Discover millions of ebooks, audiobooks, and so much more with a free trial

Only $11.99/month after trial. Cancel anytime.

La lettre à Elise: Roman
La lettre à Elise: Roman
La lettre à Elise: Roman
Ebook149 pages1 hour

La lettre à Elise: Roman

Rating: 0 out of 5 stars

()

Read preview

About this ebook

Marie, jeune institutrice de l’école des filles, se retrouve enceinte, hors mariage. Son père, soucieux de préserver sa réputation, l’exile chez sa tante, Jeanne, qui s’occupe d’elle et de la naissance de sa petite Elise avec une immense bienveillance. Jeanne va tout organiser pour que sa protégée puisse voir grandir sa fille. Les poèmes que Marie écrira et partagera avec Elise, alors dans sa classe, lui permettront, à l’âge adulte, de la mettre en garde contre un terrible danger.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Ex-professeure des écoles et titulaire d’une maîtrise en Sciences de l’éducation, Valérie Michel a également enseigné l’anglais. Après s’être consacrée à l’épanouissement et à la réussite de sa famille nombreuse, l’écriture s’est imposée à elle comme un exutoire à sa peine face au décès brutal de sa mère. Dès lors, elle écrit des poèmes et leur donne un rôle clé dans la trame de son premier roman, Comme une évidence, une histoire pleine d’émotion dans laquelle les sentiments, l’amour en particulier, jouent un rôle majeur.
Romantique et sensible, l’auteure aime la poésie sous toutes ses formes, celle de la beauté des mots mais aussi celle des cœurs et des paysages.
LanguageFrançais
Release dateMar 20, 2020
ISBN9791037707123
La lettre à Elise: Roman

Read more from Valérie Michel

Related to La lettre à Elise

Related ebooks

Literary Fiction For You

View More

Related articles

Reviews for La lettre à Elise

Rating: 0 out of 5 stars
0 ratings

0 ratings0 reviews

What did you think?

