Manifeste des écologistes atterrés: Pour une écologie autonome, loin du politique circus
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About this ebook
C'est le constat sans concessions que font trois cadres d'EE-LV.
Mais leur Manifeste va beaucoup plus loin. Il analyse les raisons du désamour entre la France et l'écologie politique, et esquisse des pistes pour y remédier.
Sans trop s'attarder sur les péripéties d'appareil et d'ambitions personnelles – mais sans les sous-estimer non plus –, les auteurs expliquent comment l'écologie politique, loin de se limiter aux problèmes du climat et de la pollution, peut devenir la solution au profond malaise démocratique actuel.
Dans un style enlevé, ils en appellent à une écologie qui soit à la fois radicale et consensuelle, utopique et pragmatique, ambitieuse et modeste.
Ils encouragent les écologistes à un peu plus d'imagination, d'ouverture… et de lâcher-prise.
Une critique lucide et constructive des mouvements écologistes, pourn envisager une véritable économie politique !
EXTRAIT
Dans ce monde sous tension, le projet et les idées politiques sur lesquels les écologistes ont bâti leur engagement n’ont jamais été aussi pertinents. Il devient vital de mettre fin à la surexploitation des ressources naturelles et humaines, à un modèle économique basé sur la consommation et la compétition permanentes, et à des représentations étriquées et matérialistes de la vie, du succès et du monde. L’avenir est aux intégrations politiques régionales, dont l’Union européenne est le modèle malgré tous ses défauts, à la coopération internationale, dont l’ONU reste le prototype, et à la solidarité globale entre pays riches - souvent d’anciens empires coloniaux - et pays pauvres - souvent d’anciennes colonies. Pourtant, après trois à quatre décennies d’existence, jamais les partis verts n’ont semblé aussi faibles, incapables d’imposer leurs priorités aux acteurs politiques d’un système fatigué.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
[Un] ouvrage indispensable dans la bibliothèque de tout bon écologiste ! - Collectif Roosevelt
À PROPOS DES AUTEURS
Lucile Schmid, 53 ans, est énarque, membre du bureau exécutif d'EE-LV, co-fondatrice et vice-présidente de la Fondation pour l'écologie politique, ancienne conseillère régionale (PS) d'Île-de-France. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Esprit.
Edouard Gaudot, 41 ans, historien, a été un proche collaborateur de Bronislaw Geremek et de Daniel Cohn-Bendit. Il est conseiller politique du groupe Verts / Ale au Parlement européen.
Benjamin Joyeux, 35 ans, juriste spécialisé en droit de l'environnement, a participé à des mouvements de sans-terres en Inde et aux collectifs Jeudi Noir et Sauvons les riches. Il est collaborateur du groupe EE-LV au Parlement européen.
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Manifeste des écologistes atterrés - Lucile Schmid
écologique.
Introduction
« Nous vivons dans un siècle où les idées superflues surabondent, et qui n’a pas les idées nécessaires. »
Joseph Joubert
Qu’on le considère né dans les débris joyeux du mur de Berlin ou dans la poussière tragique des tours de Manhattan, notre siècle n’a plus rien à voir avec les précédents.
Du changement climatique aux flux migratoires, de la crise d’un système financier mondialisé et robotisé aux inégalités de richesse qui explosent, du surgissement de mouvements terroristes à l’extension de réseaux maffieux… la liste des pandémies virales et des crises politiques qui se jouent des frontières est interminable. Pollutions, climat, migrations, finance, commerce, terrorisme, crime organisé : les défis sont planétaires et nos États-nations sont incapables d’y faire face seuls.
Dans ce monde sous tension, le projet et les idées politiques sur lesquels les écologistes ont bâti leur engagement n’ont jamais été aussi pertinents. Il devient vital de mettre fin à la surexploitation des ressources naturelles et humaines, à un modèle économique basé sur la consommation et la compétition permanentes, et à des représentations étriquées et matérialistes de la vie, du succès et du monde. L’avenir est aux intégrations politiques régionales, dont l’Union européenne est le modèle malgré tous ses défauts, à la coopération internationale, dont l’ONU reste le prototype, et à la solidarité globale entre pays riches - souvent d’anciens empires coloniaux - et pays pauvres - souvent d’anciennes colonies. Pourtant, après trois à quatre décennies d’existence, jamais les partis verts n’ont semblé aussi faibles, incapables d’imposer leurs priorités aux acteurs politiques d’un système fatigué.
