L'aventure est au coin de la page: Recueil de nouvelles de Stanislas-André Steemans
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Être le fils de son père, rien de plus simple. Mais quand ce papa est le maître du roman à énigmes, qu'il est l'auteur de trente-sept ouvrages policiers, dont douze furent adaptés pour le cinéma et parmi lesquels figurent L'Assassin habite au 21 et Quai des Orfèvres, ce fils n'est pas peu fier. Il a dès lors des responsabilités, dont celles de se souvenir et de faire connaître mieux encore l'œuvre paternelle. C'est pourquoi, il a semblé opportun à André-Paul Duchâteau (qui fut publié par mon père dès l'âge de seize ans) et à moi-même, de faire connaître aujourd'hui les nouvelles policières écrites par ce grand auteur entre 1929 et 1951. Nous les avons recensées dans différents magazines de cette époque. Elles sont donc inconnues aujourd'hui. J'ai choisi un éditeur liégeois, mon père étant né à Liège an 1908, au 22 rue Dartois. Stéphane Steeman P.S. Les illustrations sont signées Steeman.
Le recueil idéal pour découvrir les écrits policiers de l'un des plus célèbres auteurs belges du 20e siècle
EXTRAIT
– Tu as bien fermé toutes les portes ? demanda Gabrielle.
– Mais oui. Chaque soir, tu me poses cette question.
Un silence pesa.
Ce fut lui qui le rompit :
– As-tu téléphoné à l’électricien ? Cet animal ne se donne même plus la peine de venir. C’est le second soir que je dois travailler à la lumière d’une bougie. Tu admettras que...
– Oui, c’est sinistre.
– Il s’agit bien de ça ! Toujours le point de vue féminin... Je ne peux pas avancer mes épures dans ces conditions. Voilà ce qui m’ennuie.
– Tu as lu ? dit-elle après un temps. On a de nouveau cambriolé dans le voisinage...
Il haussa les épaules. De tout temps, il s’était rangé dans la catégorie des hommes forts.
– Toujours, dit-il, ces sacrés Polonais ! C’est la plaie du charbonnage.
Elle poussa un petit cri :
– Jean, je t’en prie, fais taire Tom ! Pour l’amour de Dieu ! Quand il se met à hurler à la mort, il en a pour toute la nuit...
Il se leva en grommelant, ouvrit la fenêtre.
– Tom ! hurla-t-il. Tom ! C’est fini ?...
La bête gémit et sa chaîne heurta sa niche.
– Veux-tu !...
Le chien se tint coi.
L’homme referma la fenêtre.
– Ecoute, dit-il, demain, je dois être là-bas à sept heures. Je vais me raser ce soir. Et je travaillerai une heure pendant que tu seras au lit...
Elle eut une moue. Elle eut bien voulu protester : « Tu travailles tant... Pour une fois, tu pourrais... » C’était ce qu’elle avait envie de lui dire tous les soirs. Mais à quoi bon ? Elle ne dit rien.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Stanislas-André Steemans était un célèbre écrivain et dessinateur belge. Il est l'auteur de nombreux romans policiers, dont certains ont été adaptés sur grand écran. L'Assassin habite au 21 constitue son plus grand succès.
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L'aventure est au coin de la page - Stanislas-André Steeman
Préface
par Stéphane Steeman
Un petit mot sur Steeman dessinateur.
Si plusieurs nouvelles de cet ouvrage furent publiées dans des revues accompagnées de dessins de mon père, je dois avouer que j’en ai ajouté quelques-uns, tant sont nombreuses les illustrations originales qu’il m’a laissées.
« Les choses de loin les meilleures sont les pages inspirées par le jazz, avec les bons nègres à l’œil blanc aux lèvres épaisses, au petit nœud écossais, tétant leur saxophone en se balançant dans le rythme. S.A. Steeman a trouvé là un style très personnel qui peut rivaliser avec celui des meilleurs dessinateurs professionnels de l’époque. Ces compositions très vivantes furent publiées dans Pourquoi Pas ? en novembre 1930 et servirent de publicité pour les thés et les soirées dansantes qu’accueillait l’hôtel Atlanta. » Thomas Owen.
Je vous en montre une ici.
Mon père illustra son roman L’assassin habite au 21 (cinquante-deux dessins), quand il parut en 1939, sous forme de neuf feuilletons dans Le Soir illustré, et ensuite dans le même hebdomadaire, il illustra une rubrique de deux pages pour les enfants, P.P.L.P. (Pas Pour Les Parents), et ce, jusqu’à la guerre. Là encore des centaines de petits dessins adorables, dont Caramel et César.
