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Ce foutoir est pourtant mon pays: Un roman saisissant
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Ebook197 pages2 hours

Ce foutoir est pourtant mon pays: Un roman saisissant

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About this ebook

Survivre dans une société africaine chaotique, rythmée par la violence et les guerres civiles.

Mongalé est de retour à Bathi batuko, son pays, après une longue période d'exil. Elle cherche à reprendre le cours de sa vie, interrompu par la guerre. Au détour d'une rue, elle retrouve Prince, le fils de son frère, seul rescapé de la famille emportée dans la tourmente. Tous les deux vont se raccrocher l'un à l'autre pour rassembler les pans de leur histoire.
À travers cette fiction, ce « foutoir » évoque une société où règne le chaos et la confusion, où la liberté est un mythe, où les élites des différentes ethnies s'affrontent et où la moindre étincelle peut générer un incendie dévastateur. Un modèle de société dominé par une ploutocratie déguisée en démocratie, les exemples à travers le monde ne manquent pas...

Ce roman saisissant présente une mosaïque de personnages dont la pertinence des propos n’enlève rien à la profonde affection qu’ils nourrissent pour leur pays.

EXTRAIT

Dans l’avion qui la ramenait dans son pays natal, elle pensait à son enfance à Mouléléké, à ses séjours à la campagne pendant les vacances, avec son père, sa mère et son frère Paul Damien Ngoko. Elle imaginait l’accueil que lui réserveraient ses amis, ses parents – ceux qui avaient eu la vie sauve pendant la guerre qui lui avait fait quitter le pays ; elle pensait aussi au récit d’un compatriote venu récemment de Batih batuko et rencontré à Braha, la capitale du pays des Bindou où elle était en exil. Ce compatriote lui avait parlé de ce ministre du commerce du premier gouvernement de l’après-guerre, qui, un jour, fit le tour des supermarchés pour exiger la hausse du prix du beurre pasteurisé, non pas pour limiter les importations, mais pour que le bas peuple n’en connût plus le goût. Il fut ovationné à son arrivée au conseil des ministres ; Son Excellence Yandi mosi-Yandi kaka - le Chef de l’État - ne tarda pas à le hisser au rang de ministre d’État. Le peuple s’en indigna.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Cette fiction apparait comme l’une des meilleures qui analyse d’une façon didactique et objective « l’Afrique des malheurs » dans le roman congolais. Et ce livre de N’kala devrait interpeler le politique africain. - Noël Kodia-Ramata, starducongo.com

À PROPOS DE L'AUTEUR

Alphonse N'kala, dit Chardin, est né à Moussanda, au sud du Congo. Licencié en Littératures et Civilisations africaines, poète, journaliste et enseignant, l’auteur est passionné par la culture. « Ce foutoir est pourtant mon pays » est le premier roman d’Alphonse N’kala qui dirige aujourd’hui le département du Livre de Pointe Noire.
LanguageFrançais
Release dateMar 29, 2017
ISBN9791095999126
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    Ce foutoir est pourtant mon pays - Alphonse Chardin N'kala

    pays

    Les Lettres Mouchetées

    Du même auteur :

    Elégie Mayombe, Compassion – 4 mars 2012 (anthologie de poésie), éditions LMI – Pointe-Noire – Congo - 2015

    Le cri intérieur, (poésie) éditions Souvenirs, Porto Novo (Bénin) - 2013

    Participation à Pour Édith – (poésie) hommage à Édith Lucie Bongo Ondimba - Éditions l’Harmattan – Brazzaville – Congo -

    Participation à Nouvelles voix de la poésie congolaise de Bienvenu Boudimbou, éditions Hemar – Brazzaville – Congo -

    La vie que j’évoque ici, nous aurions pu la vivre, ou peut-être l’avons-nous vécue. Une vie faite d’appropriations, de larcins, de détournements, d’effractions, de pillages, de grappillages… une vie faite d’envoûtements et de malédictions, une vie faite de dominations entre vie de palais et vie de taudis.

