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La Malédiction des lucioles
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La Malédiction des lucioles

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About this ebook

De bien étranges événements survenus dans un petit village de l'arrière pays Niçois à la veille de la seconde guerre mondiale.
LanguageFrançais
Release dateMay 20, 2014
ISBN9782312027906
La Malédiction des lucioles

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    La Malédiction des lucioles - Barbajohan JM Fonseca

    cover.jpg

    La malédiction des Lucioles

    Barbajohan JM Fonseca

    La malédiction des Lucioles

    LES ÉDITIONS DU NET

    22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-02790-6

    Doun t’en voles, luernina, Me lou tiéu pichoun calèn ? Di-mi s’en la souloumbrina As perdut caucarèn. (bis){1}.

    Gustave Mossa.

    Cet été là, Honorin Pastoréli gardait au-dessus du Cians sur la montagne de l’Abric. Après s’être assuré que les bêtes prenaient bien le biais du dortoir, il redescendit à la cabane. Il alluma un bout de chandelle et après avoir ravivé le foyer de quelques brandes, il mit le trépied sur le feu et réchauffa un reste de soupe. Une fois son écuelle remplie, il se coupa un bout de pain qu’il espépia{2} dans la soupe. Puis, il souffla la chandelle et mangea dans le noir. Lors de ce frugal repas, il ne but que de l’eau. Honorin se suffisait d’un verre de vin par jour car les litrons étaient comptés pour le temps d’estive. Frugal, dur à la tâche, sobre et saint d’esprit étaient les qualificatifs qui qualifiaient le berger de la Coumbeta. Une fois son repas terminé, il se soucia de faire un dernier tour près du dortoir pour s’assurer du bien-être des bêtes. La nuit était claire et fraîche, cela compensait le coup de chaleur de la journée. Arrivé à proximité du dortoir, il appela doucement ses bêtes afin de ne pas les effrayer : « Titi, titiii, bella, mhéée, es ieu, douchamin{3}… Enfin, il poursuivit son chemin jusqu’en haut de la crête qui dominait un ciavalet{4} et dont le point de vue sur la vallée permettait d’apercevoir les lumières de Dierlas. Il eut alors une pensée pour sa sœur Honorine qui avait été mal mariée et qui souffrait d’un époux violent et méchant. Il s’assit sur un gros rocher plat, sortit sa pipe qu’il bourra d’un grossier tabac brun contenu dans une bourse de cuir et l’alluma. Il en tira quelques bouffées, histoire d’amorcer le foyer et laissa son regard et ses pensées dériver vers l’horizon. C’est alors que dans le ciel, à peu près à la verticale du village, il vit un drôle de cylindre lumineux qui paraissait immobile, comme suspendu dans les airs. Il regarda le phénomène avec plus d’attention. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ?

    Il avait déjà vu des avions et des ballons de défense contre les aéronefs, mais ce truc-là, immobile, qui semblait flotter dans les airs et modifier sa forme : jamais ! Il remarqua alors un objet lumineux beaucoup plus petit qui semblait avoir été lâché par la chose. Il en observa la trajectoire : l’objet tombait vers le village et toucha le sol dans les prés qui le dominaient. Au moment de l’impact, il distingua comme un petit nuage de fumée luminescente qui se dissipa rapidement vers le village.

    Mais Honorin ne fut pas le seul témoin de ces faits. Hyppolite s’en était parti dans la colline à proximité dudit village pour y renouveler ses pièges et ses collets. Hyppolite était un braconnier professionnel, et sa spécialité était les lièvres et les perdrix. Cette nuit-là, il n’aperçut pas le cylindre lumineux, par contre, lui aussi entendit comme un sifflement qui tombait du ciel. Il tourna la tête dans la direction du bruit et vit une drôle de petite boule lumineuse qui traçait vers le sol. L’impact eut lieu dans les potagers arborés situés au-dessus des habitations. Et là, il observa comme une sorte de nuage de fumée constitué de milliers de petites particules clignotantes qui se dirigeaient vers le village. Le dernier témoin fut la vieille Rosemonde, qui espinchait{5} tout le village depuis le séchoir de sa maison d’où elle prenait le frais avant d’aller se coucher. Elle vit distinctement un énorme nuage de lucioles qui survolait les toits du village. Après tout, on était en été et ce spectacle ne la surprit pas plus que ça.

