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On arrivera toujours quelque part: Roman
On arrivera toujours quelque part: Roman
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Ebook174 pages2 hours

On arrivera toujours quelque part: Roman

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About this ebook

Fille unique de ses parents, Laura est victime de harcèlement, vexations et brimades que, sous tous les prétextes, lui font subir son père et sa parentèle. Obligée de gagner la rue pour y trouver sa « liberté », elle en tirera une expérience amère. Victime de coups et blessures, Laura est entre la vie et la mort. Un couple de médecins, qui a eu vent de son histoire, lui apporte son soutien et la tire de cette mauvaise passe. Lui qui n’a pas de progéniture est séduit par l’intelligence de l’adolescente et désireux de lui offrir un avenir meilleur. Il entame alors la procédure d’adoption qui le met aux prises avec son père et les siens. Comment alors vaincre la résistance de ces derniers ?
La modernité se trouve ici confrontée à la tradition, la loi à la coutume, la raison aux liens du sang.
Henri Djombo poursuit sa quête du sens au travers des situations et relations humaines qu’il décrypte avec minutie, interroge sans ménagement et peint avec réalisme.
On arrivera toujours quelque part est son huitième roman.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Économiste de formation, Henri Djombo est Docteur honoris causa de l’Institut Supérieur des Métiers de l’Audiovisuel (ISMA) du Bénin. Romancier, dramaturge et essayiste politique, il est lauréat de nombreux prix littéraires : Prix de la Meilleure Œuvre Dramatique, Prix Amadou Cissé Dia du Théâtre (2018), Prix Toussaint Louverture (2019), Prix Séry Bailly (2019).
Ministre d’État dans son pays la République du Congo, Henri Djombo est Ministre de l’Agriculture, l’Élevage et la Pêche.
LanguageFrançais
Release dateMay 15, 2020
ISBN9791037705792
On arrivera toujours quelque part: Roman

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    On arrivera toujours quelque part - Henri Djombo

    Du même auteur

    Sur la braise, roman, Brazzaville, Les Éditions Hemar, 1990.

    Sur la braise, roman, édition revue et corrigée, Brazzaville, Les Éditions Hemar, 2000.

    Le Mort vivant, roman, Paris/Brazzaville, Présence Africaine/Les Éditions Hemar, 2000.

    Lumières des temps perdus, roman, Paris/Brazzaville, Présence Africaine/Les Éditions Hemar, 2002.

    La Traversée, roman, Brazzaville, Les Éditions Hemar, 2005.

    République du Congo. Cinquante ans de vie politique 1960-2010, (en coll.), préface de Pascal Gayama, Brazzaville, Les Éditions Hemar, 2010.

    Le Cri de la forêt (en coll. avec Osée Colins Koagné), théâtre, Brazzaville, Les Éditions Hemar, 2012.

    Palabre électorale au Kinango, théâtre, Brazzaville, Les Éditions Hemar, 2012.

    Le Mal de terre/El Mal de la Tierra, théâtre en édition bilingue français et espagnol, Brazzaville/Palmira, Les Éditions Hemar/Arcano XIX, 2014.

    Vous mourrez dans dix jours… roman, Brazzaville/Paris, Les Éditions Hemar/Présence Africaine, 2014. Traduit en anglais.

    Morgane, théâtre, Brazzaville, Les Éditions Hemar, 2015.

    Les Bénévoles, théâtre, Brazzaville, Les Éditions Hemar, 2015. Pièce traduite en anglais.

    Les Bruits de couloirs, théâtre, Brazzaville/Paris, Les Éditions Hemar/Langlois Cécile, 2015.

    Sarah, ma belle-cousine, roman, Brazzaville/Paris, Les Éditions Hemar/Langlois Cécile, 2016.

    Vous mourrez dans dix jours, théâtre, Brazzaville/Paris, Les Éditions Hemar/Langlois Cécile, 2016.

    L’avenir est dans ma tête, roman, Paris, Le Lys Bleu Éditions, 2019.

