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Prévention des problèmes d'adaptation chez les enfants et les adolescents: Tome 2 : Les problèmes externalisés
Prévention des problèmes d'adaptation chez les enfants et les adolescents: Tome 2 : Les problèmes externalisés
Prévention des problèmes d'adaptation chez les enfants et les adolescents: Tome 2 : Les problèmes externalisés
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Prévention des problèmes d'adaptation chez les enfants et les adolescents: Tome 2 : Les problèmes externalisés

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Cet ouvrage vise deux objectifs: cerner les facteurs de risque et de protection associés à une variété de problèmes d'adaptation chez les jeunes et, surtout, décrire les programmes de prévention disponibles en insistant sur ceux qui se sont révélés efficaces. Plusieurs éléments d'ordre théorique et méthodologique sont abordés au passage. Enfin, certains enjeux sociopolitiques sont débattus. L'ouvrage s'adresse aux étudiants, chercheurs et praticiens qui veulent faire le point sur les connaissances actuelles en matière de prévention auprès des jeunes. Ce deuxième tome traite des problèmes externalisés tels que l'échec scolaire, l'abandon prématuré des études, l'hyperactivité, la violence, le trouble des conduites, la délinquance, la consommation abusive ou précoce de psychotropes, le jeu pathologique, la violence dans les relations amoureuses, les grossesses précoces et les maladies transmissibles sexuellement.
LanguageFrançais
Release dateJan 1, 2003
ISBN9782760528109
Prévention des problèmes d'adaptation chez les enfants et les adolescents: Tome 2 : Les problèmes externalisés

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    Prévention des problèmes d'adaptation chez les enfants et les adolescents - Frank Vitaro

    Canada

    QUELLE EST L’ORGANISATION GÉNÉRALE DU LIVRE ?

    Les chapitres sont regroupés en deux tomes et chacun d’eux comprend une douzaine de chapitres. Outre l’introduction, le tome I présente deux séries de textes. La première série de quatre textes aborde des éléments conceptuel et d’ordre stratégique. Les aspects couverts sont le dépistage des individus ou des groupes à risque, l’évaluation des programmes de prévention, les stratégies pour motiver les parents à participer à des programmes de prévention et pour intervenir auprès et par l’entremise des parents. Le tome I comprend aussi une section de sept chapitres faisant le tour des programmes de prévention centrés sur les problèmes internalisés ou sur les situations à risque : anxiété, dépression, suicide, problèmes d’attachement, transitions familiales, abus et négligence, abus sexuels.

    Le tome II comprend 11 chapitres exposant divers problèmes de type externalisé, tels que l’échec scolaire, l’abandon prématuré des études, l’hyperactivité, la violence, le trouble des conduites, la délinquance, la consommation abusive ou précoce de psychotropes, le jeu pathologique, la violence dans les relations amoureuses, les grossesses précoces et les maladies transmissibles sexuellement. La conclusion fait aussi partie du tome II.

    La décision de publier cet ouvrage en deux tomes est motivée par la volonté de réduire le coût d’achat et de favoriser une plus grande circulation de chaque tome. Toutefois, il ne faut pas oublier que les deux tomes constituent un tout.

    Chaque chapitre débute par une définition de la problématique et un rappel des difficultés que cette tâche représente. Les taux de prévalence sont ensuite passés en revue ainsi que les facteurs de risque associés à la catégorie de problèmes à l’étude. Les facteurs de risque sont regroupés selon leur nature ou leur origine : personnelle, génétique, familiale, scolaire, sociale ou socioéconomique. S’il y a lieu, les facteurs de protection sont également décrits. Enfin, sont abordés les programmes de prévention, surtout de type primaire, ayant subi l’épreuve d’une évaluation rigoureuse selon un devis expérimental ou quasi expérimental, comme nous l’avons indiqué précédemment. Les programmes de prévention, souvent à volets multiples, sont regroupés selon leur contexte de réalisation. La description de ces programmes est précédée d’une recension des facteurs de risque et de protection, eux-mêmes réunis suivant la sphère de fonctionnement où ils se manifestent : société, communauté, école-quartier, groupe de pairs, famille, individu. Ces programmes de prévention sont surtout d’inspiration américaine, mais plusieurs références à des études de prévention menées dans quelques pays européens, au Canada anglais et au Québec sont également incluses. Les programmes de prévention sont regroupés selon l’âge des enfants auxquels ils s’adressent, selon le contexte où ils se déroulent (famille, garderie, école, communauté) ou selon les objectifs qu’ils poursuivent. Une attention particulière est accordée à l’évaluation des effets, à court et à long terme, de même qu’à l’évaluation de la mise en œuvre de ces programmes de prévention.

    Chaque chapitre se termine par la proposition d’un programme de prévention optimal à la lumière des connaissances actuelles. La conclusion, quant à elle, tente de faire ressortir ce que le découpage des problèmes d’adaptation psychosociale en catégories plus ou moins distinctes comporte d’artificiel. Compte tenu des liens de parenté soulignés précédemment, nous proposons au contraire une vision unifiée des problèmes d’adaptation psychosociale et des programmes de prévention destinés à les contrer.

    Cet ouvrage collectif ne constitue pas une recension exhaustive des études faisant état de la prévalence, des facteurs de risque et des programmes de prévention des divers problèmes d’adaptation chez les enfants et les adolescents. Il s’agit plutôt d’une recension d’études illustrant les difficultés qui se posent sur divers plans : sur le plan des concepts et des définitions : sur le plan de la multiplicité des instruments de mesure et taux de prévalence variables selon les critères retenus ; sur le plan de la définition des facteurs de risque et de leurs interactions complexes ; sur le plan de la conception de programmes de prévention qui ne reposent pas toujours sur des bases théoriques et empiriques solides ; enfin, sur le plan d’une évaluation rigoureuse des retombées de ces programmes.

    En ce sens, cet ouvrage s’adresse aux lecteurs intéressés aux aspects conceptuels et méthodologiques entourant les efforts des chercheurs pour, d’une part, définir et mesurer les phénomènes d’inadaptation et, d’autre part, mettre au point et évaluer des programmes de prévention pour s’attaquer à ces problèmes en réduisant les facteurs de risque ou en établissant des facteurs de protection susceptibles de contrebalancer les facteurs de risque non modifiables.

    Résumé

    Phénomène préoccupant dans la plupart des sociétés industrialisées, l’échec scolaire prend ses racines très tôt dans la vie de l’enfant. Après avoir fait état des connaissances actuelles sur le phénomène de l’échec scolaire, la prévention est proposée dans ce chapitre comme la meilleure garantie pour le contrer. Les principaux programmes de prévention de l’échec scolaire s’adressant à la petite enfance et au préscolaire, à la maternelle et au début du primaire sont recensés. Les programmes sont présentés de façon à répondre aux besoins à la fois des praticiens et des chercheurs. En effet, chacun des programmes est d’abord décrit de façon à informer le plus possible les intervenants intéressés par leur application. Ensuite, les résultats des recherches en évaluant l’efficacité sont présentés et discutés. Le chapitre se termine en dégageant les pistes d’intervention les plus prometteuses ainsi que les enjeux actuels de la prévention de l’échec scolaire et de la recherche dans ce domaine.

    Les sociétés industrialisées se sont dotées de systèmes scolaires bien développés qui devraient normalement permettre aux élèves qui en ont les capacités de réussir. Malheureusement, dans la plupart d’entre elles, un nombre considérable d’élèves vivent l’échec scolaire, n’apprennent pas à lire correctement, redoublent des classes, reçoivent des services en adaptation scolaire pendant la majeure partie de leur scolarisation sans pour autant parvenir à la réussite scolaire (OCDE, 1995 ; 1998). L’échec scolaire est coûteux pour le système scolaire (Paul, 1996 ; Roderick, 1995) mais aussi pour l’élève, car il a des conséquences négatives sur le plan psychosocial (Bryant, 1991 ; Morris, 1994) tout en compromettant fortement l’obtention d’un diplôme (Carnahan, 1994 ; Morris, 1994). Au plan social et économique, l’échec scolaire a aussi des effets négatifs à long terme tels que le chômage, l’augmentation de la criminalité, la perte de revenu d’impôt, la baisse de la productivité, l’accroissement de la demande de services sociaux et des dépenses de soins de santé (Conseil supérieur de l’éducation, 1995 ; Eurydice, 1994 ; OCDE, 1995). Une fois installé, l’échec scolaire est difficile à contrer. Certains considèrent qu’après la troisième année du primaire, les programmes d’intervention seraient peu ou pas du tout efficaces (Slavin, Karweit et Wasik, 1993). C’est pourquoi la prévention est désormais reconnue comme l’avenue privilégiée pour éviter l’échec scolaire.

