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La TCC de groupe pour le traitement de la psychose: Guide de l'intervenant
La TCC de groupe pour le traitement de la psychose: Guide de l'intervenant
La TCC de groupe pour le traitement de la psychose: Guide de l'intervenant
Ebook562 pages6 hours

La TCC de groupe pour le traitement de la psychose: Guide de l'intervenant

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About this ebook

La TCC de groupe pour le traitement de la psychose est le premier module de thérapie de groupe de son genre à être publié. Ce manuel conviendra à une grande variété de professionnels de la santé mentale. La thérapie de groupe est souvent recommandée aux personnes atteintes de psychose en raison des coûts peu élevés qu’elle engendre et des bienfaits indirects qu’elle procure, comme l’amélioration des habiletés sociales et la solidification du soutien social. La prestation de ce type d’intervention nécessite des compétences particulières et des connaissances spécialisées qui sont rarement enseignées dans les programmes de formation clinique. Cet ouvrage offre des descriptions détaillées des techniques pertinentes, des vignettes cliniques et des activités qui pourront être utilisées au cours des séances de groupe. Il sera une ressource précieuse pour les psychiatres, les psychologues, les infirmiers psychiatriques, les ergothérapeutes, les travailleurs sociaux, les enseignants, les superviseurs et les étudiants des cycles supérieurs dans ces domaines.
LanguageFrançais
Release dateNov 28, 2019
ISBN9782760549609
La TCC de groupe pour le traitement de la psychose: Guide de l'intervenant
Author

Tania Lecomte

Tania Lecomte est docteure en psychologie, professeure titulaire au département de psychologie de l’Université de Montréal et chercheuse au centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, où elle dirige le laboratoire l’ESPOIR. Elle est aussi responsable du Réseau canadien de recherche sur la schizophrénie et les psychoses. Tania est une sommité dans la recherche et le développement de traitements psychologiques et psychosociaux.

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    La TCC de groupe pour le traitement de la psychose - Tania Lecomte

    La collection Santé constitue un lieu de référence pour les lecteurs de tout horizon intéressés par les différents enjeux associés à la santé des populations et à l’organisation du système de santé.

    La collection vise à informer et à outiller les différents acteurs du système de santé et des services sociaux de même que la personne et ses proches dans le but de contribuer au développement des savoirs cliniques, méthodologiques et organisationnels. Les ouvrages publiés abordent des sujets en lien avec les déterminants médicaux (p. ex. problèmes de santé, maladies, santé mentale et bien-être psychologique) et non médicaux de la santé (p. ex. conditions et qualité de vie des personnes, facteurs environnementaux, approches préventives, individu, famille et entourage). Ils couvrent également les enjeux associés à la mise en place de pratiques innovantes (p. ex. robotique, imagerie, télé-intervention, technologie de l’information et des communications, technoclinique) et les nouveaux modèles de gouvernance (p. ex. gouvernance clinique). En somme, la collection contribue à une réflexion collective sur l’amélioration et le maintien de la santé ainsi que de la qualité de vie de la population, que ce soit en centres urbains ou en régions rurales.

    La TCC de groupe

    pour le traitement

    de la psychose

    La TCC de groupe

    pour le traitement

    de la psychose

    Guide de l'intervenant

    Tania Lecomte avec la collaboration de Claude Leclerc et Til Wykes

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Lecomte, Tania, 1970-

    [Group CBT for psychosis. Français]

    La TCC de groupe pour le traitement de la psychose: guide de l’intervenant / Tania Lecomte.

    (Santé)

    Traduction de: Group CBT for psychosis.

    Comprend des références bibliographiques et un index.

    Publié en formats imprimé(s) et électronique(s).

    ISBN 978-2-7605-4958-6

    ISBN 978-2-7605-4959-3 (PDF)

    ISBN 978-2-7605-4960-9 (EPUB)

    I. Thérapie cognitive. 2. Psychothérapie de groupe. 3. Psychoses – Traitement. I. Titre. II. Titre: Group CBT for psychosis. Français.

