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Le management municipal, Tome 2: Les défis de l'intégration locale
Le management municipal, Tome 2: Les défis de l'intégration locale
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Le management municipal, Tome 2: Les défis de l'intégration locale

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About this ebook

Tant en milieu rural qu’en milieu urbain, le quotidien du citoyen est influencé par l’action municipale. Si chacun sait que l’entretien de l’aqueduc ou de la chaussée est du ressort municipal, l’éventail des domaines d'action municipale, lui, est méconnu. Impossible pour le citoyen, alors, d’avoir une vue d’ensemble de ce que fait une municipalité. Le premier tome de cet ouvrage a exploré les divers replis des services de proximité. Or, la vue d’ensemble de ce monde très fragmenté met d’emblée en évidence un défi majeur d’intégration : comment assurer un minimum de cohésion locale, autant à l’intérieur de l’organisation municipale qu’entre tous les acteurs qui contribuent à la qualité du milieu ?

Le présent tome aborde quelques facettes de l’intégration locale, les défis particuliers qu’elle pose, notamment dans la gestion des ressources humaines et informationnelles et dans les relations entre domaines et entre acteurs, ainsi que les stratégies qui la favorisent (en particulier le pilotage du changement, la gestion de projet, la planification stratégique et l’intériorisation d’une éthique de service public). La conclusion esquisse un modèle de management municipal intégré qui permet de diagnostiquer la performance municipale globale – en tenant compte de ses différentes composantes et de ses principaux processus, et en étant attentif à des signaux de diverses natures, car elle ne saurait se réduire au bilan financier.

Chacun trouvera son compte dans ce modèle de management qui dévoile une vue d’ensemble de l’action municipale : les élus prendront la mesure de toutes leurs responsabilités, les gestionnaires et les employés municipaux donneront du sens à leurs activités sectorielles et les citoyens évalueront la performance du collectif municipal qu’ils constituent.
LanguageFrançais
Release dateJan 23, 2020
ISBN9782760550803
Le management municipal, Tome 2: Les défis de l'intégration locale
Author

Gérard Divay

Gérard Divay, professeur associé à l’ÉNAP, a alterné carrière universitaire et carrière de gestionnaire. Comme gestionnaire, il a occupé divers postes de direction au sein des administrations provinciale, régionale, municipale et universitaire. Il a été de 1972 à 1982 professeur-chercheur à l’INRS urbanisation et de 2005 à 2018 professeur régulier à l’ÉNAP. Il s’intéresse particulièrement au management local, à la mesure des performances organisationnelle et collective, à la mobilisation des acteurs locaux et la gouvernance locale, à la contribution des gestionnaires locaux à l’évolution des pratiques et de la pensée administratives.  

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    Le management municipal, Tome 2 - Gérard Divay

    INTRODUCTION /

    Les défis d’être à la fois proche et intégré

    Gérard Divay et Linda Caron

    En 2017, les municipalités québécoises se sont fait reconnaître en tant que «gouvernements de proximité» par le gouvernement du Québec. Un gouvernement intervient dans de multiples domaines très différents et tente, malgré cette diversité, de garder une certaine cohérence dans son action. Par ailleurs, un gouvernement doit s’assurer que tous les citoyens sur son territoire font preuve d’une certaine cohésion, notamment en se conformant aux exigences décrétées par les instances décisionnelles légitimes. Cette recherche de cohérence dans l’action et de cohésion collective sous-tend une exigence d’intégration minimale qui est au cœur de l’existence de tout gouvernement et, donc, de la municipalité comme gouvernement de proximité.

    Le thème de l’intégration offre ainsi un fil conducteur pertinent pour analyser la dynamique du management municipal dans ses particularités. Cette introduction procède en trois temps. Elle rappelle d’abord la popularité et les ambiguïtés des approches intégrées en management public; elle évoque ensuite les défis de l’intégration en milieu de proximité; elle campe enfin les aperçus que donnent les chapitres de ce tome sur diverses facettes de l’intégration municipale.

