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Le journal d'Eden: Thriller breton
Le journal d'Eden: Thriller breton
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Le journal d'Eden: Thriller breton

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About this ebook

Eden est morte. Pourquoi tant de mensonges entourent sa mort ?

Quand il apprend la mort d'Eden, son grand amour de jeunesse, Enguerrand suspend le cours de sa vie et se lance aussitôt dans une quête effrénée de vérité et de justice.
Contre toute attente, et malgré l'aide des proches de la jeune femme, ses premières recherches ne débouchent que sur des questions : pourquoi son entourage lui ment-il ? La mort d'Eden a t-elle un lien avec le tueur des marais ? Qui était-elle vraiment ?
Heureusement, le journal intime de la jeune femme est parsemé d'indices tout au long de son périple du Finistère au marais poitevin, en passant par Notre Dames des Landes. Enguerrand prendra tous les risques, allant de révélation en révélation, jusqu'à l’insupportable vérité.

Découvrez sans plus attendre un thriller palpitant, aux côtés d'Enguerrand sur les traces des causes de la mort de sont amour de jeunesse.

EXTRAIT

Enguerrand s’enfonce dans la nuit. Elle est si noire, qu’il pourrait la boire comme un café. Mais il n’a nul besoin d’en consommer. Survolté, enragé, il ne risque pas de s’endormir au volant. Par moment, sa voiture dérape de l’arrière sur les lacets de l’étroite route de campagne.
Eden est morte.
Il veut comprendre. Il faut qu’il la voie une dernière fois.
Une camionnette le croise en klaxonnant rageusement. Il est pleins phares. Peu lui importe.
Pourquoi son père a-t-il reçu cet avis de décès ? Pourquoi sa mère s’est-elle opposée à ce qu’on le prévienne ?
Cela fait si longtemps. Il ignorait que ses parents avaient gardé contact avec Eden.
Il double deux automobiles en même temps, obligeant la voiture venant d’en face à ralentir malgré ses appels de phares. Sa seule réaction est un haussement d’épaules goguenard.
Six mois auparavant, il avait reçu une lettre d’Eden dans laquelle elle disait qu’elle voulait lui annoncer une information importante et qu’elle avait besoin de lui.
Il avait préféré laisser tomber.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Phil Kalean est cadre dans une entreprise Nantaise. Son rêve d’enfant était de devenir écrivain. C’est seulement à l’âge de 46 ans qu'il se lance avec son premier roman "Jana", coup de cœur 2016 des Éditions du Menhir. Le journal d'Eden est son second roman.
LanguageFrançais
Release dateOct 11, 2018
ISBN9782378776497
Le journal d'Eden: Thriller breton

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    Le journal d'Eden - Phil Kalean

    Phil Kalean

    Le journal d’Eden

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions—Phil Kalean

    ISBN : 9782378776497

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle

    1

    Enguerrand s’enfonce dans la nuit. Elle est si noire, qu’il pourrait la boire comme un café. Mais il n’a nul besoin d’en consommer. Survolté, enragé, il ne risque pas de s’endormir au volant. Par moment, sa voiture dérape de l’arrière sur les lacets de l’étroite route de campagne.

    Eden est morte.

    Il veut comprendre. Il faut qu’il la voie une dernière fois.

    Une camionnette le croise en klaxonnant rageusement. Il est pleins phares. Peu lui importe.

    Pourquoi son père a-t-il reçu cet avis de décès ? Pourquoi sa mère s’est-elle opposée à ce qu’on le prévienne ?

    Cela fait si longtemps. Il ignorait que ses parents avaient gardé contact avec Eden.

    Il double deux automobiles en même temps, obligeant la voiture venant d’en face à ralentir malgré ses appels de phares. Sa seule réaction est un haussement d’épaules goguenard.

    Six mois auparavant, il avait reçu une lettre d’Eden dans laquelle elle disait qu’elle voulait lui annoncer une information importante et qu’elle avait besoin de lui.

    Il avait préféré laisser tomber.

    « Mais bon sang ! J’étais avec Marie à ce moment-là, avec enfin un travail stable, dans une bonne maison… » explique-t-il au tableau de bord.

    Bien sûr, il n’avait pas oublié Eden. Jamais il ne l’oubliera.

    « Mais qu’espérait-elle en me recontactant six ans après ? »

    Il s’en veut terriblement d’avoir jeté sa lettre, de l’avoir ignorée quand elle avait besoin de lui. S’il avait pris la peine de l’écouter, peut-être serait-elle encore en vie aujourd’hui ?

    Comment est-elle morte ?

    Il faut qu’il sache.