    Traduction

    Denise Bérubé

    Révision

    Isabelle Canarelli

    Correction d’épreuves

    Julie Therrien

    Conception graphique

    Julie Rivard

    Mise en page

    Le Graphe et Presses de l’Université du Québec

    Images de couverture

    iStock

    Dépôt légal: 4e trimestre 2018

    ›  Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    ›  Bibliothèque et Archives Canada

    © (de la version française) 2018 – Presses de l’Université du Québec

    © 2016 – Oxford University Press

    Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés

    Imprimé au Canada

    D4958-1 [01]

    TABLE DES MATIÈRES

    Liste des encadrés, des figures et des tableaux

    Liste des abréviations

    Introduction

    1Un historique des thérapies de groupe pour traiter la psychose

    2Le modèle cognitivo-comportemental de base utilisé dans la TCCp de groupe

    3Que nous apprennent les études au sujet de la TCC pour traiter la psychose?

    4Les éléments essentiels de la thérapie de groupe

    5Le rôle du thérapeute dans la TCC de groupe pour traiter la psychose

    6Les éléments à mettre en place avant la thérapie proprement dite

    7Le stress: comment il influence ma vie (séances 1 à 6)

    8La vérification des hypothèses et la recherche d’autres explications (séances 7 à 12)

    9Les drogues, l’alcool et mes états d’âme (séances 13 à 18)

    10Les stratégies d’adaptation (coping) et la compétence (séances 19 à 24)

    11La mesure du changement

    12Les obstacles à la TCCp de groupe

    13La compétence du thérapeute: quelles sont les compétences requises pour animer un groupe de TCCp?

    14Les groupes de TCCp visant d’autres objectifs

    15Le mot de la fin

    CAHIER D’ACTIVITÉS

    Annexes

    Notices biographiques

    Index

    LISTE DES ENCADRÉS, DES FIGURES ET DES TABLEAUX

    Encadrés

    5.1À faire

    5.2À ne pas faire

    Figures

    2.1Le modèle TCC de la TCC

    2.2Le modèle modifié de l’hypersensibilité

    2.3Les domaines du rétablissement et les cibles des interventions

    2.4Le modèle stress-vulnérabilité-compétence

    7.1L’échelle «Mon niveau de stress»

    7.2Un exemple d’explication du modèle stress-vulnérabilité-compétence

    7.3La suite de l’exemple d’explication du modèle stress-vulnérabilité-compétence

    8.1Le modèle TCC de la TCC

    8.2L’exemple d’une activité de groupe utilisée pour illustrer le modèle TCC tout en générant de nouvelles croyances

    10.1La courbe du rendement en fonction du niveau de stress

    10.2Les stratégies d’adaptation cognitivo-comportementales

    Tableaux

    2.1Les biais cognitifs souvent observés chez les personnes dépressives

    2.2Les biais cognitifs souvent observés chez les personnes ayant des troubles de la personnalité

    2.3Un exemple de pensées liées à des biais d’attribution particuliers

    3.1La sélection de méta-analyses sur la TCC pour le traitement de la psychose

    3.2Les études sur la TCCp de groupe

    13.1Les domaines couverts par les échelles CTRS, CTS-R et CTS-Psy

    13.2Les domaines de l’échelle CTRS appliqués à la TCCp de groupe

    14.1Le contenu des séances de TCC de groupe pour l’autogestion des voix

    14.2Les activités incluses dans le module Je suis super!

    14.3Les sept étapes du module sur les stratégies d’adaptation (coping) et la compétence

    14.4Les titres et le contenu des séances de TCC-SE

    14.5Les sections et les thèmes du module AVEC

    LISTE DES ABRÉVIATIONS

    INTRODUCTION

    Ce manuel vise à rendre la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) de groupe pour le traitement de la psychose plus accessible aux intervenants en santé mentale, quel que soit leur milieu de travail.