    L’échec scolaire est un phénomène complexe. Les nombreux travaux qui l’ont analysé ont mis au jour des données importantes de sorte qu’actuellement on a une bonne idée de la manière dont il prend racine et évolue. On connaît également plusieurs facteurs de risque. Sur le plan théorique, l’approche socioconstructiviste a apporté des éclairages nouveaux sur les processus en jeu tout en donnant une vision renouvelée de la prévention et de l’intervention précoce. C’est ainsi qu’au cours des deux dernières décennies les programmes ont connu une évolution accélérée et fait des progrès appréciables dans la lutte contre l’échec scolaire.

    D’entrée de jeu, ce chapitre expose les connaissances actuelles sur le phénomène : sa prévalence, les facteurs de risque et les modèles explicatifs. Les programmes de prévention de l’échec scolaire qui se distinguent par leur qualité et leur efficacité sont ensuite présentés, ce qui nous amène à mettre en évidence les pistes d’intervention les plus prometteuses ainsi que les enjeux actuels de la prévention de l’échec scolaire et de la recherche.

    ÉCHEC SCOLAIRE : EXAMEN DU PHÉNOMÈNE

    En éducation, l’utilisation du terme enfants ou élèves « à risque » a commencé à se répandre dans les années 1980 pour désigner ceux qui courent des risques élevés de subir un échec scolaire. Cela faisait suite à la parution aux États-Unis en 1983 d’un rapport intitulé A Nation at Risk qui a capté l’attention en dénonçant la qualité médiocre de l’éducation dans le pays. Voyons maintenant comment on définit l’échec scolaire, l’ampleur du phénomène et son étiologie.

    DÉFINITION ET MESURE DE L’ÉCHEC SCOLAIRE

    L’échec scolaire consiste dans l’obtention répétée de résultats inférieurs à la note de passage aux examens. Il se traduira par le redoublement, le retard scolaire, la référence pour des services en adaptation scolaire et souvent par l’abandon prématuré des études. Au plan des statistiques, c’est généralement par ses conséquences que l’on mesure la fréquence de l’échec scolaire plutôt que directement par les notes aux examens (difficilement comparables d’une classe à l’autre) ou par les résultats à des tests standardisés (utiles en recherche mais peu compatibles avec les programmes d’étude et donc inutilisables en vue de la promotion des élèves). Les examens nationaux permettent, en principe, de surmonter ces difficultés, en situant l’élève par rapport à une note de passage. Le hic, c’est qu’ils ne sont généralement disponibles qu’à la fin d’un ordre d’enseignement ; de plus, ils ne nous renseignent pas sur les élèves qui ne se présentent pas à cet examen et qui en ont l’âge.

    Échec aux examens, redoublement, retard scolaire, références en orthopédagogie, abandon des études, voilà le lot de plusieurs élèves dont celui de Maxime.

    L’HISTOIRE SCOLAIRE DE MAXIME

    Maxime est un jeune enfant qui se développe normalement sur le plan physique et cognitif. À 4 ans, il manifeste un certain retard de langage, il a un vocabulaire limité. Dans sa famille, il n’y a pas de livres ni de matériel d’écriture ; il voit rarement des personnes lire et écrire autour de lui ; on ne lui fait pas la lecture de livres d’histoire. Arrivé en première année, il a peu d’intérêt pour la lecture et l’écriture, ce qui le distingue d’autres élèves de sa classe à qui les parents ont lu fréquemment des livres ; il est peu conscient que les mots sont constitués de sons et il n’arrive pas à les segmenter. Comme son vocabulaire et sa connaissance du monde sont limités, plusieurs concepts contenus dans les manuels scolaires lui sont inconnus. Il ne cherche pas à comprendre ce qu’il lit. Il reconnaît les mots qu’il a appris globalement mais décode difficilement. Son écriture est beaucoup moins avancée que celle des autres de la classe qui sont capables en début d’année de représenter un ou des sons dans les mots. Quand il écrit, il ne fait pas d’hypothèses sur l’orthographe des mots, il n’y a aucun lien avec les sons du mot. Dès les premières semaines d’école, l’enseignante note ses difficultés en lecture et écriture. En cours d’année, l’écart par rapport aux autres élèves se creuse de plus en plus. C’est ainsi que Maxime redouble sa première année et est, par la suite, suivi en orthopédagogie pendant tout le primaire ; il parvient à décoder les mots mais sa lecture est très lente. Au fil des ans, ses problèmes de compréhension en lecture persistent et s’amplifient à mesure que les textes deviennent de plus en plus complexes. Comme la lecture est indispensable dans toutes les matières scolaires, Maxime en vient à vivre des difficultés à tous les niveaux. Il développe de plus en plus une aversion envers l’école, un sentiment d’incompétence face aux apprentissages scolaires et d’impuissance face à l’échec. Orienté vers les classes spéciales au secondaire, il quitte l’école avant d’avoir obtenu un diplôme.

    PRÉVALENCE

    Le cas de Maxime n’est malheureusement pas isolé ; il partage avec plusieurs autres élèves l’expérience douloureuse de l’échec scolaire. L’ampleur du phénomène a été sondée dans plusieurs études à travers différents pays. Deux indicateurs principaux servent à établir la prévalence de l’échec scolaire : le redoublement ou le retard scolaire et l’arrêt prématuré de la scolarité ou la sortie de l’école sans diplôme (Eurydice, 1994 ; Kovacs, 1998).

    Au Québec

    La proportion totale d’élèves québécois ayant redoublé une classe en 1997-1998 a été de 5,4 %. Le phénomène est plus fréquent chez les garçons (6,6 %) que chez les filles (4,2 %) et il est plus fréquent également au secondaire (7,7 %) qu’au primaire (3,6 %) ; il varie aussi en fonction des régions et des commissions scolaires. Par ailleurs, à 12 ans, 23,3 % des élèves québécois présentent un retard scolaire ; leurs chances d’obtenir un diplôme au secondaire, cinq ans plus tard, ne sont que de 17,1 %, et après sept ans, de 27,3 %. Sur l’Île-de-Montréal, le retard scolaire à la fin du primaire est plus élevé dans les milieux défavorisés : il est de 30 % (Brais, 1994).

    Quant au taux de diplomation, en 1997-1998, il était au Québec de 66,2 % si l’on considère seulement les jeunes de moins de 18 ans et de 69,5 % si l’on inclut les jeunes adultes (MEQ, 1998a, 1998b, 1998c). En fait, à peine 60 % obtiennent leur diplôme après une durée normale de cinq ans d’études ; ces pourcentages augmentent grâce à l’éducation des adultes. Il n’en demeure pas moins que 25,8 % des garçons n’obtiennent jamais de diplôme alors que c’est le cas pour 11,5 % des filles. Le taux de diplomation varie selon les régions, celle de Québec ayant le taux le plus élevé alors que les taux les plus bas sont obtenus dans le Nouveau-Québec ; la région de Montréal se situe en bas du taux provincial. Signalons que les élèves dont la langue maternelle est le français et qui sont nés au Québec présentent un taux de diplomation au secondaire moins élevé que ceux des anglophones et des autres communautés culturelles. Parmi les allophones, ceux qui sont nés en Extrême-Orient affichent de loin les meilleurs taux de diplomation ; les autochtones ont, quant à eux, des taux de diplomation nettement inférieurs.

    Au Canada

    Des évaluations pancanadiennes (Conseil des ministres canadiens de l’Éducation, 1996 ; 1997 ; 1998) indiquent qu’en lecture 22 % des élèves de 13 ans ont un résultat très faible (niveau 1 sur 5) et à 16 ans, 29,5 % ont un résultat très faible ou faible (niveau 1 et 2 sur 5). En mathématiques, 40 % des élèves de 13 ans ont un score très faible (niveau 1 sur 5) et à 16 ans, à nouveau 40 % ont un score très faible ou faible (niveau 1 et 2 sur 5). Les filles ont un rendement plus élevé que les garçons en lecture et écriture mais en mathématiques, c’est l’inverse. Selon des données du Conseil des statistiques canadiennes de l’éducation (1996), le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires chez les jeunes au Canada, en 1992-1993, était de 73 %, c’est-à-dire 78 % chez les filles et 68,33 % chez les garçons. Le pourcentage était de 63,3 % pour le Québec en comparaison de 74,9 % pour l’Ontario.