Il illustra aussi la couverture de son roman Péril paru en 1930 aux éditions La Gaule.
« Mais l’inventaire rapide et forcément incomplet de l’œuvre graphique de l’écrivain doit faire place aussi à ses ex-libris, à ses caricatures, aux publicités réalisées notamment pour les alcools F.X. De Beukelaer. Il aurait pu devenir un excellent affichiste. » Thomas Owen.
Les bons écrivains sont souvent d’excellents dessinateurs, ainsi que l’ont prouvé Jean Cocteau, Sacha Guitry, les frères Goncourt et... S.A. Steeman.
Ce dernier avait une opinion originale de la caricature.
Le 27 février 1930, dans La Nation Belge, mon père signait un article « A chacun sa vérité. » Extrait :
« La caricature est toujours un portrait... Autrement dit : on trouve toujours un plus vilain que soi. [...] Le portrait ; souvent, trahit son homme ; la caricature, jamais. Le modèle a, inscrits sur sa figure, dans ses gestes, son actif et son passif. Chose curieuse : on hésitera parfois à mettre un nom sur le visage du Monsieur que l’on ne connaît que par son portrait mais on le repérera presque instantanément après avoir vu sa caricature. C’est que la besogne d’identification a déjà été faite par un autre qui, pour vous, a davantage fait saillir un nez, plisser des yeux, grandir une ride, vous livrant ainsi tous les indices nécessaires à une meilleure pénétration [...] »
Mon père admirait beaucoup Dubout dans cet article qui se terminait par : « Le seul reproche qu’on puisse lui adresser, c’est de voir tous ses modèles, sans exception, trop résolument laids... Mais il y aurait une épreuve à tenter... Demander à Dubout de « croquer » mademoiselle Diplarakou, Miss Grèce, la plus belle femme d’Europe. »
A propos de femme, cette ravissante silhouette décore la page de garde de l’édition originale de son roman écrit en 1942, Légitime défense, dont Clouzot s’est inspiré pour Quai des Orfèvres. C’est ma maman !
L’homme qui fut, certes, le plus important dans la carrière de mon père fut le rédacteur en chef de La Nation Belge, Paul Neuray.
Dédicace : A Paul Neuray – qui poussa le mépris du danger jusqu’à risquer sa vie avec moi en Peugeot – ce modeste témoignage de vive amitié... (8 juillet 1931).
De Paul Neuray à Steeman : [...] « Mais je suis heureux de pouvoir vous écrire avec infiniment de plaisir, je ne vous ai jamais ménagé les critiques. Aussi m’est il permis de vous dire que vous êtes en progrès très sensibles. La fin de L’Ennemi sans visage m’a déçu quelque peu. Mais j’ai trouvé Le Lévrier bleu parfait à tous points de vue. Voilà un véritable roman policier qui peut soutenir la comparaison avec les meilleurs Wallace. »
J’ai donc choisi ici cet ex-libris créé par mon père à son attention.
Et enfin – mais croyez bien que je termine à regret cette plongée dans le passé graphique de mon père – et enfin... ce dessin que j’adore. Je n’ai pas de sœur mais une nièce de dix-huit ans qui se prénomme Stéphanie.
Heureux hasard de la vie.
Je me dois aussi de vous donner un bref aperçu du début de la carrière de Stanislas-André, « mon papa ». Né à Liège, comme vous le savez déjà, en 1908, il publia son premier conte à la Revue Sincère le 15 décembre 1923. Un conte de Saint-Nicolas. La même année, à la Noël, un autre conte parut dans un magazine parisien, léger et court vêtu, Le Sourire. Il avait quinze ans. Pendant trois ans, mon père donna au Sourire, trente-deux contes légers. Tiens, pourquoi pas un jour, un recueil de ces contes ? Anecdote : du haut de son très jeune âge, il alla un jour à Paris chercher le montant de ses droits d’auteurs. On s’attendait à voir un auteur adulte, alors que se présenta un gamin de seize ans.
Il écrivit son premier article dans le quotidien bruxellois La Nation belge, dirigée par Paul Neuray. Son premier reportage parut le 25 mars 1926, il était consacré à Quelques aspects du port d’Anvers. L’arrivée d’une malle congolaise.
