Droit européen des affaires et politiques européennes
By Louis Janicot and Camille Toumelin
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About this ebook
Ouvrage unique car il s’agit d’une réalisation collective menée sur deux ans avec des étudiants de l’ESSEC, sous la direction de leur professeure qui, tout au long du travail et des débats entre eux, a démontré qu’apprendre l’Europe est le meilleur moyen d’en être convaincu. Ils partagent la conviction que la compréhension du projet d’Europe, de ses règles et de sa logique, est le premier pas vers une reconstruction d’un idéal et d’un futur européen associant le citoyen.
Ce manuel est un support de cours de Droit de l’Union européenne pour des cours généraux et spécialisés en Écoles de commerces, Universités (droit, sciences politiques, AES), les IEP, Prep’ENA. Il concerne aussi tous professionnels : dirigeants de PME voulant étendre leur marché, consultants en affaires européennes, avocats en droit des affaires, enseignants, journalistes, think tanks et politiques.
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Droit européen des affaires et politiques européennes - Louis Janicot
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© Groupe Larcier, 2017
Éditions Larcier
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ISBN : 9782804496548
Ouvrage collectif mené sous la direction de Viviane de Beaufort¹ avec le concours tout particulier de Louis Janicot, Sophie de Saint Denis, Édouard Simon et Camille Toumelin²
Avec la participation de : Margot Abril, Basile Anthonioz, Samy Amri, Astrid Berger, Jean-Régis Berlier de Vauplane, Antoine Blanc, Marie Branchu, Paul Bouttier, Gaël Brigot, Benoist Caillard D’Aillières, François Cantau, Dalhia Chekaoui, Camille Chenais, Julie Coniglio, Adrien Darodes de Tailly, Mariane Desangles, Christophe De Batz, Oriane Donnadieu, Antoine Dufrane, Eustache Elina, Pauline Facon, Maxime Faure, Valérian Fleury, Alexis Flocon, Côme Frizé, Harriet Green, Mathilde Guillet, Clément Hardy, Ahmed J’Mila, Verena Kuhn, Florence Larher, Donasian Le Nail, Clément Le Blanc, Agathe Leproux, Tanguy Le Stradic, Alice Loesch, Aurélie Maio, Frédéric Moncho, Alliance Mukengeshayi Ilunga, Adnan Ngassi Saqout, Marine Noret, Jad Ouaissi, Jean-Charles Peres, Juliette Pouzadoux, Loïck Pupin, Rajkumar Ramassamy, Florent Saby, Vincent Satge, Victor Schouder, Paul de Scorraille, Clotilde Schnepp, Augustin Sersiron, Baptiste Singler, Simon Thillay que je remercie de leur investissement et leur sérieux en espérant qu’ils ont apprécié ce projet collectif.
Résumé. L’Union européenne, longue et continue construction au fil des Traités, interagit avec ses États membres, au travers d’institutions au pouvoir de plus en plus important. Véritable organisation politique, économique et sociale, dotée d’un budget, d’une capacité à émettre des actes législatifs et à mener des politiques communes, elle va bien au-delà de la construction d’un marché, même de manière hésitante et parfois chaotique, et son influence sur la vie politique et juridique des États membres est de plus en plus présente : c’est une réalité. Les entreprises sont d’autant plus concernées par cette évolution que la formation des normes se fait de plus en plus à échelle de « Bruxelles », on songera par exemple au droit de la concurrence, à la politique de défense des consommateurs, etc. L’économie des États membres est de son côté de plus en plus impactée par des politiques comme l’UEM ou les accords commerciaux signés à échelle de l’Union européenne, par exemple. Cependant, l’Union européenne n’est pas un État fédéral et les États membres demeurent au centre du processus décisionnel. Au-delà du marché intérieur certes à achever, l’enjeu crucial apparait la capacité de l’Union européenne à adopter des politiques communes pour développer son industrie, sauvegarder son poids géopolitique et économique face à la globalisation.