    Aux États-Unis et dans les autres pays industrialisés

    Le taux de redoublement aux États-Unis est de 5 % à 6 % (Paul, 1996 ; Whitener, 1997). Le taux est plus élevé chez les garçons (8,4 %) que chez les filles (4,2 %). Il s’élève à 18 % chez les Amérindiens et à 10 % chez les autres minorités. Le retard scolaire est présent chez 31 % des élèves américains de 14 ans (Roderick, 1995). Le phénomène est plus fréquent chez les garçons, chez les Afro-Américains et les hispanophones. Le taux de diplomation chez les jeunes aux États-Unis est de 72 % à 75 % (McWhirte et al., 1993 ; OCDE, 1998). Notons que, dans ces statistiques, on ne fait pas la distinction entre les jeunes de moins de 18 ans et les jeunes adultes, comme le fait le ministère de l’Éducation du Québec.

    Dans les pays européens, le taux de redoublement varie grandement d’un pays à l’autre (OCDE, 1998). En France, il se situe autour de 5 % alors qu’il est plus bas dans les autres pays européens à l’exception de la Belgique et du Portugal où ce taux est plus élevé (16 % et 14 %, respectivement, en 1992). Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, le taux de diplomation au secondaire est de 85 % (ce taux serait toutefois calculé sur une base différente de celle utilisée par le MEQ, 1998c). La France et l’Allemagne se situent dans la moyenne (avec respectivement 85 % et 86 %) alors que l’Italie et l’Espagne ont des taux plus faibles (79 % et 73 %).

    En somme, en ce qui concerne le redoublement, le Québec, les États-Unis et la France ont des taux similaires, soit d’environ 5 % par année. Partout, le phénomène est plus fréquent chez les garçons et au secondaire. Par ailleurs, globalement, 15 % à 20 % des jeunes des pays de l’OCDE quittent l’école secondaire sans les connaissances et les qualifications requises pour entrer sur le marché du travail (Kovacs, 1998). Bien qu’il soit difficile de comparer le Québec avec les autres pays sur le taux de diplomation, car l’organisation et la durée des études sont différentes d’un pays à l’autre (MEQ, 1998c), il n’en demeure pas moins que le taux de diplomation y est nettement inférieur à celui de l’ensemble du Canada et de l’Ontario.

    FACTEURS DE RISQUE ET DÉVELOPPEMENT

    L’ampleur du phénomène de l’échec scolaire est très préoccupante ; mais, on sait maintenant qu’il est prévisible. La connaissance des facteurs de risque peut aider à trouver les moyens de l’éviter. L’échec scolaire est une problématique complexe dans laquelle plusieurs facteurs entrent en jeu ; on peut les classer en quatre catégories selon qu’ils sont reliés aux caractéristiques de l’enfant, de son milieu socioculturel, de sa famille et, même, de son école.

    Caractéristiques de l’enfant

    Certaines conditions physiques ou organiques ont de fortes répercussions sur le développement cognitif de l’enfant, qui seront éventuellement associées à des problèmes d’apprentissage scolaire ; c’est le cas des limites intellectuelles ou sensorielles. D’autres problèmes, dont l’origine organique n’est pas toujours démontrée, peuvent aussi entraver les apprentissages cognitifs ou scolaires ; c’est le cas des troubles du langage et des déficits d’attention.

    Déficit intellectuel

    Les enfants présentant un déficit intellectuel grave acquièrent habituellement très peu d’habiletés en lecture, en écriture et en mathématiques. Lorsque la déficience intellectuelle est légère, plusieurs de ces enfants peuvent réussir à l’école primaire tout en ayant un rythme d’apprentissage lent ainsi que des difficultés avec les concepts abstraits et les processus cognitifs de haut niveau (Thomas et Patton, 1990). D’un autre côté, chez les enfants dont les capacités intellectuelles se situent dans la normalité, le quotient intellectuel n’est pas associé à l’échec scolaire (Roth-Smith, 1998 ; Stanovich et Stanovich, 1996 ; Spear-Swerling et Sternberg, 1998). Selon Stanovich, Cunninghan et Freeman (1984), l’intelligence n’a pas beaucoup d’impact sur la facilité à apprendre à lire. Une étude québécoise récente révèle que le quotient intellectuel seul ne permet pas de prédire avec justesse le retard scolaire à la fin du primaire (Gagnon et al., 1997). Les auteurs concluent que le quotient intellectuel est une condition nécessaire mais non suffisante à la réussite scolaire.

    Déficit auditif

    Plusieurs études ont trouvé un lien entre les problèmes auditifs ou de surdité et les difficultés d’apprentissage (Conrad, 1979 ; Waters et Doehring, 1990). D’ailleurs, au Québec, 85 % des enfants sourds, malgré la scolarisation, demeurent analphabètes rendus à l’âge adulte (Commission des États généraux sur l’éducation, 1996).

    Troubles du langage

    Les troubles du langage constituent, selon les recherches, un des principaux facteurs de risque d’échec scolaire. Entre 40 % à 70 % des enfants du préscolaire qui ont des retards de langage seraient à risque de difficultés scolaires (Aram et Hall, 1989 ; Bashir et Scavuzzo, 1992 ; Scaborough et Dobrich, 1990 ; Stark et al., 1984 ; Wallach et Butler, 1995). Il faut dire que le risque est plus faible lorsque le trouble est léger et lorsqu’il est spécifique à un domaine, par exemple, le langage expressif (Snow, Burns et Griffin, 1998).

    Conscience phonologique

    Au cours des dernières années, les recherches ont mis en évidence le rôle primordial de la conscience phonologique dans le succès scolaire ; elle se définit comme la conscience des sons dans les mots à l’oral et l’habileté à les manipuler (Blachman, 1996). La conscience phonologique se révèle fortement reliée au succès en lecture dans les premières années du primaire (Dreher et Zenge, 1990 ; Lecocq, 1991 ; Mann, 1993 ; Martins, 1993 ; Snider, 1997 ; Stahl et Murray, 1994). Ainsi, l’enfant qui est peu ou pas conscient que les mots sont formés de sons, qui ne reconnaît pas les rimes, qui ne peut identifier des mots commençant par le même son, qui ne peut les segmenter ou qui ne peut fusionner des sons pour former un mot aura de la difficulté à apprendre à lire et surtout à décoder (Blachman et al., 1994 ; Olson et al., 1989 ; Snow et al., 1998). Les déficits au regard de la conscience phonologique peuvent être attribuables à des facteurs génétiques mais aussi à une stimulation insuffisante (MacLean, Bryant et Bradley, 1987). Il a été démontré que les enfants venant de milieux défavorisés présentent une conscience phonologique plus faible que ceux d’autres milieux socioéconomiques (Bowey, 1995).

    Déficit de l’attention

    Certains enfants ont de la difficulté à fixer leur attention et à la maintenir dans des tâches d’apprentissage ; cela entraîne souvent l’échec scolaire. La prévalence du déficit de l’attention chez les enfants serait de 3 % à 5 % (DuPaul et Stoner, 1994) et les garçons en seraient de 5 à 10 fois plus souvent atteints que les filles. De 20 % à 40 % des enfants présentant un déficit d’attention connaissent des difficultés d’apprentissage (Barkley, DuPaul et McMurray, 1990 ; Cantwell et Baker, 1991). En outre, parmi les élèves présentant des difficultés d’apprentissage, environ 15 % à 20 % ont un déficit de l’attention (Roth-Smith, 1998). Bien que le déficit de l’attention soit un facteur de risque de l’échec scolaire, les données précédentes révèlent qu’il est loin d’être suffisant pour l’expliquer ; d’autres facteurs entrent aussi en jeu.

