Les Défricheurs d'Infini: Tome II : Le Reptilien
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Les Défricheurs d'Infini - Johnny Phoenix
Les Défricheurs d’Infini
Johnny Phoenix
Les Défricheurs d’Infini
Tome II : Le Reptilien
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2019
ISBN : 978-2-312-07090-2
À Juanito
« Voici venu l’ultime exode des âmes fortes
Qui traversent en rampant
Silencieux serpents
Le crâne de la Planète morte. »
Prélude
San Sétan, le roi des Nagas, assis sur son trône, dans le Patala, contemplait les lumières de son royaume. À ses côtés, se tenait Chatane. La favorite de ses courtisanes. Son égérie.
Du plus loin que se prolongeait le couvert incandescent du ciel, on voyait cascader en rideaux la pluie pourpre. Les puissants nuages de rotor, qui coiffaient les montagnes acérées, formaient un rempart fumant. Où s’éternisait le regard pyramidal de San Sétan.
Le verbe melliflu de Chatane, tout vibrant de goétie, parvint toutefois à arracher, le roi des Nagas, à sa cruelle somnolence.
– Hécate s’apprête à ressurgir de sa longue nuit séculaire. Ce n’est plus qu’une histoire de quelques jours, illustre San Sétan !
– Il est grand temps, Chatane, qu’émerge enfin notre étoile bleue ! Les rivières de sang sont à leur étiage ! Le peuple des Nagas brûle de pouvoir quitter enfin le Neraka ! Afin d’investir la surface !
– J’ai ouï dire, par les errants-de-la-nuit, qu’un campement d’explorateurs a été établi. Sur les hauts tepuis des forêts carnivores.
– Les errants-de-la-nuit n’ont pu que te renseigner, sur l’invasion de leur territoire. Par une navette inconnue. Mais le plus à redouter, Chatane, c’est surtout la présence de leur vaisseau-mère, au large d’Otholithe ! Celui-ci s’est en effet placé, en orbite, à un rétium de distance de notre Satellite.
– Et que t’ont rapporté d’autre, les Kalanjakas, en ce qui concerne le potentiel létal de cette hypernef extra-psychotrienne ?
San Sétan daigna écarter son puissant visage, reptilien, des cimes vaporeuses. Il desserra enfin ses griffes, solidement crochetées à la balustrade de granit. Puis il fit pivoter, vers sa remarquable égérie, sa robuste stature de quatre mètres. Son corps était celui d’un humanoïde à écailles. Sa tête, celle d’un uraeus : un cobra royal, au pectoral déployé. Il plongea, dans les yeux pareils de Chatane, ses trois iris en forme de losanges verticaux. D’un ocre démentiel :
– L’hypernef ne se révèle être qu’un prototype bénin. Une nef des fous. Conçue par des dégénérés d’Incubes. Le plus infime de nos rayons oméga suffirait, amplement, à le réduire en poussières interstellaires. Cependant les Daytas : les démons-du-Temps, les plus puissants fils, après nous, des Assuras, m’ont prévenu qu’il rassemblait, à son bord, pas moins de cinq mutants d’ultime spéciation. Sélectionnés par les Empyréens eux-mêmes. Ceci afin de tenter, impudemment, d’ébranler notre universelle suprématie.
L’ambre des yeux de Chatane, taillés tels des dards de scorpions de feu, immisça son venin de miel, dans l’esprit du grand roi. La bouche sanglante de la courtisane s’ouvrit, en une corolle carnivore :
– Eh bien, allons, qu’attends-tu donc, San Sétan, afin de pulvériser, d’un seul geste despotique, leur innocente boîte de conserve ?
– Un très judicieux conseil, ma noble égérie ! Mais il réside dorénavant comme une ombre imperceptible, à notre merveilleux tableau ! Autrement dit, la maudite pièce manquante du puzzle ! Car ces parasites de nuktaux foulent désormais la surface verte de notre planète. Et deux d’entre eux, dont l’aura énergétique surpasse largement celle des trois autres, s’apprêtent à pénétrer imminement la treizième entrée du Neraka.
– La Fistule de la Destinée ! Mais à quoi s’avisent donc ces deux démodex ?
– Tu aurais grand tort de les sous-estimer, Chatane ! Rien que la femelle, déjà, abrite en son for un esprit d’Empyréenne. Dans un écrin corporel de cryogénite bleue ! Et quant au mutant, j’attendrai le divin instant, où il s’agenouillera enfin à mes pieds. Pour pouvoir confirmer la vision de l’œil pinéal des Daytas. Et là, j’arriverai peut-être à en croire mes propres yeux !