    Bientôt, il ne rencontre plus d’autre véhicule. Ce coin est complètement perdu, loin de chez lui.

    Le halo de ses lumières fait danser les arbres et leurs ombres, projetant devant lui un étrange film en clair-obscur. La route monotone devient propice aux réminiscences.

    Alors, il s’abandonne à ses souvenirs qui se bousculent, aussi vifs et puissants que s’ils avaient été de la veille.

    Chaque année, ses parents accueillaient un enfant défavorisé en vacances, par l’entremise du Secours Catholique. Depuis deux ans, c’était son ami Yacine.

    Cette année-là, il avait quinze ans.

    Ce fût Eden.

    Leur rencontre fut bouleversante.

    C’était à Brignogan-plages...

    2

    Sa sœur Blanche, quatre ans et demi, leur mère et lui étaient depuis quinze jours dans leur maison de vacances de Brignogan-plages, quand leur père les rejoignit un samedi après-midi. Il venait directement de Nantes avec, comme chaque année, un petit invité du Secours Catholique à bord.

    La voiture de Louis klaxonna en pénétrant dans la cour de la villa, mais ce n’était pas la peine, car toute la famille l’attendait déjà sur le perron depuis plusieurs minutes. Blanche et Enguerrand, excités comme des puces, ne tenaient plus en place quand Louis sortit enfin de la Mercédès :

    — Papaaaa ! cria Blanche en courant se blottir dans les bras de son père.

    — Bonjour Blanche ! Bonjour Enguerrand ! Bonjour Hermine ! Comme vous avez tous bonne mine !

    — Tu nous ramènes Yacine ? s’enquit Enguerrand, des étincelles plein les yeux.

    — Non, désolé mon grand. Yacine et sa famille viennent de déménager dans une autre région... Les enfants, je vous présente Eden !

    Il ouvrit la portière et un enfant sortit lentement, avec hésitation, le regard timide orienté vers ses chaussures.

    Sans mot dire, Eden prit la petite dans ses bras et l’étreignit tendrement.

    — Bonjour Eden, je suis Hermine. Je te souhaite la bienvenue dans notre famille. C’est vrai qu’avec ta coupe au bol et cette salopette informe, on peut te confondre avec un garçon. Viens avec moi à l’intérieur, je vais te proposer quelque chose de plus seyant ayant appartenu à ma grande fille Clotilde.

    — Merci Madame.

    — Je t’en prie, appelle moi Hermine, c’est plus naturel.

    Naturel ! Hermine venait de parler du ton le plus pompeux qui soit, comme à son habitude. Son ton à elle : lent, inutilement appuyé, assorti d’un sourire figé permanent digne de celui d’une speakerine des années soixante-dix, bref, complètement faux et soporifique, selon Enguerrand, qui ne la supportait plus.

    Quand Eden passa devant lui, elle voulut croiser son regard, tandis que lui, conserva un visage apathique, les yeux dans le vide.

    — Enfin Enguerrand, tu ne dis pas bonjour à Eden ? demanda Louis, d’un ton agacé.

    — Voyons père. Elle est plus jeune que moi, c’est donc à elle de me saluer en premier.

    — Arrête tes bêtises ! Dis-lui bonjour !

    — Tu vois bien que c’est trop tard. Maman a déjà emmené sa nouvelle petite poupée à l’intérieur, pour jouer à l’habiller !

    — Franchement, tu n’es pas du tout drôle. Tu mériterais…

    — Où ça, une poupée à habiller ? coupa Blanche.

    — Nulle part, ma chérie. Ton frère faisait une blague idiote. Enguerrand, monte-lui maintenant sa valise dans sa chambre. Et fais un effort. Eden n’a pas votre chance. Elle vient d’une famille pauvre qui ne peut pas partir en vacances. Tu ne penses pas qu’elle mérite un peu de bonheur comme tout le monde ?

    — Et mes vacances à moi, on y pense ou je passe après les autres ?

    — Ça suffit maintenant. Je ne te demande pas de l’aimer mais de rester poli avec elle, un point c’est tout. Tu vas t’occuper d’elle comme si c’était une de tes cousines. La discussion est close.

    Devant le visage rouge cramoisi de son père, Enguerrand haussa les épaules négligemment puis alla prendre la valise d’Eden dans le coffre, pour la monter dans sa chambre.

    Une fois le bagage posé sur le lit, il allait repartir, quand elle pénétra dans la pièce. Elle était vêtue d’une chemise blanche et d’une jupe plissée bleu-marine. Sa mère lui avait également mis un serre-tête bleu à fleurs dans les cheveux.

