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Développement social et émotionnel chez l'enfant et l'adolescent, tome 1: Les bases du développement
Développement social et émotionnel chez l'enfant et l'adolescent, tome 1: Les bases du développement
Développement social et émotionnel chez l'enfant et l'adolescent, tome 1: Les bases du développement
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Développement social et émotionnel chez l'enfant et l'adolescent, tome 1: Les bases du développement

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Ce livre présente les connaissances et les hypothèses qui animent le domaine du développement social et émotionnel de l’enfant. Ce premier tome porte sur les aspects normatifs du développement, comme le tempérament, la relation d’attachement ou encore les influences génétiques et biologiques.
LanguageFrançais
Release dateNov 6, 2012
ISBN9782760531932
Développement social et émotionnel chez l'enfant et l'adolescent, tome 1: Les bases du développement

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    Développement social et émotionnel chez l'enfant et l'adolescent, tome 1 - Jean-Pascal Lemelin

    Dufresne

    L’ENFANT ET SES ENVIRONNEMENTS : NOUVELLES PERSPECTIVES SUR L’ÉCOLOGIE DÉVELOPPEMENTALE ET L’ADAPTATION SOCIALE ET ÉMOTIONNELLE

    Nous vivons une période très excitante sur le plan de l’acquisition des connaissances dans le domaine du développement humain et, de manière plus précise, sur le plan de notre compréhension du développement social et émotionnel des enfants et des adolescents. Plusieurs éléments scientifiques et sociaux ont contribué récemment à un essor de connaissances sur les plans empiriques, théoriques et sociaux. Ces aspects font que, d’une manière très concrète, l’écologie dans laquelle se situe l’étude du développement de l’enfant (et non l’étude de l’écologie du développement) se distingue par certaines caractéristiques qui méritent d’être soulignées. Celles-ci font en sorte que ce domaine est en train de prendre une nouvelle direction qui affecte notre science et notre façon de concevoir les facteurs qui contribuent au développement, mais qui nous aide aussi à mieux comprendre la place de l’enfance et de l’adolescence dans le cours du développement humain.

    À cet égard, trois aspects du développement scientifique attirent notre attention : a) les études longitudinales qui caractérisent les travaux sur le développement de l’enfant depuis les années 1970 ; b) les nombreuses études impliquant des stratégies d’intervention auprès d’enfants et d’adolescents provenant de milieux vulnérables ; et c) les tentatives d’intégrer les résultats des travaux dans les politiques sociales et éducatives.

    LES ÉTUDES LONGITUDINALES

    Les études longitudinales, par définition, prennent beaucoup de temps et requièrent énormément de ressources professionnelles et financières pour être réalisées. Les problèmes liés à la formation et la stabilité du personnel de recherche et à l’attrition des participants sont importants et nécessitent une surveillance constante. Bien qu’on puisse bénéficier des résultats de ces travaux à court terme, habituellement, les réelles conclusions de ces études ne peuvent être visibles qu’après quelques années. Dans les dernières décennies, plusieurs études longitudinales ont été réalisées ; ce qui accroit nos connaissances de manière importante. Dans certains cas, ces études se poursuivent et comportent un volet « transgénérationnel ». Dans plusieurs cas, ces travaux ont été inspirés par – et ont servi à valider – des perspectives théoriques novatrices. Par exemple, l’étude du tempérament de l’enfant a été fortement influencée par les travaux originaux de Stella Chess et Alexander Thomas dans la New York Longitudinal Study, débutée en 1956 (Chess, Thomas, Birch et Hertzig, 1960 ; Thomas et Chess, 1957). À cette époque dominée par des conceptions behavioristes et psychanalytiques, l’idée qu’un enfant pouvait naître avec des caractéristiques émotionnelles qui pouvaient teinter la suite de son développement n’était pas bien reçue par de nombreux chercheurs (Kagan, Snidman, Arcus et Reznick, 1994). Ces idées fondatrices sont reprises au chapitre 5 de cet ouvrage. Ici, Coutu, Bouchard, Émard et Cantin résument les travaux portant sur l’ensemble des processus impliqués dans l’élaboration de l’expression et de la régulation des émotions dans des contextes sociaux durant la période préscolaire chez les enfants.

    Les travaux de Chess et Thomas et de leurs collaborateurs, sur une cohorte d’environ 150 enfants suivie sur plusieurs décennies, ont encouragé les chercheurs et praticiens à reconsidérer les travaux essentiels sur les facteurs qui jouent sur le développement humain, et ont mené au déclenchement de programmes de recherche importants afin de mieux décrire et définir les caractéristiques tempéramentales des enfants qui peuvent avoir une conséquence sur le développement de l’adaptation sociale et émotionnelle (Kagan, Snidman, Kahn et Towsley, 2007), l’adaptation scolaire (Goldsmith et al., 2001), l’attention et le traitement de l’information (Rothbart, 2011), ainsi que le développement de la personnalité (Widger et Costa, sous presse), comme l’avaient déjà proposé Chess et Thomas dans leurs travaux initiaux (Thomas et Chess, 1957). Lemelin et Therriault font une recension des principales perspectives théoriques du tempérament de l’enfant, des mesures de ce phénomène et des principaux processus par lesquels le tempérament influence le développement social au chapitre 4. Les notions tempéramentales sont également abordées par Stellern et Gunnar au chapitre 3 portant sur la psychobiologie développementale du stress.