Mots-clés : Union européenne, Europe, marché intérieur, Globalisation, Intégration, États membres, Institutions, Compétences, Politiques communes, Droit européen, Entreprise européenne, Citoyenneté européenne.
Abstract. The European Union, long and continuous building over the Treaties, interacts with its member states, through institutions increasingly powerful. Genuine political, economic and social organization, with a budget and an ability to issue legislative acts and conduct common policies... It is more than just a common market, even if the construction has been hesitant and sometimes chaotic, and its influence on the political and legal life of the Member States is increasingly present : it’s a reality. Companies are the entities most concerned by this development since the economic standards are conducted by « Brussels », as for example competition law, the Consumer policy, etc. while the economy of States, European trade is impacted by policies such as EMU or trade agreements. However, the EU is not a federal state and the Member States remain at the center of decision-making process. Beyond the internal market, certainly to complete, the crucial issue appears in the EU’s ability to adopt common policies to develop its industry, and safeguard its geopolitical and economic weight face of globalization.
Key words : European Union, Europe, Common market, Globalisation, Integration, Member States, Institutions, Competencies, Common Policies, European Law, European firm, European Citizenship.
1. Voy. C.V. auteur en fin d’ouvrage.
2. Louis Janicot, alumni ESSEC-Droit est doctorant à l’École de Droit à la Sorbonne, a participé et finalisé le manuscrit dans le cardre de ses activités de recherche et d’enseignement d’expert associé au CEDE de l’ESSEC, Sophie de Saint Denis, étudiante à l’ESSEC Grande École et à Sciences-Po Paris, a participé au manuscrit dans le cadre d’un monitorat. Édouard Simon alumni ESSEC-Droit est doctorant à l’École de Droit à la Sorbonne, a participé au manuscrit dans le cardre de ses activités de recherche et d’enseignement d’expert associé au CEDE de l’ESSEC. Camille Toumelin, étudiante à l’ESSEC Grande École et à la Sorbonne, a participé et finalisé le manuscrit dans le cadre d’un monitorat.
Avant-propos
Après le Brexit, l’Europe peut-elle être un modèle de civilisation citoyenne du monde ?
Viviane de Beaufort, Camille Toumelin et Louis Janicot
Parfois décriée, parfois adulée (de plus en plus rarement), l’Europe comme projet fait l’objet de nombreux fantasmes : certains la voient courir à sa perte, d’autres lui prédisent un brillant avenir…
La construction européenne est un projet unique dans l’histoire de notre civilisation : elle a établi une union d’États, la plus aboutie de l’Histoire, et si d’autres projets ont tenté de l’égaler (Mercosur, CEDEAO, ASEAN, etc.), aucun n’a réussi à mettre en place une structure politico-institutionnelle et juridique aussi poussée. Étant un modèle d’intégration unique, il est fort difficile de la comparer ou trouver un exemple afin de prédire son futur… Quel avenir imaginer pour l’Europe, et, de façon plus ambitieuse, l’ordre mondial des États ?
Prenons l’exemple de la monnaie unique, grand symbole de l’Union européenne : l’euro est partagé par 19 pays membres, valeur forte et rassurante, symbole d’unité et d’une certaine puissance économique. Nous avons pu imaginer que cette initiative était le premier pas d’une évolution, lente mais irréversible, vers une monnaie européenne puis une monnaie de réserve mondiale. Projection idéaliste ou ambition ancrée dans une réalité déjà existante, même embryonnaire, car si la France et l’Allemagne ont renoncé à leurs monnaies historiques, le franc et le deutschemark, d’autres pays, dans d’autres régions, pourraient s’en inspirer et créer des monnaies régionales, symbole du développement de zones régionales de coopérations accrues, en réponse à la globalisation.
