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Le Salon des Artistes Exilés en Californie
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Ebook284 pages

Le Salon des Artistes Exilés en Californie

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About this ebook

Une biographie sur Salka Viertel, une actrice juive qui a immigré à Hollywood et qui était connue comme la scénariste de l'actrice suédoise Greta Garbo. En outre, elle avait un salon à Santa Monica, en Californie, où une grande partie des intellectuels européens en exil avait l'habitude de se rendre. Salka était une femme très moderne et intéressante pour l'époque, qui devrait être connue comme elle le mérite.

Dans le livre, des sujets tels que la prétendue bisexualité de Salka Viertel et le nombre d'amis connus qu'elle avait, pour n'en citer que quelques-uns, sont abordés : Albert Einstein, Charles Chaplin, Sergei Eisenstein, F. W. Murnau, Max Reinhardt, Arnold Schönberg, Thomas Mann, Bertolt Brecht, Greta Garbo, Montgomery Clift... De plus, comme Gertrude Stein et d'autres femmes célèbres, elle avait son propre salon littéraire qui vit passer des écrivains tels que Truman Capote, Christopher Isherwood, Gore Vidal, etc. Parmi les autres thèmes, citons Berlin dans les années 1920, le passage du muet au parlant, vu depuis Hollywood. Puis la montée d'Hitler et ce qu'elle a signifié pour les juifs ; l'exil des intellectuels qui ne pouvaient pas retourner dans leurs pays respectifs à cause de la Seconde Guerre mondiale. Plus tard, la guerre froide et la chasse aux sorcières contre le communisme. La vérité est que le contexte de la vie de Salka Viertel et de son cercle d'amis englobe les grands événements du XXe siècle.

Pour ce projet, l'auteur a reçu les bourses du Shanghai Writing Program (Chine, 2016) et du Baltic Centre (Suède, 2017).

"Un récit très intéressant et même à notre époque, il est très actuel, car à mes yeux, nous n'avons pas beaucoup progressé en matière d'acceptation des "sentiments interpersonnels" en général. Un grand livre, très intéressant, sur Hollywood dans les années trente et quarante et sur l'influence des artistes des pays européens comme l'Allemagne, l'Autriche, la France, la Suède, l'Angleterre, l'Ukraine et d'autres. Un énorme travail de recherche de grande qualité qui a abouti à un compte rendu approfondi sur de nombreuses personnalités connues et leurs relations interpersonnelles". -Joannes W. M. Groenewege, Traducteur

"Malgré le fait que Salka Viertel ait été une figure centrale de la communauté des exilés, très peu de choses ont été écrites à son sujet. Le livre de Núria Añó est donc un correctif, et elle comble de nombreuses lacunes de 'The Kindness of Strangers' (La bonté des étrangers)". -Dialog International

LanguageFrançais
PublisherBadPress
Release dateSep 30, 2021
ISBN9781071596869
Le Salon des Artistes Exilés en Californie
Author

Núria Añó

Núria Añó (1973) is a Catalan/Spanish novelist and biographer. Her first novel "Els nens de l’Elisa" was third among the finalists for the 24th Ramon Llull Prize and was published in 2006. "L’escriptora morta" [The Dead Writer, 2020], in 2008; "Núvols baixos" [Lowering Clouds, 2020], in 2009, and "La mirada del fill", in 2012. Her most recent work "El salón de los artistas exiliados en California" [The Salon of Exiled Artists in California] (2020) is a biography of screenwriter Salka Viertel, a Jewish salonnière and well-known in Hollywood in the thirties as a specialist on Greta Garbo scripts.Some of her novels, short stories and articles are translated into Spanish, French, English, Italian, German, Polish, Chinese, Latvian, Portuguese, Dutch, Greek and Arabic.Añó’s writing focus on the characters’ psychology, most of them antiheroes. The characters in her books are the most important due to an introspection, a reflection, not sentimental, but feminine. Her novels cover a multitude of topics, treat actual and socially relevant problems such as injustices or poor communication between people. Frequently, the core of her stories remains unexplained. Añó asks the reader to discover the deeper meaning and to become involved in the events presented.Literary Prizes/ Awards:2023. Awarded at International Writers’ and Translators’ House in Latvia.2020. Awarded at International Writing Program in China.2019. Awarded at International Writers’ and Translators’ House in Latvia.2018. Fourth prize of the 5th Shanghai Get-together Writing Contest.2018. Selected for a literary residence in Krakow UNESCO City of Literature, Poland.2017. Awarded at the International Writers’ and Translators’ Center of Rhodes in Greece.2017. Awarded at the Baltic Centre for Writers and Translators in Sweden.2016. Awarded at the Shanghai Writing Program, hosted by the Shanghai Writer’s Association.2016. Awarded by the Culture Association Nuoren Voiman Liitto to be a resident at Villa Sarkia in Finland.2004. Third among the finalists for the 24th Ramon Llull Prize for Catalan Literature.1997. Finalist for the 8th Mercè Rodoreda Prize for Short Stories.1996. Awarded the 18th Joan Fuster Prize for Fiction.