    La théorie de l’attachement a également été à la base de nombreuses études longitudinales. Cette théorie, fondée sur les observations et sur les énoncés théoriques de John Bowlby (1969) et de Mary Ainsworth (Ainsworth, Blehar, Waters et Wall, 1978) propose que, dès la naissance, l’enfant possède une disposition à tisser un lien affectif avec une ou plusieurs figures parentales privilégiées. Selon ces auteurs, cette relation permet à l’enfant d’avoir accès à une personne pouvant l’aider en cas de danger ou de difficulté et le soutenir dans son exploration de son environnement. Élaborée à partir des principes de l’éthologie, cette théorie est fondée sur l’idée que pour comprendre une relation d’attachement, il est essentiel de comprendre l’organisation comportementale de l’enfant à l’égard du parent, surtout dans des moments qui posent un défi à la régulation émotionnelle, plutôt que de simplement compter la fréquence de comportements (Sroufe et Waters, 1977). Cette notion de base donna lieu au développement de la situation étrangère d’Ainsworth, principale méthode d’évaluation de la relation parent-enfant en bas âge. Or, l’élaboration de cette théorie n’était fondée que sur l’observation (très détaillée) de 26 dyades mère-enfant, poussant de nombreux chercheurs et spécialistes de l’époque à remettre en question sa validité (Lamb, Thompson, Gardner et Charnov, 1985). D’importants travaux longitudinaux, réalisés auprès de milliers d’enfants et de parents, ont par la suite démontré que la relation d’attachement était liée à plusieurs antécédents développementaux importants, cohérents avec les énoncés originaux de Bowlby et Ainsworth : les bases de l’attachement se retrouvent dans l’histoire des interactions ayant lieu en début de vie et dans la sensibilité du parent à l’égard de l’enfant (De Wolff et van IJzendoorn, 1997 ; Pederson et Moran, 1996 ; Sroufe, Egeland, Carlson et Collins, 2005 ; van IJzendoorn, Vereijken, Bakermans-Kranenburg et Riksen-Walraven, 2004). L’attachement est aussi associé à divers aspects du développement du langage et du traitement de l’information (Fearon et Belsky, 2004 ; van IJzendoorn, Dijkstra et Bus, 1995), ainsi qu’aux difficultés d’adaptation intériorisées et extériorisées à travers l’enfance (Belsky, 2003 ; Groh et al., 2012). Il serait maintenant difficile d’imaginer une théorie du développement qui ne tienne pas compte des premières relations parent-enfant dans l’élaboration de la personnalité de l’enfant.

    La question de l’attachement sera abordée dans plusieurs chapitres du présent ouvrage. Au chapitre 6, Miljkovitch, Gratier et Danet décrivent les dynamiques qui sous-tendent les interactions entre parent et enfant ainsi que leur pertinence dans l’élaboration des relations d’attachement en bas âge, tout comme pour le développement social. Les chapitres 7 et 8 abordent des thématiques qui nécessitent une compréhension de l’attachement. Dans le chapitre 7, Bureau, Yurkowski et Moss abordent le phénomène de la désorganisation d’attachement et la manière dont il donne lieu, durant la période préscolaire, au contrôle relationnel chez les enfants. Au chapitre 8, Goodman, Newton et Thompson décrivent comment la sécurité d’attachement mesurée durant la période préscolaire est associée à d’autres aspects du développement social et émotionnel et, à l’aide de plusieurs travaux longitudinaux et transversaux d’importance, ils détaillent certains processus développementaux pouvant être impliqués.

    Toutefois, la plupart des travaux portant sur les relations parent-enfant, dont ceux issus du domaine de l’attachement, se concentrent sur le rôle de la mère dans le développement de son enfant. Or, d’autres relations peuvent aussi contribuer à ce développement. Les chapitres 9 et 10 abordent le développement de l’enfant en dehors du contexte très souvent fréquenté de la relation mère-enfant en abordant le rôle et l’importance du père dans le développement précoce de l’enfant (Dubeau et Coutu), ainsi que celui de la coparentalité (Dufresne et Provost).

    Ces travaux sur le tempérament de l’enfant et de l’attachement, réalisés dans le cadre d’études longitudinales, donnent un aperçu important de la continuité du développement et des transformations des phénomènes développementaux. Par exemple, la désorganisation d’attachement en bas âge peut devenir du contrôle relationnel (voir Bureau, Yurkowski et Moss dans le présent ouvrage ; aussi, Moss, Cyr et Dubois-Comtois, 2004) et la réactivité tempéramentale peut devenir un trouble anxieux (voir Lemelin et Therriault, dans le présent volume ; Kagan, Snidman, Zentner et Peterson, 1999). De telles observations, si importantes pour comprendre le développement, ne peuvent avoir lieu sans de longues années de suivi d’une cohorte d’enfants.

    D’autres études longitudinales effectuées au cours des dernières années ont abordé des problématiques sociales importantes, comme le développement des problèmes d’adaptation chez l’enfant et l’adolescent – notamment en lien avec l’extériorisation et l’agressivité (Broidy et al., 2003 ; Tremblay, 2010), les associations entre la qualité des relations entre les pairs et le développement adapté et mésadapté (Boivin, Petitclerc, Feng et Barker, 2010 ; Vitaro, Boivin et Tremblay, 2007), le développement de la psychopathologie (Shakoor et al., 2011 ; Sroufe, Coffino et Carlson, 2010), ainsi que le développement du traitement de l’information, le développement langagier, de l’attention, des fonctions exécutives et d’autres aspects du développement intellectuel (Bornstein et Putnick, 2012 ; Dionne et al., 2003). Toutefois, certains travaux portent sur des dimensions positives du développement plutôt que sur la mésadaptation. Par exemple, au chapitre 11, Poulin explore les relations entre les enfants, les relations entre pairs, et leur rôle en tant que marqueurs et prédicteurs du développement social et émotionnel. Cette question des liens entre les enfants est aussi au centre des préoccupations de Vitaro et Cantin au chapitre 12, traitée sous l’angle des relations d’amitié parmi les enfants et les adolescents. Enfin, au chapitre 13, Bouchard, Coutu et Landry décrivent les antécédents et les mécanismes impliqués dans l’élaboration des comportements positifs prosociaux chez l’enfant durant les périodes préscolaire et scolaire.

    Dans leur ensemble, ces travaux ont été réalisé auprès de clientèles à faible risque (Dionne et al., 2003), à risque sur le plan social (Lemelin, Tarabulsy et Provost, 2006 ; Sroufe et al., 2010) et à risque pour des raisons biologiques (Anderson, 2012 ; Nadeau, Routhier et Tessier, 2008), ainsi qu’avec des groupes provenant de milieux culturels différents (Bornstein et Putnick, 2012). Certaines études portent maintenant sur les enfants des enfants de ces travaux longitudinaux (Stack et al., 2012), nous permettant d’obtenir des informations précieuses concernant les processus transgénérationnels.