L’Union européenne, bien que précurseur, n’a pas créé les États-Unis d’Europe souhaités par Winston Churchill au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et ne s’est pas dotée d’institutions réellement fédéralistes. Et pourtant, le tandem franco-allemand a permis de mettre en place une véritable gouvernance économique et sociale en Europe. On pourrait espérer qu’un réveil des peuples voisins conduise à l’extension de cette gouvernance régionale, notamment si la Grande-Bretagne décide de se tourner pleinement vers la politique européenne, ce qui reste problématique. L’éveil des consciences conduirait alors à l’émergence d’institutions de gouvernance multilatérale et permettrait enfin l’harmonisation des politiques budgétaires, fiscales et commerciales requise.
Le rapprochement des États avec une gouvernance à échelle du monde est un enjeu géopolitique majeur dont nous trouvons ici et là quelques prémices (OIT, OMC, …). Les États et les peuples européens habitués à travailler ensemble, à construire pas à pas un tissu commun pourraient enfin prendre le parti de créer une communauté politique et, en leader, entrainer dans un scénario vertueux à échelle du monde, le rapprochement des États arabes, d’Israël et de la Palestine, un accord entre la Russie et l’Europe, etc.
Rêver à la naissance d’une démocratie mondiale et, avec elle, d’une nouvelle citoyenneté fondée sur des valeurs communes et non des fondements raciaux ou religieux, c’est bien le projet de l’Union européenne. Ces institutions désormais internationales bénéficieraient de moyens financiers inégalés, permettant enfin à une gouvernance mondiale et des politiques publiques de se développer… En fait, cette évolution est vitale : les États émergents ne pourront pas consommer autant de ressources que les États-Unis et l’Europe durant les dernières générations, faute de ressources naturelles.
Il est donc crucial de valoriser une bonne compréhension de la construction de l’Union européenne et de ses rouages souvent méconnus du public, car notre système, s’il relève ses défis internes, pourrait être le modèle d’une collaboration entre États du monde demain.
1. GREXIT, menace pour la Grèce, la zone Euro ou l’Union européenne ?
Les Cassandres ne cessent de répéter que la sortie grecque de l’Europe est tôt ou tard inévitable. La Grèce a certes, à ce jour, remboursé la BCE, mais ses autres créanciers ne cachent pas leurs inquiétudes. Les plans de sauvetage et les politiques de relance vs. d’austérité porteront-ils leurs fruits ? Mais si économistes, politiques et autres spécialistes du sujet ont épuisé la question des conséquences financières d’un éventuel Grexit, que signifierait cette situation d’un point de vue ethnologique et historique ? Il semble nécessaire de replacer notre actualité au sein de l’Histoire.
Nous n’avons que trop tendance à oublier que la Grèce fût un temps le berceau de l’Europe et a ainsi façonné sa culture, de la philosophie à la médecine en passant par les mathématiques. On entend que le maintien de la Grèce dans l’Union européenne menacerait les économies de ses voisins, mais aussi leurs régimes politiques mis à mal par une colère populaire se propageant depuis Athènes. Mais les voix font silence lorsqu’il s’agit de rappeler que nos systèmes politiques sont régis par un concept grec, celui de démocratie. Bien ingrat est celui qui renie sa mère nourricière sous prétexte qu’elle ne lui fournit plus rien, voire menace de lui coûter. Est-il concevable de ne pas subvenir aux besoins de nos parents, éjecter une Grèce en difficulté de l’Europe c’est exactement cela, même si le parallèle semble osé.
Le problème n’est en réalité pas la Grèce puisque chaque pays européen, indépendamment chercherait, si la situation périclite, à assurer sa survie, éventuellement au détriment de ses voisins. Pousser à l’austérité l’ensemble des pays « trop dépensiers », est-ce la solution ? D’autant que chacun prend ces principes pour les autres : si les Allemands jettent un regard amer sur les autres pays dont la France, les Français jugent les Italiens trop peu regardants sur leur économie, les Italiens eux-mêmes se rient des Portugais, et de fil en aiguille, tout le monde montre du doigt la Grèce.