    Le flou mobilisateur d’une notion en vogue

    Le qualificatif intégré est en vogue dans les politiques publiques depuis quelques années. Il est au cœur de la dernière réforme dans le domaine de la santé, avec la mise en place de centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). Il se retrouve aussi dans plusieurs politiques québécoises qui couvrent des domaines où les municipalités interviennent, soit dans leur titre même, soit comme caractéristique importante de l’approche proposée. À titre d’exemple, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques préconise une «gestion intégrée des ressources en eau» (MDDEFP, 2012), une «gestion intégrée des déchets solides» (MDDEFP, 2010) et une lutte intégrée dans son Code de gestion des pesticides (MDDELCC, 2018). La Stratégie gouvernementale de développement durable veut intégrer les «planifications gouvernementales d’envergure» afin de leur «donner une valeur ajoutée» (MDDELCC, 2015, p. 2). Les orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire que le ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT, 1994, p. 35) transmet aux municipalités comprennent la «planification intégrée de la localisation des équipements et des infrastructures» et «une mise en valeur intégrée des ressources» (MAMOT, 1994, p. 40). Pour la mise en œuvre de sa politique culturelle, lancée en juin 2018 et intitulée Partout, la culture, le ministère de la Culture et des Communications (MCC) met de l’avant une «approche transversale, collaborative et intégrée» (MCC, 2015, p. 50). Pour sa part, le ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille (MESSF) souligne dans le Plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale que «le développement d’une approche territoriale intégrée s’avère un enjeu important» (MESSF, 2004, p. 69). Dans cette optique, des municipalités mènent des projets de «revitalisation urbaine intégrée» (CREXE, 2010), ou d’«approche territoriale intégrée» (CREXE, 2013).

    Ce courant visant une plus grande intégration des actions publiques se manifeste dans divers pays et trouve un écho dans la littérature scientifique qui tente de l’analyser. De multiples articles portent ainsi sur la gestion intégrée des ressources (notamment l’eau et la forêt), des produits dans leur cycle de vie, des territoires (notamment des zones côtières). Cette gestion intégrée essaie d’articuler différentes politiques sectorielles pour les rendre au minimum compatibles, si possible complémentaires et idéalement synergiques, et cela, à la fois au même palier et entre les différents paliers d’administration publique, d’une part, et avec les projets et les actions d’autres acteurs qui interviennent sur le territoire, d’autre part. Elle suppose donc des efforts importants de coordination verticale et horizontale (Bouckaert, Peters et Verhoest, 2016; Bourgault, 2002). Elle s’inscrit parfois dans des approches qui se veulent holistiques en impliquant tout l’appareil étatique (en anglais whole of government) (Christensen et Lægreid, 2011). Or, ces politiques intégrées, qui visent à concilier plusieurs objectifs, sont difficiles à évaluer (Candel, 2017). L’une des difficultés provient du caractère flou de la notion d’intégration. Qu’est-ce que l’intégration? Plusieurs courants de littérature y font appel. Mentionnons-en trois plus pertinents pour le management municipal.

    L’analyse des politiques met moins l’accent sur l’intégration comme telle que sur l’un de ses effets possibles, à savoir la cohérence entre les politiques. Les deux termes peuvent cependant être synonymes: «l’essence de la cohérence est l’intégration des éléments des politiques publiques associées à un même domaine» (Savard, 2010, p. 317).

    La notion d’intégration est centrale en analyse des organisations. De fait, une organisation n’existe que dans la mesure où les relations entre ses unités constitutives, mues par un intérêt commun, dessinent une frontière par rapport à tous les éléments externes avec lesquels ces unités sont en interaction. Selon March (1999, p. 134-135), l’intégration se jauge à l’aune de trois critères de base: la cohérence (en anglais consistency), l’interdépendance et la connexion structurelle (en anglais structural connectedness). Dans une rétrospective historique, Bovais (2012) rappelle l’enracinement de cette notion dans la sociologie et la diversité des processus d’intégration organisationnelle que divers courants de recherche ont successivement mis au jour (contrôle hiérarchique, approches psychosociale, culturelle, cognitive et par les systèmes d’action). L’auteure souligne notamment que l’organisation peut aussi bien résulter d’un pluralisme intégré que d’un modèle wébérien d’autorité hiérarchique et que l’intégration ne signifie pas une absence de conflictualité.

