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Les transitions énergétiques: Discours consensuels, processus conflictuels
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Ebook261 pages2 hours

Les transitions énergétiques: Discours consensuels, processus conflictuels

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Les transformations des systèmes de production, de transport et de distribution de l’énergie vers des modes d’organisation et de fonctionnement plus durables sont l’une des grandes évolutions structurelles du début de ce XXIe siècle. Catalyseur de cette dynamique, la notion de «transition énergétique» suscite de nombreux débats sur la pluralité de ses acceptions et interpelle de plus en plus le monde de la recherche. En effet, changer plus ou moins progressivement de système énergétique demande des innovations technologiques, territoriales et sociétales permettant de mieux exploiter les énergies renouvelables, de mieux (et souvent de moins) consommer l’énergie et, surtout, de réduire les nuisances territoriales. Dans cette optique, malgré les injonctions des instances internationales (agences onusiennes, ONG environnementales, Commission européenne, etc.) qui véhiculent des discours relativement convergents sur la transition énergétique – dans une conception écologique plus globale de ces enjeux –, force est de constater qu’une grande hétérogénéité de pratiques se déploie dans les pays et les régions du monde. Cette remarquable convergence des discours à l’échelle mondiale sur la nécessaire transition de ces systèmes énergétiques dissimule mal les controverses et les conflits qu’elle nécessite dans sa mise en œuvre locale dans les territoires.

Le présent ouvrage aborde ces divergences et interroge les dynamiques de changement à l’œuvre dans les pratiques de production énergétique en présentant des cas d’étude inscrits dans des contextes sociopolitiques, économiques, culturels et techniques variés et faisant état de processus de transitions énergétiques diversifiés (bourse des émissions de carbone, développement éolien, grands barrages ou encore stratégie énergétique régionale).

Pierre-Henri Bombenger est professeur d’aménagement et d’urbanisme à la Haute école d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud, Haute école spécialisée de Suisse occidentale.

Éric Mottet est professeur de géopolitique au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal, codirecteur de l’Observatoire de l’Asie de l’Est, directeur adjoint du Conseil québécois d’études géopolitiques ainsi que chercheur associé à l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine.

Corinne Larrue est professeure à l’École d’urbanisme de Paris et membre du Lab’Urba à l’Université de Paris-Est Créteil.
LanguageFrançais
Release dateDec 4, 2019
ISBN9782760552449
Les transitions énergétiques: Discours consensuels, processus conflictuels
Author

Pierre-Henri Bombenger

Pierre-Henri Bombenger est professeur d’aménagement et d’urbanisme à la Haute école d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud, Haute école spécialisée de Suisse occidentale.

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    Les transitions énergétiques - Pierre-Henri Bombenger

    INTRODUCTION

    Pierre-Henri Bombenger, Éric Mottet et Corinne Larrue

    Les transformations des systèmes de production, de transport et de distribution de l’énergie vers des systèmes plus durables apparaissent comme l’une des grandes évolutions structurelles de ce début de millénaire. Schématiquement et à l’échelle mondiale, cinq types d’enjeux affectent l’évolution et la pérennité de nos systèmes énergétiques actuels (Duruisseau, 2014) : 1) la raréfaction progressive des matières premières fossiles ; 2) la prégnance croissante des problématiques liées aux évolutions climatiques dans les calendriers politiques ; 3) la hausse continue de la demande énergétique ; 4) la question de la durabilité des modes de production énergétique actuelle ; et, enfin, 5) la question de l’indépendance énergétique. Cette idée de changement du système énergétique dominant n’est pas nouvelle, étant étroitement liée à la problématique du modèle de développement basé sur la croissance économique. Il est aisé de la retrouver dans les discours critiques des années 1960-1970 qui ont présidé au développement des grandes conférences environnementales. L’Agence internationale de l’énergie la définit comme « a pathway toward transformation of the global energy sector from fossil-based to zero-carbon by the second half of this century¹ ». Comme le soulignent Labussière et Nadaï (2018, p. 10), cette conception est insuffisante, car elle méconnaît les dimensions sociotechniques des transformations, attendues ou réalisées, des systèmes énergétiques. Les deux auteurs proposent d’ailleurs (2018, p. 16-17) de privilégier une analyse de la transition non comme une trajectoire, centrée sur les fins et les moyens, mais davantage comme un ensemble de processus, afin de mieux tenir compte de la diversité des acteurs concernés et des façons dont leur capacité d’action, leur responsabilité, leur mode de vie et leur environnement matériel sont affectés par les évolutions des systèmes énergétiques (2018, p. 16-17).

