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La gestion du changement à l'école: Petit manuel à l'intention des cadres scolaires
La gestion du changement à l'école: Petit manuel à l'intention des cadres scolaires
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La gestion du changement à l'école: Petit manuel à l'intention des cadres scolaires

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About this ebook

Les cadres scolaires assument la responsabilité de nombreux changements dans les services et les établissements qui leur sont confiés ; ils doivent également s’adapter eux-mêmes à tous ces changements. C’est pourquoi le présent ouvrage met l’accent, non seulement sur leurs actions, mais aussi sur le gestionnaire lui-même, sur sa prédisposition au changement et sur le rôle qu’il joue auprès de son équipe et de la communauté scolaire. Les apports théoriques, les perspectives des auteurs et les activités d’intégration l’amèneront à mieux concevoir et accompagner divers types de changement en éducation, qu’ils soient imposés, choisis ou émergents, mineurs ou majeurs, pédagogiques, culturels, technologiques ou administratifs.

La gestion du changement à l’école : petit manuel à l’intention des cadres scolaires rassemble les meilleures trouvailles pédagogiques pour motiver, éclairer, stimuler la réflexion et l’action des cadres scolaires en formation ou en exercice, et de toute personne intéressée au changement en éducation.

Christine Brabant est chercheuse et professeure agrégée en fondements et administration de l’éducation à l’Université de Montréal.

Jean Bernatchez est chercheur, politologue spécialisé en éducation et professeur à l’Université du Québec à Rimouski.

Christiane Caneva est chargée d’enseignement à la Haute école pédagogique Vaud, à Lausanne.
LanguageFrançais
Release dateNov 4, 2020
ISBN9782760553972
La gestion du changement à l'école: Petit manuel à l'intention des cadres scolaires
Author

Christine Brabant

Christine Brabant est chercheuse et professeure agrégée en fondements et administration de l’éducation à l’Université de Montréal.

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    La gestion du changement à l'école - Christine Brabant

    INTRODUCTION

    JEAN BERNATCHEZ

    À l’instar du corps humain, un système social est vivant. Il doit, pour le demeurer, se renouveler constamment. Un système scolaire doit donc changer pour s’adapter aux nouvelles réalités que dictent la conjoncture ou la transformation de ses environnements, modifiant ainsi son équilibre. Ces phénomènes sont de plus en plus caractérisés par la complexité. Est complexe ce qui est multiple et incertain.

    Par exemple, les populations d’élèves sont de plus en plus contrastées si l’on considère les divers enjeux associés à la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse, aux identités de genre et aux orientations sexuelles, aux caractéristiques socioéconomiques et familiales des personnes ainsi qu’aux problèmes d’apprentissage et de santé qui sont maintenant diagnostiqués. Cela rend les interactions avec les élèves plus complexes.

    Les enseignants doivent relever des défis importants liés aux nouvelles caractéristiques de leurs élèves, mais aussi aux changements paradigmatiques auxquels ils sont confrontés. Par exemple, dans plusieurs pays, ils doivent maintenant s’inspirer dans leurs pratiques pédagogiques du paradigme de l’apprentissage plutôt que de celui de l’enseignement. En outre, et parfois suivant une injonction paradoxale, il leur faut aussi fonder leurs prestations pédagogiques sur des données consacrées « probantes » par la recherche ou sur des pratiques éprouvées grâce à l’expérience des pairs. Les enseignants doivent aussi intégrer le numérique dans leurs activités, ce qui est une tâche complexe étant donné le rythme accéléré auquel se déploient les nouvelles technologies et l’obsolescence de leurs compétences à ce chapitre. Les professionnels et les techniciens qui accompagnent les enseignants sont aussi confrontés à ces défis et à plusieurs autres qui touchent plus particulièrement le cœur de leur métier.

    La transformation des environnements socioéconomiques, législatifs et culturels commande des interactions plus nombreuses entre les différents acteurs de l’éducation, qu’ils soient au centre ou à la périphérie des systèmes. Les parents et les membres de la communauté sont invités à participer à la vie de l’école et à la réussite scolaire des élèves dans un contexte de démocratie représentative ou de démocratie participative. Les gestionnaires scolaires de tous les niveaux doivent travailler en collaboration et de manière écosystémique, selon le terme maintenant consacré. Les acteurs de l’éducation choisissent parfois de s’associer à des universitaires dans le contexte de formations ou de recherches afin de mieux comprendre la nature et la portée de leurs interventions et, par le fait même, de bonifier leur pratique. C’est le cas aussi parfois sur le plan de la gestion, comme au Québec où il est prévu dans la loi que le centre de services scolaire doit recruter, dans son comité d’engagement pour la réussite des élèves, un membre issu de la recherche en sciences de l’éducation.