    La problématique de l’intégration est aussi présente dans la littérature sur le management, avec de nombreuses publications sur le management intégré, expression qui pourrait être considérée comme un pléonasme puisque le management est par essence intégrateur (Maes, 2012). Ces publications portent notamment sur l’insertion organisationnelle des progiciels de gestion intégrés ou PGI (en anglais enterprise resource planning [ERP]) dans les grandes organisations (Tchokogué, Perez et Hien, 2008), sur le rôle des principaux systèmes (ressources humaines, finances, technologies de l’information, infrastructures) dans la gestion de la performance (Ingraham, 2007) et sur une articulation unifiée des divers systèmes de normes ISO concernant l’organisation, la sécurité, l’environnement et la responsabilité sociétale de l’entreprise (AFNOR, 2015). Dans cette perspective, l’intégration ne se limite pas au fonctionnement interne, mais elle prend aussi en considération l’impact de l’organisation dans son milieu. Elle vise une «performance globale comme un construit multidimensionnel conjuguant les aspects économique, financier, social et sociétal-environnemental» (Maurel et Tensaout, 2014, p. 77). Cette quête d’une appréhension holistique de la performance d’une organisation anime aussi le mouvement de la qualité totale et celui des tableaux de bord équilibrés qui, dans leur application, amènent les gestionnaires à mettre l’accent sur des aspects différents de leurs organisations (Peljhan et Marc, 2018). Leurs modèles de vue synthétique, d’abord développés pour le secteur privé, ont cependant inspiré des pratiques de management public, notamment à l’échelon municipal. Leur adaptation aux réalités du secteur public se heurte toutefois à plusieurs difficultés, notamment le rôle actif des citoyens qui ne sont pas de simples clients, la multiplicité des extrants et le spectre diffus de leurs effets (Boyne et Walker, 2002; Vinni, 2007).

    Ce survol ultra-rapide de quelques courants de littérature permet cependant de donner quelques indices sur la nature d’un management intégré à l’échelon municipal. L’intégration peut être considérée dans sa dynamique (comment elle se réalise) et dans ses résultats (l’état de l’organisation qu’elle produit), deux aspects intimement liés. Sa dynamique résulte des nombreuses interactions qui se produisent entre les acteurs internes et externes dans le cours de leurs activités et qui font intervenir de multiples registres (les valeurs, les normes de comportement, les représentations, les affinités, les intérêts, les engagements socioaffectifs). La structure (répartition des responsabilités, ligne de commandement, politiques administratives) établit un premier niveau de lien formel entre ces interactions; elle les encadre, mais ne les prédétermine pas entièrement. L’intégration suppose une vue d’ensemble, à la fois synthétique et détaillée, de toutes ces interactions et de leurs acteurs, de toutes les ressources mises en jeu et de toutes les dimensions à prendre en considération (légale, financière, opérationnelle, sociopolitique, environnementale). La vue d’ensemble est propice au repérage des interdépendances et des complémentarités, et à la génération d’une synergie si tous les acteurs se mobilisent dans des projets communs. L’intégration donne naissance à une identité plus ou moins affirmée et trace une ligne de démarcation entre l’interne et l’externe, mais cette démarcation relève plus d’un processus d’osmose que d’une frontière. L’intégration, qui peut varier entre les diverses unités de l’organisation, se présente à intensité variable; elle n’est jamais figée et doit sans cesse se régénérer.

    Toutes ces caractéristiques mises ensemble montrent un portrait idéal du management, ce qui explique sans doute la popularité du qualificatif intégré. Il affiche une ambition d’excellence, conjure l’opprobre d’une «mentalité silo» et signale une volonté de travail en commun, voire un dépassement des intérêts sectoriels au sein d’un même gouvernement.

    L’intégration est-elle plus facile dans un gouvernement de proximité?