    I

    La vie n’est pas rose comme on le croit. Je ne prétends même pas qu’elle soit lisse dans son ondoyante réalité. Les malentendus habitent tous les foyers conjugaux. Ils les minent et peuvent les pourrir jusqu’à la dislocation. C’est peut-être pour ces raisons que Bimi et Riétou, comme beaucoup d’autres personnes dans les ménages ordinaires, se sont séparés. Je me demande simplement si, au fil du temps, leur union n’était pas un fragment de lumière qui passe ou une lubie quelconque à laquelle ils n’avaient prêté aucune attention.

    Bimi est mon père et Riétou ma mère. Quant à moi, je m’appelle Laura. On me dit née tantôt à Moungali, tantôt à Poto-Poto, un 23 janvier à la fin des années 80. Ces arrondissements dont je serais originaire emplissent de leur trop-plein la ville de Brazzaville à cause des rivalités tribales qui se sont immiscées dans les rapports sociaux. En ces temps-là, le couple était convenu de déclarer ma naissance à la maternité de la première circonscription et d’obtenir mon acte de naissance à l’état civil de l’autre. Cette situation, d’apparence mineure, m’a collé à la peau et m’a longtemps embarrassée avant de me fait sourire aujourd’hui.

    J’ai quitté Poto-Poto et je suis allée habiter avec ma mère dans sa petite maison à Moungali, à la charge de son frère, un militaire éternellement fauché, un homme élégant qui a pourtant tout pour gagner les paris de sa vie. Le moins fortuné de tous ! Il a essayé, comme il l’a pu, de s’occuper de nous. L’existence que nous menons est bien rude. Les autres frères et sœurs occupent des fonctions fort bien rémunérées, possèdent des domestiques grassement payés et n’ont point d’égards pour les damnés de la terre. Depuis belle lurette, quelles que soient les circonstances, ma mère ne s’adresse plus aux siens pour obtenir d’eux une quelconque assistance matérielle.

    À mes sept ans, mon père est revenu sur ses pas, je ne sais pourquoi mais il était là, ramenant à Poto-Poto, comme une poussière de sandales, le climat d’antan et des problèmes à n’en plus finir.

    Notre demeure était modeste : un salon, deux chambres à coucher, une cuisine… Elle semblait bien nous convenir. J’avais une chambre pour moi seule ! Pourtant, après m’avoir inscrite à l’école, mon père a décidé de m’installer dans la grande maison de sa famille, à une demi-heure de marche. Sa sœur aînée, tante Zina, et la femme de son grand-frère, Mika que je considère aussi comme ma tante, y habitaient et étaient en charge de mon éducation.

    L’idée de changer d’air et de cadre de vie m’a enthousiasmée au tout début. Derrière chaque nouveau pas, il y a toujours la promesse de nouvelles aventures. Mais très vite, je me suis aperçue que la liberté et la tendresse auxquelles ma mère m’avait tant habituée s’étaient évanouies.

    Mais je ne suis qu’une enfant, et l’oubliant sans doute, mes tantes me soumettaient à de pénibles corvées. Elles me réveillaient à cinq heures du matin. Je devais faire la vaisselle, balayer la cour et le grand salon, piler le maïs et préparer les jus ainsi que la bouillie pour la maisonnée. Au retour des classes, j’apprêtais des mets pour le déjeuner et le dîner. Je devais aussi laver le linge des autres enfants.

    Quand tout le monde avait fini de manger, c’est à mon tour de me mettre à table, la dernière, ce qui m’occasionnait toujours des retards et des battues à l’école. Les élèves de ma classe en étaient arrivés à me croire maudite, tant ils me voyaient habituée au retard et à la chicotte. Le traitement que je subissais leur imposait la ponctualité. Une ceinture usée, des tiges et branchettes de goyavier me lacéraient le dos, les fesses, les mollets et les mains. Je constatais que le maître prenait un malin plaisir à m’entendre crier et à me voir me débattre sous la férule. Mes camarades, eux, me plaignaient et me témoignaient leur compassion, reconnaissant que j’étais une brillante élève. Bien des condisciples avaient fini par fuir l’école à cause des sévices subis.