    Les cadres scolaires – directions et directions adjointes d’établissements scolaires, responsables de services pédagogiques et administratifs en milieu scolaire, etc. – sont aux premières loges pour piloter le changement. Ils sont les acteurs-pivots de la gestion du changement en éducation, à l’interface entre les grandes orientations gouvernementales et le terrain concret de la mise en œuvre des politiques. La mise en œuvre des politiques et des orientations gouvernementales est d’ailleurs la phase la plus déterminante du changement planifié puisque les idées doivent alors se traduire en actions et que le changement déstabilise bon nombre d’acteurs scolaires.

    Cibler la population des cadres scolaires pour concevoir un petit manuel sur la gestion du changement à l’école est donc stratégique. Le développement de leurs compétences en gestion du changement profitera d’emblée aux autres acteurs du système d’éducation. Au premier chef, une connaissance plus fine et des compétences accrues sur ce plan renforceront leur leadership pédagogique et administratif. Plus les cadres scolaires seront compétents, plus leur sentiment d’efficacité professionnelle sera grand, mieux ils seront en mesure d’accompagner efficacement les autres acteurs scolaires dans les initiatives de changement.

    Un manuel est un ouvrage accessible par sa forme et par son contenu. Il permet de se familiariser avec les éléments essentiels d’une thématique. Nous qualifions de « petit » ce manuel parce qu’il est synthétique et qu’il permet d’aller à l’essentiel, en considérant à la fois ce qui est fondamental à ce thème qu’est la gestion du changement à l’école, mais aussi en proposant des éléments d’une portée très pratique. L’objectif du petit manuel est de mieux comprendre la nature du changement à l’école, mais aussi d’être en mesure de mieux piloter ce changement. Les cadres scolaires sont des personnes occupées, aussi il est compréhensible qu’ils ne puissent pas se consacrer à la lecture d’ouvrages imposants en nombre de pages. Ce manuel s’adresse d’abord à eux, dans un contexte de formation initiale ou de formation continue. Cependant, toute personne qui désire en apprendre davantage sur l’éducation, qu’elle soit un acteur du centre ou de la périphérie du système scolaire, trouvera dans ce livre des éléments pratiques et de culture générale qui pourront l’intéresser.

    La gestion du changement en éducation est une thématique souvent abordée dans les programmes universitaires de formation des cadres scolaires et des directions d’établissements. Les auteurs du manuel sont associés à ces programmes dans différentes universités et ils ont eu l’occasion d’offrir le cours dédié à cette thématique à de nombreuses occasions. Le manuel constitue un outil pédagogique qui pourra être utilisé dans ce contexte.

    En ce qui concerne la formation continue, le manuel peut être un outil de référence dans l’action ou dans le contexte des activités des communautés de pratique, des communautés d’apprentissage et des communautés d’apprentissage professionnelles, de plus en plus présentes dans les écoles. Plusieurs exemples du manuel sont tirés de l’expérience québécoise, mais celui-ci s’adresse aussi aux acteurs scolaires du Canada et des pays de la francophonie.

    Le manuel est structuré en dix chapitres. Sont proposés dans chaque chapitre un résumé, des objectifs d’apprentissage, un développement du thème, une synthèse du chapitre et des activités d’appropriation qu’il est possible de réaliser individuellement ou en équipe. Ces chapitres ont été rédigés de telle sorte qu’ils soient suffisamment indépendants les uns des autres pour être consultés dans l’ordre ou le désordre.

    Le chapitre 1, Les fondements et les objets du changement en éducation, présente d’abord les assises sur lesquelles repose le concept de changement. Ces assises (ou fondements) sont de nature historique, philosophique, sémantique, psychologique et sociale, entre autres. Elles sont surtout transdisciplinaires, car elles transcendent les disciplines conventionnelles. Les objets du changement en éducation sont multiples et en interaction les uns avec les autres. La systémique sociale permet de regrouper ces objets dans cinq catégories qui concernent les finalités, les activités, les acteurs, les environnements et l’évolution dans le temps.