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    Le Salon des Artistes Exilés en Californie - Núria Añó

    Le Salon des Artistes Exilés en Californie

    (Acteurs, intellectuels, anonymes fuyant le nazisme, accueillis par Salka Viertel)

    Núria Añó

    Traduit par Ludivine Hannequin

    Le Salon des Artistes Exilés en Californie

    Écrit Par Núria Añó

    Copyright © 2021 Núria Añó

    Titre original El salón de los artistas exiliados en California © 2020

    www.nuriaanyo.com

    Tous droits réservés

    Distribué par Babelcube, Inc.

    www.babelcube.com

    Traduit par Ludivine Hannequin

    Dessin de couverture © 2021 Núria Añó. Dessins Gordon Johnson

    Image de couverture © Fie Tanderup

    www.fietanderup.com

    Photo de l’auteure © Michal Jasek

    Babelcube Books et Babelcube sont des marques déposées de Babelcube Inc.

    Le projet de ce livre a été distingué en mars 2017 par une bourse de résidence internationale au Centre Balte pour les Écrivains et les Traducteurs à Visby (BCWT), en Suède. Auparavant, ce projet a fait partie d’un travail d'écriture primé au Shanghai Writing Program (SWP) en Chine en septembre et octobre 2016.

    Tous droits réservés. La reproduction de cette œuvre, en tout ou en partie, par quelque moyen ou procédé que ce soit, y compris la reprographie et le traitement informatique, est strictement interdite sans l'autorisation écrite du titulaire du droit d'auteur, sous peine des sanctions prévues par la loi. Si vous souhaitez partager ce livre avec d'autres personnes, veuillez acheter des exemplaires supplémentaires. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur.

    Table des matières

    Title Page

    Copyright

    Le Salon des Artistes Exilés en Californie

    Introduction

    Salka Steuermann

    Berthold Viertel

    Le contrat d’Hollywood

    Une maison sur Mabery Road

    Le salon

    Greta Garbo

    A plus tard, Berthold

    Mercedes de Acosta

    De l’actrice à la scénariste

    Trois, c’est une foule

    La reine Christine

    La montée du nazisme

    Un autre exil

    L’aide du Fonds Européen du Film

    Les Femmes de MGM

    Salka, scénariste de Greta Garbo

    Dîner avec les frères Mann

    Seconde Guerre mondiale

    La carrière de Greta Garbo touche à sa fin

    Autres scripts

    Le retour de la Garbo ?

    Les locataires de la chambre du garage

    Un salon littéraire

    Qu’adviendra-t-il de nous ?

    La liste des communistes du FBI

    The House Un-American Activities Committee

    La fin du rêve américain

    Retour en Europe

    Klosters

    La grande visite

    Mémoires

    Correspondance

    Filmographie

    BIBLIOGRAPHIE

    À PROPOS DE L’AUTEUR

    Du même auteur

    L'écrivaine morte

    Le regard du fils

    Nuages bas

    Je suis tellement heureux d'avoir passé ce temps à Mabery Road, sinon je n'aurais jamais réalisé quelle femme merveilleuse tu es.