Une question se profile alors. Pourquoi et comment les peuples européens ont renoué avec cet individualisme exacerbé que l’on pensait dissipé, au sortir de la Seconde Guerre mondiale ? Une crise économique suffit-elle à transformer les mentalités ou n’est-elle qu’un prétexte pour déresponsabiliser les foules ? Il est incontestable que la récession et la pauvreté ont plus que contribué au renfermement des individus sur eux-mêmes. Cette réaction humaine est difficile à blâmer. Mais cette explication hélas acceptable à échelle d’un individu ne l’est pas au niveau macroéconomique : un État ne fonctionne pas comme un ménage. Il peut d’ailleurs, le cas échéant, emprunter sur des durées infinies.
Alors d’où vient cette caricature du peuple grec ? À notre sens, les sources en sont d’ordre psychologique. La non-considération de la réalité grecque en tant que réalité européenne répond parfaitement à la définition que Freud a donné de la névrose en temps que désaveu ou déni. En psychiatrie, le rejet absolu d’une situation pensée comme étant extérieure à soi est signe de pathologie, pathologie qui peut gagner un peuple. Ce n’est pas en considérant que cette situation n’est pas nôtre, ni en punissant un peuple grec infantilisé que nous marchons dans la bonne direction³.
Le remboursement par la Grèce de ses dettes semble plus que compromis. Le Grexit a été évité avec le lancement du troisième plan d’aide, en août 2015, mais il est difficile d’affirmer qu’il n’a pas été que repoussé. À terme, nous devrons nous mettre autour d’une table et abandonner certaines créances pour redonner de l’autonomie à la Grèce et à son peuple et leur donner la chance de se reconstruire sur des bases saines en maintenant un budget équilibré.
Troisième plan d’aide à la Grèce : les ministres des finances européens ont accepté le troisième plan d’aide à la Grèce le 14 août 2015. De nouveaux prêts sont alloués au pays, pour des montants pouvant aller jusque 86 milliards d’euros. En contrepartie, la Grèce s’est engagée à mener des réformes économiques sérieuses qui incluent notamment : une réforme fiscale, des mesures pour améliorer la « durabilité » du système des retraites, la garantie de l’indépendance de l’Elstat (organisme des statistiques grec), le respect plein et entier des Traités européens (notamment en mettant en place des coupes quasi automatiques des dépenses en cas de d’excès budgétaire). Les Grecs ont par ailleurs déjà adopté un nouveau Code de procédure civile pour accélérer le déroulement de la justice en vue d’en réduire les coûts et ont transposé la Directive européenne sur le renflouement des banques (« BRRD ») dans leur législation.
À plus long terme, les grandes réformes attendues par les créanciers de la Grèce en vue de recouvrer une situation économique viable seront :
– une refonte intégrale du système des retraites ;
– une réforme du marché intérieur suivant les recommandations de l’OCDE incluant notamment une législation sur l’ouverture des commerces le dimanche, sur les périodes de soldes, les pharmacies, les boulangeries, etc.) ;
– la privatisation du réseau de transports électriques ;
– une réforme du marché du travail ;
– un renforcement du secteur financier.
Reste à déterminer comment l’économie grecque peut repartir. Si plusieurs pays européens ont réussi à sortir de la récession, la Grèce est en mesure de le faire pour peu que l’investissement, et donc les capitaux, soit de la partie. Rendre cette terre attractive aux investisseurs, multinationales et autres armateurs grecs réfugiés à Londres, tel est le bon objectif à se fixer. Cette mission n’est d’ailleurs pas inatteignable si nous gagnons en motivation en nous remémorant tout ce que la Grèce a apporté à l’Europe…
