Telles des fleurs qui éclosent: Roman
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About this ebook
Muana N'soni est orphelin de mère. À 15 ans, il quitte le toit parental par manque d’estime de son père et de sa marâtre. Il fait de petits boulots, loue un studio à Dibodo, un quartier négligé de la ville. Trois jeunes, qui traînent dans les rues, squattent une maison en chantier et vivent des larcins, lui proposent d’intégrer leur groupe. Une nouvelle page de sa vie s’ouvre lorsqu’il rencontre Papa Miyéké, un écrivain. Celui-ci l’oriente dans la découverte de ce à quoi il est appelé à accomplir. À 20 ans, Muana Nsoni sort de ses tourments. Il retrace dans un cahier-journal, qu’il tient depuis son enfance, les chroniques de son quotidien et aussi celles des enfants que la vie a volé une partie de leur destin.
Ce jeune congolais fait preuve d'un courage, d'une maturité et d'une force hors du commun. Ce roman dénonce la vie quotidienne difficile vécue par des jeunes oubliés de tous à Pointe-Noire, capitale de la République du Congo, mais témoigne également de leur impressionnante volonté de poursuivre leurs rêves.
EXTRAIT
Quatre sacs en plastique me faisaient office de porte-bagages, apprêtés pour un voyage dont j’ignorais la destination. Mais ma décision était prise. Partir pour ne plus vivre ce que je vivais. Partir pour vivre ce que je n’avais encore jamais vécu. Drôle d’aventure ! Les aventures ne se font pas seulement pour découvrir d’autres contrées, mais aussi pour se découvrir soi-même.La première tentative de ma fugue fut manquée. J’avais résolu de partir tard dans la nuit lorsque mes parents se seraient endormis. Mon attente s’était épuisée puisque jusqu’à une heure très avancée de la nuit, j’entendais encore leur voix. Ils étaient assis à la véranda. Sur une natte. Ils ne discutaient pas comme des adultes amoureux, mais comme des enfants qui se plaisaient à parler des bêtises d’un autre enfant. Dans leur conversation, chacun se faisait juge : un procès au cours duquel l’accusé est privé de défense. Je m’étais endormi profondément. À mon réveil, la nuit avait déjà passé le témoin au jour. J’allais encore passer un jour de plus dans cet enfer d’habitation.
Je ne m’étais pas assis pour m’accuser, pleurer sur mon propre tort comme si je venais d’être percuté par l’échec. Pour moi, l’échec n’existe pas ; ce qui existe c’est plutôt ce qu’on en fait. Cette tentative manquée m’avait permis de monter un nouveau plan.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Rodolsy Rony Makosso est né à Pointe-Noire (Congo-Brazzaville). Lauréat de plusieurs Prix Littéraires de son pays, sa nouvelle, Délestage criminel ou la nuit fatale a été publiée dans l’Anthologie Écrire à Pointe-Noire Éditions Acoria Paris 2018. Telles des fleurs qui éclosent est son premier roman publié. Parallèlement à son talent d’écrivain, il est aussi auteur des textes interprétés en musique.
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Book preview
Telles des fleurs qui éclosent - Rodolsy Rony Makosso
Remerciements
À
Jean Baptiste Tati Utaliane
Georges Mavouba Sokate
Alphonse Chardin N‘Kala
Yvon Lewa-Let Mandah
François Bitoumbou
Rodrigue Sitou Batchi
Felix Claudel Pandet
Gilles Douta
Beaurice Loumingou
Chrysleyr Tati
Yanne Etienne Tati
Geoffroy Mianzi
Shaliyah Peggy
Stève Francis Madassou
Bernice Madassou
Prince Trésor Badila
François Nzassi
Prince Arnie Matoko
Rochel Makaya
Pour leur encouragement et leur soutien combien inoubliables.
« Pourquoi n’ai-je pas le droit de marcher vers le chemin de l’espérance, je ne veux pas mourir ainsi. S’il faut, je serais un bon garçon. J’ai juste besoin d’une seconde chance. Chacun de nous a droit à une seconde chance. »
Ninelle N’siloulou
Kadogo (Nouvelle)
Anthologie Ecrire à Pointe-Noire Editions Acoria (Paris) 2018
« Ton abandon m’a été qu’une aide
Partir sans rien, père, a été faire mon tout
Délaissé certes mais recueilli par la vie
La souffrance a forgé mon bonheur »
Avenir Blaise Diabankana
Sans rancune
Les humeurs sur mon chemin (Poésie)
Le Lys bleu Editions (Paris 2018)
Prologue
Cent quatre-vingt-douze, c’était le nombre de pages contenues dans mon cahier. Sur sa couverture, une photo en grand format de Djo Balar, superbement vêtu. Il est une figure emblématique de l’art vestimentaire qu’on appelle la Sape. Répandu dans le milieu juvénile de notre pays, ce phénomène ne cesse d’attirer des adeptes.
La quatrième de couverture de ce cahier portait des tables d’addition, de multiplication, soustraction et division. Nous les apprenions en classe. Nous avions tous des cahiers à l’effigie de ce célèbre sapeur. Ils se vendaient comme les harengs que les pêcheurs béninois vont pêcher dans notre océan.
Après l’avoir rempli des chroniques de mon quotidien, je l’avais donné à lire à Papa Miyéké. Quatre mois après, il me l’avait remis. Qu’allais-je en faire ? Devrais-je le ranger dans ma paperasse ? Non ! Je fis comme certains jeunes écrivains qui rêvent de publier leur premier roman : saisir le texte, multiplier les copies d’exemplaires puis les envoyer à plusieurs éditeurs. Le premier qui était séduit par mon manuscrit fit mon bonheur.