    Le marathon des démunis et des nantis, où les uns chassent les autres et vice versa ; ce monde où grands et petits se délectent de délations ; ce monde où mécréants et pasteurs, à tour de rôle, fréquentent le marabout, où le cœur adhère au shintoïsme et la tête - pour contenter l’autre ou pour lui mentir - choisit d’être catholique ou protestant. Je vous parle ici de ce monde fait de servitude, de sexualité, de duperie, d’hypocrisie, cette vie sibylline…

    Est-ce essentiellement le shako qui fait le saint-cyrien ? C’est pourtant ce qui lui sied bien. Chacun, dans son petit canton, pense à augmenter le son de son instrument pour mieux se faire entendre ; ainsi les ragots se mêlent aux cochons, la succulence à l’amertume et comme une rivière rempoissonnée, notre espace se remplit de beaux diseurs et de rémouleurs. Mon pays devient un foutoir où chaque jour s’emplissent les poubelles-à-hommes, les poubelles-à-vies. Renards et poéteux se côtoient pour une union saugrenue et saumâtre. Tout le monde est frondeur. Personne ne trouve à y redire.

    C’est cela qui caractérise mon pays que tout le monde dit aimer, pourtant personne n’y pense, ou plutôt chacun ne pense qu’à se bourrer la panse et la poche. On les reconnaît facilement les gens de tout en haut ; ils portent des costumes aux couleurs du ciel ou des uniformes militaires ; les uns dissimulent des pistolets dans leur costard, les autres exhibent des kalachnikovs en bandoulière ; et leurs ventres bedonnants, les as-tu vus ? On dirait des grossesses à terme ; ils fument de gros cigares et gèrent une cour de courtisans. Ils aiment notre pays, il faut le croire.

    Mongalé était revenue à Mouléléké, capitale de la République fédérale de Batih batuko¹.

    Dans l’avion qui la ramenait dans son pays natal, elle pensait à son enfance à Mouléléké, à ses séjours à la campagne pendant les vacances avec son père, sa mère et son frère Paul Damien Ngoko. Elle imaginait l’accueil que lui réserveraient ses amis, ses parents – ceux qui avaient eu la vie sauve pendant la guerre qui lui avait fait quitter le pays ; elle pensait aussi au récit d’un compatriote venu récemment de Batih batuko et rencontré à Braha, la capitale du pays des Bindou où elle était en exil. Ce compatriote lui avait parlé de ce ministre du commerce du premier gouvernement de l’après-guerre, qui, un jour, fit le tour des supermarchés pour exiger la hausse du prix du beurre pasteurisé, non pas pour limiter les importations, mais pour que le bas peuple n’en connût plus le goût. Il fut ovationné à son arrivée au conseil des ministres ; Son Excellence Yandi mosi-Yandi kaka² - le Chef de l’État - ne tarda pas à le hisser au rang de ministre d’État. Le peuple s’en indigna. Malouala figurait parmi les indignés qui s’exprimaient librement dans la rue. Il fut arrêté deux jours après le conseil des ministres. On rapporta au directeur général de la sûreté nationale que Malouala avait incité le peuple à la rébellion, à la désobéissance civile et au dénigrement des institutions de l’État. Véronique, son épouse, le chercha en vain dans toutes les prisons de la capitale. On s’en indignait en sourdine pour ne pas subir le même sort. « Comment pouvait-il en être autrement en ce monde des hommes sensés ? » demandait Tchakou, le fou du quartier, à tous les passants.

    Au cours de ce même conseil des ministres du cinquième jour de la pleine lune de l’année des courges, le gouvernement, qui sortait des négociations avec les partenaires sociaux, félicita pour leur patriotisme, leur civisme et leur sens du devoir, les responsables de la Confédération des Syndicats des Travailleurs de la Fonction Publique (CO.SY.TRA.FO.P), la principale centrale syndicale du pays, puisqu’ils avaient signé une trêve sociale de trois ans renouvelable avec le ministre du travail. Trois ans durant, pas de grève, pas de revendications relatives à l’amélioration des conditions de travail et de vie des travailleurs. À contrario, le gouvernement décidait de réduire de 22% les salaires des agents de la fonction publique. « Ce sont des mesures courageuses que nous venons de prendre pour permettre au gouvernement de faire face à l’importante dette extérieure du pays et relancer ainsi l’économie nationale », avait décrété le ministre des finances pour justifier ces décisions face à un peuple qui, désormais paraissait indifférent, peut-être par habitude du malheur, même à sa propre existence.