    1. Des transitions énergétiques multiples

    Malgré les injonctions des instances internationales (agences onusiennes, agence internationale de l’énergie, ONG environnementales, Commission européenne, etc.) qui véhiculent des discours relativement convergents sur la transition énergétique dans une conception écologique plus globale de ces enjeux, force est de constater qu’une grande hétérogénéité de pratiques se déploie dans les différents pays et régions du monde. En effet, l’observation des pratiques de mise en œuvre de la transition énergétique, qu’elles se traduisent par la création de nouveaux marchés libéralisés, l’absence de régulation territoriale, des interventions autoritaires des États, etc., met en lumière, sous un vocable commun mondialisé, une multiplicité de manières de voir et de faire. Celles-ci peuvent être interprétées à l’aune des pratiques économiques et de marché en place, des structures politiques et institutionnelles des pays, de la capacité des États à les légitimer et à les traduire en politiques publiques, ainsi que des instruments usuels de régulation socioéconomique, institutionnelle et territoriale en place ou nouvellement créés.

    La transition énergétique se décline ainsi en différents processus qui ne sont pas univoques et demeurent instables (Raineau, 2011) : il existe donc des transitions énergétiques. Si un consensus relatif semble atteint concernant la réalité des dynamiques d’appropriation de ces transitions énergétiques par les États et les différents systèmes d’acteurs, quel que soit le niveau d’analyse (échelles), la mise en place de ces transitions et a fortiori les transformations fondamentales des systèmes énergétiques qu’elles impliquent sont, quant à elles, fort disparates d’un territoire à un autre. Plus précisément, les facteurs d’accélération ou de ralentissement de la transition énergétique (les politiques nationales, la sécurité énergétique, les occasions d’affaires, les lobbys économiques, industriels, la géopolitique locale et régionale, etc.) et les effets sur les systèmes énergétiques (les ressources territoriales, les effets de redistribution des richesses, la multiplication des accords sans modification profonde des rapports de force, etc.), en d’autres termes, le déploiement des moyens de production des énergies renouvelables est susceptible de prendre des formes bien différentes selon les territoires concernés. En effet, une même source d’énergie peut amener des processus de transition énergétique différenciés, socialement et territorialement, suivant les systèmes d’acteurs qui les portent. Autrement dit, les énergies renouvelables peuvent se développer comme énergie de substitution dans un système centralisé, prendre des formes coopératives territorialisées, où se constituent des modes collectifs de gestion décentralisés (Christen, 2017), ou encore favoriser l’émergence d’un nouveau marché dans un secteur où la demande est en forte croissance.

    2. La transition énergétique comme enjeu analytique

    L’émergence de la notion de transition énergétique, qui est au cœur de nombreux débats sur l’imprécision de sa définition, interpelle de plus en plus le monde de la recherche. En effet, changer progressivement (ou soudainement, comme le souhaitent plusieurs acteurs) de système énergétique requiert des innovations technologiques permettant de mieux exploiter les énergies renouvelables, de mieux (et souvent de moins) consommer l’énergie et surtout de réduire les nuisances. Le monde universitaire et technologique est ainsi de plus en plus sollicité, car sans innovation en matière de production, de distribution, de stockage et de réduction des répercussions environnementales, il n’y a guère de futurs possibles (Merenne-Schoumaker, 2016). Toutefois, la transition énergétique n’est pas uniquement une question de technologies et d’offres ; c’est aussi une question de demande, de choix à la fois individuels et collectifs. Dans ce cas, les enjeux sont non seulement techniques, économiques, mais aussi sociaux et (géo)politiques, ce qui explique l’intérêt sans cesse croissant des sciences humaines et sociales (géographie, histoire, sociologie, urbanisme, philosophie, etc.) pour les questions de transition énergétique. Pour les ingénieurs et les économistes, à l’œuvre dans des domaines qui ont forgé l’usage contemporain de cette notion, la transition énergétique sert le plus souvent à expliquer, parfois à justifier, les changements techniques, économiques et environnementaux prévus (Aykut, Evrard et Topcu, 2017). Pour les politistes et aménagistes, la transition énergétique contemporaine est vue comme le déploiement extensif d’énergies propres et renouvelables, telles que l’énergie éolienne et solaire, pour réduire les atteintes environnementales du développement économique (Aklin et Urpelainen, 2013). L’approche sociologique examine non seulement les innovations écologiques, mais également les institutions et les acteurs qui soutiennent la transition (Christen, 2017). Quant à la géopolitique de l’énergie, elle s’intéresse aux conflits qui caractérisent les périodes de transition. Ces enjeux de pouvoirs ne concernent pas uniquement les territoires, les ressources et les technologies, mais aussi les modèles de société et les conceptions du politique dont celles-ci sont porteuses (Lasserre, Gonon et Mottet, 2016). En effet, il n’y a pas de cheminement unique et stable dans la transition énergétique : il dépend des systèmes d’acteurs (et de leurs représentations) qui portent et diffusent le mix énergétique. Dans ce contexte, la répartition des gisements de matières premières (lumière, chaleur, vent, biomasse, etc.) renforce cette dimension plurielle de la transition énergétique et fait de l’accaparement des ressources une cause de conflit (Rutherford, 2013).