    La thérapie cognitivo-comportementale pour la psychose (TCCp) est maintenant reconnue comme une intervention basée sur des données probantes qui devrait être offerte à quiconque en fait la demande. Le nombre limité de psychologues formés pour prodiguer la TCCp, et le nombre limité de psychologues en général qui traitent les personnes vivant avec un trouble psychotique, nous ont amenés à publier le premier cahier d’activités ayant trait à la TCCp; celui-ci peut être utilisé par le personnel spécialisé en santé mentale, pas seulement par des psychologues. Notre cahier a été validé dans le cadre d’études rigoureuses et est grandement corroboré par les données empiriques, les participants faisant également part de progrès cliniques significatifs. Bien que le cahier se passe d’explications, les intervenants ont habituellement besoin d’expérience en matière de thérapie de groupe et d’une bonne connaissance des principes et des techniques de TCC pour pouvoir utiliser cet outil. Depuis plus de dix ans maintenant, nous leur transmettons les compétences requises pour utiliser la TCCp de groupe. Le présent manuel s’ajoute aux formations que nous leur offrons et leur fournit plus de renseignements et des conseils sur ces techniques efficaces.

    Ce manuel est le fruit des années d’expérience passées à diriger des groupes d’intervention auprès de personnes vivant avec un trouble psychotique, en particulier des groupes de TCCp. Le cahier d’activités et les divers exemples cliniques présentés ici devraient permettre à davantage d’intervenants traitant ces personnes d’animer avec succès des séances de TCCp de groupe. Certains d’entre eux auront besoin d’une formation plus approfondie. Néanmoins, ce manuel devrait les aider à comprendre le fonctionnement de la TCCp de groupe, ses éléments thérapeutiques essentiels et la façon de mettre cette thérapie en pratique dans leur contexte professionnel. Le présent manuel se veut donc à la fois un ouvrage de référence et un guide.

    1

    Un historique des thérapies de groupe pour traiter la psychose

    Des interventions de groupe sont offertes dans les établissements psychiatriques depuis des décennies. Dans ce chapitre, nous verrons d’abord l’évolution des objectifs et finalités des thérapies de groupe au fil des années; nous aborderons ensuite la psychanalyse de groupe, la thérapie de milieu, les groupes de rencontre, l’entraînement aux habiletés, les groupes de remédiation cognitive et les groupes de soutien par des pairs, pour ne nommer que quelques types d’interventions.

    LES DÉBUTS: LA THÉRAPIE PSYCHANALYTIQUE DE GROUPE

    Les interventions de groupe pour traiter les personnes vivant avec un trouble psychotique remontent à 1921, lorsque Edward W. Lazell a commencé à faire des présentations à des groupes de patients dans un hôpital psychiatrique de Washington. Même si l’exercice avait surtout pour but de fournir de l’information, Lazell s’est vite rendu compte que les présentations favorisaient la socialisation des participants. Il a donc ajouté des périodes de discussion à ses présentations afin de développer davantage les habiletés sociales des participants. Quelques années plus tard, au moment où les idées de Sigmund Freud commençaient à se répandre dans le monde entier, Lazell et quelques autres psychanalystes tels que Wilfred Bion, Siegmund Heinz Foulkes et Tom Main en Grande-Bretagne, se mirent à appliquer les principes de la psychanalyse à des groupes de patients hospitalisés et de patients vivant en société. Le groupe en soi était perçu comme un mécanisme de guérison. Dans ce modèle, on considérait la psychose comme une structure mal adaptée de la personnalité en raison d’expériences interpersonnelles inappropriées pendant l’enfance (la cause étant principalement attribuée aux interactions avec les parents). Le groupe offrait un endroit où tisser des relations positives avec d’autres personnes, et ainsi soigner les blessures causées par un milieu familial inadéquat. Les thérapeutes croyaient qu’un milieu reproduisant une famille saine, comme un groupe de thérapie, permettrait aux patients de revenir sur leur passé dans un cadre sécuritaire et de travailler sur leurs problèmes interpersonnels grâce aux interactions avec les autres participants et aux interprétations des thérapeutes (qui jouaient en quelque sorte le rôle des «parents» du groupe).

