Ma confession: Suivi de "Ce qu'un chrétien peut faire et ce qu'il ne peut pas faire"
By León Tolstói
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Peu après avoir écrit Anna Karénine, autour de l’âge de cinquante ans, Léon Tolstoï traversa une profonde crise existentielle qui allait le mener à devenir un prophète des temps modernes et l’inspirateur de millions de consciences.
Ma Confession, écrit en 1879, est le récit de cette crise. Tolstoï en livre un texte « ramassé », simple, parlant à tout être humain; réceptacle de toute les interrogations qui le hantaient depuis son enfance: « Qu’est-ce qui sortira de ce que je fais aujourd’hui ? de ce que je ferai demain ? Qu’est-ce qui sortira de toute ma vie ? » et « Quel est le sens de la vie ? », questions demeurant sans réponses pour lui, finissant par transformer sa manière de concevoir Dieu et la foi et qui ne pouvait que se heurter à l’Église orthodoxe et à tout dogme établi.
Censuré par l’Église, publié en russe à l’étranger en 1884, la Confession de Tolstoï est ici suivie de Ce qu’un chrétien peut faire et ce qu’il ne peut pas faire, court texte qui témoigne de ce que fut l’aboutissement de cette crise : la volonté inaltérable de Tolstoï de transmettre le message des Évangiles dans toute sa simplicité et sa pureté.
Découvrez le récit autobiographique du célèbre auteur russe à un moment de sa vie où il traverse une crise de mélancolie existentielle...
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Une oeuvre bouleversante. Des écrits autobiographiques d'une grande force spirituelle, le chant d'une âme seule face à l'obsession de la mort. -Aela, Babelio
León Tolstói
<p><b>Lev Nikoláievich Tolstoi</b> nació en 1828, en Yásnaia Poliana, en la región de Tula, de una familia aristócrata. En 1844 empezó Derecho y Lenguas Orientales en la universidad de Kazán, pero dejó los estudios y llevó una vida algo disipada en Moscú y San Petersburgo.</p><p> En 1851 se enroló con su hermano mayor en un regimiento de artillería en el Cáucaso. En 1852 publicó <i>Infancia</i>, el primero de los textos autobiográficos que, seguido de <i>Adolescencia</i> (1854) y <i>Juventud</i> (1857), le hicieron famoso, así como sus recuerdos de la guerra de Crimea, de corte realista y antibelicista, <i>Relatos de Sevastópol</i> (1855-1856). La fama, sin embargo, le disgustó y, después de un viaje por Europa en 1857, decidió instalarse en Yásnaia Poliana, donde fundó una escuela para hijos de campesinos. El éxito de su monumental novela <i>Guerra y paz</i> (1865-1869) y de <i>Anna Karénina</i> (1873-1878; ALBA CLÁSICA MAIOR, núm. XLVII, y ALBA MINUS, núm. 31), dos hitos de la literatura universal, no alivió una profunda crisis espiritual, de la que dio cuenta en <i>Mi confesión</i> (1878-1882), donde prácticamente abjuró del arte literario y propugnó un modo de vida basado en el Evangelio, la castidad, el trabajo manual y la renuncia a la violencia. A partir de entonces el grueso de su obra lo compondrían fábulas y cuentos de orientación popular, tratados morales y ensayos como <i>Qué es el arte</i> (1898) y algunas obras de teatro como <i>El poder de las tinieblas</i> (1886) y <i>El cadáver viviente</i> (1900); su única novela de esa época fue <i>Resurrección</i> (1899), escrita para recaudar fondos para la secta pacifista de los dujobori (guerreros del alma).</p><p> Una extensa colección de sus <i>Relatos</i> ha sido publicada en esta misma colección (ALBA CLÁSICA MAIOR, núm. XXXIII). En 1901 fue excomulgado por la Iglesia Ortodoxa. Murió en 1910, rumbo a un monasterio, en la estación de tren de Astápovo.</p>
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Ma confession - León Tolstói
TCHERTKOV.
INTRODUCTION À LA CRITIQUE DE LA THÉORIE DOGMATIQUE ET À L’EXAMEN DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE
I
J’ai été baptisé et élevé dans la religion chrétienne orthodoxe. On me l’enseigna dès l’enfance, pendant mon adolescence et ma jeunesse. Mais à dix-huit ans, quand je terminai ma seconde année de l’université, je ne croyais déjà plus à rien de ce qu’on m’avait appris.