    L’étude du National Institute of Child Health and Development pilotée par le Early Child Care Research Network (NICHD-ECCRN, 2005) constitue un exemple de chercheurs se regroupant afin d’examiner des questions précises grâce à une vaste enquête longitudinale. Le premier objectif de cette étude est de déterminer le rôle que peuvent jouer les premières expériences non parentales (garderies, écoles, etc.) sur le développement de l’enfant. Mais au fil des années, cette étude est devenue, par sa qualité et par l’intérêt qu’elle génère, un véritable laboratoire du développement humain. Commencée en 1987 et mobilisant plus d’une trentaine de chercheurs provenant surtout des États-Unis, cette étude utilise plusieurs éléments méthodologiques qui caractérisent les plus petites entreprises – observations directes à plusieurs reprises de divers aspects du développement, des interactions et des relations parent-enfant, des relations avec d’autres agents sociaux, des évaluations multi-informateurs, des mesures répétées à haute densité, etc. – auprès de 1364 enfants nés en 1991 et de leur famille. Le caractère exhaustif de l’évaluation des environnements, des parents et des enfants, ainsi que des processus développementaux propres à l’enfance et à l’adolescence, permet de penser que cette enquête continuera de contribuer à la science du développement humain pendant encore plusieurs années.

    D’autres études longitudinales portent sur des groupes de jumeaux. Au cours des dernières années, ces travaux nous ont permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur les contributions génétiques à un ensemble de phénotypes et de mieux comprendre comment la génétique peut interagir avec différentes caractéristiques de l’environnement pour influencer le développement (Arseneault et al., 2011 ; Caspi et al., 2002 ; Dionne et al., 2003 ; Greven, Rijsdijk, Asherson et Plomin, 2012). Comme le mentionnent Forget-Dubois et Lemelin (chapitre 1), de nombreux aspects du développement semblent être sous une influence génétique, mais cette influence varie selon le domaine précis qui est étudié et selon l’environnement social, qui constitue l’écologie développementale de l’enfant. Ces travaux sont davantage complexes dans la mesure où, pour bien comprendre l’interaction entre les événements et les facteurs génétiques, certains marqueurs génétiques précis doivent être considérés (Ellis et Boyce, 2011) et, dans d’autres cas, le moment précis de l’événement environnemental qui interagit avec une disposition génétique peut être important (Poggi Davis, Glynn, Waffarn et Sandman, 2011).

    Les travaux en génétique quantitative aident à mieux comprendre l’interface entre les dimensions biologiques et les dimensions sociales dans le développement humain. Cette question sera abordée au chapitre 2, dans lequel Bussières, Pearson, Tarabulsy, Tessier, Charland, Giguère et Forest font une analyse systématique de l’effet du stress prénatal sur des variables de naissance de l’enfant. Ici, on souligne l’importance de diverses définitions et conceptions du stress dans le cadre d’études qui sont, nécessairement, longitudinales. Stellern et Gunnar (chapitre 3) font un résumé des connaissances sur les liens entre les expériences précoces des enfants (parfois les expériences prénatales) et le développement des mécanismes psychobiologiques qui constituent l’infrastructure pour répondre au stress durant l’enfance, infrastructure très importante dans l’adaptation ultérieure également. Il s’agit d’un domaine qui ne fait que commencer à révéler la complexité et la richesse des facteurs qui contribuent au développement humain.

    On ne peut sous-estimer la contribution des travaux longitudinaux réalisés au cours des 30 dernières années sur notre compréhension du développement humain, surtout durant la période de l’enfance et de l’adolescence. Toute nouvelle conception de l’enfant, de l’adolescent, peut être examinée à la lumière de ces travaux et des nouvelles études qu’ils engendrent. Il faut tout de même souligner que notre compréhension du développement humain n’est que parcellaire et qu’il reste énormément de recherche à réaliser afin de mieux comprendre l’ensemble des processus qui y sont impliqués. Mais les résultats de ces travaux, avec toute l’interprétation, les débats et les idées qui en émanent, laissent croire qu’une porte importante a été entrouverte au cours des dernières décennies en ce qui concerne notre compréhension du développement humain.

    LES ÉTUDES AVEC INTERVENTION

    Malgré leur envergure, les études longitudinales comportent certaines limites qu’il est important de souligner : 1) parfois très vastes, elles se réfèrent souvent à des informations sommaires, des concepts complexes qui sont mesurés en quelques énoncés, souvent très peu d’observation ou entrevues informées et, avec quelques exceptions, une dépendance sur des informations provenant des participants eux-mêmes. On n’y échappe pas même dans des petites études, mais leur envergure fait que l’on ne peut la plupart du temps travailler avec des observateurs formés pour obtenir les données en raison des coûts que ce choix engendrerait. Il y a quelques exceptions récentes, comme l’Étude des jumeaux nouveaux-nés du Québec (voir Boivin et al., 2010 ; Dionne et al., 2003) et l’étude du NICHD (NICHD-ECCRN, 2005), mais plusieurs études très souvent citées reposent essentiellement sur des mesures papier-crayon complétées par les participants. Dans de tels cas, malgré l’envergure des études, certaines questions méritent d’être posées concernant la validité externe des résultats ; 2) elles demeurent corrélationnelles, ce qui exclut de manière importante la possibilité de tester les liens de causalité. Ces raisons font qu’il reste important de réaliser de petites études, surtout des travaux impliquant des devis d’intervention.

    Les études impliquant une intervention servent principalement l’objectif d’élaborer des stratégies pratiques permettant d’améliorer les circonstances psychosociales, psychobiologiques ou autres, dans le but de soutenir le développement humain. Il s’agit d’un objectif tout à fait cohérent avec l’ensemble de l’entreprise psychosociale telle qu’elle a traditionnellement été conçue. Cependant, une étude avec intervention permet également de sortir du créneau des études corrélationnelles en permettant la manipulation d’une variable. Dans ce contexte, les études avec intervention sont analogues aux études fondamentales dans les sciences biologiques, pharmacologiques ou médicales. L’interprétation d’une relation causale est soutenue en changeant le niveau d’une variable clé et en examinant les changements sur les variables qui y sont associées.