    Aykut et Evrard (2017) signalent que la transition énergétique peut également se lire comme un « récit politique » qui cadre et décadre les discours et les pratiques afin de structurer les conflits et les controverses qui accompagnent ces évolutions sociotechniques. Adoptant une position critique, ils posent l’hypothèse que la notion de transition énergétique est avant tout un « outil de maintien de l’existant » avant d’accompagner une transformation profonde du secteur de l’énergie. Cette posture détonne avec ce qu’on relève dans la grande majorité des publications scientifiques de ces dernières années et dans la plus grande part des productions politico-administratives nationales et internationales qui argumentent de dynamiques profondes de transformation, d’un tournant dans les trajectoires des systèmes de production et de consommation énergétiques. Mais elle rejoint les approches critiques des analyses du changement dans l’action publique, qui ont mis en évidence les principaux obstacles à l’analyse des évolutions et des transitions (Fontaine et Hassenteufel, 2002) : l’absence d’échelle temporelle explicite de la plupart des analyses, la difficulté à articuler simultanément les actions descendantes (du global – national vers le local) et ascendantes ou encore l’insuffisante prise de distance par rapport aux discours sur le changement lui-même.

    3. Des processus de transition territorialisés

    Les processus de transition énergétique apparaissent comme une question plurielle et hétérogène où les technologies énergétiques se caractérisent par leur flexibilité (Rutherford, 2013 ; Akrich et Méadel, 1999). En sélectionnant une diversité de cas d’étude inscrits dans des contextes (sociopolitiques, économiques, techniques, etc.) variés et impliqués dans des processus de changements énergétiques diversifiés (bourse des émissions de carbone, développement éolien, grands barrages ou encore stratégie énergétique régionale), cet ouvrage s’empare de cette diversité de pratiques et examine les dynamiques de changement à l’œuvre dans les pratiques de production énergétique. En particulier, il considère ces transformations sous trois angles : 1) l’influence des contextes institutionnels et des régulations nationales et régionales ; 2) le poids hérité des modalités d’organisations du secteur énergétique et les besoins énergétiques de ces territoires ; et, enfin, 3) la capacité des acteurs économiques et territoriaux à s’organiser et à être porteurs de changements.

    Mobilisée tout au long de ce livre, la mise en perspective des cas permet, entre autres, une analyse du rôle des acteurs et des systèmes d’acteurs, une caractérisation différenciée des processus de transition énergétique ainsi que la prise en compte des régimes existants. En d’autres termes, l’un des enseignements de ce travail est qu’il est possible de comparer des processus de transition fort hétérogènes, à condition de les analyser dans des contextes territorialisés et multiscalaires tout en tenant compte de leurs dynamiques propres. Sur le plan méthodologique, cela s’est traduit par l’abandon de l’idée, fortement normative, d’une finalité, ou d’un point d’arrivée des transformations énergétiques, et par une attention accrue portée aux processus, que ce soit dans l’acceptation, la consolidation ou la contestation des chemins adoptés par les acteurs, qu’ils soient locaux, nationaux ou supranationaux.

    Sans conteste, cette publication issue d’un colloque organisé à Lausanne (Suisse)² ouvre la voie à des travaux ultérieurs, en montrant des convergences et divergences des pratiques à l’œuvre dans différents territoires ainsi que des modalités de régulation instaurées pour assurer cette transition énergétique, qui constitue un nouveau champ fécond d’investigation pour les chercheurs en sciences humaines, en sciences économiques, en sciences politiques et en droit.

    En se centrant sur les pratiques de production, l’ouvrage propose de montrer la diversité de ces pratiques à travers cinq textes. Sous des angles complémentaires, les auteurs examinent à l’aune de leurs terrains les diverses acceptions de la notion de transition énergétique. Ils donnent ainsi à voir une diversité d’usages de l’expression, mais surtout de pratiques en action reliées aux cinq enjeux présentés succinctement au début de cette introduction.