Et même certains souvenirs me donnent à penser que je n’avais jamais cru sérieusement. J’avais confiance en ce que l’on m’enseignait, en ce que confessaient devant moi les plus grands. C’était tout. Cette confiance était d’ailleurs très chancelante.
J’avais à peu près onze ans, lorsqu’un garçon mort depuis longtemps, Volodienka M..., élève du lycée, vint chez nous un dimanche et nous annonça, comme une nouvelle toute fraîche, la découverte faite au lycée : Dieu n’existait pas, et tout ce qu’on nous enseignait n’était que balivernes. (Cela se passait en 1838.) Je me rappelle que mes frères aînés, excités par cette nouveauté, m’appelèrent, et que tous, très animés, nous acceptâmes cette découverte comme quelque chose de très intéressant et de très possible.
Je me rappelle encore que mon frère aîné Dmitri, alors étudiant à l’Université, s’adonna tout d’un coup, avec la passion propre à sa nature, aux pratiques religieuses. Il se mit à suivre tous les sermons, à jeûner, à mener une vie chaste, pure et morale, et alors nous tous, même les plus âgés, nous nous moquâmes de lui, l’affublant, je ne sais pourquoi, du sobriquet de Noé. Je me rappelle aussi que Moussine-Pouchkine, recteur de l’Université de Kazan, nous invitait à danser, et raillant notre frère qui déclinait ces invitations, lui disait que David lui-même avait dansé devant l’Arche. J’appréciais alors ces plaisanteries des grandes personnes, et j’en tirais la conclusion qu’il fallait apprendre le catéchisme, aller à l’église, mais qu’il ne fallait pas prendre tout cela trop au sérieux. Je me souviens encore qu’étant très jeune, je lisais Voltaire, et que ses moqueries, loin de me révolter, m’amusaient beaucoup.
Mon détachement de la religion se fit comme il arrivait jadis et comme il arrive maintenant aux personnes de notre monde. Il me semble que, dans la plupart des cas, cela se passe de la façon suivante : les hommes vivent comme tout le monde vit, et tout le monde vit en se fondant sur des principes qui non seulement n’ont rien de commun avec la religion mais qui, le plus souvent, lui sont contraires. La religion n’a pas de place dans notre vie. Dans nos rapports avec le prochain, il ne nous arrive jamais de la rencontrer, et dans notre propre existence, nous ne la consultons jamais. La religion trouve son application quelque part, là-bas, loin de la vie et indépendamment d’elle. Si l’on se trouve en contact avec elle, c’est comme avec un phénomène extérieur, nullement lié à la vie.
D’après la vie d’un homme, d’après ses actes, maintenant comme alors, on ne peut jamais savoir s’il croit ou non. S’il y a une différence entre celui qui confesse ouvertement l’orthodoxie et celui qui la nie, elle n’est jamais à l’avantage du premier. Aujourd’hui comme alors, l’aveu et la pratique de l’orthodoxie se rencontrent le plus souvent chez des hommes stupides, cruels, et qui se jugent très importants ; tandis que l’intelligence, l’humilité, la droiture, la simplicité, le sens moral se rencontrent de préférence chez des gens qui se disent incrédules.
Dans les écoles, on enseigne le catéchisme et l’on envoie les élèves à l’église. On exige des fonctionnaires des certificats de communion, mais un homme de notre monde, qui n’est plus écolier et n’est pas fonctionnaire d’État, à présent, et jadis davantage encore, peut vivre des dizaines d’années sans se rappeler une seule fois qu’il vit parmi des chrétiens et que lui-même passe pour pratiquer la religion chrétienne orthodoxe.
De sorte que, maintenant comme autrefois, la doctrine religieuse acceptée de confiance et soutenue par quelque pression extérieure, disparaît peu à peu sous l’influence de la connaissance et de l’expérience de la vie, qui sont contraires à la religion. Et cependant, très souvent, un homme vit en s’imaginant avoir gardé intacte cette religion enseignée dès l’enfance, tandis que depuis longtemps il n’en reste plus trace.