    Habituellement, ces stratégies reposent sur des observations effectuées dans le cadre des études longitudinales qui identifient des médiateurs du développement. Plusieurs médiateurs du développement ont déjà été identifiés : la génétique, la qualité de l’environnement intra-utérin (avant la naissance de l’enfant), les facteurs périnataux, la sensibilité parentale et la qualité des interactions parent-enfant, la qualité de l’environnement hors familial, les relations entre pairs, pour ne nommer que ces quelques exemples qui touchent directement l’enfance et qui sont repris dans le présent ouvrage. Prenons, à titre d’exemple, la qualité de l’environnement prénatal. Plusieurs chercheurs ont récemment fait l’observation que la présence de stress pendant la période prénatale est associée à davantage de difficultés lors de la naissance (petit poids, âge gestationnel inférieur) et un développement cognitif moins optimal (voir Bergman, Sarkar, Gover et O’Connor, 2010 ; King et Laplante, 2005), suggérant qu’une sorte de « programmation fœtale » s’effectuait chez les mères qui vivaient de grands stress durant leur grossesse. Il s’agit de corrélations entre des indices de stress et des aspects du développement, une association qui constitue la première condition pour inférer un lien de causalité entre stress prénatal et développement. Cependant, la recherche en psychologie a maintes fois démontré que ce qui peut sembler comme un lien de causalité peut aussi être attribuable à des facteurs confondants. Par exemple, dans le cas du lien entre le stress prénatal et le développement cognitif, il est concevable que les parents plus stressés puissent aussi avoir des interactions plus problématiques avec leur enfant (Candaleria, Teti et Black, 2011). De telles interactions ont régulièrement été mises en lien avec la qualité du développement cognitif (Lemelin, Tarabulsy et Provost, 2006 ; Tarabulsy et al., 2011). Une façon de tester directement le lien de causalité est d’appliquer une stratégie d’intervention permettant de réduire le stress prénatal et d’examiner ensuite les niveaux de développement cognitif de l’enfant. Un tel devis nécessite d’abord qu’on démontre l’efficacité de l’intervention et, dans un deuxième temps, que soit faite la démonstration que la réduction du stress prénatal est associée à une augmentation cohérente du développement cognitif. Une telle démonstration, sans être finale, constitue un soutien empirique pour la présence d’un lien de causalité.

    Au cours des dernières années, de nombreuses stratégies d’intervention ciblant divers processus développementaux et aspects du développement de l’enfant et de l’adolescent ont été appliquées avec succès. Certaines ont ciblé la qualité des interactions parent-enfant et la sécurité et l’organisation de l’attachement (Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn et Juffer, 2003 et 2005), la régulation émotionnelle (Ammaniti et al., 2006), le développement cognitif (Field et al., 2000), l’adaptation parentale et la diminution du risque à la maltraitance (Olds, 2002), la préparation à l’école et la réussite scolaire en début de scolarisation (Weikart, 2002), les relations entre pairs et l’adaptation sociale et psychologique (Conduct Problems Prevention Research Group, 2010), la persévérance scolaire (Campbell et al., 2008), pour ne nommer que ces quelques exemples. Ces travaux ont souvent été réalisés auprès de clientèles à risque pour des raisons psychosociales (Field et al., 2000 ; Olds, 2002) et biologiques (Tessier et al., 1998). Au moins deux constats émergent de ces travaux d’intervention. Le premier est qu’il existe énormément de stratégies d’intervention qui se sont avérées efficaces pour aborder une panoplie de difficultés liées au développement humain. Certes, ces travaux documentent également des stratégies qui ont eu des effets néfastes sur le développement (voir Dishion, McCord et Poulin, 1999), mais ce qui frappe l’imaginaire est que les chercheurs montrent de manière assez convaincante qu’il est possible de mieux soutenir différents aspects du développement humain (Hunsley, 2002). Dans certains cas, des méta-analyses permettent même de tirer certaines conclusions sur les facteurs qui viennent modérer l’impact des stratégies d’intervention (Bakermans-Kranenburg et al., 2003 et 2005). Ainsi, il existe des connaissances permettant de structurer des stratégies d’intervention réellement efficaces.

    Un deuxième constat est que la majorité des chercheurs, avec quelques exceptions, n’utilisent pas les études avec intervention pour examiner certains postulats théoriques concernant le développement humain et certaines suggestions qui émanent des études longitudinales, ce qui, sur le plan scientifique, est dommage. Un examen sommaire des quelques études qui le font indique qu’une telle utilisation de ces études serait bénéfique. Par exemple, plusieurs études ont démontré qu’en améliorant la qualité des interactions parent-enfant, on améliore également le développement cognitif du nourrisson ou de l’enfant d’âge préscolaire (Field et al., 2000). De même, les études portant sur l’amélioration des interactions parent-enfant démontrent également une amélioration de la sécurité et de l’organisation de l’attachement (Bakermans-Kranenburg et al., 2003, 2005), ainsi qu’une amélioration de la régulation émotionnelle (Ammaniti et al., 2006). Cependant, lorsqu’on examine de manière précise si la qualité des interactions est responsable de l’amélioration du développement cognitif ou de l’attachement, les résultats laissent perplexe. Dans les quelques études qui ont examiné cette question, il semble que l’intervention influence positivement la qualité des interactions parent-enfant et le développement de l’enfant (développement cognitif, attachement, régulation émotionnelle), mais que la qualité des interactions ne médiatise pas l’effet de l’intervention sur le développement. Il s’agit d’un résultat qui indique que l’intervention doit influencer le développement par divers processus, et non uniquement par le processus qui est ciblé par l’intervention (l’amélioration des interactions). Sur le plan des connaissances, il s’agit d’une question importante qui suggère que plusieurs processus développementaux n’ont pas encore été suffisamment bien compris pour être intégrés dans les protocoles d’intervention. Nous avons des stratégies qui aident. Il reste que nous devons mieux comprendre et articuler les mécanismes par lesquels ces stratégies fonctionnent. Au chapitre 4, Lemelin et Therriault décrivent certains processus qui peuvent avoir été occultés dans les travaux de recherche impliquant un protocole d’intervention.

