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Ne viens pas à ton enterrement: Roman
Ne viens pas à ton enterrement: Roman
Ne viens pas à ton enterrement: Roman
Ebook249 pages3 hours

Ne viens pas à ton enterrement: Roman

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About this ebook

La quarantaine marque un changement dans nos vies, mais est-ce toujours sans risques ? 

Vents de la quarantaine qui poussent cet homme simple mais brillant sur des chemins nouveaux, géographiques et relationnels où le blanc et le noir s'affronteront par haine des sentiments raisonnés et raisonnables pour lesquels il sent ne plus avoir le temps. Une nouvelle vie, ailleurs et autrement, mais pas sans risques...

Découvrez, dans ce roman, le récit d'un homme de 40 ans qui voit sa vie prendre une nouvelle direction, non sans risques !

EXTRAIT

Habituellement, Quentin refuse toujours la deuxième bière que je ne manque pas de lui proposer, pas ce soir. Je l’accompagne d’un verre de vin rouge californien. La discussion porte évidemment sur la lettre de cette jeune et belle Scammer de Kazan. Les scammers sont des gens de l’Europe de l’Est, pour la grande majorité russe ou ukrainienne qui vogue sur la mode des Occidentaux mâles, américains canadiens ou d’Europe de l’Ouest en général à la recherche du grand amour d’une beauté slave. Elles (EUX) les scammers, sont plus à la recherche du naïf, du parfait pigeon.
Le scénario en est assez simple et souvent le même. La belle se présente à vous comme recherchant contacts et nouveaux amis à l’ouest. Ben voyons. Après deux ou trois échanges, la toute belle et créature de rêve est tombée folle dingue amoureuse de vous et de votre corps de quinquagénaire au crâne dégarni et vous assure que votre différence d’âge avec ses 18, 22 ou 31 ans ne pose absolument pas de problème et que c’est même exactement ce dont elle rêve depuis sa tendre enfance. Si, en plus, vous avez un cheval blanc, c’est encore mieux évidemment.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1962 Hubert Bonnier est issu d'une une famille modeste et très tôt choisit par passion, et contre l'avis de tous, le métier de boulanger. Mille aventures professionnelles et personnelles naîtront de ce choix. Aujourd'hui, 40 ans d'aventures et ballades autours de la terre grâce à un universel métier, en voici des choses à raconter : Congo ou Suède, Brésil et Ukraine, fournil de fond de cours ou maisons prestigieuses, Sdf et têtes couronnées, de l’amour et des coups de gueule, des fous ou ethnies ignorés de tous.
LanguageFrançais
Release dateJul 27, 2018
ISBN9782378773311
Ne viens pas à ton enterrement: Roman

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    Book preview

    Ne viens pas à ton enterrement - Hubert Bonnier

    Pièce 1

    Mon portable indique 3 h 17.

        Implacable précision de la technologie. Au moins les réveils d’antan nous laissaient-ils une part de rêve quant à la minute précise.

    En fait je le sais, il est 4 h 17. Bien que l’on soit mi-mai, je n’ai toujours pas changé l’heure d’hiver pour celle d’été. Je ne sais pas pourquoi au juste. J’ai changé les horloges de mon appartement, de ma voiture et aussi à mon boulot. Celle de mon lap-up s’est automatiquement mise à jour la nuit dite, mais je n’ai pas touché à celle de mon téléphone portable. Je transcris à chaque fois, point.

    Je n’ai jamais porté de montre. Le jour ne pointe pas encore vraiment. À travers les rideaux à la propreté douteuse de cette chambre d’hôtel, sans grand confort, pas même celui de la sécurité, je le veille.

    Nikolaïev.                                   

    Ville dévastée d’Ukraine, que je connais bien maintenant. Ou disons plutôt assez bien.

    Je ne suis pas d’ici. 

    L’amour, a conduit mes pas jusqu’ici, un peu par hasard la première fois, il y a de cela environ un an. On peut tomber amoureux sur le net, c’est vrai. Quoi de plus normal. Les temps modernes le veulent ainsi. Ou plus exactement quoi de plus anormal, plutôt que sur une piste de danse enfumée, un train qui descend ou un autre qui monte, un dîner entre « amis et collègues » ou dans un camping des Landes.