    Quand des querelles survenaient à la maison, face aux autres bambins, mes tantes m’imputaient toujours tous les torts. On me contraignait au statut de souffre-douleur pour toujours m’affliger. Et comme je le savais d’avance, je ne cherchais même pas à me défendre. Si quelque chose disparaissait, j’étais d’office suspectée ou accusée. J’étais interrogée la première, tandis que mes réponses étaient sujettes à caution et ma présumée inconduite criée sur les toits. « C’est elle, c’est elle ! » clamait-on. Pourtant, les autres bénéficient du doute et sont vite dédouanés. Je me sentais si malheureuse devant de telles situations que je priais tout le temps le Bon Dieu de m’en préserver.

    Ma tante Zina éprouvait un immense plaisir à être méchante à mon égard. Il lui arrivait d’arroser mon matelas et d’exhiber le drap à toute la maisonnée le lendemain en prétextant que j’avais fait pipi au lit. Je devenais alors la risée de tout le quartier dont les moqueries et les regards éraillaient mon esprit. Personne ne pouvait croire le contraire.

    Dans cette grande maison familiale, mes tantes se plaisaient à couvrir leurs enfants d’éloges. Elles les récompensaient chaque fois, même quand ils ne le méritaient pas. En revanche, je n’avais jamais droit à un compliment, les exploits que j’accomplissais n’étaient pas pris en compte. On me boudait plutôt et on ne m’adressait pas la parole pendant un temps. Mes résultats scolaires avaient toujours été excellents. Ils provoquaient la rage des enfants et de leurs parents et m’attiraient bien d’autres brimades. On m’accusait de tous les péchés du monde et de tricherie en classe. Même ma mère s’y était mêlée. On prétendait que, pour me favoriser, elle aurait maudit les autres élèves de la famille afin qu’ils ne réussissent pas à l’école… Ces ragots me tombaient sur la tête comme une averse.

    Des faits divers n’avaient cessé d’alimenter les discussions de la grande maison. Je ne parlais pas la langue de mon père et n’essayais même pas de l’apprendre. Voilà mon plus grand péché aux yeux des membres de ma famille paternelle. D’ailleurs, je ne parlais pas celle de ma mère non plus, même s’ils affirmaient le contraire. Pourtant, aucun de mes parents ne parlait la langue de l’autre. Ils se contentaient du français, du kituba et du lingala, ces langues communes que nous employons pour communiquer avec les autres et qu’ils m’avaient apprises dès le bas âge. Mon côté paternel accusait ma mère de tribalisme car se bornant à ne me faire parler que sa langue à elle. Pourtant, j’entends trop souvent ces propos désobligeants de leur part : « Va chez vous là-bas, tu es une espionne parmi nous », « tu n’es pas des nôtres », « tu es la fille de ta mère, rien ne prouve que tu es la fille de notre frère ou de notre oncle… » Mes tantes étaient instruites, bien qu’elles n’aient pas fini le lycée. Elles parlaient impeccablement français, la langue officielle, utilisée couramment dans la rue, au marché et même entre nous, à la maison. Nous nous y appliquions dans nos études. J’avais alors compris qu’on ne parlait la langue de mon père que pour échanger des confidences, critiquer, dénigrer ou insulter la personne qui ne la comprend pas. C’était une habitude que se partageaient les Congolais. À la grande maison familiale, on avait recours à la langue de mon père pour médire de moi, le plus souvent en chuchotant. J’en avais bien conscience.

    À force d’insolences, je réagissais contre les ordres de ma tante qui voulait m’obliger à parler la langue de sa tribu :

    — Non ! Je ne parlerai jamais vos langues-là, avais-je crié. Votre langue n’est pas mienne et je ne suis pas de votre tribu comme vous le dites toujours !

    Cette phrase fait des vagues dans le milieu familial. Montant en puissance, la rage gagnait les cercles du clan et suscitait conclaves sur conclaves. Même les membres qui ne s’entendaient pas depuis des lustres se sentaient plus unis que jamais. « Voilà, que n’avions-nous pas dit sur cette maudite fille ! » La clameur atteignait son comble. On félicitait ma tante de m’avoir souvent donné des fessées en maudissant le diable qui m’avait créée.