    Le chapitre 2, Des définitions et des typologies relatives à la gestion du changement, se penche d’abord sur les multiples définitions du changement. Ce concept est polysémique et sa définition varie selon la perspective choisie et la discipline de référence. Suivent différentes typologies du changement recensées dans les écrits scientifiques. Celles retenues dans ce manuel offrent une caractérisation utile à des fins pédagogiques pour la formation initiale et continue des cadres scolaires. Elles ont été proposées par des auteurs qui s’intéressent particulièrement à la gestion du changement en éducation.

    Le chapitre 3, Les finalités et les modalités de la gestion du changement en éducation, est fondé sur une approche de philosophie politique et propose, sur le plan des finalités, quelques utopies éducatives classiques et contemporaines. L’utopie constitue une image mentale vers laquelle tendre, la destination qui conditionne les moyens mobilisés pour s’y rendre. Trois projets de gestion du changement en éducation sont présentés : la création de communs, l’encouragement de l’éducation lente et la promotion du vivre-ensemble. Sur le plan des modalités sont présentées les différences entre administration, gestion et gouvernance, puis entre démocratie directe, représentative et participative. Diverses caractéristiques de la gestion démocratique de la classe, de l’école et du système scolaire sont ensuite décrites.

    Le chapitre 4, Le processus de gestion descendante du changement, traite de la démarche de gestion la plus répandue. Sont alors identifiées et décrites les différentes étapes de la gestion descendante du changement, aussi appelée top-down. Cette démarche a été formalisée par plusieurs chercheurs. Elle se base sur des phases à respecter et sur des outils qui contribuent à la planification. Les phases habituelles concernent le choix des acteurs, le diagnostic, le déploiement et le pilotage. Le pilotage est aussi un terme générique synonyme de conduire, de diriger, d’accompagner et de prendre le commandement de quelque chose. Comme les cadres scolaires et les directions d’établissements sont les acteurs responsables de piloter le changement à l’école, ce chapitre les y guidera.

    Le chapitre 5, La gouvernance réflexive et systémique, est complémentaire au précédent. Le concept de gouvernance réflexive est défini sur la base de ses fondements éthiques et politiques. Les acteurs de la base sont conviés dans cette perspective à participer à la réflexivité institutionnelle et au changement par un processus de capacitation. La direction d’établissement et le cadre scolaire, gardiens du cadre normatif du milieu scolaire, assument une fonction centrale dans la gestion du changement à l’école. Ils favorisent et soutiennent le changement ascendant grâce à différentes stratégies de leadership. Puis, deux modèles récents, qui visent un effet systémique en conjuguant le modèle ascendant et le modèle descendant, sont présentés : la stratégie hybride et le leadership par le milieu.

    Le chapitre 6, La nouvelle gestion publique, présente les caractéristiques d’une gestion publique adaptée aux nouvelles réalités. Il s’agit là du paradigme dominant de gestion-planification qui conditionne la mise en œuvre du changement en éducation dans plusieurs pays et États. Ce nouveau mode de gestion publique, qui succède au mode de gestion bureaucratique traditionnel, se déploie grâce à quatre fonctions : stratégique, financière, ressources humaines et marketing. La gestion axée sur les résultats est une des dimensions stratégiques du phénomène. Elle est particulièrement mobilisée en contexte scolaire et même souvent prévue dans les lois et les règlements.

    Le chapitre 7, Deux exemples d’instruments de changement, illustre deux instruments très populaires. Le premier est celui de la communauté d’apprentissage professionnelle, qui mise sur la collaboration de tous les intervenants d’une école et encourage le personnel à entreprendre collectivement des activités qui contribuent à la réussite scolaire de tous les élèves. Le deuxième exemple est lié au modèle de l’école efficace (school effectiveness). Ce modèle est en adéquation avec les principes du paradigme de la nouvelle gestion publique et s’inscrit dans une approche hiérarchique de type top-down. Il évolue en parallèle avec le modèle de l’amélioration de l’école (school improvement), davantage orienté vers une philosophie de gestion bottom-up, où l’individu exerce un pouvoir sur son travail, selon le principe d’empowerment.