    L’INTÉGRATION DE CONNAISSANCES SUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL ET ÉMOTIONNEL DE L’ENFANT DANS LE CADRE DE POLITIQUES DE SANTÉ PUBLIQUES

    Certains succès de recherche impliquant des devis d’intervention ont capté l’imaginaire des intervenants et des décideurs dans le domaine social. Les travaux de Olds et ses collaborateurs auprès de familles vulnérables dans plusieurs centres urbains américains ont révélé les conséquences que peuvent avoir des initiatives communautaires, ciblées sur l’intégration sociale des parents, la qualité et l’harmonie de la vie familiale, ainsi que la santé et le développement des enfants (voir Olds, 2002 ; Olds, Saddler et Kitzman, 2007 ; Zielinski, Eckenrode et Olds, 2009). Cette stratégie d’intervention, fondée sur un suivi étroit des familles par des intervenants recevant une formation et un encadrement rigoureux, réalisant des visites au domicile des parents, débutant pendant la grossesse de la mère et se poursuivant jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 2 ans, a été reprise par de nombreux chercheurs dans différents contextes (Sweet et Applebaum, 2004). Les premiers résultats de cette équipe furent publiés au cours des années 1980 et ont inspiré plusieurs états américains et plusieurs pays, incluant le Canada et, de manière importante le Québec, à adopter des stratégies de prévention semblables à l’égard des familles à risque sur le plan social. Au Québec, ces stratégies ont eu comme nom : Naître égaux – Grandir en santé, le Programme de soutien pour jeunes parents et les services intégrés en périnatalité et en petite enfance (Ministère de la Santé et des Services sociaux – MSSS, 2005 et 2009).

    D’autres travaux ont eu un impact semblable. Les surprenants résultats du projet High-Scope/Perry Preschool ont démontré l’importance que peut avoir une structure éducative préscolaire pour les enfants provenant de milieux défavorisés (Weikart, 2002). Cette étude, qui intègre un protocole d’intervention à l’intérieur d’une étude longitudinale, fait la démonstration que les effets de l’intervention préscolaire peuvent être observés plus de vingt-cinq ans plus tard chez ceux qui y ont participé, en comparaison avec un groupe d’enfants contrôle n’ayant pas participé à cette intervention. Cette approche éducative est à la base de plusieurs programmes appliqués dans le cadre de services de garde afin de bonifier les occasions d’apprentissage des enfants. Barnett (2000) fait l’éloge de ce type d’approche dans l’éducation des jeunes enfants sur le plan strictement économique, indiquant que les économies à long terme attribuables à la participation à un tel programme équivalent plusieurs fois les coûts du programme.

    D’autres exemples existent pour suggérer que les gouvernements occidentaux ont été sensibilisés à l’importance d’accorder des ressources aux parents de jeunes enfants. Quelques exemples du Québec : les changements à la Loi sur la protection de la jeunesse qui exigent que soient stabilisées les trajectoires de vie des enfants dont le développement ou la sécurité est menacée (MSSS, 2006) ; le financement du réseau des services de garde (Assemblée nationale du Québec, 1997) pour aider les parents dans leur organisation familiale ; le régime québécois d’assurance parentale (Emploi et solidarité sociale Québec, 2009). Des exemples analogues existent dans plusieurs provinces canadiennes, plusieurs états américains ainsi que dans certains pays d’Europe. L’ensemble de ces programmes sociaux et des changements de politiques sociales découle (du moins, en partie) de l’importance attribuée aux résultats de recherche démontrant l’efficacité de l’intervention sociale, de même qu’aux travaux qui soulignent le caractère prioritaire des premières années dans la vie d’un enfant pour la suite de son développement.

    Ces changements témoignent également de nouveaux défis et des besoins sur le plan des connaissances. En effet, la recherche sur le développement humain porte sur les conditions nécessaires pour l’implantation efficace de stratégies d’interventions afin que celles-ci puissent avoir un véritable apport positif dans la vie des familles et des enfants. L’implantation de stratégies efficaces dans un réseau d’établissements gouvernementaux et communautaires qui ne sont pas prêts à les accueillir s’est toujours avérée problématique. De fait, l’interface entre le monde de la recherche et les réseaux doit permettre à l’intervention de sortir du milieu universitaire, souvent très hautement contrôlé par les impératifs de la recherche scientifique. Cependant, cette interface doit aussi exiger un rehaussement de la rigueur de l’intervention. L’infrastructure sociale doit pouvoir s’adapter aux résultats des travaux de recherche, savoir les évaluer et les intégrer dans sa pratique quotidienne auprès des familles. Au-delà des connaissances sur le développement de l’enfant et sur les conditions qui y contribuent, il est nécessaire de mieux comprendre les conditions de formation et d’organisation des structures qui prennent sur elles la responsabilité d’intervenir auprès des enfants et des familles (Tarabulsy, Provost, Drapeau et Rochette, 2008).

    CE LIVRE

    Ce livre est le premier de deux portant sur le développement social et émotionnel des enfants et des adolescents. Ensemble, ils comprennent 27 chapitres portant, dans un premier temps, sur des aspects normatifs du développement et, dans le deuxième volume, sur des questions et des sujets spéciaux. Ces chapitres, provenant surtout de chercheurs québécois, mais aussi de certains provenant du Canada, des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni, touchent, de différentes façons, ces trois éléments qui caractérisent l’horizon de la recherche sur le développement social et émotionnel – devis de recherche longitudinaux, accent sur l’intervention, transfert de connaissances vers la pratique –, tout en abordant des aspects fondamentaux de nos connaissances sur les enfants et leurs environnements.

    Les chapitres de ce premier ouvrage, ont pour but de situer le domaine de recherche, de présenter certaines facettes des connaissances, des hypothèses et des spéculations que peuvent avoir les chercheurs concernant le domaine du développement social et émotionnel de l’enfant et de l’adolescent. Le deuxième volume aborde des sujets spéciaux, notamment en lien avec l’intervention et les clientèles particulières.

    Ensemble, ces deux volumes dépeignent un domaine riche, vaste est d’une grande complexité. Ils exposent les connaissances envers lesquelles nous pouvons avoir confiance, ainsi que les endroits où nous devons faire preuve de prudence et, certainement, les questions qui demeurent. Ces deux livres illustrent également la diversité et la pertinence des connaissances dans le domaine du développement social et émotionnel, tant pour le monde de l’intervention, afin de favoriser un développement harmonieux chez les enfants, que pour le domaine des connaissances fondamentales. Enfin, notre espérance est que ces volumes attisent la curiosité, le désir d’ouvrir un peu plus la porte, la motivation de mieux questionner afin de réfléchir sur les processus qui contribuent au développement de ce que tous deviennent.