    Troubles du comportement

    Contrairement à la croyance, les recherches n’ont pas trouvé de lien significatif entre les troubles du comportement ou l’agressivité et l’échec scolaire au primaire (Hinshaw, 1992a ; Ferguson, Horwood et Linskey, 1993 ; Gagnon et al., 1997). Le lien apparent entre les problèmes de comportement et l’échec scolaire s’expliquerait par la corrélation élevée entre les problèmes de comportement et le déficit de l’attention (Hinshaw, 1992b). En outre, la modification du comportement en classe n’entraîne pas l’amélioration des résultats scolaires (Kauffman, 1997). Ce ne serait qu’au secondaire que les comportements antisociaux et délinquants seraient clairement associés à la faible performance scolaire.

    Par ailleurs, sur le plan social, les élèves ayant des difficultés scolaires seraient moins compétents que les autres (Bryant, 1991 ; Knapczyk et Rodes, 1996) et ils auraient de la difficulté à résoudre les problèmes interpersonnels (Guralnick et Neville, 1997). De nombreuses études révèlent qu’ils sont peu acceptés par leurs pairs de la classe (Sabornie, Marshall et Ellis, 1990 ; La Greca et Stone, 1990 ; Jacques et Saint-Laurent, 1995). Néanmoins, plusieurs ont un ami dans leur classe (Porlier, Saint-Laurent et Pagé, 1998 ; Vaughn et al., 1993).

    Une faible estime de soi est aussi associée à l’échec scolaire. Il semble que celle-ci soit une conséquence plutôt qu’un facteur de risque, car, au début du primaire, les élèves faibles ont une estime de soi équivalente à celle des autres élèves (Harter, 1985 ; Saint-Laurent et al., 1997) et c’est avec les échecs répétés qu’elle tend à diminuer. De plus, c’est surtout l’estime de soi scolaire qui est affectée puisque les enfants qui éprouvent des difficultés scolaires conservent une estime de soi globale intacte (Montgomery, 1994).

    Facteurs génétiques

    Des facteurs génétiques ont été associés aux problèmes d’apprentissage (DeFries et Alarcon, 1996). En effet, des études sur les jumeaux révèlent que les jumeaux identiques par comparaison avec les jumeaux fraternels sont plus souvent tous les deux ou bien bons lecteurs, ou bien en difficultés d’apprentissage (DeFries, Fulker et LaBuda, 1987 ; Plomin et al., 1994). Selon Plomin (1991), les facteurs génétiques expliqueraient 50 % des difficultés scolaires et les facteurs reliés à l’environnement l’autre 50 %. Nous verrons maintenant ce que les recherches rapportent quant à l’influence des contextes socioculturel, familial et scolaire sur l’échec scolaire.

    Milieu socioculturel

    Les enfants venant d’un milieu socioculturel différent de celui de l’école sont à risque élevé d’échec scolaire (Mortimer, 1995 ; Reynolds, 1991) ; c’est le cas des enfants des milieux défavorisés (Manning et Baruth, 1995 ; Zill et al., 1995) et de ceux venant de communautés culturelles qui ne maîtrisent pas la langue d’enseignement (Hart et Risley, 1995). Les études ont révélé d’une façon répétée que, dès la première année, les enfants des milieux défavorisés réussissent moins bien que les autres en lecture et en écriture (Mason, 1986 ; Neuman, 1996). Une recherche québécoise a montré qu’à la fin du primaire le retard scolaire est deux fois plus élevé chez les garçons venant de familles pauvres (Pagani, Boulerice et Tremblay, 1997).

    L’échec scolaire en milieux défavorisés et dans les communautés culturelles est expliqué en partie par les valeurs et les conceptions des apprentissages différentes dans la famille et à l’école (Purcell-Gates, 1996). Cela ne signifie pas que les parents de ces milieux ne sont pas préoccupés par le succès de leur enfant à l’école mais c’est plutôt que, souvent, ils ne savent pas comment le stimuler ou l’aider (Goldenberg, 1987 ; Neuman et Gallagher, 1994 ; Neuman et Roskos, 1993). Par ailleurs, l’échec en lecture dans les milieux défavorisés est souvent expliqué par le fait que les enfants ont moins accès aux livres, au matériel d’écriture, sont moins stimulés sur le plan du langage et ont moins d’interactions sociales autour de la littératie (Morrow, 1987 ; Neuman et Roskos, 1993 ; Teale, 1986). Cependant, dans certaines familles défavorisées, les enfants peuvent jouir d’une bonne stimulation à la lecture et à l’écriture (Snow et al., 1991). Dans ces familles, comme nous le verrons au prochain paragraphe, le niveau de scolarité de la mère tend à être plus élevé.

    Milieu familial

    Certains enfants arrivent à l’école avec des connaissances beaucoup plus faibles que les autres ; ils viennent généralement de familles peu stimulantes au plan cognitif ou qui connaissent des situations socioaffectives difficiles. Comme nous venons de le mentionner, un faible niveau de scolarité de la mère est l’un des facteurs les plus prédictifs de l’échec scolaire. Il est d’ailleurs plus fortement associé à l’échec scolaire au primaire que la pauvreté ou le revenu familial (Giasson et Saint-Laurent, 1998 ; Shumow, Vandell et Posner, 1999). Quant à la sécurité affective dans la famille, Zill et al. (1995) considèrent les deux facteurs suivants comme étant reliés à l’échec scolaire : une mère qui n’est pas mariée à la naissance de son enfant et la présence d’un seul parent au foyer. Par contre, Gagnon et al. (1997) ont trouvé que l’adversité familiale telle qu’elle est définie par la structure de la famille, son statut socioéconomique et le niveau de scolarité des parents est d’une faible contribution dans l’échec scolaire.

    Les problèmes socioaffectifs dans la famille peuvent avoir une influence indirecte sur le succès scolaire étant donné les problèmes d’attention, de concentration et les désordres émotionnels qu’ils entraînent (Roth-Smith, 1998). L’influence familiale agirait directement aussi dans des interactions cognitives parent-enfant. Un niveau de scolarité suffisant du parent et une relation affective sécurisante favoriseraient des interactions appropriées dans des tâches cognitives partagées entre l’enfant et le parent (Borkowski et Dukewich, 1996 ; Bus et van IJzendoorn, 1988 ; Moss, 1992).

    Pour comprendre comment les différents facteurs familiaux interagissent dans le développement cognitif, voyons leur influence sur le développement de la littératie chez l’enfant. Les caractéristiques d’un milieu familial favorisant l’émergence de la littératie sont bien connues : présence de livres pour enfants, matériel de lecture pour adultes abondant, lecture interactive régulière avec l’enfant, modèle de lecteur pour l’enfant, espace pour les activités de lecture, encouragement de l’enfant à lire et à écrire, fréquentation de la bibliothèque, sorties fréquentes de l’enfant avec ses parents, attitudes positives des parents envers la lecture, conversations fréquentes entre parents et enfants (Morrow, 1997 ; Snow et al., 1991 ; Sulzby et Teale, 1991). L’analyse des interactions parent-enfant permet de mieux comprendre le développement cognitif (Kramberelis et Perry, 1994). Le parent qui fait la lecture à son enfant facilite la construction de ses connaissances du langage écrit (Hale et Windecker, 1992 ; Saracho, 1997 ; Snow et al., 1998). Le fait de commencer tôt cette activité et de la pratiquer fréquemment peut aider à prévenir les difficultés scolaires (Durkin, 1984 ; Purcell-Gates, 1996). D’un autre côté, Bus, van IJzendoorn et Pellegrini (1995) constatent que le soutien des parents dans cette tâche cognitive peut être inefficace et même nuisible aux apprentissages ; c’est le cas des parents qui n’éprouvent pas de plaisir à lire ou dont le niveau de littératie est faible (Padak, Rasinski et Fike, 1997). Ainsi, ce n’est pas seulement le fait de lire à l’enfant qui est important, mais la qualité des interactions autour de la lecture. Les parents qui interagissent avec leur enfant pendant la lecture d’un livre, qui le font participer, qui posent des questions concernant les émotions et les stratégies impliquées dans la résolution des problèmes, qui élaborent sur la signification des mots ou qui attirent l’attention de l’enfant sur l’écrit procurent une activité de littératie efficace sur le plan du développement cognitif. À ce point de vue, plusieurs enfants sont désavantagés dès le début de la scolarisation (Snow et al., 1998).