    Le chapitre 8, Les obstacles, les facteurs de résistance et les préoccupations par rapport au changement, suscite une réflexion sur les contraintes existantes. Les obstacles systémiques au changement sont d’abord mis en évidence : ils tirent leur origine de facteurs systémiques et ils se diffusent dans l’ensemble du système scolaire. Les limites stratégiques et les résistances institutionnelles sont aussi considérées. Les préoccupations des destinataires du changement sont ensuite appréciées grâce à un outil diagnostic qui permet de mener sur le terrain des interventions ciblées, harmonieuses et respectueuses des acteurs scolaires.

    Le chapitre 9, La communication dans la gestion du changement, aborde des éléments fondamentaux relatifs au thème de la communication. Plusieurs facteurs ont une incidence sur la réussite de la communication, mais se poser préalablement quelques grandes questions génériques est gage de succès : le pourquoi, le quoi, le comment, le qui et le quand communiquer ? Une recension des écrits scientifiques sur la question permet d’établir trois types de communication du changement, considérant la source et le but poursuivi (communication planifiée, émergente et interactive) et deux modalités de mise en œuvre (le mode monologique et le mode dialogique).

    Le chapitre 10, Les qualités du gestionnaire du changement, met en lumière des caractéristiques propres au gestionnaire du changement. Il est question, entre autres, d’une prédisposition au changement, de polyvalence, de jugement, de vision et d’habiletés de communication. Quelques principes directeurs de la gestion du changement sont finalement proposés pour offrir au cadre scolaire une vision simplifiée pouvant orienter ses attitudes et ses choix dans la conduite du changement.

    Les auteurs de ce petit manuel souhaitent que celui-ci saura répondre aux attentes des cadres scolaires en situation de formation initiale ou de formation continue, préoccupés par la gestion du changement à l’école, et à ceux qui les accompagnent dans cette formation. Gérer le changement en éducation est complexe, certes, mais combien stimulant et déterminant de la réussite de tous les élèves. Bonne lecture !

    CHAPITRE 1

    Les fondements et les objets du changement en éducation

    JEAN BERNATCHEZ

    Dans un premier temps, nous présentons dans ce chapitre les fondements du changement en éducation. Nous considérons ensuite les objets de ce changement. L’approche systémique permet de repérer et de regrouper les objets du système scolaire susceptibles d’être touchés par le changement en éducation ici et maintenant.

    Objectifs d’apprentissage

    Se familiariser avec les fondements transdisciplinaires du changement en éducation.

    Repérer les objets du changement en éducation ici et maintenant.

    Les fondements sont les assises sur lesquelles repose un concept. Ces assises sont historiques, philosophiques, sémantiques, psychologiques et sociales, entre autres. En fait, elles sont surtout transdisciplinaires, en ce sens qu’elles débordent des disciplines. Elles mobilisent les savoirs au-delà des disciplines traditionnelles afin de cerner un phénomène complexe : le changement en éducation. La première section de ce chapitre est consacrée à une présentation de ces fondements transdisciplinaires du changement.

    Les objets du changement en éducation sont multiples et en interaction les uns avec les autres. C’est ce qui explique qu’ils soient complexes. La complexité désigne ce qui est multiple et incertain (Morin, 2014). Dans la deuxième section de ce chapitre, l’approche théorique de la systémique sociale (Lemieux, 2009 ; Lugan, 2009) permet de regrouper ces objets grâce à cinq catégories qui concernent les finalités, les activités, les acteurs, les environnements et l’évolution dans le temps. Ces objets du changement en éducation s’incarnent hic et nunc (ici et maintenant), comme nous le verrons grâce à des exemples choisis au Québec, de même que dans le reste du Canada et d’autres pays principalement francophones, au XXIe siècle.

    1. Les fondements du changement en éducation

    Un concept est une représentation mentale d’un objet concret (une table, un livre) ou d’un objet abstrait (la motivation, la réussite). Le changement est un objet abstrait, mais il est possible de le rendre opératoire, c’est-à-dire de lui associer des caractéristiques qui fassent en sorte que l’on peut le décrire, l’apprécier ou le mesurer. . Cette opération rend observable un concept abstrait, parfois avec les sens, mais souvent aussi avec des instruments qui permettent de saisir les caractéristiques d’un « avant » et celles d’un « après ». Par exemple, le phénomène du changement climatique s’apprécie avec les sens : voir les glaciers fondre, sentir sur sa peau une plus grande chaleur. Des instruments permettent de mesurer ce changement : le thermomètre sert à afficher la valeur de la température, le limnimètre, à mesurer le niveau des eaux.