    Même si ces premières thérapies de groupe avaient été mises sur pied avec de bonnes intentions et entraînaient souvent une meilleure socialisation des participants, les critiques (p. ex. Gabrovsek, 2009) font mention de plusieurs éléments limitant leur efficacité, notamment chez les personnes vivant avec un trouble psychotique. Par exemple, la plupart des psychanalystes avaient été formés pour prodiguer des analyses individuelles, surtout chez des personnes atteintes de névroses, et tentaient simplement de reproduire ce même modèle avec des groupes de gens vivant avec un trouble psychotique. Ainsi, le groupe d’analyse était basé sur l’interprétation des transferts et encourageait la libre association, chaque membre du groupe étant l’«objet» du traitement, et chaque interaction au sein du groupe étant sujette à interprétation. Un tel environnement, présenté à des personnes ayant des pensées paranoïaques, de caractère renfermé et aux prises avec de l’anxiété sociale, ou à des personnes présentant une pensée concrète, pouvait rapidement créer davantage de confusion et d’anxiété, vu la structure quasi inexistante des séances. Le manque de structure et d’objectifs clairs dans un groupe de patients psychotiques institutionnalisés menait rapidement au chaos, les participants s’accusant les uns les autres de jouer un rôle dans leurs idées délirantes respectives (le diable, par exemple). L’interprétation des transferts mêmes constituait une autre difficulté: une personne vivant avec un trouble psychotique pouvait percevoir ces interprétations comme étant intrusives et potentiellement dangereuses, c’est-à-dire croire, par exemple, que le thérapeute tentait de lui «voler ses pensées». De la même manière, l’accent mis sur l’expression des émotions avait souvent un effet boomerang; les participants n’étaient en effet pas toujours en mesure de nommer leurs propres émotions ou devenaient facilement dépassés par les émotions exprimées par les autres participants, ce qui haussait l’anxiété liée à l’activité (Gabrovsek, 2009).

    Par ailleurs, vu la quasi-absence des formations en thérapie de groupe à l’époque, de nombreux thérapeutes avaient recours à l’«improvisation»; les séances de groupes offertes reposaient sur ce que les thérapeutes avaient lu ou sur ce qu’ils croyaient utile. La thérapie psychanalytique de groupe pour le traitement de la psychose, telle celle décrite ici, est maintenant très rarement utilisée. Des démarches structurées brèves et interactives, basées sur des principes de psychodynamique, dirigées par des thérapeutes dynamiques et dotés d’objectifs clairement définis, sont utilisées dans certains contextes. Cela dit, jusqu’à présent, peu d’études corroborant ou non l’efficacité de ces groupes pour les personnes vivant avec un trouble psychotique ont été publiées.

    LES GROUPES ARTISTIQUES ET LE PSYCHODRAME

    Une fois la théorie psychanalytique devenue le cadre de travail essentiel dans la plupart des hôpitaux psychiatriques, de nombreux intervenants en santé mentale se sont mis à explorer diverses formes de traitement pouvant libérer l’inconscient et aider les personnes vivant avec un trouble psychotique à bâtir de meilleurs mécanismes de défense grâce à l’interprétation de leurs pensées inconscientes transcendantes. L’art était perçu par bon nombre comme un moyen efficace d’accéder à l’inconscient, en particulier chez les patients psychotiques peu communicatifs et à qui la thérapie verbale ne convenait pas. On mit sur pied des groupes de thérapie par l’art où on demandait aux patients hospitalisés de dessiner tout ce qui leur passait par la tête, puis de décrire leurs dessins, en tentant idéalement de voir à quoi ils leur faisaient penser. Même si cette démarche a souvent été utilisée dans un contexte de groupe, les interventions étaient surtout individuelles, le groupe servant simplement de formule de présentation pour ce type de thérapie. Certains groupes de thérapie par l’art permettaient aux participants d’exposer leurs œuvres, les aidant par le fait même à ressentir de la fierté et à développer un sentiment d’appartenance à un groupe d’«artistes». Si on a signalé des avantages liés à l’expression de soi par l’art et des bienfaits pour l’estime de soi tirés de l’exposition des créations artistiques, l’utilité de l’interprétation des créations artistiques pour l’amélioration du bien-être de la personne ou pour l’atténuation des symptômes n’a pas été démontrée de manière empirique jusqu’à présent.