    RÉFÉRENCES

    AINSWORTH, M.D.S., BLEHAR, M.C., WATERS, E. et WALL, S. (1978). Patterns of Attachment : A Psychological Study of the Strange Situation. Hillsdale : Erlbaum.

    AMMANITI, M., SPERANZA, A.M., TAMBELLI, R., MUSCETTA, S., LUCARELLI, L., VISMARA, L., ODORISIO, F. et CIMINO, S. (2006). A prevention and promotion intervention program in the field of mother-infant relationship. Infant Mental Health Journal, 27, 70-90.

    ANDERSON, V. (2012). Prediction of cognitive abilities at the age of 5 years using developmental follow-up assessments at the age of 2 and 3 years in very preterm children. Developmental Medicine and Child Neurology, 54, 202-203.

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    Le développement de la génétique du comportement humain au XXe siècle est indissociable du débat entre la nature et la culture qui a longtemps opposé deux visions du développement humain, l’une accordant une importance déterminante aux caractères innés et l’autre aux caractères acquis (Loehlin, 2009). Ce débat a pris toute son importance dans l’étude du développement de l’enfant : peut-on – et si oui, jusqu’à quel point – modeler le devenir d’un enfant par l’éducation et l’intervention ? Les gènes, ayant été identifiés comme l’unité de la transmission héréditaire, déterminent-ils le développement de l’enfant en dépit des contraintes et des richesses de l’environnement familial ?

    Les modèles proposés pour expliquer l’importance respective des gènes et de l’environnement dans le développement ont varié entre la notion de tabula rasa, concept développé entre autres par le philosophe anglais John Locke au XVIIe siècle qui impliquait que le développement humain est entièrement déterminé par l’expérience (voir Pinker, 2002, pour une discussion de ce sujet), et la notion voulant que les parents aient peu d’influence sur le développement de l’enfant en comparaison des facteurs génétiques (Harris, 1995 ; Rowe, 1994). Toutefois, au tournant du XXIe siècle, l’acceptation de l’importance combinée des gènes et de l’environnement pour expliquer la variation comportementale humaine semble avoir fait consensus (Collins et al., 2000 ; Maccoby, 2000). D’une part, une meilleure connaissance de la génétique a permis de comprendre qu’un effet génétique sur un comportement humain n’est ni déterministe ni immuable : hériter d’un gène ne prédestine pas un individu à développer un certain comportement. D’autre part, nous comprenons mieux les mécanismes par lesquels l’exposition à différents environnements peut faire varier l’expression des gènes et comment les gènes peuvent influencer à leur tour l’environnement. La nécessité de prendre en compte la génétique dans tous les aspects du développement humain ne rencontre plus beaucoup d’opposition, et toutes les grandes revues scientifiques spécialisées en développement consacrent une large place aux études génétiquement informatives. Par exemple, dans un récent numéro spécial de la revue Child Development (vol. 81, no 1, janvier-février 2010) portant sur l’effet des influences environnementales précoces sur le développement, environ 40% des articles portaient sur l’interaction entre des caractéristiques génétiques ou d’autres caractéristiques biologiques et l’expérience environnementale des jeunes enfants.

    Si l’importance des querelles idéologiques a reflué, les difficultés méthodologiques de la génétique du comportement font toujours l’objet d’intenses discussions (Collins et al., 2000 ; Turkheimer, 2000). Comment distinguer les effets des gènes des effets de l’environnement ? Comment mettre en évidence les interactions entre les gènes et l’environnement ? Dans les études du comportement animal, la manipulation en laboratoire permet de garder l’environnement constant pour étudier l’expression des différentes formes d’un gène, ou encore d’étudier les différences dans l’expression d’un même gène soumis à différentes conditions environnementales. Chez les humains, de telles expériences sont contraires à l’éthique. Ce chapitre vise donc à résumer brièvement les méthodes non expérimentales développées pour étudier les influences génétiques sur le comportement humain, à décrire les processus développementaux impliquant les gènes et l’environnement, de même qu’à donner un aperçu des enjeux actuels de la discipline. Certaines de ces méthodes sont quantitatives, c’est-à-dire qu’elles sont basées sur le degré de ressemblance génétique entre individus apparentés ; d’autres cherchent à identifier le rôle de gènes spécifiques dans les processus développementaux.

    QUELQUES DÉFINITIONS

    Dans cette section, nous allons brièvement définir le vocabulaire de base nécessaire à la compréhension du chapitre (pour des définitions plus complètes, voir Plomin, DeFries, McClearn et McGuffin, 2008). Un gène est un segment de la molécule d’ADN qui code l’information pour la production d’une protéine ou régule l’action d’autres gènes. Un gène n’a donc pas un effet direct sur les comportements ou sur les autres traits observés ; son action ne peut qu’être indirecte, par la cascade de processus biochimiques dans lesquels les protéines sont impliquées. Les gènes sont situés sur les chromosomes, dans le noyau de chaque cellule. Chaque individu possède 23 paires de chromosomes ; un des chromosomes de chaque paire est hérité de la mère et l’autre, du père. Chaque individu possède donc deux copies de chaque gène. Cependant, ces copies ne sont pas forcément identiques. Un gène peut prendre plusieurs formes, appelées allèles. La variation entre les allèles provient de changements dans la séquence des nucléotides, qui sont les unités de base de la molécule d’ADN. Un nucléotide peut, par exemple, être substitué par un autre, ou une séquence peut être répétée un nombre variable de fois. La combinaison des allèles hérités du père et de la mère peut influencer l’expression du gène. Par exemple, quand un allèle dit dominant est apparié avec un allèle dit récessif, seul l’allèle dominant s’exprime. Lorsque deux allèles récessifs sont combinés, l’effet de l’allèle récessif est observé. Toutefois, pour la plupart des gènes, les deux allèles seront exprimés et leurs effets, combinés.

    Un gène s’exprime nécessairement dans un environnement. Par exemple, l’alimentation fournit à l’organisme les acides aminés que ce dernier ne peut synthétiser ; les gènes contiennent le code qui permet d’assembler les acides aminés en protéines, qui remplissent à leur tour de nombreuses fonctions dans l’organisme. La production des protéines par l’assemblage de chaînes d’acides aminés demande plusieurs opérations de transcription du code génétique dont le succès peut être influencé par l’environnement de la cellule (Rutter, Moffit et Caspi, 2006). Le produit de l’expression d’un gène (ou de la combinaison de plusieurs gènes) dans l’environnement est un phénotype. Plus généralement, est appelé phénotype tout trait mesurable : il peut s’agir autant de la taille des individus que de la qualité de leur langage en passant par leurs traits de personnalité.