    Une convocation avait été envoyée en urgence à chaque famille du clan de mon père. La foule s’était rassemblée dans la grande paillote au fond de la cour. Le bal des charognards va se tenir à mon sujet. J’en devinais l’issue mais, ce qui m’intriguait davantage c’était de voir tant de gens s’épancher sur mon cas. Une histoire de plus dans cette ambiance où sont prises à cœur des futilités plutôt que des choses sérieuses. Mes parents aussi avaient dû être convoqués. Ne manquent à l’appel que pépé et mémé, grabataires depuis plusieurs années. En secret, on les appelait gardiens de temple.

    J’étais crispée. Assise à côté de ma mère, je pressais de temps en temps sa main pour me réconforter. Ma gorge était nouée. Il semblait faire chaud pour tout le monde. La sueur dégoulinait de partout, les mouchoirs épongeaient les faces. Certains se servaient de la paume ou du revers de leur main pour s’essuyer le front et l’occiput. On s’impatientait. Les mines étaient tendues. Elles semblaient promettre une sentence à la hauteur du crime commis. Mes cousins et cousines riaient sous cape. Sachant que je les observais du coin de l’œil, ils faisaient la grimace et m’adressaient des signes qui, habituellement, me mettaient en colère. Je sentais monter en moi l’envie de me battre, de tout casser. Ils attendaient ma réaction en espérant qu’elle ne tarde pas et que la grande famille prononce une sévère sentence contre la mauvaise fille que je suis. Ils continuaient de déchirer mon âme et moi de tenir bon. Qui croyaient-ils berner ?

    La présence de tant de monde m’intimidait. Bientôt, les mots m’échapperaient. Je ne pourrai m’exprimer devant cette assistance une fois interrogée. À quelles questions serai-je soumise ? Quelles réponses devrai-je y apporter ? C’était le brouillard dans ma tête, je pédalais dans le vide.

    C’était l’oncle Élie, professeur de mathématiques de lycée, qui présiderait la réunion. Voici plus d’une heure que l’assemblée l’attendait. Peut-être était-il pris quelque part, dans une réunion politique ! Puis il est arrivé, délivrant l’assistance de l’incertitude et de l’impatience qui la rongeaient déjà. Les cheveux gras, il portait une chemise rayée de noir et de rouge, un pantalon de laine peignée et des chaussures noires à boucle. Comme mon père, mon oncle était à la mode. Il était mince, c’était un trait de la famille. Je m’étais mise à penser, puis j’avais conclu que je resterais maigre toute la vie. Par dérision, on me confondait même au mât du drapeau.

    Mon oncle ouvrait la réunion en demandant à tante Zina d’en présenter l’objet, comme c’est elle qui l’a suscitée. Elle prit la parole à brûle-pourpoint, le souffle haut.

    — Cette vipère de Laura, avait-elle dit, ramassée je ne sais où, prétend que la langue de sa mère est supérieure à la nôtre. Pourtant, c’est le contraire qui est vrai !

    Un brouhaha s’en était suivi.

    — Est-ce tout ? avait demandé l’oncle Élie.

    — C’est déjà trop, ça ! En plus, savez-vous ce qu’elle a encore dit ?

    — Non, dis-nous tout ! clamait-on en chœur.

    — Elle a dit qu’elle ne peut jamais parler notre sale langue, avait renchéri ma tante.

    — Elle nous a donc insultés et déshonorés par cette déclaration, avait enchaîné un cousin de mon père.

    — Laura est une fille indigne, elle est vraiment indigne ! avait déclaré ma petite-tante. Comment peut-elle encore faire partie des nôtres ?

    — Une enfant comme Laura, est-elle capable de pareilles idées ? s’était interrogé le fils de ma tante Zina. C’est sa mère qui les lui a inculquées.

    — Oui, c’est elle ! avait-on scandé en chœur.

    Pendant ce temps, des regards hostiles étaient braqués sur Riétou – la traîtresse. Tante Zina félicitait son fils et demandait à ma mère si elle pourrait le contredire. Celle-ci a juste remué la tête en signe de négation en se faisant prudente. Elle n’aimerait certainement pas provoquer ces esprits surexcités comme un essaim d’abeilles, qui cherchaient à

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