    — Super ! Avec cette tenue, tu es fin prête pour la messe du dimanche, ânonna Enguerrand d’un ton moqueur.

    — Pourquoi tu me détestes ?

    — Je…

    — …

    — Laisse tomber.

    — Tu es déçu que je ne sois pas Yacine, ton copain.

    — Oui.

    — Mais tu ne me connais même pas !

    — Non, et je ne veux pas te connaître, répliqua le garçon en sortant en trombe de la chambre, sans même lui décocher un regard.

    Enguerrand pouvait entendre Eden pleurer depuis la chambre voisine. Ce n’était pas des pleurnicheries démonstratives qui l’auraient immanquablement conforté dans son attitude froide et obstinée. Non ; les sanglots à peine perceptibles étaient ceux d’une enfant habituée à souffrir en silence. Lui qui s’était réjoui pendant des mois à l’idée de retrouver son ami Yacine, avec qui il avait correspondu sur internet toute l’année, n’avait pas apprécié d’être mis devant le fait accompli. Mais davantage que la déception d’une mauvaise surprise, Enguerrand détestait plus que tout l’injustice. Eden n’y était pour rien dans le choix désastreux de son père. Il allait la rejoindre dans sa chambre quand le signal retentit dans toute la maison : « Les enfants à table ! »

    Eden fit bonne figure malgré ses yeux rougis. Les adultes parlaient, tandis que les enfants ne disaient mot. La petite Blanche, exténuée bâillait à gorge déployée. Quant aux deux adolescents, aucun ne souhaitait rompre le silence, pourtant pesant.

    Néanmoins, par devoir de politesse, Eden aborda la question des autres enfants de la fratrie. En bonne maîtresse de maison, Hermine décrivit ses cinq enfants, dont les trois grands qui n’étaient pas avec eux : Clotilde l’aînée, qui travaillait à Paris, Ambroise le militaire et Éloi qui animait un camp scout dans le Gers. Enguerrand se demanda pourquoi sa mère continuait d’utiliser ses intonations aristocratiques ridicules, alors qu’elle ne s’adressait ni au Pape, ni à l’Évêque, mais à une simple gamine, sans importance.

    Au moment où il essaya de sortir de sa mine renfrognée pour parler, son père lui reprocha de faire la tête, ce qui produisit l’effet de l’huître qui se renferme dans sa coquille.

    *

    Le lendemain, après avoir assisté à la sempiternelle messe dominicale, toute la famille se rendit à la plage du phare, pour pique-niquer. Pendant toute la cérémonie, Eden et Enguerrand s’étaient regardés en chiens de faïence, sans échanger un mot.

    Le repas se déroula bien. Eden fût très aimable et participa activement à toutes les discussions.

    — Que veux-tu faire comme métier plus tard, Eden ? demanda Louis.

    — Écrivaine.

    — C’est original, tu dois aimer lire, non ?

    — Oui Monsieur, beaucoup et écrire, surtout.

    — Moi aussi je voulais être écrivaine, interrompit Hermine. Je me rappelle, mon professeur de Français, monsieur Gérard, n’avait de cesse de complimenter la qualité de mes rédactions. Un jour, il m’a demandé si je n’avais pas envie d’écrire un livre !

    — Et alors Madame ?

    — Alors, cette suggestion a fait résonnance en moi et m’a donné confiance en mon potentiel. C’est si important la confiance en soi quand on est jeune…

    — Maman ! Ce que veut te demander Eden, c’est : « est-ce que tu as écrit un livre ? »

    — J’y viens, Enguerrand. Alors, qu’étais-je en train de dire ? Ah oui, la confiance.

    — Quelqu’un veut-il encore du fromage ?

    — Enfin Louis, arrête de me couper !

    — Pardon Mimine. C’est que le fromage, en plein soleil, est en train de couler partout. Si personne n’en veut, je préfère le rentrer dans la glacière.

    — Mais enfin, est-ce que quelqu’un m’écoute ici ?

    — Oui, je vous écoute Madame.

    — Merci Eden.

    — Entre deux âmes d’écrivaines, c’est normal que nous nous entendions. Je suis certaine que mon discours a fait sens en toi. Comme je le disais, un écrivain c’est quelqu’un qui ouvre des portes sur nos rêves. On ne le devient jamais par hasard. Même les plus doués doivent beaucoup travailler !

    — Pardon Mimine. Qui veut des fraises ?

    — Mais enfin Louis ! Quand cesseras-tu de me couper la parole ?

    Aussitôt le repas terminé, Blanche et Enguerrand s’éloignèrent du moulin à paroles maternel. Eden resta par politesse pour aider à débarrasser. Quand Louis lui signifia qu’elle pouvait disposer, elle se rapprocha naturellement de Blanche, qu’elle aida à fabriquer des gâteaux de sable. Malgré leur différence d’âge, les deux fillettes s’entendaient bien.