L’écart est saisissant. Quelques partis verts en Europe ou dans le monde sont encore des forces structurantes de leur scène publique nationale. C’est le cas en Allemagne où les Grünen représentent 10% de l’électorat, et se rangent à la 4e voire 3e place électorale dans les bonnes années. C’est le cas au Luxembourg, en Belgique ou dans les pays nordiques, où on les retrouve régulièrement en gouvernements de coalition, comme en Finlande. D’autres partis ou candidats écologistes animent régulièrement le débat australien, la présidentielle brésilienne, les élections canadiennes… Mais partout ailleurs, le feu vert est de paille. Et quand les écologistes européens parviennent aux responsabilités, ils résistent mal au reflux d’un électorat difficile à fidéliser.
Les verts irlandais ont ainsi été balayés du pouvoir par la tempête de la crise européenne des dettes souveraines. Portés au gouvernement par une modeste vague de vote protestataire, les verts tchèques se sont brûlés aux feux des projecteurs médiatiques braqués sur leurs conflits internes. Les verts danois ont payé cher leurs inconséquences gouvernementales. Quant aux verts suédois, membres d’une coalition sociale-démocrate, ils voient déjà leur socle de soutiens s’éroder.
Partout ailleurs, c’est le désert. En Italie, en Pologne, en Bulgarie, en Roumanie, de minuscules partis écologistes peinent à exister alors même que des luttes environnementales emblématiques mobilisent des milliers de citoyens de ces pays : contre l’industrie extractive, les explorations de gaz de schiste ou le nucléaire. Seules la Croatie, la Grande-Bretagne et quelques provinces espagnoles offrent encore des perspectives optimistes à leurs partis écologistes, mais dans des systèmes et des configurations électorales peu propices.
Dernier indice inquiétant de cette impotence qui gagne, le groupe des verts au Parlement européen a enregistré un double recul aux élections de 2014. Sa moindre taille (-15%, soit - 8 députés) et son moindre poids (du 4e au 6e rang) limitent désormais sa capacité, traditionnellement importante, à influencer le contenu des politiques européennes. Pire, coincé entre, d’une part, la grande coalition du statu quo néolibéral qui réunit la droite, la social-démocratie et les libéraux centristes et, d’autre part, la convergence des mouvements eurosceptiques de gauche radicale et de droite extrême, l’espace politique des verts européens est menacé d’extinction.
Alors oui, le fossé est profond - et large. Jamais les deux projets qui mobilisent l’action politique des écologistes en France et en Europe, à savoir la transformation écologique de nos sociétés et l’intégration politique de l’Europe, n’ont été si nécessaires et pertinents. Et jamais, après 40 ans d’existence, les partis verts n’ont semblé si peu compter en France et en Europe.
Écologistes atterrés, nous le sommes, tant par l’état de la planète que par l’état du débat actuel dans l’espace public, par la dichotomie entre la résonance sociale et sociétale de l’écologie et sa cruelle absence d’incarnation crédible dans le champ politique. Mais écologistes résignés, certainement pas. Si tout est en train, malheureusement, de donner raison aux prévisions les plus sombres clamées dans le désert par les prophètes hirsutes de la catastrophe et les scientifiques bien peignés de l’effondrement, ce n’est pas le moment de « lâcher l’affaire », bien au contraire. L’urgence et l’inanité de notre classe politique nous poussent simplement à réagir. Heureusement que la société n’attend pas ses représentants officiels pour inventer elle-même des solutions à ses problèmes. Alors écologistes, réveillons-nous, imaginons !
PREMIÈRE PARTIE
CE QUI BLOQUE
Des institutions figées et obsolètes
« On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l’avoir voulu. »
Charles de Gaulle
« Alors casse-toi pauvre con ! »
Nicolas Sarkozy
Les institutions de la Ve République et surtout la pratique qui a été celle des deux partis au pouvoir, socialiste et héritier du gaullisme, conduisent à leur interdire, de fait, toute prise en compte réelle des enjeux écologiques. Et ce, pour trois raisons.
La première tient à la dérive présidentialiste qui ne cesse de s’accentuer depuis l’inversion du calendrier électoral et l’adoption du quinquennat pour le mandat présidentiel. La centralisation institutionnelle actuelle active les vieux réflexes monarchiques que la Révolution n’a pas étouffés. La monarchie républicaine n’a jamais été aussi présente et aussi ridicule, alors que la mondialisation bouleverse les règles, tout en