    Le psychodrame est une autre intervention artistique de groupe inspirée de la psychanalyse. Créé en 1925 par Jacob Moreno, le psychodrame utilise le théâtre, et plus particulièrement l’improvisation et la multiplicité des personnages, pour jouer sur scène ses difficultés personnelles. On eut recours à plusieurs techniques: plusieurs acteurs jouaient différentes facettes du même personnage ou plusieurs personnes jouaient la même personne dans la même situation ou encore une personne pouvait jouer différents personnages de son propre scénario. Ces variantes visaient à aider la personne à comprendre les difficultés interpersonnelles en jeu et à trouver des façons de les surmonter. Le psychodrame était toujours joué en groupe, souvent sur une vraie scène avec de vrais accessoires, mais Moreno ne le voyait pas comme une thérapie de groupe, puisque l’activité se concentrait sur une seule personne à la fois. Version modifiée du psychodrame, le sociodrame est vu comme l’une des premières formes de psychothérapie de groupe puisque les problèmes et les relations au sein du groupe affectant l’ensemble des participants étaient mis en scène (Bour, 1983). Moreno ne ciblait pas précisément les patients des établissements psychiatriques pour ses séances de psychodrame, mais plusieurs intervenants ont adopté la méthode plus tard. Selon une revue assez récente (Ruddy et Dent-Brown, 2007), aucune des études portant sur le psychodrame ou le sociodrame chez les personnes vivant avec un trouble psychotique n’a fait ressortir un réel bienfait, pas même par une hausse de la participation en comparaison avec le traitement standard. Aucune étude n’a non plus clairement démontré que l’approche pouvait être néfaste.

    LA THÉRAPIE DE MILIEU

    La thérapie de groupe occupait souvent une place importante dans les nouvelles formes de traitement offertes aux personnes vivant avec des troubles mentaux. Par exemple, dans les années 1950, on a vu apparaître l’idée d’une communauté thérapeutique, où des personnes présentant des troubles mentaux graves et des spécialistes de la santé mentale pouvaient vivre ensemble comme une petite société et voter des règles et des changements, et où chaque élément de l’environnement était vu comme étant thérapeutique (Psychiatric Nursing, 2011). Dans un tel contexte, les groupes servaient de soutien et encourageaient la prise de décision. La pression de groupe favorisait la modification des comportements inappropriés, amenant (par la rétroaction) la personne à se conformer aux normes sociales dictées par le groupe. La thérapie de milieu favorisait l’autonomie et visait à améliorer la capacité d’adaptation au moyen d’interactions positives. Ces groupes fournissaient aux personnes présentant des troubles mentaux une première occasion d’avoir leur mot à dire sur leur traitement. La thérapie de milieu offrait un contexte où les comportements problématiques pouvaient être abordés directement, et souvent avec succès (Townsend et al., 2010). Malheureusement, de tels environnements appelaient une quasi-absence de hiérarchie, un concept difficile à mettre en application dans un contexte de traitement psychiatrique. Il n’était pas non plus évident d’adapter l’environnement de manière à satisfaire aux besoins de tous, tant ceux de la personne présentant des troubles mentaux que ceux de la communauté. En fait, la thérapie de milieu est très rarement offerte de nos jours, mais l’essentiel de ses concepts se retrouve dans le mouvement actuel axé sur le rétablissement. En effet, de la thérapie de milieu sont nés les concepts de choix personnel, d’expertise personnelle concernant sa propre santé mentale, et du rôle bénéfique associé au fait d’occuper un emploi et de jouer un rôle important dans sa communauté (Psychiatric Nursing, 2011).

