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Tu n'auras pas d'enfant: Journal d'une femme qui ne voulait pas baisser les bras
Tu n'auras pas d'enfant: Journal d'une femme qui ne voulait pas baisser les bras
Tu n'auras pas d'enfant: Journal d'une femme qui ne voulait pas baisser les bras
Ebook156 pages2 hours

Tu n'auras pas d'enfant: Journal d'une femme qui ne voulait pas baisser les bras

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About this ebook

Alors embourbée dans un parcours de PMA difficile à l’issue très incertaine, Cécilia Viala a cherché du réconfort auprès de femmes qui ont vécu les mêmes épreuves qu’elle, et qui se sont servies de leur infertilité comme d’une force de création. Elles sont aujourd’hui célébrées pour leur art, mais comment Karen Blixen, femme de lettres danoise, Frida Kahlo, peintre mexicaine, et Marilyn Monroe, actrice américaine, ont-elles surmonté les épreuves liées à leur infertilité ? Comment les ont-elles transformées en énergie créatrice ?
Mêlant témoignage sans complaisance sur le monde de la PMA aujourd’hui et réflexions sur le sens de l’infertilité dans nos sociétés contemporaines, Cécilia Viala donne du sens à une expérience intime, traumatisante et qui touche pourtant de plus en plus de monde.
Voici le livre qu’elle aurait aimé lire lorsqu’elle se sentait si seule dans ce parcours éreintant.
LanguageFrançais
Release dateMay 7, 2020
ISBN9782390094647
Tu n'auras pas d'enfant: Journal d'une femme qui ne voulait pas baisser les bras

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    Tu n'auras pas d'enfant - Cécilia Viala

    Churchill

    Introduction

    De la putasserie de DNLP aujourd’hui

    Le calvaire est long.

    Au début, on compte en mois (les cycles : C1, C2, C3… t’es tombée enceinte à quel cycle toi ?). Puis en années. Avec la terreur qu’il dure enfin toute la vie. Qu’il redessine le passé sous une nouvelle lumière, sombre, et l’avenir entièrement noir. Le présent ? Le présent, lui, n’existe plus du tout. Avalé en même temps que les traitements.

    Mais je devrais peut-être dire le combat ? C’est souvent le type de vocabulaire qu’on entend et qu’on emploie presque naturellement quand on est plongé dedans. « On a perdu la bataille, mais pas la guerre… », « il faut se reposer et reprendre des forces avant la prochaine tentative », « ne pas perdre espoir », « c’est un parcours du combattant »… Mais qui est l’ennemi dans cette improbable bataille ?

    Contre qui bander les muscles, à qui montrer les dents ? Contre DNLP, Dame Nature la Pute, comme on dit entre nous, entre couples infertiles ? Elle semble être une ennemie bien injustement désignée. DNLP n’est-elle pas la victime désignée, évidente, de nos modes de vie extravagants ? N’est-elle pas la chose fragile constamment malmenée, l’agonisante de tous les jours détruite un peu plus par l’Homme victorieux et impitoyable, maître et possesseur de la nature, justement ?

    Contre les médecins, qui proposent des traitements inopérants, et qui, irrémédiablement, finissent par avouer leur impuissance en déclarant des généralités du type « Vous savez, il y a bien des choses qu’on ne maitrise pas en médecine de la reproduction » ?

    Contre les fertiles, ce peuple de sapiens bruyants et turbulents qui, fatigués par la tâche éreintante d’élever la prochaine génération qui continuera à souiller la terre, n’ont pas une seule seconde de considération à accorder à des individus aussi gauches que ces éclopés d’infertiles — « si vous voulez on vous donnera des positions qui marchent bien, haha » ?

    Alors ? Alors, il n’y a rapidement plus rien contre qui, contre quoi se retourner ; les infertiles d’aujourd’hui méritent leur situation et paient le prix fort. Alors que s’ajoutent à l’infini, tels les déchets dans nos décharges, les mauvaises nouvelles d’un monde sur le déclin, qui montrera un peu de compassion pour ces couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants ? Qui reconnaitra leur malheur invisible ? Qui, enfin, reconnaitra qu’ils sont en deuil, alors qu’il n’y a littéralement rien à mettre en terre et que chaque tentative échouée représente une perte de plus ?