    Mais cette fois le mail n’était pas d’elle. Il était rédigé en anglais et disait :

      « Ne viens pas à ton enterrement »

    À la première lecture, j’ai d’abord cru à une faute de syntaxe

    de la part de son rédacteur. Pas longtemps. Il ne parlait pas de son enterrement à elle, la toute belle Inna, morte il y a deux jours mais bien du mien. Thank you men du conseil, mais tu vois, je suis là. Dans moins de deux heures, je serai debout. Debout dans cette ville redoutable. Me laissera-t-on le temps ?

    4 h 18. C’est fou comme la minute qui sépare deux skieurs en compétition et celle qui vous rapproche de votre fin programmée peuvent sembler à ce point différentes. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je fume des cigarettes, repense à notre histoire, ses secrets et mystères, ses bons moments à mes promesses. Je finis la bouteille de vin commandée au bar hier soir.

    J’ai parfois eu les flics ou des méchants balafrés à mes trousses à moins d’une minute là aussi…

    Mais je n’ai jamais eu aussi peur.

    Dieu qu’elle était belle.

    J’irai jusqu’au bout. Jusqu’au bout de cette histoire.

    Je ne me suis jamais tenu en très haut respect ni orgueil démesuré, mais je ne me suis pas pris non plus pour le dernier des nazes. J’ai toujours fait du mieux que j’ai pu. Honnêtement.

    Je te l’avais promis Inna, d’aller au bout. J’ai peur, mais ne tremble pas. C’est pour toi. Du moins je le crois.

    Pièce 2

    Quarante-sept ans.

        Le chiffre tourne en rond dans ma tête sans que je parvienne à y croire vraiment. Je sais pourtant ne plus être un gamin jouant aux petites voitures dans le sable depuis longtemps, mais ne me suis jamais pour autant vu comme un adulte, et toutes les responsabilités dont je me suis moi-même affublée au cours de ma vie ne m’ont toujours paru que des jeux qui les remplacent avantageusement. Inconsciemment je crois que j’ai toujours pensé que, comme les accidents, cela n’arrivait qu’aux autres. Je vois pourtant mon visage chaque matin dans la glace alors que je me rase sans que je pense ni ne cherche à lui donner un âge, et en tout cas, sûrement pas le mien.

    Les flûtes de champagne tintent autour de moi dans un joyeux brouhaha où l’on parle suédois, anglais, allemand mais aussi assyrien, langue de mes patrons, trois frères associés, qui ont organisé cette mini-fête pour moi.

    Pour mes quarante-sept ans. Je n’en crois pas mes oreilles ni mes yeux non plus. Adolescent, je m’étais pourtant promis de me suicider à trente ans pour ne pas finir comme tous ces vieux autour de moi, visage éteint et corps malhabile ; on se demande à cet âge-là ce qui peut bien encore les retenir dans ce monde. A trente ans je me suis dit que le chiffre de trente-trois serait plus symbolique, éducation catholique dans les règles de l’art oblige, office du dimanche, souliers vernis et dernier coup de peigne avant de sortir et puis les trois ans passeront vite. À trente-trois ans, je ne me souviens plus de l’excuse inventée pour surseoir à l’échéance. Probablement pris dans le tourbillon de la vie, mes amours, affaires et ce petit bout qui venait de naître ou avais-je tout simplement oublié cette promesse puérile qui d’ailleurs n’engageait que moi car je n’en avais jamais fait part à quiconque. 

    Je vois un peu plus loin les groupes de jeunes gens, les 25-30 ans, qui se sont rassemblés et discutent maintenant des préoccupations de leur âge après, il est vrai, avoir participé sincèrement et joyeusement au toast porté. Une très jolie Suédoise, Charlotte, vendeuse dans l’une de nos boutiques a tenu à me chanter un happy-birthday d’un accent et timbre de voix qui m’a furieusement rappelé celui de Maryline au président Kennedy. À la fin de la chanson je lui ai appris que selon la tradition française, une chanson d’anniversaire chantée par une jeune femme à un homme grisonnant se devait d’être récompensée d’un french kiss. Son air mi-paniqué mi-amusé a provoqué un éclat de rire général et spécialement celui des patrons, qui, en raison de leur appartenance ethnique voyagent beaucoup, ont des ramifications familiales dans le monde entier, et savent donc que cette tradition ne doit pas remonter très très loin dans l’histoire des traditions françaises. Probablement même tout spécialement inventée pour l’occasion. La toute belle Charlotte s’est prêtée de bonne grâce, après un dernier regard à la recherche de l’assentiment des patrons, à cette tradition un peu bizarre.