2. Le plan de la Commission Juncker pour relancer l’Europe ?
Le 13 janvier 2015, la Commission européenne dépose une proposition de règlement auprès du Conseil des ministres et du Parlement européen concernant la création d’un Fonds européen d’investissements stratégiques (FEIS), fonds de garantie pour ses investissements. Cette proposition découle d’un plan stratégique plus global de la Commission Juncker visant à faire appel et orienter les investissements privés sur les priorités de l’Union européenne. Le plan Juncker s’axe de fait sur trois dimensions interconnectées : les financements, les projets et la construction d’environnements propices à l’investissement. Ce plan s’appuie sur une enveloppe de 315 milliards d’euros d’investissements additionnels sur trois ans, en plus des traditionnelles participations de la Banque européenne d’investissements (BEI), de l’Union européenne et des États membres. Ces sources de financements doivent asseoir la soutenabilité de projets d’intérêt européens, comme outils de politique de relance de la croissance et de l’emploi en Europe en servant de catalyseur aux investissements privés. En décembre 2014, chaque États membres a transmis à la Commission Juncker des projets publics ou privés pour un total initial de 1300 milliards d’euros. Ces projets sont sélectionnés à partir de l’intérêt européen, la faisabilité et l’impact, et seuls quelques-uns sont mis en oeuvre. En septembre 2016, a été annoncé le quasi-doublement du plan d’investissement et sa prolongation jusqu’en 2023. Le mécanisme qui repose sur des investissements privés garantis par des fonds européens, aura une capacité de mobilisation de « 500 milliards d’euros à l’horizon 2020 ».
La Commission Juncker souhaite en parallèle (notion d’attractivité règlementaire) œuvrer à une plus grande prévisibilité et pérennité de la règlementation européenne (en droit interne des États comme à l’échelle de l’Union européenne), d’une plus grande harmonisation interétatique des règlementations et d’un abaissement des obstacles règlementaires à l’investissement qui perdurent.
La Commission Juncker affiche une mission d’impulsion plus marquée et un rôle plus politique que précédemment ; cependant il faut compter avec les États membres (voy. infra, Plan Junker au Chapitre Budget).
3. La politique d’asile de l’Europe mise à mal depuis l’été 2015
Les évènements qui ont marqué l’été 2015 et continuent font froid dans le dos. Les images bouleversent, tandis que le nombre de migrants portés disparus ou retrouvés sans vie ne cesse de grimper. L’indignation est présente, mais est-elle un moteur suffisant pour lancer de nouvelles politiques d’accueil qui tardent depuis tant d’années et des politiques communes efficaces tout de suite mais surtout viables sur le long terme ?
Ces personnes qui ont traversé la Méditerranée ou marché du côté turque pour fuir la guerre dans l’espoir de trouver asile dans les pays européens. Entre les conditions terribles des traversées et la cupidité de passeurs mal intentionnés, le bilan humain est lourd. On estime à plus de 40 000 le nombre de migrants morts sur les routes, sans compter les disparus. C’est un exode et cette vague migratoire, la plus importante depuis la Seconde Guerre mondiale, met à mal une Europe déjà affaiblie par la crise économique et les disparités régionales. Le « vieux continent » doit faire front pour régler la situation et accueillir ces populations vulnérable. Cette énième crise après celle des banques, puis de l’économie (Grexit), puis des affrontements politiques (Ukraine, etc.) et internes (Brexit) parce qu’elle touche à l’humain, nous donnera-t-elle enfin le ressort pour agir ensemble ? Où en est-on concrètement ? La prise de conscience des peuples européens s’est largement fait sentir ces derniers temps, exacerbées par les évènements chocs relatés dans les médias. D’abord réticents à l’égard de ses migrants, les politiques européens multiplient les mesures d’urgence pour accueillir ces populations déplacées parce que les peuples d’Europe ont protesté. Le sort de ces personnes n’est pas sans rappeler l’exode des Juifs au sortir de la Guerre mondiale, pour le cas spécifique des Syriens chrétiens et musulmans fuyant leur pays en feu depuis quatre ans sans que personne n’ait bougé, au-delà de quelques protestations et missions d’études sur le terrain.