    Les arguments en faveur d’une réponse affirmative à cette question sont aussi nombreux que les objections et tiennent aux particularités du management de proximité exposées dans le premier tome de cet ouvrage. Cinq raisons rendent vraisemblable une plus grande facilité d’intégration au palier municipal. Premièrement, l’instance décisionnelle est uniquement collégiale. Si le maire dispose de certaines prérogatives, les décisions se prennent au conseil municipal et les conseillers n’ont individuellement aucun pouvoir. Les risques d’actions sectorielles promues par certains élus et élaborées sans égard à leurs répercussions sur d’autres secteurs sont minimisés. Deuxièmement, chaque instance municipale de portée régionale a une obligation de développer une vue globale de son développement. Selon l’article 2.3 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU), elle doit «maintenir en vigueur, en tout temps, un énoncé de sa vision stratégique du développement culturel, économique, environnemental et social de son territoire». Troisièmement, la proximité dans ses dimensions institutionnelle, organisationnelle et territoriale, exposées dans le premier tome, facilite une connaissance fine du milieu dans ses caractéristiques physiques, sociales et économiques et favorise une certaine familiarité avec les gens et les groupes qui s’y trouvent. Les besoins et les attentes peuvent s’y exprimer dans toute leur diversité. Quatrièmement, le manque d’intégration dans l’action saute parfois aux yeux sur certains aspects, par exemple, la localisation d’une entreprise bruyante et polluante trop près d’un secteur résidentiel. Cinquièmement, les ministères semblent avoir un préjugé favorable à l’égard de la capacité d’action intégrée au niveau municipal, comme en témoignent la préférence pour une approche territoriale intégrée mentionnée ci-dessus et la préconisation de collaboration entre acteurs locaux introduite dans de nombreux programmes gouvernementaux (Divay et Slimani, 2017).

    Les efforts d’intégration au palier municipal sont cependant soumis à plusieurs contraintes et difficultés. Premièrement, la municipalité œuvre dans des domaines très variés, qui exigent chacun des expertises particulières et qui sont encadrés de manière différente par les ministères. De surcroît, l’organisation municipale fait coexister des cultures professionnelles fort différentes. Deuxièmement, bon nombre de services municipaux ne sont pas de nature universelle et favorisent des comportements qui s’apparentent à ceux d’un club (groupe de citoyens partageant les mêmes préférences d’activités). L’intégration doit alors être conciliée avec ces particularisations. Troisièmement, la proximité peut mettre à l’épreuve certaines valeurs essentielles du service public, notamment l’équité et l’intégrité. Les enquêtes sur la collusion et la corruption de la présente décennie au Québec ont montré plusieurs cas d’érosion de ces valeurs de même qu’une perte d’identité de l’organisation municipale par rapport aux intérêts privés. Quatrièmement, l’intégration dans l’action suppose que les problèmes soient traités à l’échelle où ils se manifestent, par exemple, la congestion routière à l’échelle métropolitaine. Soulignons que même si l’action municipale se déroule à plus d’un palier, la convergence des actions aux divers paliers n’est pas spontanée. Cinquièmement, la problématique de l’intégration municipale se joue simultanément sur plusieurs plans:

    •Le fonctionnement interne où une cohésion doit se développer entre élus et gestionnaires et entre les divers services.

    •Les relations avec les citoyens qui, individuellement et en associations, doivent être parties prenantes effectives de la vie municipale.

    •Les politiques dans tous les grands domaines d’action publique:

    ›Social. L’intégration s’y présente surtout sous le thème de l’inclusion sociale, notamment dans le domaine de l’habitation (Ville de Montréal, 2015).

    ›Économique. Qu’elle appuie la mise en place de circuits courts ou qu’elle tente d’attirer des investissements étrangers, la municipalité contribue à l’intégration économique de son territoire dans des espaces économiques plus larges (Proulx, 2011).

    ›Culturel. L’intégration des immigrants devient une préoccupation majeure dans bon nombre de municipalités (Germain et al., 2003).

    ›Environnemental. L’intégration du milieu bâti dans l’écosystème naturel, l’économie d’énergie et la valorisation des matières résiduelles font maintenant partie, sous la pression des ministères et des groupes environnementaux, de l’agenda municipal. Le développement durable est d’ailleurs un des domaines où les politiques intégrées prospèrent (Candel, 2017).

    Dans ces différents domaines, l’intégration mobilise, dans des proportions variables, des acteurs de diverses sphères de la société (secteurs public, associatif, communautaire, privé) qui ont des logiques d’action différentes. L’intégration passe alors par divers dispositifs et processus de gouvernance sociopolitique (Kooiman, 2003).

    Il découle de toutes ces difficultés que la municipalité, comme gouvernement de proximité, fait face à plusieurs défis d’intégration. Pour en donner une vue d’ensemble, intégrée comme il se devrait, il est éclairant de partir des définitions du verbe intégrer et du substantif intégration dans le dictionnaire Larousse et le portail lexical du Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL).