    C’est dans les jours qui suivirent que l’on signala les premiers symptômes d’une mystérieuse maladie. Les quelques témoignages écrits de cette incroyable histoire sont contenus dans les carnets de notes du Docteur Emile Joublard qui, jeune médecin de la vallée, avait été mobilisé sur place comme aspirant médecin militaire dans les chasseurs alpins. Nous étions Mi-juin 1939, les troupes d’Hitler avaient annexé la Tchécoslovaquie, et le spectre de la guerre planait à nouveau sur l’Europe, contexte qui expliquera pourquoi cette histoire fut officiellement oubliée par les diverses autorités et par la presse locale. Mais si dans mon pays, les gens finissent par oublier, par chez nous, les pierres et les vieux arbres gardent une excellente mémoire… Alors, voilà, je vais vous raconter ce que l’on appela l’étrange maladie des habitants de Dierlas.

    Le premier touché fut Edgar Maïssa. Cet individu était violent et colérique dès qu’il avait bu un coup de trop, et sa jalousie et sa lâcheté était sans limites. Il s’en prenait régulièrement à sa pauvre femme et à ses trois enfants qu’il brutalisait et frappait régulièrement. Le curé de la paroisse, l’abbé Breuil, s’en était un jour ému et voulut s’entretenir de la chose avec cette âme perturbée. Bien mal lui en prit, car après l’avoir malmené, Edgar le jeta dans les escaliers. Ce soir-là, le brutassas{6} plus assoiffé que d’habitude mit en avant plusieurs prétextes pour renverser la table où était servi le souper et tomber à coup de gifles sur sa pauvre épouse et sa marmaille apeurée. Il attrapa Honorine par les cheveux, leva la main pour la gifler et s’immobilisa telle une statue, le bras levé. Sa femme en profita pour s’enfuir hors de la maison avec ses enfants et alla trouver refuge dans la famille de son beau-frère.

    – « Excusez-moi de venir vous déranger, mais il a encore fait une crise », dit Honorine, larmoyante, en pénétrant dans l’appartement. »

    – « Il a encore trouvé un prétexte pour vous cogner, oui ! Il ne changera donc jamais ! » Répondit Robert.

    – « Et devant les gosses encore… Au fait, ils ont mangé, au moins, les petits ? » Dit Marthe.

    – « Beh non, ils n’en ont pas eu le temps, on venait juste de mettre la table », répondit Honorine.

    – « On va d’abord s’occuper d’eux. S’il se pointe ici, famille ou pas, j’y fous mon poing dans la gueule ! » Gronda Robert.

    – « Viens Honorine, assied-toi et calme-toi. Tiens, prends un petit remontant. Ensuite, on mangera tranquille, et tu peux rester ici avec les enfants cette nuit », dit Marthe sa belle-sœur.

    – « Demain matin, quand il aura cuvé sa méchanceté et sa vinasse, j’irai lui dire deux mots ! Ah, se lou nostre paure paire era encara aqui, jamai si passara coume aquéou{7} ! » Lança encore Robert.

    Et la nuit se passa. Le lendemain matin, Robert se rendit à la maison de son frère après avoir pris son petit déjeuner. Il le trouva debout, immobile, le bras toujours levé, comme une statue. Il respirait faiblement et la couleur de ses yeux le frappa : ils étaient devenus tout blancs. Il essaya de lui parler, de le faire bouger, mais rien n’y fit. Il se résolut alors à chercher de l’aide. On posa tel quel le paralysé dans son lit et l’on envoya chercher le docteur. Celui-ci arriva deux heures après au volant de sa Juvaquatre, et l’examina.