    Milieu scolaire

    Si ce que vit l’enfant dans sa famille, avant son entrée à l’école, est déterminant pour le succès scolaire, cela ne veut pas dire que le milieu scolaire qui l’accueille et dans lequel il fera ses premiers apprentissages formels est sans influence sur sa réussite. Certaines écoles sont considérées à risque ; Waxman (1991) les caractérise ainsi : aliénation des élèves et des enseignants, attentes peu élevées à l’égard des élèves, enseignement de faible qualité, taux élevé de travail non complété par les élèves, absentéisme scolaire, nombreux problèmes de comportement, taux élevé de violence. Aux États-Unis, cette situation se retrouve le plus souvent en milieux défavorisés (Kozol, 1991 ; Puma et al., 1997). Le fait de fréquenter une école où la sous-performance scolaire est chronique expose l’élève à un risque de difficulté scolaire (Speece et Keogh, 1996).

    En somme, les facteurs impliqués dans l’échec scolaire sont nombreux et assez bien connus. Dès la première année, il est possible d’observer des différences dans les performances cognitives des enfants, en particulier dans la connaissance du langage écrit, lesquelles sont déterminantes pour le succès scolaire dès le début du primaire. Bien que ces différences puissent être attribuables à des caractéristiques personnelles telles que le quotient intellectuel, les recherches indiquent que les expériences qui précèdent le début de la scolarisation affectent grandement les apprentissages scolaires. Il en est de même du milieu scolaire dont la qualité aurait aussi à voir avec le succès scolaire. Or, aucun facteur pris isolément ne semble avoir un pouvoir explicatif important, chacun agissant en interaction avec d’autres ; cela rend le phénomène complexe à étudier. De plus, cela contribue à élargir progressivement l’écart entre les élèves qui échouent et ceux qui réussissent à l’école. Les modèles explicatifs de l’échec scolaire aident à comprendre comment ces différents facteurs interagissent.

    MODÈLES THÉORIQUES EXPLICATIFS DES DIFFICULTÉS SCOLAIRES

    Case (1996) identifie trois grands courants explicatifs du développement cognitif, lesquels ont inspiré les programmes d’intervention précoce auprès des enfants à risque : empiriste ou béhavioral, constructiviste et socioconstructiviste. D’abord, selon la perspective empiriste ou béhaviorale, l’apprentissage est le résultat de réponses à des stimulations venant de l’environnement. L’échec scolaire serait dû à une stimulation insuffisante pour que l’enfant atteigne la maîtrise des habiletés requises ou des préalables aux apprentissages scolaires (Watson, 1996) ; il aurait ainsi sa source à l’extérieur de l’enfant. Ce courant a donné l’approche du déficit et inspiré une rééducation où l’on pratique un enseignement des habiletés isolées selon une séquence linéaire. Un programme comme Head Start, aux États-Unis, dont nous parlerons plus loin se situe dans ce courant (Bereiter et Engleman, 1966 ; Case, 1996).

    Dans l’approche constructiviste, basée sur les travaux de Piaget, l’enfant est considéré comme construisant activement ses connaissances en interagissant avec le monde qui l’entoure ; cette construction est essentiellement un processus interne. Dans cette optique, l’échec scolaire aurait sa source chez l’enfant lui-même et serait relié au degré de maturation de ses structures mentales. Cette approche a grandement influencé l’intervention précoce et a incité à recourir à une pédagogie centrée sur l’activité de l’enfant et ses expérimentations pour faciliter le développement des structures cognitives (Brewer, 1998). Le programme Perry, que nous décrirons dans les pages suivantes, en est un exemple.

    Un courant plus récent est celui du socioconstructivisme ; il repose sur les travaux de Piaget et de Vygotsky (1978, 1986). Comme dans le constructivisme piagétien, on y considère que l’enfant doit jouer un rôle actif dans la construction de ses connaissances, mais que, de plus, cette construction s’effectue grâce aux interactions de l’enfant avec les adultes ou les pairs plus avancés de son entourage. L’approche socioconstructiviste propose ainsi une vision contextuelle du développement cognitif (Pressley, 1998 ; Soderman, Gregory et O’Neill, 1999). S’inscrivant dans cette perspective, Cousin et al. (1995) situent l’échec scolaire dans un ensemble de contextes interdépendants et interreliés : social/culturel, de l’école, de la classe/du groupe, de l’apprenant. Nous ajoutons un niveau, celui du contexte familial, qui mérite d’être distingué du contexte social/culturel à cause de son importance dans les apprentissages de l’enfant. Ce modèle explicatif rend compte de plusieurs facteurs de risque dont nous venons de discuter.

    Selon Vygotsky (1978), les contextes historique, social, culturel et politique sont très importants pour le développement cognitif de l’enfant, car il internalise des mécanismes sociaux et apprend à les traiter en se basant sur ses premières interactions sociales qui impliquent, notamment, l’utilisation de signes linguistiques communs. La lecture et l’écriture s’inscrivent dans une socioculture (Gadsden, 1998). Cela expliquerait par exemple que, dès l’âge de 4 ans, les enfants des milieux pauvres accusent un grand décalage par rapport à ceux de milieux moyens et favorisés au plan des connaissances dans ce domaine (Smith et Dixon, 1995).

    Selon le socioconstructivisme, l’enfant se développe cognitivement grâce au soutien dont il bénéficie dans sa famille d’abord, puis s’ajoute et s’y conjugue celui qu’il reçoit à l’école. L’enfant bénéficie d’un étayage (scaffolding) dans chacun de ces contextes ; l’étayage est le procédé par lequel l’adulte soutient le développement cognitif de l’enfant. En travaillant conjointement avec un adulte à la résolution des problèmes cognitifs, l’enfant est poussé à comprendre les nouvelles informations tout en étant aidé à établir des liens entre ce qu’il connaît et les nouvelles habiletés et les nouveaux concepts. L’étayage s’effectue surtout par le dialogue dans lequel l’adulte dirige l’attention de l’enfant sur les dimensions importantes d’un problème et l’amène à trouver des stratégies pour le résoudre. L’enfant en vient graduellement à être capable de faire la tâche par lui-même. La responsabilité de l’apprentissage se transfère graduellement à l’apprenant (Rogoff, Matusov et White, 1996), qui internalise les pensées qui lui ont été suggérées par l’adulte. L’adulte l’encourage à faire des apprentissages de plus en plus complexes. Il ne fait pas les choses à la place de l’enfant s’il est capable de les faire et il ne l’incite pas non plus à faire des tâches qui sont trop difficiles et qui ne feront que le décourager. Entre ces deux extrêmes, ce que l’enfant peut faire d’une façon autonome et ce qu’il ne peut pas faire du tout, il y a un point critique de développement que Vygotsky (1978) appelle la zone de développement prochain (ZDP). Les interactions qui faciliteront le développement se dérouleront lors de tâches que l’enfant ne peut accomplir qu’avec l’aide de l’adulte, c’est-à-dire dans la ZDP. Ainsi, l’enfant apprend à effectuer des tâches plus difficiles dans sa ZDP en interagissant avec l’adulte ou un pair plus avancé : ainsi va la construction des connaissances. Dans la perspective socioconstructiviste, l’échec scolaire serait principalement dû au fait que l’enfant n’a pas bénéficié d’un étayage approprié ou d’interactions sociales suffisantes pour la construction de ses connaissances, et cela, tant dans le milieu familial que scolaire.

    En plus de l’influence des contextes dans lequel il est baigné, l’apprenant lui-même détermine son propre développement cognitif. Pendant longtemps, on a cru que les enfants étaient prêts à apprendre à un âge donné en fonction de la maturation (Soderman et al., 1999). Dans la perspective socioconstructiviste, on considère que, dès la naissance, l’enfant construit ses connaissances et qu’il n’y a pas de rupture dans ce processus. Rogoff (1995) utilise le terme « appropriation participante » pour décrire le processus par lequel un apprenant arrive à une nouvelle compréhension. L’enfant change en fonction de sa participation dans une activité co-élaborée qui puise sa signification dans un contexte socioculturel plus large. Or, comme nous l’avons vu dans une section précédente, certaines caractéristiques de l’apprenant peuvent entraver ce processus (par exemple, les déficits cognitifs et sensoriels).

    Les programmes actuels de prévention de l’échec scolaire s’inscrivent dans la perspective socioconstructiviste. On y cible particulièrement cet objet culturel qu’est la littératie en baignant les enfants dans un environnement riche en matériel écrit et en mettant l’accent sur l’interaction sociale, le soutien à l’enfant par étayage.