    Essanga Biliba Nzorobé, dit Le coq de la radio nationale, et ex-mari de Mongalé, osa dénoncer ces mesures impopulaires ; « Quand on sait que le salaire mensuel des ministres a été triplé, soit 15.000.000 de francs batih batukois. L’enseignant et l’infirmier se contentent toujours des 60.000 de salaire mensuel. Que des miettes. Le bonheur et la misère ont ainsi choisi chacun leur camp… »

    Le ministre de l’information et de la communication, porte-parole du gouvernement, chargé des relations avec le peuple, fustigea « ce mouchard noircisseur de l’action gouvernementale. Mais nous ne nous laisserons jamais faire, face à ces aigris, ces assoiffés de pouvoir qui veulent à tout prix agiter le peuple, le pousser au soulèvement pour mettre de nouveau ce pays à genou. Ça, ça ne passera pas, nous avons l’œil bien ouvert ».

    Dans les quartiers, on appréciait plus ou moins le courage d’Essanga : certains lui donnaient raison ; « Après tout, il fait son boulot et c’est ça son boulot. Quels que soient les temps, il faut qu’il y ait des gens qui sachent prendre leur courage pour sauver les autres ». Pour d’autres, Essanga n’aurait pas dû parler. « Parce que, en ces temps-ci, il faut savoir se taire. Tous ceux qui oseront s’opposer à Yandi mosi, y compris les journalistes, subiront sa répression. Quand un pays sort de la guerre, tous les comportements convergent vers la violence, l’arbitraire, l’abus… Et puis, si Essanga veut jouer au héros, il n’avait qu’à comprendre qu’il n’y a de martyr que mort ; certains sont dans leurs tombes, d’autres portés disparus, subissant à jamais la loi du silence ». Essanga Biliba Nzorobé fut jeté en prison et y croupit jusqu’à la veille de la célébration du 19ème anniversaire de l’indépendance.

    À deux mois du retour au bercail de Mongalé – Essanga revit le ciel, mais physiquement bien diminué, et donc réduit au silence. Dieu avait bien veillé sur son âme pendant les cinq années passées à contempler les murs de sa cellule. Il en sortit obèse, mais plus instruit du fait de ses nombreuses lectures. Au fond de sa cellule, le livre était son seul compagnon. Il était parmi les plus chanceux à sortir de prison sans avoir été décervelé, abêti. Le régisseur adjoint de la Maison d’arrêt lui apportait des livres, grâce à l’abonnement auquel il avait souscrit au centre culturel fala. Parfois, les deux hommes se retrouvaient dans la cour de la prison pour échanger sur les sujets de la vie, du passé et de l’avenir de Batih batuko.

    Le régisseur général de la Maison d’arrêt n’avait pas manqué d’attirer l’attention de son adjoint sur l’ambiguïté de ses rapports avec le journaliste prisonnier : « Qu’en dirait notre hiérarchie si elle venait à découvrir que tu es devenu le meilleur ami de cet homme ? Tu risques de perdre ton poste et ton emploi, tu pourrais le rejoindre en prison, sinon on t’enverrait purger ta peine à la prison du commissariat centrale de police ».

    Mais le régisseur général adjoint ne fit pas cas des reproches de son chef, il continua d’entretenir de bons rapports avec le prisonnier. « Essanga, disait-il, est un homme très intelligent et merveilleux. Il a rendu d’énormes services à ce pays. Qu’on l’ait mis en prison pour ceci ou pour cela m’importe peu. Je lui dois du respect, à lui et à tous les journalistes de ce pays qui se sont investis dans le retour de la paix. On a oublié les risques que cet homme a pris pour apporter le message de paix et d’amour à tous les Batih batukois, dans tous les coins de ce pays. N’a-t-il pas aidé Yandi mosi à asseoir son pouvoir ? Voilà que pour une décision impopulaire qu’il a dénoncée, on le jette en prison. Jusqu’à quand allons-nous repousser la vérité ? Les hommes politiques, voilà comme ils sont ingrats ! Ils n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Qui dit que demain je ne serai pas remercié de même façon qu’Essanga ? »