    – « Le cœur bat lentement mais régulièrement, le pouls est faible mais régulier, comme sa respiration d’ailleurs. Il semblerait qu’il ait fait une embolie cardiaque qui a eu des conséquences sur les centres nerveux. En résulterait la paralysie, et peut-être la cécité… Je ne peux dire s’il est conscient ou non, puisqu’aucune communication ne peut être établie avec le patient. Il faut attendre ; le transporter dans cet état pourrait se révéler fatal ! Il faut que quelqu’un reste à ses côtés et note scrupuleusement toutes ses réactions, s’il s’en manifeste. C’est une paralysie particulière… On dirait que toutes ses articulations sont comme soudées. Si vous le manipulez, faite le avec précaution, n’est-ce pas. Ne forcez pas, même pour le déshabiller. Et prévenez-moi, s’il y a du mieux ou du pire. J’essayerai de contacter d’autres collègues. Je repasserais ce soir ou demain matin. On en saura plus dans quarante-huit heures. Per encueih, cau espera ! »

    – « Excusez-moi docteur, est-ce que ça pourrait être contagieux, par rapport aux enfants ou aux bêtes ? » Demanda Honorine.

    – « Je ne pense pas, mais toutes fois évitez de laisser approcher les enfants et lavez-vous les mains avant et après l’avoir touché. » Lorsqu’en fin de soirée, le docteur Joublard revint visiter son malade, on l’attendait, car un autre cas bizarre s’était déclaré.

    – « Docteur, l’interpella Amédée Giuglaris, c’est pour ma mère. Il lui arrive quelque chose d’étrange, comme une maladie. Il faudrait que vous passiez à la maison. Elle ne bouge plus et en plus sa langue a gonflé. Elle a perdu ses cheveux et ses oreilles sont toutes transformées ! »

    – « Amédée, c’est sérieux cette fois ?… Parce que les maladies circonstancielles de ta mère, ce ne serait pas la première fois ! »

    – « Si, c’est sérieux, docteur, je pense bien : elle ne parle plus ! »

    – « Dans ce cas, je te suis ! » La mère d’Amédée, Marcelline Giuglaris, était une vraie langue de vipère. Il n’y avait pas une famille ou un groupe d’amis dans le village qui ne devait un sujet de dispute à cette bonne femme. Amédée, son fils, était encore vieux garçon à quarante-deux ans, car elle avait tout mis en œuvre pour casser les relations amoureuses de son dernier. Si elle était restée veuve, c’est que son premier mari s’était pendu. Quant à son second mari, il avait préféré disparaître dans la Légion Étrangère. Lorsque le docteur entra dans la maison, la mère Giuglaris était assise dans son fauteuil près de la fenêtre de la cuisine.

    – « Elle est comme ça depuis ce matin », dit Amédée. Tout jeune médecin qu’il était, le docteur Joublard en avait vu, des cas, y compris des maladies infectieuses dites coloniales à l’hôpital de Marseille, durant ces années d’internat. Mais des comme ça, jamais !

    – « Aloura, madama Giuglaris, lou que vas pa ? Se me audi boulèga la man o li parpèlas{8} ! » Mais aucune réaction. Elle semblait paralysée, les articulations bloquées, mais plus encore, sa langue pendait hors de sa bouche. Une langue énorme, presque de la taille d’une main et toute couverte d’écailles. Elle était devenue chauve, et quant à ses oreilles, elles étaient plates, pendantes et laineuses comme des oreilles de brebis. Le docteur l’examina avec attention ; le cœur, les poumons, le pouls, il pratiqua toutes les palpations médicales traditionnelles.

    – « Cela fait le deuxième cas dans la journée ! » Marmonna-t-il, pensif. Il réfléchit à ce qu’il pouvait y avoir de commun entre ces deux patients.

    – « Vous avez mangé quelque chose de particulier, hier ou avant-hier ? » Questionna-t-il.

    – « Non, comme d’habitude, et j’ai mangé la même chose que ma mère… »

    – « Suivait-elle un traitement médical, ou faisait-elle de l’automédication à base de plantes ? »

    – « Traitement médical, non, vous savez bien… les médicaments, elle ne les prend jamais, histoire de pouvoir dire du mal du docteur ou du pharmacien. Quant à l’autodication sin quèse{9} ? »

    – « L’automédication : se soigner soit même à l’aide de mixtures préparées à base de plantes. »

    – « Non, pas en ce moment », répondit Amédée.