    Dans la lutte impitoyable pour la reconnaissance des victimes de ce monde, les infertiles sont bien mal partis. Ils sont (généralement) en bonne santé, ont un toit sur leur tête et de la nourriture dans leur assiette. Leur sort intéresse moins que celui des hérissons. Et vraiment, à bien y penser, c’est compréhensible. Un hérisson, c’est mignon. C’est innocent. Fragile. Qui a véritablement envie de voir plus de bébés sapiens geignards et dépendants sur une Terre qui semble déjà trop pleine ? Neuf milliards de personnes en 2050. Ça coûte cher, la PMA. Et en plus, c’est dangereux, non ? Une pente savonneuse vers l’eugénisme… Qu’on laisse DNLP décider !

    De leur entrée en PMA, comme on entre au purgatoire

    Notre aventure — c’est le premier mot qui me vient à l’esprit et, quand on y pense, c’est véritablement formidable ! « Aventure », comme cela semble romantique ! Quelle partie tordue de mon cerveau a-t-elle décidé à cette seconde précise que le mot « aventure » était sans aucun doute le plus approprié ? Dois-je comprendre qu’une partie de moi-même considère cette « chose qui nous arrive », ou plutôt qui ne nous arrive pas, comme une expérience exceptionnelle, hors du commun, comme digne d’intérêt, valant le coup d’être racontée ? Sans doute. Mais je dois immédiatement ajouter que j’aurais donné beaucoup pour ne pas la vivre. Comme si j’avais peur de pouvoir tirer quelque chose de positif de ce bourbier dégoutant.

    Tout a commencé par la plus banale des décisions — se reproduire —, dans le plus banal des quotidiens de l’Occident contemporain d’un couple monogame hétérosexuel blanc. Quel ennui !

    Tout a continué par des mois de rapports quand il fallait, et la douleur et le sang, invariablement au rendez-vous, là, quand on les attend. Impeccablement à l’heure, le sang, ad nauseam. Je pense parfois, souvent, que mon corps devrait être objet d’études scientifiques : adieu contraception polluante, effroi d’une grossesse non désirée, bonjour stérilité naturelle, sexualité sans contrainte ! Mon corps exceptionnel… De quelle liberté j’aurais pu jouir si j’avais eu 20 ans dans les années soixante-dix ! Une hippie parfaite !

    Puis arrive le printemps de l’an I, l’entrée en PMA. Comme on entre au purgatoire, la mort dans l’âme, mais persuadés qu’on va s’en sortir. C’est sûr. Nous ne sommes pas plus mauvais que les autres, non ? Et puis on voit les chiffres. Un couple sur deux sort de la PMA sans enfant. On relit, pas sûrs d’avoir bien saisi. D’avoir intégré ce que cela signifie. Un couple sur deux sort de la PMA sans enfant. Personne ne nous l’a jamais dit, d’ailleurs. Cela fait partie des informations que l’on glane par soi-même, quand on se rend compte, rapidement, que l’autoformation est plus que jamais nécessaire. Qu’on ne peut compter que sur nous-mêmes. Et sur quelques autres copains de galère, éventuellement. Un couple sur deux sort de la PMA sans enfant. Boum. Un sur deux. Tiens, prends-toi ça dans la gueule. 50/50. Fifty-fifty. Dans tous les sens, on n’est pas très sereins.

    Mais ça ne peut pas être nous. Ça ne sera pas nous. Nous, on est plus forts.

    Des infertiles célèbres, à l’origine

    « Lorsque Rachel vit qu’elle ne donnait point d’enfants à Jacob, elle porta envie à sa sœur, et elle dit à Jacob :

    Donne-moi des enfants, ou je meurs ! »