Tap to rate

Review must be at least 10 words

    Book preview

    La lettre à Elise - Valérie Michel

    Dédicace

    À mon père,

    qui m’a souvent parlé de l’école d’autrefois…

    À tous les enseignants,

    d’hier, d’aujourd’hui et de demain,

    qui ont un métier passionnant mais complexe…

    Première partie

    Chapitre 1

    Marie a trouvé Pierre un peu grognon ce matin lorsqu’il est arrivé à l’école. Il semblait ronchonner seul dans la cour des garçons où il attendait ses élèves. Les pauvres, ils allaient sûrement passer une journée difficile : l’humeur de Pierre annonçait un mauvais présage. Il avait certainement peu dormi après avoir préparé ses leçons du jour trop tardivement. Il avait ses airs des mauvais jours, ceux où il passe son temps à punir pour un rien. Ses élèves, tous des garçons, le savaient fort bien. Aucun ne s’en réjouissait évidemment. Ils se mirent donc en rang, ce matin-là, tous dans leur blouse grise, dans un silence un peu glaçant, évitant d’attirer d’une quelconque façon l’attention de leur maître. Ils venaient pour la plupart de parcourir une longue distance à pied en traversant la campagne pour rejoindre l’école du village. Certains partaient chaque matin aux aurores afin d’être à l’heure car les fermes isolées et dispersées dans la plaine se trouvaient parfois loin. Ils tenaient chacun sur leur épaule une sorte de besace contenant le repas frugal du midi qu’ils partageaient ensemble et une gourde d’eau. Le peu de fournitures scolaires qu’ils avaient, cahier, porte-plume, encrier, règle, ardoise, chiffon et craie, restait dans les cases des pupitres doubles en bois. Chacun emportait ses affaires scolaires avec lui lors des changements de place. Pierre n’imposait des changements de place que rarement, uniquement dans les cas de force majeure, comme une persistante indiscipline ou une réelle incompatibilité de caractères. Il cherchait surtout à éviter les querelles et à éloigner les potentiels rebelles car s’il régnait avec une respectable autorité sur sa classe, il refusait d’en venir à des sévices corporels comme l’imposaient monstrueusement certains de ses confrères. Il stoppait les interventions ou actions néfastes au bon déroulement des leçons en recherchant la vexation par l’humiliation : exclusion du groupe, maintien au fond de la classe debout face au mur, mise à la porte. Il optait sinon pour les réprimandes qu’il jugeait utiles : copies de lignes pour les plus jeunes afin de les faire écrire, écritures des tables de multiplication pour les moyens, enfin écriture de conjugaisons de verbes à tous les temps pour les plus grands ou écriture de tous les départements de France en lettres et en nombres. Les devoirs supplémentaires représentaient une façon d’ancrer plus sûrement les connaissances en cours d’acquisition et une réprimande rébarbative suffisante pour éviter les débordements : une punition rédhibitoire qui maintenait en classe un ordre et un respect quasi parfait, laissant régner Pierre en maître souverain. Pierre, enfant, avait très mal vécu les punitions corporelles qu’il s’était vu infliger, injustement de surcroît, par un méchant maître qu’il avait subi plusieurs années : cet homme vicieux prenait un vil plaisir à donner des coups de règle sur le bout des doigts, à tirer les cheveux au-dessus des oreilles, là où la sentence était la plus douloureuse, à imposer le maintien à genoux sur une règle étroite pendant longtemps. Il eût été inconcevable, pour lui, d’utiliser de tels supplices qui l’avaient marqué et qui n’incitaient qu’à la haine et à la vengeance. Il préférait de loyaux châtiments édifiants, lesquels lui offraient la réputation d’un maître juste et bienveillant.

    Chapitre 2

    Marie, un peu plus jeune que Pierre, veillait, pour sa part, dans la même école, sur la classe des filles. La mixité n’étant alors pas envisageable, la classe des filles et celle des garçons se trouvaient dans deux bâtiments différents, chacun d’eux possédant sa propre cour de récréation. Les interactions filles garçons s’en trouvaient, de fait, impossibles. Il n’était de toute évidence pas convenable que les uns et les autres échangent, communiquent ou se rencontrent. On ne mélange pas les torchons et les serviettes, disait-on. La bienséance ne le tolérait pas. Ah, les convenances…

    Marie était une institutrice aimée de toutes ses élèves. Gentille et douce, elle faisait en sorte de faire progresser de son mieux les trois groupes qu’elle devait gérer au quotidien : les petites, les moyennes et les grandes. Sa pédagogie, basée sur une grande autonomie de chacun, permettait aux plus grandes d’apporter, fièrement et utilement, une aide considérable aux plus petites. Celles-ci semblaient profiter des leçons dispensées aux plus âgées car leur progression s’avérait remarquable et rapide. La contribution et le soutien des grandes portaient des fruits inespérés. En un mot, Marie gérait admirablement sa classe unique multi-âges. Les filles faisaient preuve de plus de sagesse et de patience que les garçons de la classe de Pierre, assez remuants et moins attentifs. Elles semblaient, à tout âge, plus mûres aussi. Tous deux très rigoureux, Marie et Pierre aimaient leur métier, ravis de pouvoir mener leurs élèves au certificat d’études, certains s’engageant vers le primaire supérieur, d’autres vers les cours complémentaires, lorsqu’ils n’abandonnaient pas pour aider leurs parents aux durs travaux des champs. Tous, cependant, quittaient l’école en sachant lire, écrire et compter, avec des repères historiques, une connaissance certaine de la géographie et de bonnes notions de sciences. Marie, qui aimait la nature, se plaisait à enseigner les sciences naturelles, dispensant conjointement des leçons de biologie et de botanique, menant même parfois ses élèves hors de l’école pour des observations et des travaux pratiques. Sa classe lui semblait studieuse, ses élèves plutôt tranquilles, dociles et consciencieuses. En un mot, elle était heureuse d’enseigner.

