de son âge avec laquelle il pouvait partager ses jeux, ses petits secrets et ses soucis d’enfant. Mercedes hissa le gamin sur le cheval et l’assit à califourchon devant elle. Le doux parfum de la jeune fille se mêla aux pensées de Domi. Ces senteurs subtilement mêlées à l’odeur de la cavalière et du cuir le troublèrent au point qu’il se pencha en avant pour ne pas incommoder Mercedes. En réaction, celle-ci le

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