    Un aperçu des trois mouvements de l’intégration municipale

    Trois mouvements peuvent être associés aux divers sens courants des mots intégrer et intégration:

    •Un mouvement d’adoption: incorporer un élément externe et l’assimiler.

    •Un mouvement de conjonction: se joindre à une autre entité, l’intégrer.

    •Un mouvement d’homogénéisation managériale: coordonner des activités ou des unités pour en faire un tout cohérent.

    La dynamique de l’intégration municipale est animée de ces trois mouvements, en interaction constante. Illustrons chacun de ces mouvements dans ses diverses manifestations, lesquelles sont fort nombreuses. Les différents chapitres de ce tome n’en abordent que quelques-unes.

    La municipalité incorpore plusieurs éléments externes de nature différente, pour son fonctionnement et son action:

    •Des expertises et des ressources du secteur privé, sur une base contractuelle, pour l’aider dans la réalisation de ses projets ou même de ses opérations courantes. Le recours aux ressources externes occupe une place considérable dans les budgets de fonctionnement et surtout d’investissement, comme indiqué dans le premier tome.

    •Des technologies, notamment relatives à l’information et aux communications. Le chapitre 1 expose les transformations radicales que leur adoption entraîne dans le fonctionnement municipal.

    •Des ressources humaines. Le chapitre 2 souligne les énormes défis que doivent relever les municipalités pour en arriver à une bureaucratie représentative dont la diversité serait à l’image du milieu.

    •Des courants de pensée managériale. À titre d’exemple, la désignation dans certaines municipalités d’un responsable des relations avec les citoyens, qui supervise de manière transversale toutes les interactions des services avec les citoyens, est directement inspirée du courant de la gestion de la relation client (en anglais customer relationship management ou CRM) dans le secteur privé, mais adapté aux particularités municipales.

    •Des citoyens. L’adoption de cet élément n’est pas de même nature que les autres et nécessite une justification. En principe, les citoyens n’ont pas à être adoptés, puisqu’ils sont membres constituants de la municipalité. Mais en pratique, les responsables municipaux les traitent souvent comme s’ils étaient à l’extérieur et cherchent à les impliquer dans la vie municipale, en en nommant quelques-uns à des comités ou en faisant des appels à tous dans des consultations publiques. La participation publique a jusqu’à maintenant été valorisée comme instrument pour amener les citoyens sur le terrain défini par les responsables municipaux; or ceux-ci doivent de plus en plus aller sur le terrain des citoyens qui s’expriment sur d’autres scènes, notamment les médias sociaux.

    La municipalité s’insère dans deux ensembles plus larges: un qui la chapeaute et l’anime partiellement, l’État, et l’autre qu’elle anime, le milieu local. Le mouvement de conjonction articule son action avec celle des autres acteurs de ces deux ensembles.

    •L’État. Les municipalités sont des «gouvernements de proximité faisant partie intégrante de l’État» selon le premier attendu de la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs. Cette intégralité étatique ne représente toutefois pas un gage d’intégration locale. L’action municipale dans différents domaines est encadrée, à divers degrés, par autant de ministères sectoriels, comme exposé au chapitre 2 du premier tome. Il revient à la municipalité d’être un agent local de cohésion de l’action étatique, ce qui en soi représente un défi de taille.

    •L’état du milieu local dans tous les domaines résulte de la conjonction de l’action municipale, des comportements et initiatives de tous les autres acteurs du milieu. L’importance relative des divers acteurs est variable selon les domaines, mais la municipalité n’est pas un contributeur comme les autres puisqu’elle se veut un agent d’orientation qui définit des évolutions souhaitables. La planification stratégique municipale présentée dans le chapitre 7 est un outil dont disposent les acteurs locaux pour en arriver à partager un but commun. La mise au diapason de la municipalité et des autres acteurs locaux soulève des défis majeurs de coordination et d’animation, surtout lorsque les approches se veulent innovantes. Ils sont illustrés dans le chapitre 3, sur le déploiement d’une stratégie pour développer la résilience urbaine, et dans le chapitre 4, sur l’arrimage entre les pratiques d’aménagement et de planification des transports dans une perspective de mobilité durable. La visibilité du mouvement de conjonction s’accentue dans la révolution des ressources informationnelles évoquée au chapitre 1. La municipalité devient partie intégrante du système d’information locale où s’échangent et se conjuguent les données en provenance de multiples sources, internes comme externes.