« L’Escaut charrie une eau grise, frangée d’écume. Des mouettes, volant très bas, écrivent dans l’air et au ras de l’eau de belles choses qu’on ne comprend pas... »
Il n’avait que dix-huit ans. Au fil des pages des nombreux classeurs qu’il m’a laissés, des centaines d’articles, soigneusement découpés et collés, accompagnés chaque fois de leur référence. Voici quelques sujets qui témoignent des goûts éclectiques de mon père, surtout à cette époque de sa vie : Le Crocodile de Maransart, La ville de Bruxelles expulse ses locataires, Il fait un peu moins froid, Vie et mort de marionnettes, La Légende du chevalier sauvé par sainte Gertrude... Il signait alors St, A.St. ou bien A.S. ou encore André S.
Nous verrons, pour la première fois, Stanislas-André Steemanen 1927.
Il illustrera la plupart de ses prochains écrits dans La Nation belge.
Il n’avait que six ans quand il commença à créer des bandes dessinées. Le dessin ? Une passion qui le poursuivra toute sa vie. Dès 1928, d’autres journaux (dont des hebdomadaires ou des mensuels) publieront du St.-A. Steeman, tels L’Invalide illustré, Le Bulletin mensuel de l’U.C.B, Pim-Hebdo, Pourquoi Pas ?, La Gaule, Foyer...
Et toujours La Nation belge. Le nom tout simple de Steeman allait enfin terminer chacun de ses écrits. Peut-on penser que le rédacteur en chef ait dit au jeune journaliste : « Vous signerez « Steeman » quand vous aurez fait vos preuves » ?
En 1929, Steeman s’attaque à la critique de livres très divers, de Maurice Leblanc à François Mauriac en passant par Edgar Wallace. La Nation belge lui confie une nouvelle rubrique : « Lettres d’aujourd’hui et de demain ». Il n’a pas vingt-deux ans, l’âge où il commença à affûter ses griffes... Ce n’était qu’un début prometteur.
On a peine à croire qu’un jeune homme de vingt-deux ans qui, jusqu’ici, n’avait encore écrit (seul sans Sintair) que trois romans policiers, pouvait aussi briller dans la critique très littéraire d’œuvres de François Mauriac dont il était un fervent admirateur. Ceci prouve que mon père lisait beaucoup et possédait, déjà, une culture étonnante dans tous les domaines. Culture littéraire s’entend, car en politique par exemple, il n’y entendait rien.
Révélateur aussi de découvrir que Steeman signait des critiques de livres d’auteurs tels qu’Albert Londres, Henri Ghéon, Maurice Leblanc ou encore Gus Bofa.
Autre détail sympathique : en ce temps-là, il existait une complicité entre critiques et écrivains. J’ai découvert plusieurs lettres de romanciers remerciant mon père d’avoir écrit de gentilles choses sur eux. Il semble que cette tradition courtoise se soit perdue. En critiquant des centaines d’ouvrages aussi variés que Esquisses de l’oreille par Seï la Shyonagon, poétesse japonaise ou Takata d’Aïmos de Jean Mariotti, mon père a pu réaliser, là, les seuls voyages de sa vie. Quel que soit le sujet – critiques ou reportages – ces centaines d’articles nous font penser que Steeman était déjà le « Frégoli » de La Nation belge avant de devenir plus tard « le Frégoli du roman policier », comme l’a surnommé Jean Cocteau.
Au journal, Steeman rencontra Herman Sartini qui signera bientôt Sintair.
Tous deux lisent des romans policiers. « Mon collègue Sintair et moi, projetâmes un jour, sans raison bien précise, d’écrire un roman feuilleton pour le journal. J’avoue que je ne lis plus ces quelques chapitres sans un certain frémissement. Je ne m’y reconnais absolument plus... »
Sintair a des idées folles. Steeman, qui ne lui cède en rien sur le plan de l’imagination, a le sens du récit, une écriture naturellement élégante et ironique, un humour mordant et le don de croquer en quelques traits (par le crayon ou par la plume) des types pittoresques et hauts en couleurs. Ils écrivent en 1926 Le Mystère du zoo d’Anvers. Le feuilleton remporte un grand succès parmi les lecteurs de La Nation belge. Albert Pigasse, à la surprise des coauteurs, accepte ce roman qui paraît avec succès en 1927, dans la célèbre collection du Masque.
« Ni Sintair, ni moi ne nous prîmes au sérieux après ce premier succès. Nous y avons pourtant trouvé l’encouragement nécessaire pour écrire en collaboration une série de cinq romans. » En 1929 s’arrête cette collaboration avec Sintair.
Paraissent alors trois romans Péril, Zéro et Le Doigt volé qu’il écrit seul, avant d’obtenir, en 1931, le Grand Prix du Roman d’Aventures avec son roman Six hommes morts. Dans le jury, entre autres, Pierre Benoit (président), Francis Carco, Joseph Kessel, Pierre Mac Orlan. Un jury prestigieux. C’est le triomphe !