    LES PROGRAMMES DE PRÉVENTION ET D’INTERVENTION PRÉCOCE RELATIFS À L’ÉCHEC SCOLAIRE

    L’idée d’offrir à l’enfant à risque un environnement physique et social stimulant afin de favoriser au maximum son développement est au cœur de tout programme de prévention de l’échec scolaire ; mais les façons de faire varient d’un programme à l’autre. Les premiers programmes de prévention de l’échec scolaire, qui remontent aux années 1960, visaient souvent plusieurs aspects : prévention des problèmes de santé, des problèmes d’adaptation psychosociale, des problèmes de langage et des problèmes scolaires. Au cours des dernières années, on en est venu à cibler davantage l’émergence de la littératie parce que ce développement est déterminant pour le succès scolaire dès le début de la scolarisation. Les programmes de prévention ou d’intervention précoce destinés aux enfants à risque ont fait l’objet de quelques méta-analyses, dont deux par des chercheurs québécois (Bryant et Maxwell, 1997 ; Bryant et Ramey, 1987 ; Hamel, 1995 ; Karweit, 1989a, 1989b ; Paquette, 1998 ; Slavin et al., 1994). Tous constatent leur grande diversité au point de vue de la cible (enfant, parent, les deux), du lieu d’intervention, de l’âge des enfants, de la durée et de l’intensité du programme, de son contenu et du personnel impliqué.

    Dans cette section, les principaux programmes de prévention de l’échec scolaire sont présentés. Ils ont été retenus à cause de la qualité de leurs composantes et de la rigueur des études qui ont évalué leur impact sur la réussite scolaire en utilisant un groupe de contrôle et des mesures objectives de réussite scolaire. La plupart des travaux ont été effectués aux États-Unis, mais le Québec compte quelques programmes testés empiriquement dont nous faisons état. Les programmes sont regroupés en trois grandes catégories, selon qu’ils sont destinés 1) à la petite enfance et au préscolaire, 2) à la maternelle ou 3) au début du primaire.

    PROGRAMMES S’ADRESSANT À LA PETITE ENFANCE (0 À 3 ANS) ET AU PRÉSCOLAIRE (4 ANS)

    De 0 à 4 ans, les programmes portent habituellement sur le développement général des enfants à risque ; ils visent en même temps que la prévention de l’échec scolaire celle des problèmes d’adaptation psychosociale. Nous nous centrons sur les aspects qui concernent les apprentissages scolaires. Les programmes de littératie familiale constituent un autre type de programmes de prévention de l’échec scolaire et s’adresse généralement aux enfants à partir de 3 ou 4 ans.

    Les programmes visant le développement général de l’enfant

    En 1994, Karweit a effectué une recension exhaustive des programmes de prévention ayant été évalués rigoureusement ; elle en identifie 12 destinés aux enfants de 0 à 3 ans et 7 pour ceux de 3-4 ans. Voyons-en les principales caractéristiques. Ces programmes sont destinés aux enfants des milieux défavorisés et visent généralement le développement cognitif, moteur, langagier ou social des enfants. Certains sont appliqués dans un centre de services, par exemple Abecedarian (Ramey et Campbell, 1984), dans les familles seulement, par exemple Family-oriented Home Visiting (Gray et Ruttle, 1980) ou dans les deux, par exemple Parent-Child Development Center Model (Andrews et al., 1982) et Early Training Project (Gray, Ramsey et Klaus, 1983) ; certains sont intensifs, d’autres moins. Ils s’étendent sur quelques mois, par exemple Harlem (Palmer, 1983) ou vont de la naissance jusqu’à l’âge de 8 ans, par exemple Abecedarian (Ramey et Campbell, 1984) et Institute for Developmental Studies (Deutsch et al., 1983). Faute d’espace, nous présentons seulement deux de ces programmes, les plus connus et dont l’effet sur la réussite scolaire a été attesté : le projet Abecedarian et le programme préscolaire Perry. Le programme Head Start, qui n’a pas été testé avec rigueur, sera tout de même présenté brièvement à cause de son importance vu le grand nombre d’enfants à risque qu’il a touchés. Le Québec a emboîté le pas de la prévention à la petite enfance et au préscolaire et cela a donné lieu à des programmes qui seront également décrits.

    Le projet Abecedarian

    Élaboré dans un centre de développement de l’enfant en Caroline du Nord, le projet Abecedarian vise à fournir une intervention intensive auprès des enfants de familles défavorisées en focalisant sur leur développement général. Le programme est offert dès la naissance jusqu’à l’âge de 8 ans. De 0 à 5 ans, il s’échelonne sur toute l’année à raison de cinq jours par semaine pour un minimum de sept heures par jour. On vise le développement des habiletés langagières, motrices, sociales et cognitives (Sparling et Lewis, 1981). Avec les bébés, le ratio est d’un adulte pour trois enfants et les parents sont rencontrés régulièrement. À 3 ans, les enfants entrent au préscolaire où l’on met l’accent sur la stimulation du langage et de la communication. Les activités quotidiennes consistent à converser avec les enfants et à faire la lecture orale individuelle et en groupe. Des services alimentaires, sociaux et des soins médicaux sont aussi fournis. À partir de la maternelle, le programme consiste en un service d’enseignante-ressource qui visite l’enseignante des enfants et les parents. Le rôle de cette enseignante peut être très varié : suggérer des activités individualisées en complément du programme scolaire en lecture et mathématiques, conseiller les parents ou l’enseignante sur des problèmes particuliers, faire du tutorat individuel avec l’enfant durant l’été. Les rencontres de cette enseignante-ressource avec les parents à l’école ont lieu en moyenne aux deux semaines et se déroulent à la maison ou à l’école.

    L’effet du programme fut testé en sélectionnant 101 familles par l’entremise de cliniques prénatales et d’agences sociales et en les attribuant au hasard aux groupes expérimental et témoin, en contrôlant pour les variables QI des mères et niveau de risque des familles. À l’entrée à la maternelle, la moitié des enfants de chaque groupe (expérimental et témoin) a été assignée au hasard à une intervention d’une durée de trois ans (jusqu’à la fin de la deuxième année) décrite plus haut. À l’âge de 12 mois, les évaluations intellectuelles (test de Bayley) indiquent que les enfants du groupe expérimental présentent un score supérieur à ceux du groupe de contrôle ; ce résultat est confirmé à 36 mois (Standford-Binet). À la fin du programme préscolaire, alors que les enfants ont 5 ans, le WPPSI donne un QI moyen de 102 pour le groupe expérimental par rapport à 89 pour le groupe de contrôle (Ramey et Campbell, 1984). À l’âge de 8 ans, à la fin de la deuxième année, les enfants qui ont suivi le programme préscolaire ont encore un QI supérieur, de même que des scores plus élevés en lecture et en mathématiques (Ramey et Campbell, 1991). Or, l’intervention à la maternelle et au primaire n’accroît pas l’efficacité du programme au regard des capacités intellectuelles et des tests scolaires. Elle contribue, par contre, à diminuer le redoublement dans les premières années du primaire ; il a été de 12 % chez les enfants ayant suivi le programme pendant sept ans, de 25 % chez ceux n’ayant suivi que le programme au préscolaire et de 38 % chez ceux qui en ont bénéficié à partir de la maternelle, comparativement à 32 % dans le groupe de contrôle. Les résultats autorisent à penser que l’intervention précoce est efficace mais que la poursuite de l’intervention au début du primaire peut aider à maintenir les effets positifs. Des relances à l’âge de 12 ans et 15 ans (Campbell et Ramey, 1995) indiquent que les effets positifs sur le QI, la performance en lecture et en mathématiques se sont maintenus.

    Le programme préscolaire Perry

    S’adressant à des enfants de 3 et 4 ans, ce programme attire l’attention à cause de son efficacité mais surtout à cause des analyses coût-bénéfice effectuées par les chercheurs l’ayant évalué (Schweinhart, Barnes, Weikar, Barnett et Epstein, 1993 ; Schweinhart et Weikar, 1993).

