Madeleine, ou la parole volée: Biographie inédite
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About this ebook
Toute une vie contenue dans ces quelques pages. La vie brisée de ma grand-mère maternelle qui a passé quarante années derrière les murs d'un asile d'aliénés, de 1928 à sa mort en 1965.
Comment le destin d'une jeune fille douée et pleine d'espérance a-t-il pu dériver vers l'enfermement définitif de la femme de 44 ans qu'elle était devenue ? En lui redonnant la parole après des décennies de silence, j'ai tenté d'éclairer et de faire partager la lente descente puis l'inexorable chute de Madeleine.
A travers cette bouleversante biographie, découvrez le parcours de Madeleine et l'inexorable chute qui a conduit cette jeune fille douée pleine d'espérance à un internement à vie.
EXTRAIT
Je t’ai vue trois fois par an de 1956 à 1965. Toujours accompagnée de mes parents, toujours dans la même salle, toujours vêtue de la même robe bleue. En laine épaisse ou en coton selon les saisons.
Me reviennent en mémoire ton teint mat, tes cheveux blancs et courts coupés au bol, tes yeux bleu-gris si pâles qu’on les dirait transparents, tes mains que tu croises sans arrêt, dessus-dessous, dessous-dessus, ton léger balancement d’avant en arrière.
Et puis ton regard qui s’accroche à moi, qui ne me lâche pas. Regard sans partage, qui rarement se détourne pour se poser sur ma mère, ta fille. Je suis la seule sans passé, la seule à ne pas connaître ton histoire.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Nicole Parlange-Deschamps vit en Touraine. Éditée chez Ex Aequo depuis 2012, elle a déjà publié avec sa co-auteure six romans policiers sous le pseudonyme de Mary Play-Parlange.
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Book preview
Madeleine, ou la parole volée - Nicole Parlange-Deschamps
Nicole Parlange
Madeleine,
ou la parole volée…
Biographie
ISBN : 978-2-35962-854-8
Collection Hors temps
ISSN : 2111-6512
Dépôt légal juin 2016
©couverture Ex Aequo
©2015 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.
Toute modification interdite.
Éditions Ex Aequo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les bains
www.editions-exaequo.fr
Résumé
Toute une vie contenue dans ces quelques pages.
La vie brisée de ma grand-mère maternelle qui a passé quarante années derrière les murs d'un asile d'aliénés, de 1928 à sa mort en 1965.
Comment le destin d'une jeune fille douée et pleine d'espérance a-t-il pu dériver vers l'enfermement définitif de la femme de 44 ans qu'elle était devenue ?
En lui redonnant la parole après des décennies de silence, j'ai tenté d'éclairer et de faire partager la lente descente puis l'inexorable chute de Madeleine.
Nicole Parlange-Deschamps vit en Touraine. Éditée chez Ex Aequo depuis 2012, elle a déjà publié avec sa co-auteure six romans policiers sous le pseudonyme de Mary Play-Parlange.
PROLOGUE
La nuit avance. Le vent a soufflé toute la journée et, au moment où je commence à écrire, souffle encore sans répit. Une soirée de 15 août fraîche, presque froide à Apt en Luberon, là-bas dans le Sud. En Provence, rien ne se fait jamais à moitié : soleil, pluie, vent se disputent à tour de rôle le pouvoir, violents, âpres, jamais dans la mesure, toujours dans l’exubérance, très souvent dans l’excès. Est-ce la campagne qui bruisse, les branches qui s’agitent, les odeurs qui se mêlent ? Un étrange sentiment m’emplit tout à coup, mêlant communion et questionnement. Au-delà de la plénitude du moment présent, dans ce lieu chargé de l’histoire d’autres ancêtres, Elle remonte à ma mémoire et m’emplit de sa présence.
La maison endormie abrite nos enfants et les enfants de nos enfants ; ils sont tous là, je profite de ces moments bénis où nous retrouvons les plaisirs partagés du vivre ensemble.