    CHRISTOPHER ISHERWOOD

    Le Salon des Artistes Exilés en Californie

    Illustration 1: Photo de Salka Viertel. © Katharina Prager, (2018). Berthold Viertel: Eine Biografie der Wiener Moderne. Vienne: Böhlau Verlag.

    Introduction

    Salka Viertel (Sambir, 1889 – Klosters, 1978) était une actrice de cinéma et scénariste juive. Elle épousa le poète et réalisateur de cinéma et de théâtre Berthold Viertel, avec qui elle eut trois enfants. Comme d’autres épouses d’artistes et d’intellectuels européens, son mari s’est vu offrir un contrat à Hollywood et les Viertel émigrèrent aux États-Unis alors que la Californie commençait à être perçue comme un haut lieu du cinéma. Là, au bord de l’Océan Pacifique, Salka créa un salon renommé fréquenté par des artistes populaires et qui, avec l’ascension d’Hitler, accueillit de nombreux Européens fuyant l’Allemagne nazie. À cette époque, Salka se sépara de son mari et fut embauchée par la Metro-Goldwyn-Mayer en tant que scénariste pour l’actrice suédoise Greta Garbo, qui deviendra son amie proche. Cependant, au début de la guerre froide, Salka fut soupçonnée d’être communiste. Les studios lui fermèrent leurs portes et elle ne put plus travailler. La chasse aveugle aux sorcières contre les étrangers et le manque de libertés que la politique américaine exerçait contre ceux qui, des décennies plus tôt, lui avaient offert un avenir, précipitèrent la fin de son rêve américain et son retour en Europe, où elle vivra un second exil en Suisse.

    Salka Viertel, comme d’autres femmes juives de l’époque, qu'elles soient écrivaines, poètes germanophones tels que Vicki Baum, Gina Kaus, Hilde Spiel, Nelly Sachs ou Else Lasker-Schsler, vécut le génocide en exil ou dans des camps de concentration et d’extermination, comme la jeune Ruth Klüger, à Auschwitz. Toutes ressentirent le besoin d’écrire leurs mémoires, conscientes que leurs vies étaient liées à une époque et reflétaient donc celles de leurs contemporains.

    En avril 1969, Salka Viertel publie ses mémoires en anglais. Ils s’intitulaient The Kindness of Strangers parce que, disait-elle, elle avait toujours pu compter sur la gentillesse des étrangers. Ses paroles étaient un clin d’œil au personnage de Blanche DuBois dans Un tramway nommé Désir. Un an plus tard, l’édition allemande se dissocie du titre original et préfère évoquer le « cœur incorrigible¹ » de l’auteure, bien qu’il reste lié à la célèbre œuvre de Tennessee Williams, lorsque le manque de rectitude morale du personnage féminin est remis en question, et que cette dernière répond : « Qu’est-ce que la rectitude ? Une ligne peut être droite, ou une rue… Mais un cœur humain ?"² Certes, il fallut attendre 1995 pour trouver la seule édition en langue espagnole sortie par les Ediciones del Imán. Le titre fut de nouveau changé et fut traduit comme Los extranjeros de Mabery Road, mettant en évidence le nom de la rue où Salka Viertel a vécu à Santa Monica et, à son tour, le point de rencontre pour les intellectuels européens en temps d’exil. La publication, préfacée par son fils cadet, le romancier Peter Viertel, montrait à quel point ces mémoires avaient été peu publiées.

    Salka Viertel y raconte avec lucidité les différents événements qui ont marqué la première moitié du XXe siècle. Son livre est une chronique d'une grande valeur historique et politique, bien qu'à l'époque, il soit passé inaperçu parce qu'il avait été écrit par une femme. Mais il y a un autre facteur décisif, c'est qu'elle n'a pas été complètement honnête au sujet sa vie privée. Elle préféra garder les confidences et les expériences de nombre de ses amis en sécurité et a même fait taire les noms des célébrités qui passaient chez elle pour sauver les apparences.