    LES GROUPES DE RENCONTRE

    Les groupes de rencontre se sont multipliés de façon exponentielle dans les années 1960 et 1970, tant dans la population générale que dans les établissements cliniques. En fait, la majorité des étudiants en psychologie et en psychiatrie de ces décennies devaient participer à de tels groupes dans le cadre de leur programme de formation. Le groupe de rencontre représentait une forme de groupe expérimental où les interactions entre les participants étaient l’objet de discussions ouvertes dans le but de favoriser la croissance personnelle. Les thérapeutes, provenant d’abord des milieux de la psychologie sociale et de l’éducation, recevaient généralement une formation très courte, souvent l’espace d’une fin de semaine, principalement dans l’observation d’interactions et la formulation de commentaires. Très influencés par le mouvement humaniste de Carl Rogers, les groupes de rencontre visaient à favoriser l’épanouissement personnel par l’examen des comportements, des attitudes et des valeurs à l’instant présent. Le groupe de rencontre était fondé sur l’honnêteté, mais également sur l’exploration et l’expression des émotions, la révélation de soi et la confrontation interpersonnelle. Les résultats obtenus étaient souvent étroitement liés au style thérapeutique de la personne qui le dirigeait. Ainsi, les groupes caractérisés par des attaques personnelles et des leaders au comportement intrusif comptaient plus d’abandons ou de «victimes», c’est-à-dire de participants tirant des effets négatifs du groupe (Yalom et Lieberman, 1971). Certains leaders suivaient ce que Yalom et Leszcz (2005) décrivent comme une démarche «maximaliste» en vertu de laquelle on demande aux participants d’interagir suivant des modalités extrêmes. Par exemple, l’expression émotive pouvait aller jusqu’à crier et frapper des coussins; la rétroaction pouvait prendre la forme d’attaques verbales incessantes de la part des membres du groupe jusqu’à ce que le participant s’écroule en larmes; on pouvait demander à un participant qu’il révèle des secrets personnels, mais en se mettant nu, afin de se montrer tel qu’il est. De nombreuses versions des groupes de rencontre sont apparues pendant cette période; un sous-échantillon de participants a vécu une «décompensation» ou des épisodes psychotiques à la suite de ces séances. Même si les leaders de groupes de rencontre hors du milieu hospitalier rejetaient toute référence à la maladie ou à ses symptômes, opposant ainsi leurs techniques d’«ouverture d’esprit» aux méthodes de «réduction de tête» utilisées par les psychiatres ou les intervenants qualifiés, l’essence de ces groupes expérimentaux s’est reflétée dans le milieu clinique, notamment dans les établissements psychiatriques et les services externes offerts aux personnes vivant avec un trouble psychotique. Dans les établissements psychiatriques, les leaders de groupes de rencontre bien formés à l’approche rogérienne offraient surtout empathie et compréhension et tentaient de favoriser la croissance personnelle en se concentrant sur des interactions positives ponctuelles, limitant les confrontations violentes. Le nombre signalé de «victimes» était alors habituellement limité. Cela dit, aucune étude n’a observé de bienfaits chez des patients psychotiques qui participaient à des groupes de rencontre. En fait, même si on peut les considérer comme les prédécesseurs de l’approche interpersonnelle de groupe d’Irvin Yalom ou de l’approche intégrée de Nick Kanas, les groupes de rencontre sont chose rare et ne sont maintenant plus offerts à titre de thérapie pour traiter la psychose.