S..., un homme intelligent et sincère, m’a raconté comment il cessa de croire. Il avait vingt-six ans, lorsqu’un jour, à la chasse, avant d’aller se reposer, par une vieille habitude d’enfance, il se mit à prier. Son frère aîné, qui chassait avec lui, était étendu sur le foin et le regardait. Comme S..., ayant terminé sa prière, allait se coucher aussi, son frère lui dit : « Ah ! tu le fais toujours ? » Rien de plus ne fut dit, et, à dater de ce jour, S... cessa de prier et d’aller à l’église ; ce n’était point qu’il connût les convictions de son frère et les partageât, ni qu’en son âme, il eût pris une décision quelconque, mais uniquement parce que la parole prononcée par son frère avait été la légère poussée imprimée au mur prêt à s’effondrer, entraîné par son propre poids. Cette remarque lui indiqua seulement qu’à l’endroit où il croyait que la foi résidait il n’y avait plus qu’une place vide, de sorte que les paroles qu’il prononçait, les signes de croix et les génuflexions qu’il faisait en priant n’étaient que des actes parfaitement stupides. Leur insanité une fois reconnue, il ne pouvait plus les répéter.
C’est ce qui doit arriver, je pense, pour l’immense majorité. Je parle des hommes de notre culture, des gens sincères vis-à-vis d’eux-mêmes et non de ceux qui ne voient dans la religion que le moyen d’atteindre quelque but éphémère. Ceux-ci sont le plus foncièrement athées. En effet, si pour eux la religion n’est qu’un moyen d’arriver à n’importe quel but, alors ce n’est plus la religion. Pour les hommes de notre culture, la lumière de la science et de la vie fait s’écrouler ce fragile édifice, qu’ils aient remarqué la place vide, en eux-mêmes, ou qu’ils ne l’aient pas encore aperçue.
La croyance qui me fut inculquée dès l’enfance s’en est allée de moi comme des autres, avec cette différence qu’ayant lu dès l’âge de quinze ans des ouvrages philosophiques, mon détachement de la religion fut conscient de très bonne heure.
À l’âge de seize ans j’avais cessé de prier, par ma propre impulsion ; j’avais cessé d’aller à l’église, de faire mes dévotions ; je ne croyais plus en ce qu’on m’avait enseigné dès l’enfance, mais je croyais à quelque chose. À quoi ? Je ne pourrais nullement le dire. Je croyais en Dieu, ou plutôt je ne niais pas Dieu ; mais quel Dieu ? Je ne savais. Je ne niais pas le Christ et sa doctrine, mais en quoi consistait cette doctrine, je ne l’aurais pu dire.
Aujourd’hui, en me rappelant ce temps, je vois clairement que ma religion, — ce qui, en dehors des instincts bestiaux, guidait ma vie — ma vraie croyance d’alors, était ma foi dans le perfectionnement. Mais en quoi consistait ce perfectionnement, quel était son but, je ne le savais point. Je tâchais de me perfectionner intellectuellement ; j’apprenais tout ce que je pouvais, tout ce vers quoi me poussait la vie. Je m’efforçais de perfectionner ma volonté ; je m’étais composé des règles que j’essayais d’observer. Je me perfectionnais physiquement par toutes sortes d’exercices corporels et en m’habituant à l’endurance par des privations diverses. Tout cela me semblait être le perfectionnement. Sans doute, au-dessus de tout, il y avait le perfectionnement moral, mais, bientôt, il fut remplacé par le perfectionnement en général, c’est-à-dire par le désir de me rendre meilleur, non pas à mes propres yeux ou aux yeux de Dieu, mais aux yeux des autres hommes. Bientôt cette tendance fit place elle-même au désir d’être plus fort que les autres hommes, c’est-à-dire plus célèbre, plus important et plus riche qu’eux.
II
Un jour je raconterai l’histoire de ma vie, histoire touchante et instructive, pendant ces dix années de ma jeunesse. Je crois que beaucoup ont éprouvé les mêmes sentiments. De toute mon âme je désirais être bon, mais j’étais jeune, j’avais des passions, et j’étais seul, absolument seul pour chercher le bien. Chaque fois que j’essayais d’exprimer mon désir le plus intime : celui d’être moralement bon, je ne rencontrais que mépris et moqueries, mais aussitôt que je m’adonnais aux vilaines passions, on me louait, on m’encourageait.
L’ambition, l’amour du pouvoir, de l’argent, le luxe, l’orgueil, la colère, la vengeance, tout cela était respecté. En me livrant à ces passions, je devenais semblable à un homme, et je sentais qu’on était content de moi. Ma bonne tante, chez qui je vivais, et qui était l’être le plus pur au monde, me disait toujours qu’elle ne désirait rien tant pour moi qu’une liaison avec une femme mariée : « Rien ne forme un jeune homme comme une liaison avec une femme comme il faut. » Elle me souhaitait encore un autre bonheur : celui d’être aide de