    « … mais avec ces F´ançais… ! »

    Et puis tout le monde a applaudi.

    Je m’appelle Jacques. J’ai 47 ans, suis français et vis en Suède depuis 6 mois. Cet anniversaire est très spécial pour moi. Spécial d’abord parce qu’il me permet d’inventer des « Traditions » pour embrasser de jolies Suédoises, mais surtout parce qu’il est le premier que l’on me souhaite dans ma nouvelle vie. L’année passée j’étais à Genève celle d’avant à Londres où personne ne savait que c’était mon anniversaire le 28 de ce mois-ci. Je ne suis même pas sûr d’y avoir moi-même prêté attention. J’ai grandi au sein d’une famille simple saine et équilibrée aux relations diverses et variées avec le voisinage mais sans guerre ni haine. Une partie de la famille appréciée et fréquentée et une autre partie soigneusement évitée mais toujours courtoisement et avec le sourire. Là non plus, pas la moindre guerre. Mes parents nous ont éduqué, mes frères, ma sœur et moi-même de manière assez serrée pour que l’on pousse droit, sans pour autant intervenir sur l’épanouissement distinct des uns et des autres. Cela n’était probablement pas le fruit d’une concertation mûrement et conjointement réfléchie de leur part, mais sûrement d’une marche tacite. Une famille où l’on ne dit pas de mots d’amour mais qui est partout présente avec en fil rouge le respect et la place de chacun. Une famille normale en somme à cette différence peut-être, que chez nous les anniversaires n’étaient pas un événement marquant. Parfois un gâteau fait maison, pas de cadeaux ni de bougies (ou alors une bougie trouvée in extremis dans un tiroir fourre-tout), ni même la fameuse chanson qui va avec. Cela ne correspondait pas, je crois, à un choix éducatif ou coercitif de la part de mes parents, juste une habitude de la maison, une « non-tradition ». Nous n’en souffrions pas ; les Noëls étaient eux bien au rendez-vous comme partout ailleurs, ainsi que le petit cadeau consolateur lors d’un alitement pour une bonne varicelle. Les dix ans, je crois, étaient marqués d’un petit extra et cadeau et les dix-huit ans très symboliques où j’avais demandé et reçu un Larousse illustré en plusieurs tomes.

    La mode des goûters-anniversaires avait pourtant débuté à cette époque chez les petits camarades de classe : grenadine, cadeaux et ballons accrochés à la porte pour indiquer aux parents la maison où ils devront déposer et reprendre un peu plus tard leurs bambins pour la fête du jour.

    Aujourd’hui au sein de cette petite fête organisée en mon honneur, ma famille, ma femme ni même ma fille ne sont là et ne me souhaiteront pas mon anniversaire, mais pour une tout autre raison que celle de la non-tradition de mon enfance. Je suis en rupture depuis plus de deux ans maintenant et personne ne sais où je suis, ni même si je suis vivant. La rupture de la quarantaine, me dit-on. Je ne suis pas un spécialiste en psy, cela est même très loin de mon domaine et façon d’être, de pensée et d’éducation, mais au moins pour avoir lu quelques articles (à la rigueur scientifique probablement douteuse) à ce sujet dans les salles d’attente des toubibs, je sais que cela existe. Le premier groupe des 25 — 30 ans vient de se disloquer. Certains n’étaient là qu’à la faveur de la coupure dans leur travail et se rappelant soudain la raison de leur présence ici m’adressent un petit geste amical au moment de franchir la porte. Je reste seul en discussion avec les vieux, les anciens, des gens de mon âge voire un peu plus jeunes. Samuel l’aîné et tête pensante des trois frères patrons ne participe déjà plus à la discussion que par de vagues sourires. Son esprit est déjà loin de nous, partagé à la consultation de sa montre qui lui indiquera le moment propice de s’éclipser à la faveur d’un « rendez-vous » sans paraître impoli ou désintéressé. Il me souhaitera un dernier joyeux anniversaire, tout sourire accompagné d’une tape sur l’épaule qui se voudra des plus amicales, mais qui, je le sais, sera condescendante. Munir, le plus jeune des trois avec lequel je partage le plus de temps et avec qui je m’entends vraiment bien, le plus simple aussi, me raconte avec moult détails son dernier accident de voiture. On me parle en anglais, car bien que cette entreprise suédoise d’environ cent personnes a nom et vocation française, tout spécialement la boulangerie, mon métier et passion depuis plus de trente ans, je suis le seul français. « Executive-head-chef-baker », sans problème de drogue, alcool, pertes d’argent au jeu ou sexuel débordant sur ma vie professionnelle comme tant d’autres « french-baker » qu’ils ont vu passer et disparaître au cours des 15 années passées de la vie de cette entreprise. Voilà pourquoi tout le monde m’aime bien ici et que cette petite réception a été organisée par les patrons him-self, alors que je ne suis en poste que depuis un peu moins de six mois. On mise beaucoup sur mes capacités professionnelles et sérieux affichés. Car si les boss sont, à n’en pas douter, des travailleurs acharnés et entrepreneurs redoutables, ils n’en sont pas moins parfaitement ignorants dans le domaine technique de ce métier, qui peut, par bien des points, se révéler complexe.