Les pays européens tentent à présent de se répartir la lourde charge de l’accueil des migrants. L’ONU a appelé à l’instauration de quotas par pays, lié aux capacités d’accueil respectives. L’Allemagne a déjà débloqué plus de 6 milliards d’euros sur le budget 2016 pour permettre à ses municipalités d’offrir des conditions de vie décentes aux populations arrivantes et des politiques français suivent le mouvement. La Commission européenne a proposé une répartition : l’Allemagne serait appelée à accueillir 31 443 personnes, la France 24 031, l’Espagne 14 931, etc. Le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark sont en négociation avec Bruxelles. L’Italie, la Hongrie et la Grèce ont saturé leurs capacités d’accueil et il y a parfois des réactions de rejet violentes (Hongrie). L’émotion, moteur d’action dans l’urgence, soit ! Mais comment trouver à présent des réponses juridiques communes aux demandeurs d’asile ? Sont-ils des réfugiés politiques, des migrants économiques ? Actuellement, la règle de l’UE prévoit que seul le pays par lequel sont entrés les migrants est tenu d’examiner la demande d’asile. L’Allemagne a accepté de déroger à cette règle, mais un problème de statut va vite émerger pour ces populations déracinées. Des discussions sont en cours pour élaborer des mesures de long-terme. Réflexion mise à mal par une grande disparité des consciences européenne. Si certains dirigeants, dont Angela Merkel, ont appelé à une vaste politique d’accueil, la Hongrie directement touchée étant donné sa position géographique est réfractaire : Viktor Orban, réélu en 2014, prône une fermeture des frontières et une clôture de barbelés de 175 km a été érigée entre le pays et la Serbie. La politique anti-migrants est assumée, « leur origine menacerait en effet l’identité chrétienne du continent ». En Grèce, les déboires économiques vécus par la population amoindrissent le sentiment de solidarité. Tandis que l’accord signé avec la Turquie en mars 2016 ne semble changer en rien l’exode. Ce sont bien les valeurs même de l’Europe, valeurs d’accueil et de respect de la vie humaine qui après la menace Grexit sont brutalement interpellées.
Si l’Union européenne ne trouve pas de réponse humanitaire mais également diplomatique et militaire, a-t-elle encore la moindre raison d’exister ?
4. Brexit, so what ?
Ainsi, les citoyens du Royaume-Uni ont décidé de sortir à une faible majorité certes mais elle est suffisante… Mais au fait, étaient– ils vraiment en Union européenne avec une situation d’opting out largement généralisée ? Le Royaume-Uni ne participe déjà pas à l’Euro, à Schengen, ni à la coopération policière et judiciaire et, pour la défense, participe en outsider.
Ce qui est vraiment important c’est la manière de gérer la sortie. À Bruxelles, elle a déjà été anticipée comme scénario. Il y aura un accord de divorce à l’amiable… Le gouvernement britannique va faire jouer pour la première fois l’article 50 du Traité de Lisbonne qui envisage une sortie d’État membre.
Le Royaume-Uni et l’Union européenne doivent continuer à commercer et à se financer et la City a besoin des débouchés du continent, il n’y a pas le choix. Le cadre de l’AELE parait adapté pour assurer la continuité des effets marché intérieur (autrement dit la libéralisation du marché). L’accord ne sera sans doute pas facile à dessiner car il s’agit de reprendre chapitre par chapitre ceux de l’accord d’adhésion et voir ce qui peut continuer à s’appliquer et ce qui qui ne le peut plus.
Ce qui est certain, c’est que l’Union doit exiger que la négociation intervienne vite car il serait dangereux de laisser planer l’incertitude. Les investisseurs étrangers au Royaume-Uni doivent savoir à quoi s’en tenir, notamment parce qu’un certain nombre de filiales de sociétés américaines pilotant leurs activités en Europe et en Afrique sont implantées à Londres.