L’impluvium du roi des Nagas se situait au beau milieu d’un atrium littéralement démesuré. Serti dans un complexe infini de jardins suspendus. Dont la majorité des arbres était taillée en nuages. Sous le linceul de sang, qui s’étirait depuis la Fistule de la Destinée, un immense bassin circulaire de cent hectares avait été creusé. Au sommet d’une pyramide à degrés. De dimensions qu’on pouvait qualifier de pharaoniques. Car on ne pouvait pécher que par pléonasme, tant était incommensurable l’architecture du colossal palais de San Sétan.
San Sétan glissa, parmi les grands rassemblements de sangsues électriques, et les tapis de lotus carnivores, sa stature majestueuse. La cascade de sang, qui tranchait le ciel parme, enveloppait son corps nu sculptural, d’un drap rouge ruisselant. Monstrueuse surtout était la turgescence cuirassée du dieu-cobra : une aune de longueur. De quoi satisfaire l’appétit insatiable de la langue bifide de Chatane. La callipygie de la femme-serpent était caparaçonnée d’écailles moirées. Dont les nuances, oscillant entre le jaune et le noir, rappelaient celles du cuir des grands anacondas terrestres.
– Qu’on me convie, Chatane, les autres courtisanes, inféodées à ce jour, à venir honorer, sans plus attendre, la grandeur de leur roi !
L’injonction de la reine prononcée, et ce fut presque une centaine de petites humanoïdes, de la taille d’une main reptilienne, à tête de cobra, qui s’agrenouillèrent autour du phallus de San Sétan. Avant d’entreprendre, dans une exquise lasciveté, à en extraire la semence ophidienne. L’instant suivant, un dépôt laiteux surnagea à la surface vermeille de l’étang. Que toutes les myrmidones courtisanes, y compris la grande Chatane, s’évertuèrent à absorber goulûment de leur appendice scindé. Et l’orgie céda le pas à la curée.
Le seigneur des Nagas referma lascivement ses trois miroirs de soleil. Pour se plonger dans le souvenir de sa dernière résurrection…
L’analepse du serpent
Dans l’œil du serpent
– Un « para… » quoi ?
– Un parabellum, gros-bec ! Tu me demandais vraiment avec quelle arme tu pourrais bien me trucider, s’il m’arrivait toutefois de te tromper avec Rachel Larouge ? Voici encore ma réponse : un parabellum !
– Attends donc un peu voir mon nounours ! Accorde-moi seulement le temps de regarder la définition du Cosmopedia ! Voilà ce que le bio-ordinateur universel nous retranscrit : « Pistolet automatique, en usage jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, dans l’armée allemande ».
Je ne vois guère la subtilité, Terry ! Pourquoi avoir opté pour une arme aussi archaïque ?
– Eh bien, depuis le temps que nous voilà mariés, Jessy Cover, tu ne te rends plus compte à quel point je demeure un bel homme !
– Ah ! J’ai deviné bougre d’idiot ! Mais veille quand même à ne pas trop te rapprocher de cette Ultraterrestre ! Car parabellum ou pas, je saurais bien te ravaler ta jolie façade de pervers, si tu t’avisais de me trahir, ne serait-ce qu’une seule fois, avec ta poupée mécanique ! Et n’oublie surtout pas, Terry, que je suis une femme sensible !
– Oh ! Je le sais très bien, depuis le temps, que t’es pas une flèche, Jessy ! Parce que dans le cas contraire, sensible comme tu es, tu te retrouverais très vite désorientée…
Elle raccrocha sans ménagement. Véga, sa petite chatte d’écrivaine, qui s’amusait avec la souris-volante de l’ordinateur, fit un allègre bond de côté. Terry Cover reconnut qu’il aurait dû renseigner sa femme sur son départ impromptu, en direction de l’Île Unnoire. Et de surcroît, en compagnie d’un androïde de dernière génération, voué aux plus torrides concupiscences.
Cilaos, de l’Île Unnoire. Le Tricot orienta vers les adrets ensoleillés son œil jaune de serpent. La chambre en terrasse du Lenticularis était particulièrement chatoyante. La vire enjambait scabreuse le vide d’un immense rempart. Où deux mille mètres en contrebas scintillait le lacet de la rivière. Une vaste réplique d’un tableau de William Blake trônait en son centre : Le grand dragon rouge et la femme vêtue du soleil. Le Tricot scruta un instant le chef-d’œuvre. Où la muse est un ange jaune, gravide, écrasé par la cruauté tyrannique d’un large dragon. Et puis d’un geste preste, il se défit de sa chemise crasseuse, avant de tâtonner le creux du quadriceps de son bras gauche. L’autre hurluberlu de donneur d’organes avait bien failli l’envoyer ad-patres. Il lui fallait à présent extirper les agrafes de fortune que lui