    J’écoute Munir, qui je crois en est à l’arrivée brutale du tram dans un ensemble déjà confus, comme un bouquet final de 14 juillet. Distraitement, je ne peux m’empêcher de penser que le pot pour mon départ en retraite dans très peu de temps, la canne à pêche en bonus track, ressemblera à ça. Le temps passe si vite, je le sais maintenant. Toutes ces années pour n’apprendre que ça ! Que le temps passe vite, si vite, sans que l’on n’y puisse rien, pas même une rupture violente et tonitruante de la quarantaine. Je lui souris. Ce type est vraiment sympa. Il m’appelle tous les soirs sur les coups de 19 heures, et alors même que nous avons passé une grande partie de la journée côte à côte, pour se dire deux trois conneries, s’assurer que tout va bien. En fait, et bien qu’il ne me l’ait jamais dit, pour être sûr que j’aurai au moins un coup de fil sur mon téléphone portable personnel par jour. Il est le seul à avoir instantanément et dès le début compris que malgré ma bonne humeur et enthousiasme affichés, je suis fragile ; au bord du gouffre.

    La plupart des trente personnes présentes sont maintenant parties, la musique arrêtée, Samuel envolé vers un rendez-vous important soudainement revenu à sa mémoire et nous ne sommes plus que cinq ou six encore présents qui rassemblons vaguement verres et bouteilles vides en continuant notre discussion dans la bonne humeur. Une équipe de nettoyage passera.

    Dans moins d’une heure, je serai seul dans mon appartement. Demain matin à mon poste de travail.

    Pièce 3

    47 ans et un jour.