Et quid d’un effet de contagion ? On ne peut jamais prévoir avec certitude qu’une sortie symbolique n’entraine pas de remue-ménage au sein d’autres pays, mais le Royaume-Uni avait une place très à part. De plus, nous pouvons nous demander si ce phénomène peut avoir lieu dans le sens inverse. En effet, l’Écosse pourrait trouver dans le Brexit une raison de plus de gagner son indépendance et rejoindre le giron de l’Union européenne.
Quoi qu’il en soit, fasse que l’Union européenne utilise cet évènement comme un signal fort des citoyens pour mieux les associer et « passe à la vitesse supérieure ». Il est plus que temps d’intégrer davantage nos politiques sur des enjeux fondamentaux et urgents : frontières extérieures, sécurité intérieure, défense, mais aussi des défis économiques et sociétaux : transition énergétique, l’harmonisation fiscale et sociale, convergence économique, innovation… Alors au final Brexit, good news ? Tout dépend de ce qu’en feront les pays de l’Union européenne mais déjà nous savons tous que le pire peut se produire du fait du précédent.
3. Inspiré des propos de L.
Stoleru
, « L’Europe appartient à la Grèce », 4 août 2015, Les Échos, www.lesechos.fr
Titre
Introductif
Chapitre 1
Dates, repères et grandes étapes
– 9 mai 1950 : Déclaration de Robert Schuman : Dans le souci d’assurer une paix durable, le ministre des affaires étrangères, dans une déclaration inspirée par Jean Monnet, appelle à la mise en commun des productions de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne au sein d’une organisation ouverte aux autres pays d’Europe par ces mots : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait » ;
– 18 avril 1951 : création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) par le Traité de Paris entre six pays : l’Allemagne, la France, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays Bas ;
– 30 août 1954 : le Parlement français rejette le projet de Traité instituant une Communauté européenne de défense (CED) entre les mêmes pays ;
– 25 mars 1957 : création de la Communauté économique européenne (CEE) et de l’EURATOM par les Traités de Rome ;
– juillet 1962 : lancement de la Politique agricole commune (PAC), dont l’objectif est d’assurer l’indépendance alimentaire de la CEE par le soutien aux exploitants ;
– juillet 1968 : suppression totale des droits de douane entre les six ;
– 24 avril 1972 : création du mécanisme des taux de change, qui donne naissance au serpent monétaire européen, suite à la décision américaine de laisser flotter le dollar. C’est le premier pas vers la monnaie unique ;
– 1er janvier 1973 : premier élargissement de la CEE avec le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark (viendront ensuite la Grèce en 1981 puis l’Espagne et le Portugal en 1986) ;
– 13 mars 1979 : entrée en vigueur du système monétaire européen (SME) qui institue une solidarité entre les monnaies européennes ;
– juin 1979 : première élection du Parlement européen au suffrage universel ;
– 14 juin 1985 : premier accord de Schengen, signé par cinq pays (France, Allemagne et Benelux) ; il supprime tous contrôles des voyageurs aux frontières internes, avec un renforcement des contrôles aux frontières externes – ensuite intégré aux Traités et étendu à d’autres pays (22 états de l’UE membres de l’espace Schengen en 2014 et quatre états associés) ;
– 17 février 1986 : signature de l’Acte unique européen (AUE) dans une Communauté à douze États. L’Acte unique européen est entré en vigueur le 1er juillet 1987, et engage la première révision substantielle des Traités communautaires. L’Acte unique relance la réalisation du marché unique, « un espace sans frontières dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du Traité ». Il élargit également les compétences communautaires à de nouveaux domaines : la recherche, l’environnement, le développement technologique et la politique régionale. Enfin, l’Acte unique ouvre la voie de la coopération politique entre les États membres ;