    Genèse, 30 : 1-24

    Assez tôt dans le parcours de PMA, je me suis demandé vers qui me tourner. Autour de moi les annonces de grossesse pleuvaient, rien de nouveau sous le soleil, j’étais dans la trentaine, c’était la France. Impossible d’échapper à l’engouement français pour la maternité, dans la rue, au travail, en vacances, partout, oppressantes, des femmes enceintes. Et qui étais-je pour les juger ? Mais étais-je donc la seule à me trouver dans cette situation désespérée ? Au-delà des forums bordéliques et trop souvent mal écrits, les blogs ont constitué assez vite des ressources rassurantes pour sapiens grégaires. Oh ! des gens comme moi. Je n’étais pas seule. Des femmes (dans leur écrasante majorité) qui écrivent bien, régulièrement. Leurs parcours complets étalés au grand jour comme une source quasi infinie où puiser réconfort auprès d’autres êtres souffrants. L’humour dont font preuve certain(e)s bloggeurs/euses est incroyable, touchant. Mais c’est une forme d’apaisement toujours ambigüe, et c’est l’ADN même de ce genre de site à durée de vie – tout le monde l’espère – limité. Si le parcours en PMA de la bloggeuse est rapide, si, par exemple, elle tombe enceinte à la deuxième insémination¹, alors c’est un sentiment de colère et de dégout qui peut saisir la lectrice de l’ombre. Enceinte à la deuxième insémination ? Et tu viens nous saouler avec ton désespoir de façade ? Voilà bien une fertile impatiente qui s’est glissée chez les infertiles, tel le loup dans la bergerie, pour glaner une compassion qui n’est pas méritée. Des pensées sitôt suivies de culpabilité, de honte. Mais qui pense ainsi, franchement ? (Blâmez DNLP.) Si le parcours de la bloggeuse est long, difficile, désespérant, la lecture est douloureuse et empreinte d’empathie, mais également, inévitablement, d’une pointe de satisfaction. Je ne suis pas la seule à galérer, et j’espère que tu galéreras encore longtemps, j’espère que tu seras là, avec moi, ne me laisse pas seule dans ce trou noir. Les blogs sont utiles, mais ne peuvent pas nourrir un besoin plus profond de sens, car le succès du traitement arrache immédiatement de la communauté des losers celle ou celui qui écrit. La communauté des « childless », les sans-enfants contraints et forcés (par opposition aux « childfree » qui décident de ne pas avoir d’enfants), s’organise petit à petit sur l’Internet français, mais il faut retourner dans le passé pour trouver une nourriture plus roborative.

    Étonnamment (étonnamment, d’abord parce que je n’y connaissais rien, et ensuite parce que je n’imagine pas qu’il y ait eu tant de problèmes d’infertilité que ça au moment où elle est écrite, au plus tôt au VIIIe siècle av. J.-C., à moins que le discours contemporain sur la chute de la fertilité ne soit trop dramatisé ?), la Bible est truffée d’histoires de femmes infertiles qui doivent attendre des années avant de mettre au monde un enfant. Sans aucun doute, la fonction de ces histoires n’est pas de souligner un quelconque problème biologique à l’époque, mais bien plutôt leur portée symbolique. L’Ancien Testament rappelle sans arrêt aux femmes qu’elles ne décident pas quand elles auront un enfant, mais qu’il s’agit bien d’un don de Dieu : elles doivent se soumettre à sa volonté, et de cette soumission plus ou moins heureuse, de cette reconnaissance de leur impuissance, de cette humiliation naitra peut-être un enfant. La soumission à Dieu ou au destin ? La différence entre le croyant et le non-croyant…

    Ainsi, Sarah est la deuxième femme importante à apparaitre dans la Bible après Ève. La mère de toutes les infertiles, « femme du désir et du manque, femme des éternels déracinements »². Mariée à Abraham, elle doit attendre d’approcher 100 ans (!) avant de mettre au monde Isaac (« Dieu rit », le prénom de plume que se choisira Karen Blixen). L’annonce de cette naissance a été faite un an auparavant par un envoyé de Dieu, et Sarah, en l’entendant parler à son mari, aurait ri devant le ridicule (ou la joie ?) d’une telle affirmation. C’est ce rire qui la rend éminemment sympathique à mes yeux. Je me l’imagine sardonique, aigu, cassant, puissant, afin que ces envoyés de Dieu comprennent bien la valeur qu’elle accorde à leurs dires. Un bon gros LOL des familles. Sans doute suis-je complètement à côté de la plaque. Mais c’est ma Sarah. Et pourtant, un an plus tard, le miracle divin vient au monde. Joie et soumission à la volonté de Dieu.

    Isaac (qui déjà a failli passer sur le bucher !) et sa femme Rebecca vont bien galérer eux aussi, vingt ans (!), avant de donner naissance à des jumeaux, Ésaü et Jacob. Et devinez quoi ? Jacob à son tour épouse Rachel, mais Dieu, un brin pervers, pimente

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