    Enguerrand s’amusa de son côté avec un autre garçon rencontré sur la plage.

    *

    Ce soir-là, Eden descendit de sa chambre pour aller boire un verre d’eau en cuisine, quand elle surprit Enguerrand qui écoutait depuis le couloir la conversation de ses parents dont l’écho lui parvenait depuis le salon. C’est ainsi qu’elle prit connaissance d’un échange qu’elle n’aurait jamais dû entendre.

    — Mais enfin, Louis, pourquoi as-tu choisi une fille ? On avait dit un garçon !

    — Quand on m’a annoncé que Yacine n’était plus disponible, j’ai voulu changer. Elle est mignonne cette petite Eden, non ?

    — Mais tu vois bien qu’elle ne s’entend pas avec Enguerrand !

    — Ça va lui passer. C’est la crise d’adolescence.

    — Justement, ce n’est pas le moment d’envenimer la chose. La prochaine fois, de grâce, épargne-nous tes prises d’initiatives catastrophiques !

    — C’est fait, c’est fait. Que veux-tu que j’y fasse ?

    — Tu pourrais demander à l’association si on peut échanger la gamine contre un garçon. Il n’est peut-être pas trop tard !

    À ces mots, Eden se raidit et ne voulut pas en entendre davantage. Elle fixa Enguerrand un instant avec une expression de détresse infinie, puis courut se réfugier dans sa chambre. Passée la stupeur, Enguerrand entendit son père vilipender sa mère, mais il n’avait plus envie d’écouter la fin de l’échange. Groggy, il remonta lui aussi dans sa chambre.

    Tandis qu’il percevait l’écho à peine audible des sanglots étouffés provenant de la pièce voisine, il se promit de faire un effort et de changer désormais d’attitude. Il resta longtemps hagard, nauséeux, l’estomac noué, avant de comprendre finalement qu’il était tout simplement malheureux.

    *

    Le lendemain, comme tous les lundis matin, c’était jour de marché dans la ville de Lesneven. Une partie de la foire était réservée à la vente d’animaux. Tandis que Blanche et Eden s’extasiaient et caressaient lapins, poules et poussins, Enguerrand restait en retrait. Les éleveurs laissaient volontiers les jeunes ingénues caresser, voire prendre les animaux, tellement elles étaient irrésistibles. Une éleveuse de volaille, au sourire aurifère, craqua pour Eden et lui tendit une poule rousse :

    — Mignonne, caresse un peu son ventre. Tu vas voir. Tout DOUX, que c’est !

    — Merci madame, chuchota Eden, en prenant l’animal.

    — Ma doué, que tu ressembles à ta petite sœur. Vous êtes bien jolies mes mignonnes.

    Eden et Blanche se regardèrent en éclatant d’un rire complice, avant qu’Hermine ne prenne la parole pour rétablir la vérité, en débitant son sempiternel baratin de mère modèle, généreuse et exemplaire. Enguerrand levait les yeux au ciel de dégoût quand il sentit Eden se rapprocher tout doucement en lui présentant le gallinacé, qu’il caressa machinalement.

    Quand leurs deux mains se superposèrent, il retira la sienne, gêné. Eden lui sourit, puis reposa l’animal dans sa cage.

    Un peu plus loin, la famille arriva devant un stand d’articles d’artisanat en cuir. Quelque chose attira l’attention d’Enguerrand qui demanda qu’on l’attende plus loin. La famille s’attardait devant un stand de jeux en bois que Blanche voulait tous essayer, quand le jeune garçon refit son apparition. Il se dirigea vers Eden et lui tendit une sorte de boîte en cuir : « Tiens, c’est pour toi, Eden. »

    Abasourdie, la jeune fille interrogea du regard Enguerrand puis ouvrit le cadeau. Un livre aux pages immaculées apparut.

    — C’est un journal intime. Il y a une clé pour le fermer et garder tes secrets rien que pour toi.

    — Mais pourquoi ! furent les seuls mots qui sortirent de la bouche d’Eden, les yeux toujours écarquillés de surprise.

    — Si tu veux être écrivaine, il faut commencer tout de suite.

    — Moi aussi je veux un cadeau, rouscailla Blanche.

    — Désolé, Blanche, il me reste à peine de quoi t’acheter quelques bonbons.

    — Tu as déjà dépensé tout ton argent ? demanda Hermine sur un ton empreint de reproches.