          Le réveil sonne. Je devrais plutôt dire 47 ans et une nuit. Hier soir après la petite réception sympathique mais où j’ai aussi senti le vent de la canne à pêche de la retraite et l’hameçon qui me tirera bec en avant vers la sortie, je ne me sentais guère de rentrer directement dans la solitude de mon appartement. Un bel appartement au rez-de-chaussée, grand séjour et grande chambre, une cuisine équipée et même mini terrasse privative et jardinet au cas où j’aurais la main verte, même si ce matin c’est plutôt le foie qui en arbore la couleur. Il se situe dans l’une des barres d’un ensemble organisé autour d’un vaste square arboré et « pelouses » qui rendent l’ensemble très agréable. Les gosses y jouent au ballon, les habitants s’y déplacent en vélo, se baladent et se rencontrent. Si d’aventure une paire de gants, un bonnet ou un porte-monnaie y est retrouvé au sol, alors il sera déposé sur le muret le plus proche en attendant que son propriétaire chemin arrière faisant ne le retrouve. Le porte-monnaie sera alors toujours plein de ses valeurs et papiers, pas même fouillé, les gants par deux et le bonnet sans une tête prête à t’accuser de racisme à l’intérieur. Je le précise des fois que vous viviez dans un de ces endroits de notre planète et proche banlieue où cela est improbable. L’ensemble de ce quartier est légèrement relevé du niveau moyen des rues autour de nous mais que nous ne percevons pas d’ici. Au-dessous se trouve un immense parking que je traverse chaque matin pour rejoindre l’entrée arrière de mon boulot dont la boutique donne sur l’une des grandes avenues qui se jettent quelques dizaines de mètres plus bas dans le cœur même de Göteborg, Gutenberg, Götenberg... Le nom de la ville s’écrit et se prononce indifféremment de plus de six manières différentes et à ceux qui s’en étonnent, le proverbe dit « qu’un enfant aimé a lui aussi plusieurs noms ». Je me sens très bien dans cet appart, d’où l’on ne voit pas la mer mais entend régulièrement les sirènes des bateaux entrant au port et le cri des mouettes. Je le tiens propre et l’ai décoré patiemment en essayant d’éviter les plus gros pièges tendus par l’inévitable hégémonie IKEA locale et le suicide des brocanteurs, décorateurs blonds à Volvo break et blanche ou leur expatriation définitive pour la Finlande. Mais personne n’est jamais venu me rendre visite et n’a pu constater cette petite victoire sur le géant du kit. Non pas parce que je ne l’ai pas proposé à des collègues de boulot ou à une rencontre ici ou là, mais parce que la réponse est toujours la même. Ici en Suède on rentre chez soi et les relations aussi chaleureuses et bienveillantes soient-elles, restent toujours à la porte de la maison. Alors j’ai traîné un peu en ville. Deux ou trois bars, où j’ai mes habitudes qui n’en sont pas vraiment, quelques verres de red wine, deux ou trois gin-tonics. Quoi de plus facile que ce toboggan sans personne à en entraver l’accès, mais non plus ma maman à la réception pour prévenir d’une mauvaise chute. À mon époque les gamins ne portaient pas de genouillères de protection, casque fun et fluo en carbone de marque à prix élevé. Seuls le regard de la maman et son inquiétude nous enveloppaient de son bouclier protecteur et les écorchures aux genoux pour tout apprentissage. Je picole un peu trop ces derniers temps, je le sais, je le sens, même si je n’ai pas encore besoin de genouillère pour rentrer ni de casque de type californien arborant signes mystérieux et de reconnaissance tel un tatouage moderne sur la poitrine des jeunes hommes ou bas des reins et ras du string des jeunes femmes. Je me sens très seul parfois dans ce choix de vie, pourtant assumé, dont je suis fier. J’ai croisé des gens, échangé quelques mots, ceux des voyageurs, ceux des rencontres furtives, ceux des gens qui traînent dans les bars. Toujours les mêmes et ici tout spécialement car dès qu’ils comprennent que je suis français, ils se croient obligés de me sortir les quelques mots ou bouts de phrases appris à l’école il y a bien longtemps et oubliés depuis des lustres. « Bonjour madame, essktu vas bien ? Je voudra manger de le salade » et bien sûr le sempiternel « Voulez-vous coucher avec moi ce soir ? » dans un fou rire général et un peu gêné car pas tout à fait sûrs de ce qu’ils venaient de dire. Suit une vague discussion sur l’indispensable universalité de l’anglais et très vite mes progrès et possibilités de parler suédois. Je leur réponds que bien sûr je ne demande qu’à apprendre, mais que dans un premier temps je me concentre sur le perfectionnement de mon anglais qui pour moi était encore inconnu il y a très peu de temps. Eh oui, funckies frenchies, la tour Eiffel c’est pas la tour de Babel. Ça se saurait. Là, dans leur déception je lis le plus souvent avec soulagement la fin très prochaine de ces discussions qui m’emmerdent, sans valeur ni construction. « Voulez-vous coucher avec moi ce soir ? » Oui, là tout de suite t’es sûr ? Qu’est qu’on fait, on remet la salade dans le placard d’où elle est sortie, non ? Les Suédois sont comme les autres pour un monde réuni dans un même élan, à condition toutefois de parler leur langue. Pourtant ici, toutes les personnes de 5 à 97 ans parlent deux voire trois ou quatre langues couramment. Et mon inaptitude à parler leur langue chérie nationale s’explique d’abord par la facilité à m’exprimer anywhere et parfaire mon anglais. Anglais dont deux ans plus tôt je ne connaissais pas le moindre mot. Déjà que léger dyslexique et surtout victime de la méthode globale imposée « modernement » par

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