    Sans parler, au fil du temps, des amis qui à leur tour écrivent des mémoires et qui à un moment donné lui font référence, des livres que je cite dans la section bibliographique, en plus de divers documents trouvés dans des archives et des bibliothèques internationales comme la Deutsches Literaturarchiv à Marbach, l'université de Californie du Sud à Los Angeles, la Bibliothèque Margaret Herrick et l'Académie des arts et sciences du cinéma à Beverly Hills, le Musée et bibliothèque Rosenbach à Philadelphie, la Deutsche Nationalbibliothek et Deutsches Exilarchiv 1933-1945 à Francfort-sur-le-Main, la Bibliothèque du Congrès à Washington, la bibliothèque présidentielle Franklin D. Roosevelt à New York, la Deutsche Kinemathek à Berlin, le Jewish Museum à New York ou l'Akademie der Künste Archiv à Berlin, tous montrent la vie d'une femme profondément moderne pour son époque et qui doit avoir sa place dans l'histoire.

    Je remercie toutes ces personnes qui ont retracé une partie de cette histoire, en me fournissant des documents pour mes recherches, qui ont répondu à mes questions ou m'ont accordé les autorisations nécessaires pour la publication. Merci pour votre aide et, bien sûr, pour la gentillesse de Michaela Ullmann (Université de Californie du Sud) ; Kristine Krueger (Académie des arts et des sciences du cinéma. Bibliothèque Margaret Herrick) ; Dr. Marcel Lepper, Thomas Kemme et Dörthe Perlenfein (Deutsches Literaturarchiv Marbach) ; Michael Schwarz et Sabine Wolf (Akademie der Künste) ; Regina Elzner (Deutsche Nationalbibliothek) ; Rosemary Hanes (Library of Congress) ; William Baehr (Franklin D. Roosevelt Presidential Library) ; Thomas Kuhnke ; Andrew Viertel ; Katharina Prager ; Don Bachardy ; Phyllis Green (The Christopher Isherwood Foundation) ; Scott Reisfield ; Alexandra Tyrolf ; Mark A. Vieira ; Robert A. Schanke ; Nina Bahrendt (Villa Aurora) ; John (GarboForever) ; Elizabeth E. Fuller (The Rosenbach Library) ; Daniela Maurer (Israelitische Kulturgemeinde Wien) ; Małgorzata Budzyńska, Alan Schwartz et David Behrman. Et, bien sûr, merci à Lena Pasternak et Patrik Muskos (Centre Baltique) pour avoir fait confiance à mon travail et m'avoir accordé une résidence à Visby, en Suède, pour compléter cette biographie.

    Salka Steuermann

    Salka Viertel, née Saloméa Sara Steuermann, voit le jour dans une famille juive le 15 juin 1889 à Wychylowka dans la banlieue de Sambir ³, lorsque sa province, Galicie, faisait partie de l’Empire austro-hongrois, avant d'appartenir à la Pologne et aujourd'hui l’Ukraine. Sambir est, à la fin du XIXe siècle, une petite ville de vingt-cinq mille habitants où cohabitent ukrainiens, polonais et juifs. Son père, Josef Steuermann, a un cabinet d’avocats et est élu premier maire juif de la ville. Sa mère, Augusta, voulait être chanteuse d’opéra mais abandonne soudainement son rêve; sa peau pâle, ses yeux clairs et sa couleur de cheveux blonds pouvaient facilement être confondus avec la race aryenne. Salka est l’aînée de quatre frères et sœurs. Sa sœur Rose est née en 1891; Edward, en 1892; le plus petit, Zygmunt, surnommé Dusko, en 1898.