    Un concept est une représentation mentale d’un objet concret (une table, un livre) ou d’un objet abstrait (la motivation, la réussite).

    Nous le verrons au chapitre 2, le changement est un concept polysémique, c’est-à-dire que le sens donné à cet objet varie en fonction du locuteur, du contexte et de la finalité du message. Le questionnement du politologue étasunien Harold Lasswell (1952), associé au processus de communication, est utile pour comprendre les raisons qui expliquent les définitions multiples d’un même concept : qui dit quoi à qui, comment, pourquoi et avec quel effet ? Lorsque l’intention du locuteur est de faire adhérer les personnes à un changement, la définition qu’il donne du concept est connotée positivement. Par exemple, les personnes progressistes militent pour un changement qu’elles associent à un idéal, à quelque chose de souhaitable. Inversement, les personnes conservatrices tendent à percevoir le changement de manière négative, comme quelque chose qu’il faut éviter puisqu’il contribue à rompre un équilibre et que cet équilibre est la chose souhaitable. D’ailleurs, parmi les synonymes les plus usités du mot changement figurent les mots métamorphose (connoté positivement) et altération (connoté négativement).

    Le politologue québécois Benoît Godin (2017) s’intéresse à l’histoire du concept d’innovation, connoté positivement. Ce mot vient du latin innovare qui signifie « changer, introduire du nouveau dans une chose établie ». L’engouement pour ce concept est tel que des politiques de l’innovation sont mises en œuvre partout dans le monde. Ces politiques visent à stimuler la croissance économique grâce à la technoscience – la recherche scientifique orientée vers l’innovation technique – couplée à un entrepreneuriat qui permet, grâce à une séquence d’activités, de réaliser la chaîne de l’innovation (Gardoni et Navarre, 2017). Godin (2017) démontre en outre que ce concept est connoté négativement du XVIe au XXe siècle : les innovateurs sont alors les transgresseurs de l’ordre établi. Le concept se présente maintenant comme un vecteur de la novlangue néolibérale (Bihr, 2017) repris spontanément pour encourager à changer, à introduire du nouveau dans une chose établie. L’innovation implique cependant l’obsolescence des produits, des services et des compétences (Ferry, 2015). Cette quête de la nouveauté pousse à la consommation (à la destruction) des ressources. Le numérique notamment repose sur l’extraction de métaux rares (Bihouix et Mauvilly, 2016) et ses produits ont des durées de vie courtes, ce qui stimule l’innovation. Il est même question dans ce cas d’obsolescence programmée : le fabricant limite volontairement la durée de vie de ses produits pour favoriser le marché du renouvellement.

    1.1 Une définition neutre du concept de changement ?

    Cela dit, existe-t-il une façon neutre (sans connotation positive ou négative) et constante (la même à travers le temps) de définir le concept de changement ? Les éditions successives du Dictionnaire de l’Académie française (de la première, en 1694, à la plus récente, la neuvième, toujours en cours de rédaction en 2020) constituent des marqueurs pour saisir l’évolution historique d’un concept. Le dictionnaire précise que le concept de changement, apparu au XIIe siècle, a pour origine le mot latin cambiaire qui signifie « troquer, échanger ». Les éditions successives du dictionnaire lui attribuent une définition tautologique en première lecture : le changement est l’action de changer, le résultat de cette action. Qu’est-ce que changer implique ? Cela consiste, soutient ce dictionnaire, à rendre une personne ou une chose différente de ce qu’elle était. Les personnes et les choses sont ainsi au cœur de la notion de changement.

    Le sociologue québécois Jacques Rhéaume (2002) apporte une touche originale à la compréhension des fondements du concept de changement. Il insiste sur le passage d’un état à un autre. Il utilise l’analogie de la formule algébrique pour définir le changement. En effet, il est d’usage de recourir à des formules mathématiques pour objectiver un savoir. Le langage mathématique est ainsi associé à un langage universel qui transcende les disciplines afin de comprendre et de transformer le monde naturel et culturel. Ce point de vue n’est pas

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