    Marie-Joëlle Kodjovi et Pierre-Henri Bombenger se penchent sur le caractère incrémental de la constitution des cadres de régulation institutionnelle du développement des parcs éoliens dans le cas du canton du Vaud (Suisse). Ils montrent comment ces dispositions réglementaires et d’encadrement du secteur évoluent sur une période de près de deux décennies sous l’influence de groupes d’acteurs toujours plus disparates. Ces dynamiques complexifient les interprétations territoriales de la notion de transition énergétique et engendrent une instabilité institutionnelle largement investie par les opposants à ces projets.

    Adeline Cherqui et Pierre-Henri Bombenger étudient les processus de territorialisation des cadres de régulation pour le développement de deux projets éoliens relativement proches. Ils analysent les dynamiques sociales de constitution de collectifs territoriaux autour des projets de parcs portés tantôt par les promoteurs, tantôt par les opposants, afin de mettre en œuvre leurs stratégies propres en engageant le plus grand nombre d’acteurs dans leurs luttes. Ils montrent ainsi les jeux relationnels constitués tout en faisant ressortir à l’échelle locale le caractère territorial de tout processus de transition, qui aboutit in fine à des configurations et à des dynamiques de changement fort contrastées.

    Pierre-Olivier Pineau propose une analyse comparative de deux marchés du carbone nord-américains. À travers cette mise en dialogue des deux instruments contraignants pour les émissions de gaz à effet de serre, il démontre que les choix relatifs aux secteurs économiques couverts, aux niveaux de taxation et aux mécanismes d’achat des droits traduisent des interprétations sociopolitiques singulières des droits à polluer et, ce faisant, des rapports de force dans les modalités de mise en œuvre des processus de transition énergétique légitimés par les institutions.

    Frédéric Lasserre interroge les politiques de relance des grands barrages à l’aune des enjeux de transitions énergétiques et climatiques. Délaissés dans les années 2000 pour leurs conséquences environnementales et sociales négatives dans les territoires, ils réapparaissent comme des solutions envisageables pour répondre à une consommation énergétique croissante, d’autant qu’il s’agit d’une production électrique décarbonée. Toutefois, la faible transparence dans la gouvernance de la ressource en eau, qui concerne souvent des bassins versants transfrontaliers, engendre des conflits géopolitiques importants. À travers une lecture de cas dans différentes régions du globe, l’auteur fait état des difficultés de coopération à l’échelle des grands bassins versants et des blocages à la réalisation de ces grands barrages.

    Enfin, Éric Mottet nous emmène dans les pays d’Asie du Sud-Est pour nous éclairer sur les dynamiques de transition énergétique dans les contextes de forte croissance économique et démographique. Il relève l’investissement stratégique que ces États réalisent dans des transitions énergétiques résolument plurielles, intégrant valorisation des gisements fossiles, fissiles et renouvelables. Les infrastructures de distribution énergétique affichent par ailleurs une vétusté avancée, source de nombreux gaspillages, et un degré de connectivité notoirement insuffisant à l’échelle régionale.

    En conclusion générale, Corinne Larrue propose une mise en perspective des enseignements tirés de ces cas d’étude portant sur des dynamiques de transition énergétique avec les processus observés dans le cadre des politiques environnementales. Cette approche permet de nous interroger sur l’entrée des politiques énergétiques dans le champ de l’environnement par le biais des enjeux climatiques.

    Bibliographie

    Aklin, M. et J. Urpelainen (2013). « Political competition, path dependence, and the strategy of sustainable energy transitions », American Journal of Political Science, vol. 57, n° 3, p. 643-658.

    Akrich, M. et C. Méadel (1999). « Histoire des usages modernes » dans A. Beltran, M. Akrich, C. Méadel et D. Duclos (dir.), Énergie, l’heure des choix, Paris, Éditions du Cercle d’Art, p. 25-91.

    Aykut, S. C. et A. Evrard (2017). « Une transition pour que rien ne change ? Changement institutionnel et dépendance au sentier dans les transitions énergétiques en Allemagne et en France », Revue internationale de politique comparée, vol. 24, n° 1, p. 17-49.

    Aykut, S. C., A. Evrard et S. Topcu (2017). « Avant-propos. Au-delà du consensus : l’impératif de la transition énergétique à l’épreuve du regard comparatif », Revue internationale de politique comparée, vol. 24, n°

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