    Son enfance se déroule au sein d’une famille juive aisée et non pratiquante, qui aime les arts et a un penchant pour la musique qui remonte à ses arrière-grands-parents. Comme ils vivent à la campagne, à deux kilomètres de Sambir, les enfants ne vont pas à l’école et deux gouvernantes, l'une allemande et l'autre française, ont la charge de leur éducation. Salka parle couramment ces deux langues, en plus du polonais et ukrainien, qu'elle parle avec sa famille et avec Niania, une nounou analphabète qui prend soin d’elle comme une deuxième mère. Son enfance à Wychylowka est agréable en raison de l’environnement naturel idyllique dans lequel baigne la banlieue, entourée d’une forêt, d'une rivière, d'un verger aux arbres fruitiers abondants et, derrière eux, les montagnes vertes des Carpates, qui prennent des teintes terreuses ou sont couvertes de neige selon la saison.

    Dès son plus jeune âge, Marie Stuart, le livre de Friedrich Schiller, devient son fidèle allié car, grâce à lui, Salka découvre sa grande passion pour le théâtre. Le rôle de Marie Ire d’Écosse, qu'elle connait par cœur, tellement même qu'elle le récite à la maison devant ses frères et les domestiques. Mais aussi devant les aînés, bien qu’ils montrent peu d'intérêt, peut-être parce qu’ils sentent déjà, à cause de son caractère un peu rebelle, que son avenir pourrait s'orienter vers le théâtre. Et ils n’aiment pas cela, ils ne pensent pas non plus que ce soit une profession sûre pour une femme. Parfois, pendant que Salka joue, les femmes de sa famille se moquent d’elle en ce qui concerne son deuxième prénom, Sara, comme la célèbre actrice Sarah Bernhardt ! Elles rient la tête baissée. Alors que d’autres, comme son père, restent silencieux, essayant d'écouter une Marie Stuart un peu précoce, mais amicale et passionnée. Les yeux gris de Salka montrent souvent de la curiosité pour toute chose, devenant parfois lumineux et même mélancoliques. Ou ses cheveux roux, habituellement décoiffés, sont peignés pour l'occasion et ressemblent à une gravure du même livre. Il est vrai que jouer la reine d’Écosse lui coûtera beaucoup dans sa future carrière d’actrice. Non seulement parce que c’est un rôle convoité par les actrices expérimentées qui sont au sommet, mais aussi parce que dans cette scène improvisée, vous devez faire face au fait qu'elle n'est pas considérée comme belle, même en faisant des mouvements drôles à la fin de sa prestation. En revanche, sa sœur Rose, simplement assise, ne faisant rien en particulier, réussit à se démarquer des femmes de sa famille grâce à son immense beauté.

    À l’âge de dix ans, Salka souffre d'une cambrure dans le dos et, pour la corriger, fréquente l’institut orthopédique de la belle ville de Lviv. L'enseignement est dispensé dans l'institut, même si l’enseignement religieux est facultatif et qu’ils acceptent des élèves mixtes, ce qui est inhabituel pour l’époque. Le centre est dirigé par deux réfugiés du secteur russe de la Pologne. Rapidement, les sujets concernant l’histoire et la littérature polonaises, enseignés par Madame Dalecka, encouragent la créativité de la jeune Salka, qui commence à écrire des histoires et des poèmes avec une atmosphère triste et patriotique marquée, en dépit du fait que, dans d’autres matières de science, elle montre quelques lacunes scolaires.

    Sa passion pour la lecture l’amène à dévorer des livres de George Sand comme Indiana et Consuelo, dont les thèmes choquent sa grand-mère et les femmes plus âgées d'une manière générale. Elle récite également du William Shakespeare, le poète polonais Juliusz Słowacki, et à l’adolescence, son désir de devenir actrice devient plus grand. Cependant, sa mère et ses tantes, qui sont plutôt rusées, détournent l’attention de Salka vers son trousseau, pensant que, le voyant si beau, elle sera excitée de se marier et oubliera le théâtre.

    Ses parents, Josef et Augusta, se disputent souvent et Salka prend habituellement le parti de son père parce qu’elle le trouve plus fragile, tandis qu'elle pense que sa mère est la plus forte de la famille et n’a donc pas besoin de son soutien. Il est clair que Salka s’entend mieux avec son père, même s'il ne montre pas beaucoup d’affection envers ses enfants.