– 7 février 1992 : signature à Maastricht du Traité sur l’Union européenne (TUE) : il entre en vigueur le 1er novembre 1993. Il crée l’Union européenne qui regroupe les trois communautés initiales, ainsi que les mécanismes de coopération (d’où la dénomination « les trois piliers »). Les réformes institutionnelles accroissent encore les pouvoirs du Parlement avec l’introduction de la procédure de codécision avec la Commission européenne. La citoyenneté européenne est reconnue à toute personne ayant la nationalité d’un État membre de l’Union et ouvre de nouveaux droits. Le Traité prévoit la création d’une monnaie européenne unique à l’horizon du 1er janvier 1999, qui serait gérée par une banque centrale européenne. Des premiers critères d’adhésion, dits critères de Maastricht, sont définis dans cette perspective en matière de déficit public, d’inflation, de taux d’intérêt à long terme et de marge de fluctuation des taux de change nationaux. Enfin, de nouvelles compétences pour l’Union sont développées : l’Union économique et monétaire, la PESC : actions communes en matière de politique étrangère (décisions à l’unanimité) et politique de sécurité dont l’objectif est une défense commune ; la JAI (justice et affaires intérieures) : décisions à l’unanimité en matière de lutte contre le terrorisme, criminalité, le trafic de drogue et la fraude internationale ; coopération en matière de justice pénale et civile ; création d’un Office européen de police (Europol) doté d’un système d’échange d’informations entre les polices nationales ; lutte contre l’immigration irrégulière ; politique commune d’asile ;
– juin 1993 : le Conseil européen de Copenhague définit les critères d’adhésion à l’Union européenne. Les critères d’adhésion, dits « critères de Copenhague », sont d’ordre géographique, politique, économique et communautaire. Ce dernier critère désigne la capacité du pays candidat à supporter les droits et obligations du système communautaire de l’Union européenne ;
– 1995 : adhésion de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède ;
– 26 mars 1995 : Accords de Schengen, qui se traduisent par la suppression des contrôles aux frontières pour les ressortissants des États signataires ;
– 2 octobre 1997 : signature du Traité d’Amsterdam : il entre en vigueur le 1er mai 1999. Les modifications institutionnelles nécessaires à la réalisation des élargissements ne sont pas retenues. Ce Traité prévoit un élargissement du système de codécision où intervient le Parlement européen comme co-législateur en y intégrant des sujets issus des deuxième et troisième piliers dans le système communautaire. D’autres mesures phares comme l’autorisation de la coopération renforcée⁴ et la communautarisation des dispositions sur la justice et les affaires intérieures (JAI) sont introduites. Le pilier du Traité d’Amsterdam « justice et affaires intérieures » a été supprimé par le Traité de Lisbonne, et ses matières ont été insérées dans le régime général. Par ailleurs, la convention de Schengen signée le 19 juin 1990 est intégrée dans l’Union européenne ;
– 1er janvier 1999 : onze pays adoptent l’euro. Les taux de change entre monnaies deviennent fixes et la politique monétaire est confiée à la Banque centrale européenne. Créé par les dispositions du Traité de Maastricht, l’euro devient la monnaie officielle de onze pays européens (l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal), auxquels s’ajoutent la Grèce en 2001, la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009, l’Estonie en 2011 et la Lettonie en 2014 ;
– 23-24 mars 2000 : déclaration du Conseil sur la « Stratégie de Lisbonne », révisée en mars 2005 pour être davantage centrée sur la croissance et l’emploi ;
– 26 février 2001 : signature du Traité de Nice. Traité qui s’inscrit dans l’optique d’une réforme institutionnelle touchant au type d’organisation politique de l’Union européenne. Ce Traité entérine l’agrandissement de l’Union à 25 membres le 1er mai 2004. C’est un échec relatif, les réformes principales étant l’officialisation de la Charte des droits fondamentaux qui n’a pas de valeur juridique contraignante ;
– 15 décembre 2001 : sommet de Laeken. Lancement de la Convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing qui réunira l’ensemble des acteurs politiques et de la société civile et, à l’issue d’une procédure de consultation élargie, proposera pour le futur de l’Union