    QUELQUES NOTIONS DE STATISTIQUES

    Le présent chapitre fait référence à plusieurs notions de statistiques qu’il est utile de rappeler brièvement. Les études en sciences sociales et sciences de la santé portent généralement sur un échantillon, c’est-à-dire sur un petit groupe de participants à l’étude. Dans le meilleur des cas, l’échantillon est représentatif de la population de laquelle il est issu, c’est-à-dire qu’il possède les mêmes caractéristiques que celle-ci. Les conclusions tirées à partir de l’échantillon peuvent alors être généralisées à la population. L’ensemble des scores de chaque individu pour une mesure est représenté sous la forme d’une distribution. Plusieurs statistiques décrivent cette distribution : la moyenne, par exemple, décrit le centre approximatif de la distribution. La variance décrit la répartition des scores autour de la moyenne. Si les individus de l’échantillon ont tous des scores très semblables, les scores seront tous très proches de la moyenne et il y aura peu de variance ; par exemple, le nombre de doigts de la main varie peu. Si les scores sont très différents les uns des autres, il y aura plusieurs scores éloignés de la moyenne et donc beaucoup de variance pour la mesure ; la taille, par exemple, varie beaucoup entre les individus.

    Certaines statistiques permettent d’exposer la relation entre plusieurs mesures provenant d’un échantillon. La covariance décrit comment une mesure varie en fonction d’une autre mesure. Par exemple, des mesures de taille et de poids dans un échantillon montreraient une covariance positive : lorsque la taille augmente, le poids a tendance à augmenter aussi. Une covariance négative pourrait aussi être constatée : par exemple, lorsque le revenu augmente, l’insécurité alimentaire diminue. La mesure de covariance est généralement rapportée sous sa forme normalisée, le coefficient de corrélation. En l’absence d’association entre deux mesures, le coefficient de corrélation est égal à 0. Si la corrélation est positive, le coefficient varie entre 0 et 1. Si la corrélation est négative, le coefficient varie entre 0 et –1. Une corrélation égale à 1 ou à –1 est une corrélation parfaite. On peut dire de deux mesures qui covarient qu’elles partagent de la variance.

    Il est possible d’estimer la variance partagée entre deux variables en contrôlant d’autres facteurs par la technique de régression multiple. Enfin, les études en génétique quantitative reposent largement sur une technique d’analyse appelée équation structurelle, qui consiste à utiliser la technique de régression multiple pour examiner la relation entre des variables latentes, c’est-à-dire des variables qui ne sont pas directement mesurées mais estimées à partir d’autres variables qui, elles, sont mesurées. L’analyse fournit plusieurs indices de l’ajustement d’un modèle d’équation structurelle, indices qui permettent de savoir si le modèle testé représente une explication plausible des relations observées entre les variables mesurées.

    LA GÉNÉTIQUE QUANTITATIVE

    Gregor Mendel a proposé, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, une théorie des particules héréditaires qui est à l’origine de la science de la génétique. Mendel ignorait la nature de ces « particules » ; son raisonnement reposait sur l’observation et la quantification des caractéristiques phénotypiques des petits pois (Plomin et al., 2008). Avant même que la structure de l’ADN soit décrite par James Watson et Francis Crick (1953), des chercheurs ont commencé à appliquer un raisonnement similaire à l’étude des traits humains. Le principe de base de la génétique quantitative du comportement humain est simple : si un trait a une base génétique, plus les individus sont fortement apparentés, plus ils devraient se ressembler pour ce trait. Par exemple, les membres d’une fratrie partageant en moyenne 50% de leurs gènes (c’est-à-dire qu’ils ont hérité de leurs parents les mêmes allèles dans 50% des cas en moyenne) devraient être plus semblables pour un trait mesuré ayant une base génétique que des cousins (partageant en moyenne 25% de leurs gènes). Cependant, les personnes ayant une parenté génétique partagent souvent, dans une certaine mesure du moins, le même environnement familial. Pour pouvoir arriver à quantifier l’importance de la part des gènes dans la variation d’un phénotype, il faut arriver à contrôler la ressemblance environnementale en plus de connaître le degré de ressemblance génétique entre les individus.

    LA MÉTHODE DES JUMEAUX

    Une solution au problème de la confusion des influences génétiques et environnementales est de se limiter à deux groupes d’individus génétiquement apparentés : les jumeaux identiques et les jumeaux fraternels (voir Plomin et al., 2008, pour une description détaillée des méthodes en génétique du comportement humain). Les jumeaux identiques sont dits monozygotes (MZ) parce qu’ils proviennent d’un seul zygote qui s’est séparé en deux individus peu de temps après la fécondation d’un ovule. Les jumeaux MZ, si on exclut les mutations et autres accidents de réplication de l’ADN, partagent 100% de leurs gènes, c’est-à-dire qu’ils ont reçu de chaque parent exactement les mêmes allèles. Les jumeaux fraternels sont dits dizygotes (DZ) parce qu’ils sont le fruit de la fécondation de deux ovules et sont donc deux individus distincts dès la conception, partageant en moyenne 50% de leurs gènes, comme les membres d’une fatrie de naissance simple. Dans un échantillon de jumeaux, la corrélation génétique des jumeaux MZ est donc égale à 1 et la corrélation génétique des jumeaux DZ est égale à 0,5 en moyenne. Les corrélations génétiques entre jumeaux sont donc des données connues, dérivées de la connaissance de la transmission des gènes. Dans un échantillon de jumeaux, nous pouvons prendre une mesure du phénotype qui nous intéresse et calculer la corrélation phénotypique entre les jumeaux des paires, séparément pour les jumeaux MZ et DZ. Autrement dit, les questions suivantes peuvent être posées grâce à l’utilisation d’un échantillon de jumeaux : si le score d’un jumeau est élevé pour une mesure, est-ce que le score de son cojumeau tend à être aussi élevé ? L’association observée entre jumeaux est-elle plus forte chez les jumeaux MZ que chez les jumeaux DZ ? De plus, contrairement aux enfants de naissance simple, les jumeaux ont des environnements très semblables puisqu’ils sont exposés aux mêmes événements en même temps et au même âge ; ceci offre un certain contrôle sur la ressemblance environnementale qu’il n’est pas possible d’obtenir pour des frères et sœurs de naissance simple et encore moins pour des cousins.