    Le programme se donne pendant deux ans à raison de cinq demi-journées par semaine en suivant le calendrier scolaire (octobre à mai) ; il vise à stimuler le développement cognitif des enfants de milieux défavorisés. Son contenu est emprunté au programme High Scope (Weikar, Hohmann et Rhine, 1981) qui met l’accent sur le rôle actif de l’enfant dans des situations d’apprentissage en favorisant les prises de décisions, la manipulation de matériel, l’interaction avec les autres, les expérimentations, la réflexion sur ses pensées et ses actions, et le soutien de l’adulte. Il comprend des activités de création, de langage et de littératie, de relations sociales, de mouvement, de musique, de classification, de sériation, de numération. Le rapport élèves-enseignant est de 5 à 6 pour 1. Des éducatrices visitent les parents à la maison chaque semaine pendant 90 minutes.

    L’effet du programme a été mesuré sur quatre cohortes d’enfants ayant suivi le programme entre 1962 et 1967, incluant au total 128 enfants à faible QI (70-85) de milieux défavorisés. Les enfants ont été attribués au hasard aux groupes de traitement et témoin. À court terme, une différence de 11 points dans le QI des enfants des deux groupes est obtenue ; mais cette différence disparaît avec le temps, de sorte qu’en deuxième année (7 ans) et en huitième année (14 ans), les QI sont équivalents entre les groupes. L’effet du programme sur le succès scolaire est modeste (Schweinhart et Weikart, 1983). Cependant, les références en adaptation scolaire entre la maternelle et la douzième année ont été moins nombreuses grâce au programme (19 % en comparaison de 39 %) mais il n’a pas eu d’effet sur le redoublement. La relance à l’âge de 19 ans révèle un effet significatif sur l’abandon scolaire (23 % en comparaison de 51 %). Des différences similaires sont rapportées pour le pourcentage d’emploi et les arrestations. Une autre relance à l’âge de 27 ans confirme ces résultats (Schweinhart et al., 1993). En somme, le programme n’a pas d’effet important sur le plan cognitif et de la réussite scolaire mais, à long terme, son impact sur l’adaptation psychosociale à l’âge adulte est important.

    Head Start

    Comme le programme de prévention Head Start en éducation est celui qui a rejoint le plus d’enfants à risque – plus de 700 000 de 1964 à 1994 (U.S. Department of Health and Human Services, 1994) –, il convient ici de le décrire. Il s’agit d’un vaste programme préscolaire financé par le gouvernement américain destiné aux enfants des milieux défavorisés de 4 ans. Ce programme ne vise pas qu’à prévenir l’échec scolaire mais aussi à améliorer la santé et le bien-être physique, socioaffectif des enfants et de leurs parents ainsi que les relations dans la famille. Le programme est généralement donné dans des classes préscolaires à mi-temps ou à temps plein sur 8 à 12 mois ; il ne comporte pas de cheminement particulier et le matériel est le même que dans toute classe du préscolaire. Les classes Head Start sont généralement situées dans des écoles ou dans des centres communautaires ; ce qui distingue ce programme, c’est la présence de parents volontaires et du personnel médical.

    Il est difficile d’en juger l’efficacité car son contenu est très variable (Bryant et al., 1994) et les études bien contrôlées sur son effet sont rares (Bryant et Maxwell, 1997). Lee et al. (1990) trouvent qu’Head Start a un certain effet sur des mesures cognitives après avoir comparé des enfants à la fin du programme avec d’autres n’ayant pas fréquenté de classes préscolaires, mais ils attribuent ces résultats à la fréquentation d’une classe préscolaire plutôt qu’à l’application du programme. Malheureusement, en dépit des sommes considérables qui y ont été consacrées, le bilan général que l’on dresse de l’effet d’Head Start sur la réussite scolaire est à peu près nul (Bryant et Maxwell, 1997 ; McKey et al., 1985 ; Reynolds, 1994).

    Les programmes québécois

    Au Québec, à partir des années 1970, le gouvernement a mis sur pied l’Opération Renouveau consistant dans des programmes quinquennaux de prévention destinés aux milieux défavorisés. L’Opération a donné lieu, entre autres, à l’instauration de la maternelle 4 ans demi-temps et 5 ans temps plein et à la création du programme Passe-Partout, série télévisée accompagnée d’activités éducatives. Deux études québécoises révèlent que les maternelles 4 ans demi-temps et 5 ans temps plein ne donnent pas les résultats attendus sur le plan de la réussite scolaire (Houle et al., 1983 ; Tremblay, 1999).

    En dehors des initiatives gouvernementales, quelques programmes de prévention ont été mis au point par des chercheurs québécois (pour une recension de ces programmes, voir Hamel, 1995). Le projet Apprenti-Sage (Piché, Roy et Couture, 1992) en est un bel exemple et il a fait l’objet d’une évaluation rigoureuse. Le programme s’adresse à des bébés de 4 à 15 mois et à leur mère et s’étend sur une durée de quatre ans à raison de 11 mois par année. Il vise à favoriser le développement cognitif, moteur et psychosocial de l’enfant ainsi que les habiletés parentales. Il inclut la fréquentation d’un centre à raison de deux jours par semaine, des rencontres de parents et des visites à domicile une fois par deux mois. Le programme a un effet significatif sur les capacités intellectuelles évaluées à cinq reprises entre 1 an et 5 ans. L’absence de changement dans la qualité de l’environnement familial (évaluée par le HOME) amène les auteurs à conclure que les résultats sont attribuables à l’intervention auprès des enfants. L’effet à long terme du programme sur l’adaptation scolaire indique qu’au cours des trois premières années du primaire, le nombre d’enfants classés en difficulté d’apprentissage ou de redoubleurs est le même chez les enfants à risque ayant suivi le programme que chez les enfants à risque d’un groupe de contrôle (Piché, Roy et Couture, 1995).

    Les programmes de littératie familiale

    Un deuxième type de programme à l’intention des 3-4 ans vise spécifiquement la réussite scolaire en lecture. Les études montrant que les expériences de littératie dans la famille influent sur la réussite scolaire en lecture (Spiegel, 1994 ; Sulzby et Edwards, 1993) ont suscité une multitude de programmes de littératie destinés au milieu familial au cours des deux dernières décennies surtout ; la littératie familiale renvoie à toutes les activités de lecture et d’écriture de la vie quotidienne à la maison (Taylor, 1983). La plupart des programmes ont été conçus à l’intention des enfants de milieux défavorisés (Payne, Whitehurst et Angell, 1994 ; Whitehurst et Lonigan, 1998). En 1993, Brizius et Foster dénombraient plus de 1000 de ces programmes à travers les États-Unis ; leur but est d’augmenter les pratiques de littératie dans les familles et les interactions parent-enfant autour du langage écrit. Dans tous les programmes, les parents sont encouragés à faire quotidiennement une lecture de livre à leur enfant et on leur enseigne comment la faire, en questionnant et en dialoguant avec l’enfant, afin qu’elle soit favorable au développement du langage écrit. Souvent, un système de prêt de livres est mis en place. Les programmes intergénérationnels constituent un type particulier de programme de littératie familiale, car ils visent le développement de la littératie à la fois chez l’enfant et chez ses parents ; un enseignement se donne aux deux, ensemble ou séparément, mais en même temps, dans la même école. L’adulte apprend la lecture et l’écriture en même temps qu’il apprend à travailler avec son enfant pour le stimuler à la littératie. Bien que leur pertinence soit très bien appuyée par la recherche, les programmes de littératie familiale n’ont été que très rarement évalués d’une façon rigoureuse au regard de leur efficacité (Morrow, Tracey et Maxwell, 1995 ; Tracey, 1994).

    Une des rares exceptions est le programme Even Start, fondé en 1988, qui vise à soutenir les parents dans l’éducation de leur enfant et dans la stimulation de son potentiel cognitif et à enseigner aux parents la lecture et l’écriture. Les activités d’éducation parentale peuvent inclure des activités comme des laboratoires d’ordinateur, des cours d’écriture, l’enseignement à domicile, le journal des parents, des groupes de discussion, des conférences, des visites à la maison. Enfin, dans les interventions auprès des enfants, le curriculum High Scope est utilisé (comme dans le programme Perry). Le programme est offert aux enfants de la naissance à sept ans ; de 0 à 4 ans, il y a quatre niveaux de classes et de 5 à 7 ans, le programme consiste en une collaboration avec l’enseignante. Il aurait rejoint plus de 10 000 enfants (St. Pierre et al., 1993).