    Salka rencontre Stas, un jeune homme qui travaille avec son père. Tous deux sortent ensemble à quelques reprises, avec le consentement de la famille, mais, de façon inattendue, il tombe malade et meurt. Comme il était son fiancé, elle se sent soudainement très triste. Une tante du garçon, la voyant si mélancolique et découragée à seulement quinze ans, la convainc de passer une audition à Vienne. Une fois sur place, Salka assiste à une représentation de la grande Sarah Bernhardt, qui est en tournée en Europe dans La Dame aux camélias et tout à coup, cette représentation a un profond impact sur Salka.

    Lorsqu'elle passe l'audition dans la ville viennoise, on lui dit immédiatement que, d’une part, son allemand a un fort accent slave et qu'elle a des défauts de prononciation pour monter sur scène, même si, d’autre part, son talent pour le théâtre est incontestable. Si bien que son père accepte et finit par signer un contrat pour que Salka interprète de jeunes héroïnes classiques, bien qu'en Europe beaucoup de contrats condamnent les acteurs à un véritable esclavage. Mais Salka a tellement rêvé de devenir actrice! À présent, dès qu’elle a une courte pause entre les représentations, le visage de cette jeune femme ne peut s’empêcher de montrer sa tristesse d’être si loin de la maison et de sa famille. Bien qu'elle corresponde avec eux, elle envoie parfois des lettres sans enthousiasme, qu'elle écrit dans les coulisses. Quand ce n’est pas le cas, elle fait des allers-retours, consciente d'avoir hérité de la force de sa mère. Mais en retournant à Sambir, elle se heurte aux fonctionnaires de la ville, et ceux qui l’ont une fois accueillie comme la fille du maire, une Steuermann, dès qu’ils apprirent qu’elle est devenue une actrice, perdent leur respect pour elle et la traitent comme n'importe qui d'autre. Qui plus est, elle n'échappe pas non plus aux expériences désagréables dans son travail, comme un metteur en scène qui tente de la peloter ou certains acteurs qui se montrent irrespectueux envers elle. Salka vit dans un environnement très différent de celui auquel elle était habituée en tant que jeune femme de bonne famille qui a reçu une bonne éducation. Certains ne s’habituant pas à avoir ce genre de femmes dans la compagnie, il est donc facile de s'en prendre à elle ou à toute autre personne dont la nationalité n'est pas Allemande ou Autrichienne. Déjà à cette époque, les comportements xénophobes avaient court dans les théâtres.

    À vingt ans, Salka fait ses débuts dans Médée au Théâtre Municipal de Pressburg, sur les rives du Danube. Peu de temps après, elle obtient un contrat dans un autre théâtre à Teplitz-Schönau, dans la Couronne de Bohême, où elle joue de petits rôles dans des pièces comme Marie Stuart, bien que ce soit une actrice plus expérimentée qui se glisse dans la peau du rôle tant convoité de la reine. Plus tard, elle part pour Zurich où elle joue un rôle dans Wallenstein, une autre pièce de Schiller, mais sa première reçoit de mauvaises critiques. Pour mémoire, le nom sous lequel elle apparaissait dans les programmes allait de Salomea Steuermann à Mea, jusqu'à ce qu'elle se décide pour Salka Steuermann, en partie pour effacer son sentiment d'échec en Suisse.

    Cependant, comme elle a des difficultés à trouver du travail, elle tente sa chance à Berlin où elle vit avec son frère Edward, qu’elle surnomme Edek. Tous deux partagent un petit appartement à l’ouest de Berlin, très proche d’un restaurant fréquenté par des personnes liées au monde de l’art, de sorte qu’ils reçoivent des visiteurs et, en peu de temps, leur maison devient une sorte de salon bohème où tout le monde converse avec animation, partage des idées immorales et où s’épanouissent de nouvelles amitiés. À cette époque, son frère étudie le piano et la composition avec Arnold Schönberg, au moment où la riche Albertine Zehme commande à ce compositeur la partition du cycle de Pierrot, qu’Edward jouera ensuite avec d’autres musiciens. Sur scène, tous, y compris le chef d'orchestre, sont cachés par des écrans. La seule personne visible est Mme Zehme, qui, ce jour-là, a le visage peint en blanc, est habillée en Pierrot et récite des poèmes mélancoliques qu’elle prononce lentement et de façon syllabique, son interprétation prenant un ton douloureusement inharmonique et profondément contemporain. Cet événement intitulé Pierrot Lunaire reçoit surtout des sifflets, des huées et une grande indignation parmi le public, même si le grand talent de Schönberg sera reconnu plus tard.