    – « Vous buvez bien tous la même eau dans ce village ? »

    – « Oui, bien sûr ! Mais vous savez, l’eau, ma mère… elle n’en a jamais abusé, même pour se laver. »

    – « Il faut la garder ici en observation ; inutile de chercher à la déshabiller pour la mettre au lit, vous n’arriverez pas à la déplier. Je vais m’enquérir du cas d’Amédée et puis j’irai voir le maire. Ce pourrait être une maladie rare causée par une bactérie. Je me dois d’en avertir les autorités. »

    Le docteur se rendit ensuite chez l’Amédée. Son cas n’avait pas évolué, ni dans un sens, ni dans l’autre. Il s’adressa à Robert qui gardait le malade, Honorine étant partie chez lui faire manger et coucher les enfants.

    – « Il faut encore attendre… Je vais lui faire un sérum afin qu’il ne se déshydrate pas et je repasserai demain après mes visites de garnison. »

    Casimir Jaume était le fada, le simplet du village. Il était né handicapé, un pied bot et un bras plus court que l’autre. Malgré ses dix-neuf ans, Casimir avait une tête de petit vieux, un visage déjà ridé et affalé. Quelques rares touffes de cheveux blancs ornaient le dessus de son crâne. C’est simple, on ne donnait pas les chèvres à garder à Casimir, mais Casimir à garder aux chèvres. C’était un enfant de l’assistance publique, recueilli par la famille Cotto, car l’allocation versée par l’État pour la prise en charge de l’enfant rapportait trois fois plus que ce que coûtait son entretien. Casimir avait tant manqué d’affection dans sa vie qu’il en débordait ! Il n’y avait pas dans le village un être aussi gentil et serviable que Casimir Jaume… Ce qui ne l’empêchait pas d’être la victime expiatoire d’un certain nombre d’habitants qui n’hésitaient pas à se moquer de lui, à l’humilier ou à lui faire de méchantes plaisanteries. Pourtant, Casimir n’était pas bête. Seulement il était doté d’une intelligence différente des autres, voilà. Ses difficultés d’élocution l’empêchaient malheureusement de se faire comprendre. Il avait guetté le docteur depuis son arrivée au village et il l’interpella alors que ce dernier se dirigeait vers la maison du maire.

    – « Docteu, docteu, caimir, sabi, ieu tamben la maladie, li luerninas, escoucha me, escoucha me{10} !… »

    – « Oui, bonjour, Casimir, tu es le plus gentil, je sais. Mais là, il se passe des choses graves, tu comprends. Je n’ai pas le temps de t’écouter aujourd’hui. Il faut que j’aille voir lou mèra{11}. Demain quand je reviendrai. D’accord, Casimir ? » Casimir le regarda d’un regard triste et haussa les épaules.

    – « Deman, si, oui, Docteu… Deman{12}… » Le docteur Joublard monta les marches du petit perron qui conduisait à la porte d’entrée de la maison du maire. Il frappa à la porte, mais personne ne répondit ou ne vint lui ouvrir. Il insista, et une voix féminine lui répondit :

    – « Beh, entre !… » Il ouvrit la porte et pénétra dans le vestibule de la maison.

    – « Tu frappes à la porte maintenant ? Beh, viens, mon chéri. Je commençais par être inquiète. Referme la porte, je viens de me laver les cheveux et cela fait du courant d’air. » Le docteur se racla la gorge.

    – « Hum hum. Excusez-moi, c’est le docteur Joublard. Si je me suis permis d’entrer, c’est qu’il faut que je parle absolument et urgemment au maire. »

    – « Oh, pardon ! Je croyais justement que c’était lui ! Patientez quelques instants, je ne suis pas dans une tenue décente pour vous recevoir. Le temps de passer quelque chose et je suis à vous. » Cette dernière formule eut la faculté d’émoustiller le docteur. En effet, la jeune épouse du maire était une charmante beauté. Quelle idée de passer quelque chose de forcément inutile et frivole avant d’être à vous ? Claudine Roubaudi apparut enfin, empaquetée dans une robe de chambre difforme, une serviette nouée autour de ses cheveux et

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