    Tant les mouvements d’adoption que de conjonction entraînent des ajustements dans le fonctionnement et les politiques internes de la municipalité. Le maintien d’une cohésion à travers tous ces ajustements suppose un processus constant d’homogénéisation managériale pour que tous les gestionnaires, quel que soit leur secteur d’activité, partagent les mêmes valeurs et attitudes, contribuent aux objectifs communs et à l’affirmation de l’identité municipale. Comme dans toute organisation, l’homogénéisation s’appuie notamment sur des systèmes communs et sur les politiques administratives qui y sont liées (ressources humaines, matérielles, technologiques, financières, système comptable). Actuellement, quatre stratégies d’homogénéisation, communes à toutes les organisations, sont notoirement importantes dans les organisations municipales et y présentent des particularités qui justifient leur présentation dans des chapitres distincts:

    •La gestion du changement (chapitre 5). Les organisations municipales sont soumises à de fortes pressions de changement, notamment par les innovations technologiques dans plusieurs domaines, par l’accroissement des responsabilités municipales et par l’avènement de citoyens plus communicatifs en marge des instances municipales. La gestion du changement doit cependant composer avec la segmentation des activités, la diversité des cultures professionnelles et la demande, politique et citoyenne, d’immédiateté dans les transformations souhaitées.

    •La gestion de projets (chapitre 6). Si une partie des activités municipales est constituée d’opérations répétitives selon des rythmes quotidiens, hebdomadaires ou saisonniers, l’autre partie comprend de multiples projets qui absorbent des ressources considérables, notamment en matière de dépenses d’immobilisations. Si les municipalités réalisent beaucoup de projets, la gestion de projets comme telle, en revanche, ne fait l’objet de politiques explicites que depuis peu.

    •La planification stratégique (chapitre 7). La pratique de la planification stratégique s’est répandue dans les municipalités. Le modèle orthodoxe dans ses différentes composantes et phases est confronté aux réalités des mandats électoraux et au défi de traiter dans la même visée stratégique la planification des activités municipales et le développement de tout le milieu local.

    •L’éthique publique (chapitre 8). Les manchettes médiatiques et les enquêtes policières au cours de la présente décennie ont attiré l’attention sur les cas de collusion et de corruption en milieu municipal. Par-delà les dispositifs mis en place pour réduire les risques de pratiques douteuses, l’adoption de comportements éthiques dans toutes les facettes de la gestion constitue un facteur décisif d’homogénéisation managériale et la démonstration que la municipalité fait «partie intégrante de l’État».

    Les trois mouvements d’adoption, de conjonction et d’homogénéisation managériale, en interaction continue, permettent d’entrevoir la complexité du processus d’intégration municipale. Le management a pour caractéristique la recherche de performance en intégrant les multiples dimensions de la gestion. La conclusion du présent tome esquisse un modèle de management municipal intégré, qui tient compte des principales particularités de la gestion municipale, abordées dans les deux tomes de cet ouvrage, et qui englobe, en lien avec ses quatre grandes fonctions (direction, communication, mobilisation et optimisation) les diverses composantes (fonctionnelle, actionnelle, institutionnelle, collective territoriale et municipale globale) de la performance.

    Bibliographie

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    SAVARD, J.F. (2010). «La cohérence des politiques publiques», dans S. Paquin, L. Bernier et G. Lachapelle (dir.), L’analyse des politiques publiques, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, p. 309-336.

    TCHOKOGUÉ, A., M. PEREZ et N. HIEN (2008). «Mécanismes et niveau d’intégration organisationnelle de l’entreprise: une évaluation empirique avant et après la mise en place d’un système ERP», Systèmes d’Information & Management, vol. 13, no 2, p. 61-96.

    VILLE DE MONTREAL (2015). Présentation des modifications apportées en décembre 2015 à la Stratégie d’inclusion de logements abordables dans les nouveaux projets résidentiels, Montréal, <http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/habitation_fr/media/documents/rev_strategie_inclusion.pdf>, consulté le 8 août 2018.

    VINNI, R. (2007). «Total quality management and paradigms of public administration», International Public Management Review, vol. 8, no 1, p. 103-131.