La Gazette de Liége interviewe aussitôt Steeman, le décrivant :
« C’est un grand jeune homme élégant, beau garçon, paré de l’éclat de ses vingt-trois ans, qu’il dissimule sous une paire de grosses lunettes d’écaille posées sur le haut du nez. Il faut bien, quand on n’a que vingt-trois ans, se donner l’apparence d’un littérateur doctoral et sérieux. Les lunettes sont indispensables. La presse parisienne a été très gentille pour lui. Elle lui a tressé des couronnes et gracieusement s’est chargée de lui faire beaucoup de publicité. Comme il le dit lui-même très simplement : « La presse a marché». Sur les boulevards, la publicité lumineuse annonce le succès de Steeman. La T.S.F. propage la nouvelle un peu partout dans le monde. Comme il le fait dire à un de ses personnages au premier chapitre de son roman : « Le monde est à nous ».
Suivront alors trente romans, douze films tirés de ses œuvres... et puis, après son départ en 1970, un Centre S.A. Steeman à Chaudfontaine, une avenue portant son nom à Braine-l’Alleud, son entrée dans le dictionnaire Larousse en 1999, une exposition à l’Espace Wallonie de Liège cet été 2005 et ce livre dont l’avant-propos qui va suivre est signé par le meilleur élève de mon papa, André-Paul Duchâteau, à qui j’ouvrais la porte du 21, Val de la Cambre en 1942, quand il venait, ses écrits sous le bras, les présenter au Maître du roman policier.
A présent, je cède la parole à mon ami André-Paul.
***
Quand nous avons eu l’idée, Stéphane Steeman et moi, de rassembler en un volume les nombreuses nouvelles policières écrites par son père, de 1929 à 1951, et publiées seulement dans divers magazines, nous nous sommes aussitôt demandé : « Quel titre donner à ce recueil ? »
Un pluvieux dimanche après-midi, je me souviens même d’avoir aligné sur le papier une série de titres, trouvés au fil de l’inspiration :
– Madame la Mort joue et gagne.
– La Mort en 27 poses.
– Madame la Mort frappe 27 fois.
Mais aucun d’eux ne me satisfaisait réellement. J’avais scrupule, par ailleurs, à imposer à un écrivain que j’aime et que j’admire, un titre qui n’était pas de son cru, alors qu’il avait lui-même le don des titres exceptionnellement frappants.
La solution était à portée de main, mais je l’ignorais encore à ce moment-là.
Quelques jours plus tard, Stéphane me remit un article original et amusant rédigé par son père en 1950 pour Le Parisien libéré, sous le titre :
L’aventure est au coin de la page.
– Voilà, m’écriai-je aussitôt, heureux, le titre du recueil de nouvelles, nous le tenons.
Il est bien légitime, avant d’entamer la publication des 27 contes ou énigmes, de donner la parole à Stanislas-André Steeman lui-même pour préfacer son propre ouvrage.
Mais je voudrais d’abord attirer l’attention du lecteur sur la diversité ou même la disparité de ces nouvelles que nous avons classées par ordre chronologique.
Elles complètent les six volumes des « Intégrales » de l’auteur, parues aux éditions du Masque et jalonnent presque la totalité de sa carrière, annonçant les tendances toujours renouvelées d’un écrivain qui haïssait, avant tout, les sentiers battus.
Diversité, disparité de chaque récit se présentant parfois comme un simple problème policier, ou flirtant avec l’étrange, la poésie, l’humour noir et le fantastique, ou encore première esquisse, pour tout ou partie, d’un des futurs chefs d’œuvre, ou bien au, contraire, « cannibalisation » sur forme de nouvelle, d’un chapitre de roman déjà paru.
On y retrouve, ou on y découvre, certains des enquêteurs favoris de Steeman, tels Aimé Malaise et Wenceslas Vorobeitchik, dit « M. Wens ».
Le premier conte L’Homme de la nuit est signé Sintair et Steeman, datant de l’époque de la collaboration du second avec l’ami, journaliste comme lui, en compagnie duquel il écrivit ses premiers livres policiers.
On y relève le goût du pastiche, la drôlerie un peu potache pratiquée par le duo dans le parodique Mystère du zoo d’Anvers qui ouvrit à Sintair et Steeman d’abord, puis à Steeman seul, les portes de la collection du Masque.