    LA PSYCHOTHÉRAPIE INTERPERSONNELLE DE GROUPE POUR PATIENTS HOSPITALISÉS DE YALOM

    Le manuel d’Irvin Yalom intitulé The Theory and Practice of Group Psychotherapy, publié pour la première fois en 1970 et qui en est maintenant à sa cinquième édition, est toujours à bien des égards perçu comme la bible de la thérapie de groupe. Le livre couvre en détail des années de recherche sur les éléments essentiels de la thérapie de groupe, bon nombre de ces éléments étant décrits au chapitre 4 du présent ouvrage. Le modèle théorique de Yalom ou ses influences théoriques n’y sont jamais entièrement ou clairement définis, même si les théories psychodynamiques, existentielles et d’apprentissage social transparaissent dans ses travaux. Sa démarche interpersonnelle vise à créer une expérience corrective pour la guérison des blessures de l’enfance, à faire le lien entre les expériences du passé et celles du présent, et à utiliser les interactions positives entre les membres du groupe pour favoriser un apprentissage social. Tout comme dans les groupes de rencontre rogériens, l’empathie, l’expression immédiate des émotions émergentes et la transparence du thérapeute (c’est-à-dire la divulgation par celui-ci de ses propres émotions au cours des interactions) sont encouragées. La démarche de Yalom est également axée sur les expériences de la petite enfance; le groupe est perçu comme une famille réparatrice et le transfert est parfois interprété, comme avec l’approche psychanalytique. Dans ses travaux de recherche, Yalom s’intéressait surtout aux variables de processus, en particulier les facteurs facilitant le changement. Par son travail empirique et son expérience clinique, il décrit des facteurs thérapeutiques qu’il présente comme essentiels pour qu’une thérapie de groupe provoque des changements: donner de l’espoir, viser l’universalité et préconiser le partage d’informations, l’altruisme (désir d’aider les autres), l’apprentissage interpersonnel, la cohésion du groupe, l’acquisition de techniques de socialisation, la reconstitution du passé au sein d’une famille réparatrice et les comportements imitatifs. Bon nombre de ces éléments, présents dans les interventions de groupe basées sur les données probantes, ont été démontrés dans des études empiriques, par exemple le rôle de la cohésion de groupe (Norcross et Wampold, 2011) et l’universalité (ou normalisation), alors que le caractère essentiel d’autres éléments ne l’a pas encore été (p. ex. la reconstitution de scènes du passé au sein de la famille réparatrice).

    Yalom a travaillé pendant de nombreuses années auprès de personnes hospitalisées pour des troubles psychiatriques et a décrit d’importants facteurs qu’il faut prendre en compte lorsque l’on traite cette population, allant des obstacles organisationnels à l’importance de donner une structure et des objectifs clairs à la thérapie (Yalom, 1983). Cela dit, contrairement aux intervenants adeptes de la thérapie comportementale ou cognitive de groupe, il ne croit pas à l’apparition de changements importants sur une courte période chez cette population, et avance que la thérapie devrait plutôt viser simplement à faire parler les gens, à les sortir de leur isolement et à tenter d’aider les autres.

    LE MODÈLE INTÉGRÉ DE KANAS

    Tout comme Yalom, Nick Kanas (1996) a passé beaucoup de temps à étudier les enjeux liés aux processus dans la psychothérapie de groupe; il s’est toutefois concentré presque exclusivement sur les personnes vivant avec un trouble psychotique. Sa démarche, influencée par les travaux de Yalom, intègre des composantes psychodynamiques, interpersonnelles et existentielles, auxquelles il ajoute la psychoéducation et les conseils.