    Législation citée

    Lois annuelles

    Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, LQ 2017, c. 13.

    Lois codifiées

    Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c. A-19.1.

    CHAPITRE 1 /

    La révolution des ressources informationnelles

    Quels enjeux pour les municipalités?

    Daniel J. Caron¹

    Depuis plus de vingt ans, la révolution des technologies numériques a transformé l’environnement informationnel des espaces organisés, c’est-à-dire de la société, des institutions et des organisations. Cette révolution a, par elle-même, engendré une seconde révolution, soit celle des ressources informationnelles entendues comme la production et l’utilisation de la documentation et des données. Le but du présent chapitre est de montrer comment l’exploitation des ressources informationnelles est appelée à jouer un rôle accru et beaucoup plus stratégique que par le passé dans le fonctionnement municipal de demain. Reddition de comptes, participation citoyenne, données ouvertes et «ville intelligente» ne représentent que quelques enjeux auxquels sont déjà confrontées les municipalités. Au fur et à mesure que se développent les technologies numériques, les accessoires et les pratiques humaines qui les rendent effectives, dont les capacités de télécommuniquer, les villes sont mises au défi de s’impliquer toujours davantage dans ce qui avait été jusqu’ici une «gestion tranquille» des ressources informationnelles². Cette réalité constituera un double défi. D’une part et en amont, les municipalités devront se soucier davantage de la production documentaire et de la production de données, non seulement la leur, mais aussi celles des autres auxquelles elles auront accès. Qui la produit? Dans quels buts? Quelle est la nature de cette information? Sur quel support est-elle offerte (papier, site Internet, réseaux sociaux, portail de données ouvertes, etc.)? D’autre part et dans leurs actes de gestion, les municipalités devront mieux intégrer les technologies numériques dans l’esprit de s’acquitter de leur mission. Ces actes de gestion ne concernent pas spécifiquement la gestion de l’information comme fonction administrative dans le but de prendre des décisions opérationnelles, mais surtout la gestion municipale et la gestion de l’espace municipal dans son entièreté. En d’autres mots, l’information prendra graduellement une place plus centrale dans l’organisation du travail interne, mais aussi dans les interactions entre autorités municipales et citoyens à travers des flux informationnels plus riches, plus complexes et plus divers. À titre d’illustration, on peut penser à la possibilité qu’offre déjà le recours à la ludification (en anglais gamification) comme outil d’incitation à la participation citoyenne (Siegel, 2015). Parallèlement, on peut s’interroger sur le rôle des influenceurs, qui font maintenant partie des écosystèmes informationnels (Tufekci, 2014).

    Ces deux défis requièrent des changements majeurs dans la manière de traiter la variable informationnelle dans toutes ses dimensions. D’ailleurs, l’information et les données sont des concepts qui comportent une multitude de sens. Or, leur polysémie pose de nombreuses difficultés de compréhension. D’entrée de jeu, nous utiliserons donc les définitions suivantes: informer consiste à donner une forme à une matière (Lalande, 1991). Plus précisément, l’information est un ordre arraché au désordre (Von Foerster, Mead et Teuber, 1952, cité dans Gleick, 2015). Ce désordre existe à travers les données disponibles qui, justement, doivent être mises en forme. Elles représentent l’ensemble des indications permettant l’analyse ou la recherche des informations (Cros, Gardin et Lévy, 1964). Conséquemment, «l’information représente l’ensemble de données transformées de façon significative pour la personne qui les reçoit; elle a une valeur réelle qui se mesure dans les décisions et les actions prises» (Romagni et Wild, 1998, p. 92). Ainsi, que ce soit à propos de son contenu ou de son contenant, de son stockage, de sa transmission, de son partage ou de ses utilisations et répercussions, des transformations seront nécessaires dans l’organisation du travail interne, dans la prestation des services aux citoyens et dans la gestion politique des affaires municipales. S’il n’y a pas de modèle unique, le choix du modèle, en revanche, aura des incidences considérables sur ce que deviendra la vie municipale de demain.

    La proximité et la richesse informationnelle: nouvelle problématique municipale

    Dans la perspective de la gestion des ressources informationnelles, il faut rappeler, une fois de plus, que les municipalités sont au cœur de la vie des citoyens. Gouvernements

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