La sensibilité, le romantisme, l’élégance du style, le sens de la psychologie d’un écrivain de vingt-deux ans caractérisent d’autres contes qu’il compose ensuite en solitaire et auxquels s’applique certainement sa célèbre définition du détective-novel : « Les fées ont trouvé refuge dans un endroit communément appelé par le profane lieu du crime. Ouvrez le roman policier avec un cœur d’enfant, car il est plus près du poème que de la vérité. Dans d’autres récits, Steeman, au contraire, se montre plus cartésien et déductif, « sherlockholmésien », pourrait-on dire, même si son héros, M. Wens, est souvent un intuitif qui devine plus qu’il ne raisonne, se trompant parfois, avant de formuler la bonne solution.
Certaines de ces nouvelles posent un dilemme. Qui, de l’œuf ou de la poule, a conçu l’autre ? En d’autres termes, s’agit-il d’un premier jet sous forme de conte, qui a nourri l’un de ses romans ultérieurs ? Ou bien est-ce l’un des chapitres d’un roman déjà composé qu’il a utilisé ensuite sous forme de nouvelle ?
On peut douter pour Le Mort dans l’ascenseur et pour Baccara. En revanche, La Mort tragique de H.-J. Donaldson (le titre est de nous) résume l’intrigue d’un des premiers romans de Steeman, Zéro, écrit en 1929.
D’autres récits, tels que Le Mort burlesque, Le Mobile, Un vol à Saint-Bavon, Cabine 19, Les Yeux éteints sont incontestablement nés sous forme de nouvelles, que le génie inventif et constructif de Steeman a, par la suite, incorporé à son fameux roman à tiroirs : L’Infaillible Silas Lord.
Le cas du Trajet de la foudre est tout autre. Cette nouvelle présente la curiosité suivante : son titre fut repris par Steeman pour la seconde version (en 1944) de son roman antérieur L’Assassiné assassiné, mais l’intrigue de la nouvelle n’évoque aucunement celle des deux livres.
De Livrée à l’ennemi, Stéphane Steeman m’a écrit : « Du policier vert – ou écologique ! ». C’est à titre d’exception privilégiée que nous l’avons retenue dans ce recueil policier.
Récidive, publié en 1951, a inspiré par la suite le roman Haute tension publié en 1953 aux Presses de la Cité, dans la collection Un mystère.
Un autre intérêt de ces vingt-sept nouvelles, hors leur contenu intrinsèque, est de montrer le désir constant de Steeman de reprendre ses textes, les remettant vingt fois sur le métier pour les perfectionner toujours.
Parfois, il les illustre lui-même, son crayon valant sa plume. C’est le cas pour L’Homme de la nuit, Terreur, Enigme sans solution et Récidive – dont les deux dessins ont été empruntés en réalité à L’assassin habite au 21 publié en 1939, dans Le Soir illustré !
A présent, cédons la parole à Steeman lui-même...
André-Paul Duchâteau
L’aventure est au coin de la page
Les émotions fortes
se sont toujours dérobées devant moi
comme des femmes capricieuses.
L’aventure ?
Connais pas.
Du moins l’aventure qui se présente à vous sous l’aspect d’une mystérieuse visiteuse de minuit, nue sous ses fourrures, ou d’un fantôme qui se retourne au détour du square pour vous demander du feu.
Ce qui tendrait à donner raison à ceux qui prétendent que les humoristes versent dans la neurasthénie et que les tragédiens sont les derniers boute-en-train ; rentier de son état – et il est bien difficile de ne pas reconnaître ces enfants-là :
« Vous avez devant vous un homme à qui la malchance n’a jamais souri et qui ne se souvient pas d’avoir jamais éprouvé une émotion forte. Notez que ce n’est pas faute d’en avoir cherché, mais elles se sont toujours dérobées comme des femmes capricieuses. J’ai l’impression d’avoir gâché ma vie. Quand il m’arrive d’en remonter le cours en pensée, elle me fait songer à une édition expurgée, à quelque chose de droit, de linéaire, comme une grand-route où vous vous efforceriez en vain de rejoindre l’horizon... Toute ma vie a été affreusement quotidienne ! Je ne suis jamais arrivé à temps pour assister à un bel accident d’automobile ou pour voir un dompteur mangé par ses lions ! Pourtant, je fréquente assidûment le cirque, je vais aux meetings d’aviation, aux courses d’autos, aux matches de ping-pong. Il m’arrive même d’entrer à la morgue, non par goût morbide, mais pour mon plaisir, pour voir ce qui est arrivé à autrui... »
Je ne suis pas M. Wens et ne fréquente pas la morgue. On s’y fait peu de relations. J’ai d’ailleurs le mal de mer en chemin de fer, des atteintes de claustrophobie en