    St. Pierre et al. (1993) ont évalué l’effet du programme auprès de 84 enfants de 3 à 5 ans qui l’avaient suivi pendant neuf mois en les comparant avec un groupe de contrôle (75 enfants) ; les familles avaient été attribuées au hasard aux groupes expérimental et témoin en contrôlant pour les facteurs de risque. Les résultats révèlent que le programme a un effet significatif sur un test de préalable aux apprentissages scolaires mais aucun sur un test de vocabulaire (PPVT), une échelle d’émergence de l’écrit, ni sur les activités de littératie à la maison.

    Au Québec, quelques programmes de littératie familiale s’adressant à de jeunes enfants de milieux défavorisés et à leurs parents ont été mis au point au cours des dernières années. En voici deux exemples. De A à Z on s’aide (Tremblay et Blain, 1997) est un programme initié par le milieu scolaire en collaboration avec différents organismes communautaires et de santé. Un autre, On découvre l’écrit, je t’aide pour la vie (Couture, Lavoie et Lévesque, 1998), est un programme intergénérationnel qui vise à développer les compétences des parents ayant des difficultés à lire et à écrire afin qu’ils puissent éveiller leurs enfants d’âge préscolaire à l’écrit. Ces programmes n’ont malheureusement pas fait l’objet d’une évaluation avec un groupe de contrôle et des mesures objectives.

    Tracey (1994) conclut une recension des écrits sur les programmes de littératie familiale en signalant que ce type de programme seul, non combiné avec celui donné dans un centre, a un succès modéré.

    Conclusion sur les programmes à la petite enfance e t au préscolaire

    Les études sur les programmes de prévention destinés aux enfants de moins de 5 ans révèlent principalement que l’on peut augmenter les capacités intellectuelles en améliorant la stimulation cognitive. Or, l’augmentation du QI ne garantit pas une meilleure réussite scolaire en particulier en lecture, activité critique dans l’échec scolaire. L’impact des programmes sur les mesures de performance scolaire est faible ; ils ont cependant un certain effet sur le succès scolaire, car ils diminuent le redoublement, les références en adaptation scolaire et l’abandon scolaire. Selon Karweit (1994a), les programmes les plus longs et les plus intensifs sont supérieurs sur le plan de l’efficacité au regard du succès scolaire et du maintien des gains. En outre, les interventions directes auprès des enfants (dans un centre ou une école) seraient nécessaires, celles auprès des parents étant insuffisantes parce que généralement trop courtes ou pas assez fréquentes (Bryant et Maxwell, 1997).

    Quant aux composantes de ces programmes, elles ont peu fait l’objet d’analyses. Dans ceux qui visent le développement général, les activités de littératie ne sont pas très élaborées ; c’est un reproche que l’on a souvent adressé au programme Head Start (Hiebert et Taylor, 1994). Des études récentes enrichissent le programme en y ajoutant des activités favorisant l’émergence de la littératie et de la conscience phonologique (Whitehurst et al., 1999). Il faut souhaiter que, dans les programmes préscolaires futurs, l’émergence de la lecture et de l’écriture devienne une priorité et que les interventions dans ce domaine aient lieu dans les centres tout en encourageant la littératie familiale. Il faut souhaiter également que les futurs programmes de prévention soient l’objet d’une évaluation rigoureuse et, en particulier, les programmes de littératie familiale.

    PROGRAMMES DE MATERNELLE

    La mission première de la maternelle est de préparer l’entrée à l’école des enfants. Devant le constat que certains d’entre eux éprouvent des difficultés dès le début de leur scolarisation, on a voulu maximiser l’effet de la maternelle, d’abord en augmentant sa fréquentation de mi-temps à temps plein. Selon Karweit (1989b), l’effet du temps plein sur le succès scolaire n’est pas démontré. Dans une étude récente menée auprès de 10 841 élèves de l’Île-de-Montréal, Tremblay (1999) trouve que l’augmentation de la fréquentation scolaire à la maternelle, de mi-temps à temps plein, n’a pas d’impact sur la réussite scolaire des enfants des milieux défavorisés. Par ailleurs, on a voulu maximiser l’effet de la maternelle par le redoublement ou en l’étendant sur deux ans ou en lui ajoutant une année de transition avant la première année (ce type de classe est connu au Québec sous le terme de classe de maturation). Karweit (1994b) a fait une recension des études sur le redoublement, la maternelle temps plein et la maternelle sur deux ans et arrive à la conclusion que la promotion en première année est aussi efficace que chacune de ces options.

    Quant aux programmes scolaires de maternelle, traditionnellement, ils étaient centrés sur la socialisation et le développement des habiletés perceptuelles et motrices que l’on considérait comme des préalables aux apprentissages ; l’on sait maintenant que ces préalables n’ont aucun lien avec la lecture et les mathématiques (Karweit, 1989b).

    Les programmes de prévention de l’échec scolaire à la maternelle commencent parfois à la petite enfance ou au préscolaire pour se poursuivre au primaire ; c’est le cas de l’Abecedarian, par exemple. Nous ne traiterons pas de nouveau de ces programmes mais plutôt de ceux qui sont propres à la maternelle. Ces programmes portent essentiellement sur la prévention des difficultés en lecture et sont de deux types : programmes d’émergence de la littératie et de conscience phonologique.

    Les programmes d’émergence de la littératie à la maternelle

    L’apprentissage de la lecture et de l’écriture pose un réel défi pour plusieurs enfants venant de milieux défavorisés. Plusieurs programmes de littératie basés sur les notions socioconstructivistes ont été conçus pour la maternelle et la plupart d’entre eux visent à plonger l’enfant dans un univers riche en littératie. Selon Corcoran-Nielsen et Monson (1996), le rôle de la maternelle consiste à favoriser la construction des connaissances en littératie qui conduiront à l’apprentissage scolaire en donnant à l’enfant plusieurs occasions de lire des livres, d’écrire, de jouer en utilisant la lecture et l’écriture.

    Morrow, O’Connor et Smith (1990) ont expérimenté auprès de 32 enfants de milieux défavorisés un programme qui se donnait à chaque jour pendant 60 minutes et ayant les composantes suivantes : périodes de lecture individuelle, lecture interactive au groupe avec questionnement, prédiction, discussion avant, pendant et après la lecture, lecture pour le plaisir. À la fin de l’année, les enfants du groupe de traitement obtiennent des scores supérieurs à ceux du groupe de contrôle dans le rappel d’histoires, la lecture simulée et la compréhension de texte. Cependant, aucune différence n’est obtenue à un test standardisé de préalables.

    Dans une étude menée à Saint-Jean, Terre-Neuve, Phillips, Norris et Mason (1996) ont évalué l’impact d’un programme de littératie basé sur la lecture interactive de livres. Les 318 enfants de l’étude ont été répartis en trois groupes expérimentaux selon le contexte d’intervention : maison, école, maison et école, et en un groupe de contrôle. Une épreuve de concepts de l’écrit passée en prétest et en post-test révèle que les trois conditions de traitement ont eu un effet significatif à la fin de la maternelle. L’effet à long terme a été évalué par une épreuve de compréhension en lecture soumise de la première à la quatrième année. À la fin de la première et de la deuxième année, des effets positifs se sont maintenus dans les trois groupes expérimentaux. À la fin de la troisième et de la quatrième année, un effet significatif a été relevé dans le groupe où l’intervention n’a eu lieu qu’à l’école seulement. Les auteurs ne donnent aucune explication de cette performance supérieure dans ce groupe principalement par rapport à celui où les interventions ont eu lieu et à l’école et à la maison.

    Saint-Laurent et Giasson (1998, 1999 ; Giasson et Saint-Laurent, 1998) ont mis au point un programme de littératie pour les maternelles de milieux défavorisés ; il avait les composantes suivantes : coin lecture, lecture et écriture dans jeux symboliques, lecture fonctionnelle, lecture interactive d’histoires, coin écriture, activités d’écriture et activités de conscience phonologique. Les enseignantes ont reçu deux jours d’entraînement, ont été visitées toutes les semaines et ont participé à une rencontre mensuelle de supervision en groupe. Quatre ateliers pour les parents étaient centrés sur la lecture de livres à la maison, la fréquentation d’une bibliothèque, la lecture fonctionnelle et les activités d’écriture. Du matériel de lecture et d’écriture à apporter à la maison était donné aux enfants : deux livres d’histoire, crayons et blocs de papier, lettres magnétiques et tableau noir. Les 59 enfants ayant participé au programme présentaient, à la fin de la maternelle, des scores plus élevés à une

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