    Le principe de base de la méthode des jumeaux est donc le suivant : à environnement égal, une corrélation phénotypique plus élevée pour les jumeaux MZ que pour les jumeaux DZ indique que la variance du trait à l’étude est en partie due à la variance génétique, autrement dit que ce trait est héritable.

    HÉRITABILITÉ ET INFLUENCES ENVIRONNEMENTALES

    Les devis en génétique quantitative s’intéressent à la variance d’un trait dans une population et non aux caractéristiques phénotypiques d’un individu donné. L’objectif de base de la méthode des jumeaux est d’estimer l’héritabilité des phénotypes humains. L’héritabilité correspond à la part de la variance d’un phénotype attribuable à la variance génétique entre les individus. L’héritabilité, comme la variance, est donc une statistique qui s’applique à une population donnée et non à des individus spécifiques. Elle peut varier avec le temps et entre différentes populations. Enfin, il est important de distinguer l’héritabilité du déterminisme génétique. Un exemple illustre bien la différence entre ces deux construits : avoir cinq doigts à la main est une caractéristique génétiquement déterminée de notre espèce. Comme il y a peu de variance dans le nombre de doigts et que le peu de variance qui existe est surtout due à des accidents, des substances tératogènes et autres causes environnementales, le nombre de doigts ne serait que très faiblement héritable même s’il est génétiquement déterminé. Soulignons enfin que si trouver de l’héritabilité pour un phénotype signifie que des gènes sont impliqués dans la production et dans la variation de ce phénotype, les gènes spécifiques ne peuvent pas être identifiés par la seule méthode des jumeaux ; obtenir une estimation de l’héritabilité ne donne aucune piste pour déterminer quels gènes sur quels chromosomes participent à la variance du trait héritable.

    L’examen des corrélations intrapaires des jumeaux MZ et DZ permet toutefois de distinguer deux types d’influence génétique sur la variance phénotypique. Il est généralement présumé que des phénotypes complexes comme les traits et comportements humains sont influencés par un grand nombre de gènes dont les effets s’additionnent. On appelle variance génétique additive la part de l’héritabilité qui représente l’effet cumulatif d’un certain nombre de gènes. Par ailleurs, nous avons vu que les gènes peuvent parfois interagir, soit au niveau des allèles d’un même gène quand un allèle est dominant et l’autre récessif, soit quand un gène régule l’action d’un autre gène. Ces effets d’interaction représentent la part de l’héritabilité appelée variance génétique non additive. Pour que deux individus puissent montrer les mêmes effets phénotypiques de gènes non additifs, il faut qu’ils possèdent exactement la même combinaison d’allèles ou de gènes. C’est toujours le cas pour les jumeaux MZ, donc la corrélation génétique non additive de ces derniers est égale à 1. Pour les jumeaux DZ, les chances d’hériter de la même combinaison d’allèles pour un gène sont de une sur quatre. Si plusieurs gènes sont en interaction, la probabilité pour des jumeaux DZ d’avoir hérité de la même combinaison de gènes et d’allèles diminue. La corrélation génétique non additive des jumeaux DZ est donc égale ou inférieure à 0,25.

    La part de la variance d’un trait qui n’est pas attribuable à la variance génétique est attribuée à la variance environnementale. La méthode des jumeaux permet de distinguer deux types d’influences environnementales. La première est appelée environnement commun (ou partagé) et représente toute influence environnementale qui augmente la similarité intrapaire des jumeaux sans égard pour la zygotie des jumeaux. La seconde est appelée environnement unique (ou non partagé) et représente toutes les influences environnementales qui augmentent la différence intrapaire des jumeaux (Turkheimer et Waldron, 2000). L’environnement unique comprendra également l’erreur de mesure si le phénotype est mesuré indépendamment pour chaque jumeau. Comme dans le cas de l’héritabilité, l’environnement commun et l’environnement unique ne représentent que des parts de variance d’un phénotype et ne permettent pas en eux-mêmes d’identifier des influences environnementales spécifiques.

    COMPARAISON DES CORRÉLATIONS DES MZ ET DES DZ

    La méthode la plus simple pour estimer l’héritabilité et les parts de variance attribuables à l’environnement commun et à l’environnement unique consiste à comparer les corrélations intrapaires des MZ et des DZ. Le tableau 1.1 résume l’interprétation des différentes combinaisons possibles de corrélations phénotypiques pour les jumeaux MZ et DZ.

    En outre, il est possible de démontrer qu’une bonne approximation de l’héritabilité peut être obtenue par la formule suivante (voir Plomin et al., 2008, 374-383, pour la démonstration mathématique) :

    h² représente l’héritabilité, rMZ représente la corrélation phénotypique des jumeaux MZ et rDZ représente la corrélation phénotypique des jumeaux DZ. Pour illustrer cette simple estimation de l’héritabilité, imaginons que nous avons obtenu les résultats scolaires en science pour un échantillon de 500 paires de jumeaux et calculé une corrélation r = 0,64 pour les MZ et r = 0,40 pour les DZ. Ce patron correspond à la deuxième ligne du tableau 1.1 (rDZ > ½ rMZ), ce qui suggère que l’héritabilité, l’environnement commun et l’environnement unique expliquent la variance du phénotype. En appliquant la formule ci-haut, nous estimons l’héritabilité à 0,48.

    MODÉLISATION FORMELLE DES INFLUENCES GÉNÉTIQUES ET ENVIRONNEMENTALES

    MODÈLES UNIVARIÉS

    Bien que la comparaison des corrélations donne une bonne approximation de l’héritabilité, les estimés sont habituellement obtenus en appliquant aux données des jumeaux un modèle d’équation structurelle. Étant donné que les corrélations génétiques des jumeaux MZ et DZ sont connues, nous pouvons faire des prédictions sur leur similarité phénotypique relative et tester formellement des hypothèses sur l’héritabilité et

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