    Berlin offre des opportunités aux artistes. Salka, consciente de cela, passe une audition pour la compagnie de Max Reinhardt. Elle se sent nerveuse quelques instants avant, mais dès qu’elle monte sur scène son pas devient sûre, même si elle n’est pas encore une jeune femme qui sait tirer avantage de sa féminité. Les scènes qu’elle a choisies pour ce jour-là révèlent sa belle voix, plutôt grave. Ses mains plutôt énergiques contrôlent l’importance de certains mots par rapport à d'autres, tout comme la joie de certaines exclamations et la lenteur subséquente de sa respiration. Plus tard, en attendant le verdict, son expression devient pensive comme celui des autres femmes, puisqu'elle n’est pas la seule à auditionner ce jour-là, à avoir répété tel ou tel rôle, à s'être coiffée et maquillée à son avantage, à avoir été nerveuse. Ou à savoir que dès que la liste serait affichée, elle pleurerait de tristesse ou de joie, et finirait par embrasser ses concurrentes. Et puis, les élues, comme elle, signent un contrat avec la compagnie Deutsches Theater. Sa vie est en perpétuel changement, tout comme ses économies. La chance est maintenant de son côté et dans les coulisses, elle rencontre de futurs réalisateurs tels que Ernst Lubitsch ou Friedrich Wilhelm Murnau. Bien qu’elle soit encore une débutante, elle passe des mentions en fin de programme aux rôles principaux, toujours dans des œuvres classiques telles que Faust II, Hamlet, Penthesilea ou la pièce Orestes dans laquelle Salka joue une esclave de Troie.

    Le metteur en scène Max Reinhardt possède plusieurs théâtres disséminés dans tout Berlin. Parfois, Salka le distingue au loin. Celui-ci arrive et donne des instructions dans l’auditorium, ou en se dirigeant vers les loges, et il est extrêmement difficile de l'approcher. Les yeux bleus de Reinhardt ont un effet étonnant, d'un seul regard il fait littéralement tomber beaucoup d'actrices à ses pieds, certaines le trouvent beau, d’autres s’évanouissent simplement le jour où elles voient leur patron d'aussi près. Salka vit d'heureux moments à Berlin. En été, elle revient à Wychylowka avec son frère Edward et, à son retour à Berlin, sa sœur Rose, avec l’excuse d’étudier la littérature, vient vivre avec eux, où tous trois s'en sortent plutôt bien dans ce minuscule appartement de deux chambres. Dès qu’elle arrive, Rose se rend compte que ce n’est pas la littérature qui la motive le plus professionnellement, mais d'être sur scène et de jouer ces personnages de livres qu’elle aime tant. Tous trois vivent ensemble seulement quelques mois, parce qu’à leur retour à Berlin, Salka a des difficultés à obtenir des rôles principaux. À ce moment-là, Ellen Geyer, une de ses anciennes collègues, lui propose d’entrer dans la compagnie viennoise Neue Wiener Bühne car ils sont à la recherche d’actrices. À son tour, sa sœur Rose quitte Berlin pour Vienne pour se former en interprétation, de sorte qu'elles restent proches.

    À Vienne, Salka joue en tant qu'actrice principale dans des pièces comme Le père d’August Strindberg ou John Gabriel Borkmann d’Henrik Ibsen. Dans cette ville, elle rencontre également Alexander Jaray⁴, un sculpteur de vingt ans son ainé, dont elle tombe follement amoureuse, bien qu’il soit marié. De nombreuses nuits, après sa représentation, ils marchent dans les rues viennoises en se tenant par la main ou s'étreignant. Cela ne les

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