    — Il a bien fait ! coupa Louis. Après tout, c’est son argent. Je suis fier de mon fils. La générosité est une grande valeur.

    Eden ne put remercier son bienfaiteur car, sentant l’émotion monter en lui, Enguerrand haussa les épaules et se mit à tracer la route, comme si de rien n’était.

    La famille termina sa déambulation aux stands alimentaires, avant de rentrer à la villa pour déjeuner.

    *

    Après le repas et pendant la sieste de Blanche, Eden et Enguerrand se rendirent seuls à la plage. Assis côte à côte sur le sable blanc et si doux de Brignogan, face à l’océan, la jeune fille prit la parole en premier.

    — Merci, Enguerrand, pour le cadeau de ce matin.

    — De rien.

    — Si, j’insiste. Je n’ai toujours pas compris pourquoi tu m’as offert ce livre, mais je le kiffe grave.

    — J’ai été un peu… vache avec toi.

    — Pas du tout. Tu as été franc dès le début. C’est pas comme tes parents qui parlaient hier soir de me renvoyer alors qu’ils m’avaient souri toute l’après-midi !

    — Je les déteste ces hypocrites avec leurs petites manières de bourges !

    — T’es quand même leur fils. C’est eux qui t’ont élevé…

    — Et eux qui m’ont donné un prénom ridicule !

    — C’est original, Enguerrand. Tu es le premier que je rencontre.

    — C’est normal, c’est un prénom du moyen âge.

    — Ah ? En effet, C’est peut-être un peu périmé...

    — Et encore, tu ne connais pas mon deuxième prénom.

    — Vas-y. Annonce !

    — Charles ! Enguerrand Charles ! N’importe quoi !

    — J’ai une idée. Pourquoi tu ne te ferais pas appeler Charly ? C’est plus moderne !

    — Ouais. Pas con. Par contre, mes parents vont pas vouloir m’appeler comme ça.

    — C’est pas grave. Oublie un peu tes parents. Laisse tes amis t’appeler Charly. D’accord Charly ?

    — OK.

    — Pourquoi tu ris ?

    — T’es drôlement maligne, Eden. Sans en avoir l’air, tu viens de me faire avouer que tu es devenue mon amie.

    — C’est toi qu’as commencé avec le cadeau !

    — Le cadeau, c’était par pure pitié !

    — Sympa ! Je ne suis qu’une fille de pauvre qui fait pitié à voir ?

    — Non, pas du tout. Je plaisantais, Eden. Je n’agis pas par pitié. La pitié, c’est un des trucs débiles de ma mère. Je ne peux plus la voir en peinture.

    — Franchement tu as tort de critiquer ta mère. C’est une belle âme, une personne FOR-MI-DABLE. Elle adore s’investir dans des associations qui allient des valeurs profondes, spirituelles, et universelles et surtout le vivre en action. Elle a tant de choses à transmettre, d’idées à partager. Ce plaisir de vivre qui est si profond en elle fait résonnance en moi !

    — Waouh !! Comme tu l’imites bien ! Avec le même ton snob, et tout !

    — Qu’est-ce que tu crois ? À chaque personne qu’elle croise, ta mère raconte combien elle est formidable d’avoir accueilli la petite fille pauvre. À force, je connais son discours par cœur.

    — Je croyais que j’étais le seul à ne plus pouvoir la saquer…

    — Eh bien non. Même si je fais semblant par politesse, je ne peux pas la calculer. Elle me saoule grave ! Bienvenue au club Charly !

    — Tu parles parfois un peu comme une fille de banlieue. C’est trop drôle.

    — C’est toi qui es bizarre Charly. Tu es vénère contre tes vieux, mais par moments, tu causes exactement comme eux. Les mots qui sortent de ta bouche ont cinquante ans de retard ! Franchement, il n’y a plus personne qui parle comme ça de nos jours.

    — Détrompe-toi, Eden. Nous fréquentons des personnes qui parlent un français littéraire encore plus soutenu que le nôtre. Je n’y peux rien. C’est mon éducation.

    — J’dis ça, j’ai rien dit. Cela me force à réfléchir avant de parler, afin d’utiliser les mots corrects. C’est pas mauvais pour la fille de banlieue que je suis.

    — C’est comment la banlieue ?

    — C’est vivre sans respirer, en étant toujours sur ses gardes.

    Ils continuèrent à discuter ainsi de tout, de rien, de leurs vies débutantes. Au bout d’un moment, Enguerrand se rendit compte qu’en plus d’être intéressante et spirituelle, Eden était jolie. Un sourire illumina son visage. À partir de cet instant, il voulut lui plaire.

    3

    La pancarte du village de Saint-Hilaire-la-Palud sort

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