    Cette vérité n’était pas le seul fait du régisseur général adjoint de la Maison d’arrêt de Mouléléké ; tout le monde dans Batih batuko réprouvait l’emprisonnement d’Essanga. Mais qui donc pouvait oser en dire un mot ? Les autres journalistes, à la radio nationale, lui dédiaient une pensée très forte chaque matin, à la fin de la première édition du journal. Ils le firent presque un an durant avant sa sortie de prison, malgré les intimidations et les menaces du ministre de l’information et de la communication. Essanga suivait ces messages de solidarité du fond de sa cellule grâce à un petit poste radio que lui avait offert son ami le régisseur général adjoint de la Maison d’arrêt. « Ces messages m’encouragent et me gonflent d’assurance. Ils témoignent de ce que nous sommes nombreux à nous battre pour ce pays. Nous nous battons pour un idéal qui est noble, Dieu le sait et Il ne nous abandonnera jamais. Notre idéal vaincra car il est celui du peuple », confiait-il à son ami.

    À sa sortie de prison, le régisseur général le félicita de sa corpulence : « Tu es arrivé ici maigre comme une brindille ; tu sors d’ici gros comme un hippopotame ! C’est la preuve que nous t’avons bien nourri et que tu étais à l’aise malgré tout. » Le coq ne répondit pas, il se contenta de lui offrir son sourire.

    « Si quelqu’un te blesse avec le poignard de sa langue, n’utilise pas la même arme tant que tu peux le tuer avec l’épée de ton sourire », avait soufflé Essanga à un jeune journaliste présent à la cérémonie de son départ. Le régisseur général ne manqua pas de faire remarquer la corpulence d’Essanga aux deux dames venues le chercher, ainsi qu’à quelques jeunes journalistes qui avaient tenu à marquer de leur présence ce qu’ils considéraient comme un événement dans l’histoire du journalisme batih batukois. Mais personne ne dit mot ni ne sourit à cette marionnette du pouvoir de Yandi mosi. À l’inverse, on lui posa quelques questions sur les conditions de détention d’Essanga. « Je ne peux pas parler : je n’ai pas reçu l’autorisation de ma hiérarchie », se contenta-t-il de dire. Pour Essanga, sa sortie de prison était un moment particulier, une victoire du journalisme batih batukois, du journalisme en général. « Car, disait-il, dans beaucoup de pays, le journaliste est traqué, il est l’homme à abattre, parce qu’il se met du côté des plus faibles. Comment se taire devant tant d’injustice, devant la tyrannie et la dictature dont souffrent nos peuples ? Le poète disait : nous oserons, alors osons, peu importe le nombre que nous serons. »

    La diffusion de cette interview du Coq de la radio avait coûté le départ du directeur de l’information et son rédacteur en chef de la radio nationale. Le directeur général l’échappa bel parce qu’il n’avait pas été associé à la prise de la décision de réaliser ce reportage. Et pour cause ; il ne l’aurait jamais autorisé. Les journalistes disaient qu’il servait le pouvoir en place. « C’est un espion que le pouvoir a mis à la tête de la radio. On ne sait pas de quelle école de journalisme il sort ; on n’a jamais lu un papier de lui, sauf ses fiches qu’il envoie quotidiennement à la sûreté de l’État ». Quoi qu’il en soit, c’était lui le directeur.

    Le récit de son compatriote ôtait à Mongalé le désir d’y retourner. Pourtant il le fallait bien. On ne se passe pas de son pays. Seul Dieu savait pourquoi il avait fait de Mongalé une Batih batukoise.

    2

    Noyée dans ses pensées, Mongalé ne vit pas le temps passer ni la distance qui séparait Braha de Mouléléké. Elle fut surprise d’entendre annoncer l’arrivée au pays de Yandi mosi-Yandi kaka. À l’aéroport,

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