    Le but du groupe, selon Kanas, est d’aider les gens à acquérir des stratégies d’adaptation en fonction de leurs symptômes et de trouver des solutions à leurs difficultés interpersonnelles, solutions qu’ils peuvent partager avec le groupe. Se basant sur ses travaux de recherche, il a proposé certaines lignes directrices pour travailler avec des personnes présentant un trouble psychotique dans le cadre d’une psychothérapie de groupe, plus précisément en milieu hospitalier: les groupes doivent être homogènes sur le plan diagnostique (point que nous aborderons plus en détail au chapitre 6, avec une légère nuance); les groupes axés sur les aspects interpersonnels fonctionnent mieux que les groupes visant à améliorer la compréhension d’un point de vue psychanalytique; l’expression des émotions est encouragée, à l’exclusion de la colère; et la vérification de la perception de la réalité y est encouragée. À l’encontre des autres thérapeutes de son époque, Kanas encourageait l’expression et la description des idées délirantes, et l’exploration de moyens pour déterminer si l’expérience du patient était ancrée dans la réalité ou non. Certains des principes et techniques utilisés par Kanas se retrouvent aussi en thérapie cognitivo-comportementale pour la psychose (TCCp), notamment la discussion ouverte des symptômes et la vérification des faits (voir le chapitre 8). Kanas utilisait aussi le groupe comme plateforme pour améliorer les interactions sociales et pratiquer les habiletés sociales – un aspect que les comportementalistes ont grandement développé –, encourageant même les participants à interagir avec d’autres personnes en dehors du groupe.

    L’ENTRAÎNEMENT AUX HABILETÉS

    Lorsque s’est terminé l’âge d’or des établissements psychiatriques, les patients ont dû se préparer à réintégrer la société, souvent après avoir passé de nombreuses années dans des asiles psychiatriques. Les cliniciens se sont rapidement rendu compte que la formation en psychoéducation – prenant souvent la forme de classes magistrales, soit la formulation d’instructions verbales et le partage d’informations sur les effets des médicaments et l’importance de l’observance du traitement par exemple – n’était pas suffisante. En fait, la formation en psychoéducation favorisait rarement les changements de comportement et n’abordait trop souvent que des sujets liés à la maladie ou aux médicaments, alors que de nombreux autres comportements devaient être maîtrisés pour mener une vie satisfaisante en société. Les interventions comportementales de groupe sont devenues essentielles. Fondées sur la théorie de l’autoefficacité d’Albert Bandura, les interventions étaient adaptées afin d’optimiser l’apprentissage par la démonstration des comportements sociaux appropriés, la répétition et l’encouragement social. L’entraînement aux habiletés, c’est-à-dire aux habiletés sociales et habiletés de vie autonome, était offert en groupe sur le modèle de l’autoefficacité de Bandura. Les personnes apprenaient la plupart des habiletés en groupe, par exemple comment préparer des repas simples, comment entreprendre une conversation amicale avec un voisin, et comment être heureux et satisfait au travail. Robert Liberman et Charles Wallace, de l’Université de la Californie à Los Angeles, étaient deux des pionniers de l’entraînement aux habiletés sociales. Dans les années 1980 et au début des années 1990, ils ont mis au point et étudié (souvent dans des essais contrôlés avec répartition randomisée) une large gamme de modules et de vidéos portant sur l’entraînement aux habiletés (<www.psychiatricrehab.com>). Certaines de ces habiletés étaient plutôt d’ordre médical, comme apprendre à gérer soi-même ses médicaments ou savoir reconnaître ses symptômes et composer avec, alors que d’autres étaient plutôt du domaine social (p. ex. habiletés requises pour tisser des liens d’amitié et favoriser l’intimité). Un certain nombre d’ouvrages ont été rédigés sur l’entraînement aux habiletés sociales (p. ex. Bellack et al., 2004; Liberman, 1992), mais ces ouvrages suivent grosso modo la même recette: a) présenter l’habileté à développer (pourquoi cette habileté est-elle importante?); b) démontrer comment appliquer l’habileté (l’illustrer par un modèle ou dans une vidéo); c) pratiquer l’habileté (jeux de rôle avec rétroaction); d) planifier les ressources requises pour utiliser l’habileté; e) passer à l’action (in vivo); f) avoir recours à la résolution de problème si les choses ne se passent pas comme prévu; et g) essayer de nouveau (de manière indépendante).

    Il est important de mentionner que chaque grande habileté est divisée en plus petites habiletés, plus faciles à maîtriser. Par exemple, la capacité à prendre ses médicaments de manière autonome peut être divisée en plusieurs habiletés: a) comment vérifier sa

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