Elle aussi est là parmi nous qui s’impose avec la force de l’évidence.
Elle, c’est Madeleine, ma grand-mère maternelle qui a vécu plus de trente ans derrière les murs d’un hôpital psychiatrique. En ce soir de mistral qui a nettoyé le ciel, dessinant une voûte étoilée aussi pure qu’une toile peinte, je veux leur raconter les quelques souvenirs qui me restent en mémoire. Ils m’habitent avec toujours autant de force.
Je voudrais aussi les entraîner à ma suite dans les méandres de sa première vie dont j’ai tenté de rassembler les pièces éparses.
Pour Elle, pour moi, pour eux.
Ils trouveront ces feuillets demain au réveil.
TOI et MOI
LA MÉMOIRE
J’ai huit ans, gamine insouciante qu’on emmène un beau jour faire la connaissance de sa grand-mère maternelle. Je ne l’ai encore jamais rencontrée, on m’a vaguement parlé d’elle, on m’a dit qu’elle était malade et que je devrais être gentille…
Je me souviens avoir traversé une enfilade de pièces nues. Je me souviens surtout du bruit des clés, des clés en fer qui tournent dans les serrures, ouvrent et ferment des portes, des clés qui pendent en chapelet à la ceinture de la religieuse qui nous accompagne, des clés énormes qui cliquètent à chacun de ses pas. Elle échange quelques paroles avec mes parents. Je n’y comprends pas grand-chose, mais je suis contente d’entendre le son de leurs voix ; le silence me pèse, déjà.
Le parloir où elle nous laisse est presque vide : une grande table, trois ou quatre chaises disposées de part et d’autre. Je remarque les barreaux aux fenêtres.
Tu arrives enfin, Madeleine, fluette silhouette en robe bleue. Tu marches sans canne à petits pas. Mon père reste en retrait, ma mère s’avance vers toi, t’embrasse et dit :
Voilà ta petite fille.
Tu t’arrêtes, agrippes un dossier, t’assois en face de moi. Tu me fixes, me fixes encore, me fixes à t’en abîmer les yeux. Et moi, je ne sais que faire de ce regard. Je sens que tu m’as attendue longtemps, que tu as dû te demander à quoi je ressemblerais, si je serais la même que sur les photos qu’on t’a montrées. Pas de frère, pas de sœur avec qui partager l’intensité de ton regard, cette insoutenable intensité que pendant huit ans, à chacune de nos visites, je devrais affronter.
Je t’ai vue trois fois par an de 1956 à 1965. Toujours accompagnée de mes parents, toujours dans la même salle, toujours vêtue de la même robe bleue. En laine épaisse ou en coton selon les saisons.
Me reviennent en mémoire ton teint mat, tes cheveux blancs et courts coupés au bol, tes yeux bleu-gris si pâles qu’on les dirait transparents, tes mains que tu croises sans arrêt, dessus-dessous, dessous-dessus, ton léger balancement d’avant en arrière.
Et puis ton regard qui s’accroche à moi, qui ne me lâche pas. Regard sans partage, qui rarement se détourne pour se poser sur ma mère, ta fille. Je suis la seule sans passé, la seule à ne pas connaître ton histoire.
On t’a volé la parole, alors ce sont tes yeux qui s’expriment, qui racontent l’enfermement, l’attente insupportable, le désespoir de ta vie brisée.
Ta voix, je ne la retrouve pas. Je l’ai entendue si rarement, c’est le silence, le poids du silence qui remonte. Tu ne poses aucune question, c’est ma mère qui te demande comment tu vas, qui raconte notre quotidien, qui dit comment je travaille, à l’école primaire d’abord, au lycée ensuite. Tu réponds quelques mots, souris parfois.
J’ai douze ou treize ans. Nous sommes dans le parloir de l’hôpital, c’est le dimanche de Pâques, je m’en