    Ce matin-là, après avoir croisé Pierre qui affichait un visage tendu et un air renfrogné, Marie fit entrer ses élèves en classe :

    — Veuillez vous asseoir, je vous prie.

    Anna et Viviane, pouvez-vous distribuer, s’il vous plaît, les cahiers avec les modèles d’écriture que j’ai préparés pour le groupe des plus jeunes ? Utilisez bien le buvard que je vous ai remis hier pour ne pas tacher d’encre le bas de votre page. Appliquez-vous bien pour les pleins et les déliés avec votre plume. Lorsque vous aurez terminé toutes vos lignes, vous verrez le modèle de trois nouvelles majuscules dont je vais tout de suite vous montrer le sens d’écriture. Suivez toutes avec votre doigt le mouvement du sens d’écriture de la lettre que je vous montre au tableau. Sur votre cahier, vous partirez du point rouge indiqué. Cécilia, Louise, Adèle, Clémence et Augustine, vous le leur montrerez à nouveau, individuellement, lorsque vous aurez terminé votre rédaction dont le sujet est : « Mon animal préféré, racontez ». Faites au moins deux pages s’il vous plaît et vérifiez votre orthographe. N’oubliez pas de faire une introduction, des paragraphes et une conclusion.

    Quant aux autres, nous allons faire un peu de calcul pour comprendre l’intérêt, le fonctionnement et les propriétés de la multiplication, après manipulation de bûchettes en bois que nous allons additionner. Faites plusieurs petits tas de 3 bûchettes avec vos 24 bûchettes. Combien de tas trouvez-vous ?

    Marquez le résultat sur votre ardoise avec votre craie. Je passe vérifier.

    Parfait, Élodie. Très bien, Amandine. Attention Céline, recompte tes tas…

    Marie vérifia ainsi chacune des ardoises, puis remonta sur l’estrade pour écrire au tableau :

    3 +3 +3 +3 +3 +3 +3 +3=24

    Soit 8X3=24.

    — Faites maintenant avec vos 24 bûchettes des tas de 8 bûchettes. Combien trouvez-vous de tas ? Marquez le résultat sur votre ardoise.

    Marie vérifie à nouveau que chacune a trouvé le bon résultat et écrit au tableau :

    8 +8 +8=24

    Soit 3X8=24.

    Elle expliqua ensuite que l’on pouvait en déduire l’égalité : 8X3=3X8=24.

    — Prenez maintenant 21 bûchettes, faites des tas de 3 bûchettes, combien trouvez-vous de tas ? Que pouvez-vous écrire ensuite comme égalités, en additionnant ou en multipliant vos tas comme dans l’exemple précédent ?

    Après vérification des résultats, Marie demanda à ses élèves de faire des tas de 7 bûchettes avec leurs 21 bûchettes et écrivit les formules mathématiques au tableau.

    Marie poursuivit ainsi les exemples jusqu’à la récréation, ce moment tant attendu pour pouvoir jouer et cesser de se concentrer. Les filles, comme toujours, joueraient à la marelle, avec des osselets ou des cordes à sauter, des jeux plus calmes que ceux de la cour d’à côté où les garçons couraient énormément, jouant à chat ou à saute-mouton.

    Après la récréation, Marie fit travailler le présent de l’indicatif aux moyennes pendant que les grandes faisaient lire les plus petites. Ces dernières dessineraient l’après-midi pendant la dictée faite aux grandes, en même temps que les moyennes copieraient une nouvelle récitation à apprendre.

    Lorsque l’heure de sortie arriva, Marie indiqua les devoirs à chacun des groupes et pria les jeunes filles de sortir en leur disant au revoir.

    Étonnamment, ce soir-là, Charles, un peu plus âgé que Marie, jeune notaire de renom, attendait, derrière la grille, la sortie des élèves. Il souhaitait

    Enjoying the preview?
    Page 1 of 1