1
Enfant de la honte
Il me balançait en plein visage l’insulte qui était devenue son hymne. Il le scandait lorsqu’il me trouvait enfermé dans ma chambre. J’avais souvent le nez fourré entre les pages d’un cahier ou d’un livre. Pire encore, lorsque je me glissais dans la bêtise : « Tu n’es qu’un poltron, un bon à rien dans cette maison ! Tu n’arriveras à rien dans ta vie, toi !!! ». Je me demandais si cet homme est mon père : aucun géniteur, digne de ce nom, ne peut se donner le loisir d’humilier son enfant de la sorte. Je me posais la question de savoir si ma mère, à tort, ne lui avait pas déclaré auteur de la grossesse qu’elle portait. Certaines filles de mon quartier le font. Elles attribuent la paternité de la grossesse à d’autres hommes. Ces demoiselles affirment que les auteurs réels ne sont pas capables d’assumer les responsabilités y relatives. Mais ce qui m’étonnait c’est que mon père, que dis-je ! Mon présumé père n’avait pas d’argent pour que ma mère lui collât une grossesse dont il n’était pas l’auteur.
J’avais décidé de quitter la maison familiale. D’aller là où j’allais me sentir aimé. Peut-être épanoui. Vers l’inconnu. Certains enfants le font. Ceux qui sont indésirables dans leurs familles. Il n’y avait aucune crainte à cela. J’avais la profonde conviction qu’un jour le soleil se lèverait du bon côté. Qu’il brillerait sur moi comme les projecteurs sur une célébrité ! Rien n’est facile, je le savais ! Mais tant que j’allais baisser les bras, aucun mur n’allait monter à la construction de ma destinée. Ceux qui étaient parvenus à s’en sortir dans la vie n’avaient pas été plus exceptionnels que moi. Alors je me jetai à l’eau pour traverser cet océan et passer sur l’autre rive.
À dire vrai, je ne savais quel chemin prendre pour voir le bout du tunnel. Je ne savais non plus par où passer pour ne serait-ce que l’apercevoir. Ce fut une inquiétude qui pouvait refroidir le courage dont je m’étais vêtu. Je refusai de fixer mon regard sur elle. Poser le pas sur une route pour une destination inconnue est une véritable folie. Marcher à tâtons à la recherche d’un refuge, dans l’espoir que l’objectif d’un cœur compatissant se pose sur moi.
Ce n’était pas pour la première fois que je prenais cette décision. Souvent, je renonçais à elle lorsqu’une voix intérieure m’exhortait sur un possible changement de comportement de mon père. Mais c’était comme proposer de l’herbe à brouter à un lion et la chaire à dévorer à un mouton. En aucun jour il ne s’était montré compatissant ni envers la douleur qui rongeait mon petit cœur d’orphelin ni envers mes fautes d’inattention qui mettaient à nu mon manque de maturité.
Puisque je ne pouvais pas me balader avec la grosse valise dans laquelle je gardais mes vêtements, j’avais résolu de les fourrer dans des sacs en plastique que ma marâtre utilisait pour ses achats. Je les cachais sous mon lit de peur qu’on ne les découvrît. Cela aurait assurément causé des suspicions. Lorsqu’elle en avait besoin pour d’autres usages, et qu’elle ne les retrouvait plus à l’endroit où elle les rangeait ; elle rugissait comme une lionne prête à dévorer sa proie. Je me résignais à ne pas avouer que c’était moi qui les prenais. La connaissant, elle était capable de m’arracher la gorge. Je supportais, tout en étant à la fois concerné et coupable, d’encaisser toutes les injures qui sortaient de sa bouche comme des flammes de feu prêt à incendier une maison.
Quatre sacs en plastique me faisaient office de porte-bagages, apprêtés pour un voyage dont j’ignorais la destination. Mais ma décision était prise. Partir pour ne plus vivre ce que je vivais. Partir pour vivre ce que je n’avais encore jamais vécu. Drôle d’aventure ! Les aventures ne se font pas seulement pour découvrir d’autres contrées, mais aussi pour se découvrir soi-même.
La première tentative de ma fugue fut manquée. J’avais résolu de partir tard dans la nuit lorsque mes parents se seraient endormis. Mon attente s’était épuisée puisque jusqu’à une heure très avancée de la nuit, j’entendais encore leur voix. Ils étaient assis à la véranda. Sur une natte. Ils ne discutaient pas comme des adultes amoureux, mais comme des enfants qui se plaisaient à parler des bêtises d’un autre enfant. Dans leur conversation, chacun se faisait juge : un procès au cours duquel l’accusé est privé de défense. Je m’étais endormi profondément. À mon réveil, la nuit avait déjà passé le témoin au jour. J’allais encore passer un jour de plus dans cet enfer d’habitation.
Je ne m’étais pas assis pour m’accuser, pleurer sur mon propre tort comme si je venais d’être percuté par l’échec. Pour moi, l’échec n’existe pas ; ce qui existe c’est plutôt ce qu’on en fait. Cette tentative manquée m’avait permis de monter un nouveau plan.
2
Si je pouvais refaire le monde
Si le monde était à refaire, j’aurais choisi de naître dans la famille de Fedarci. Et comme nous avons le même âge, je serais son frère jumeau. Notre père, enfin son père nous aimerait d’un amour authentique que tout enfant désir, moi le premier. Mais le monde est ainsi fait. J’avais été parachuté, sans ma volonté, dans une famille dont le père ne me reconnaît pas comme l’un des siens. Je ne