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La prêtresse lunaire, la prophétie des éléments II
La prêtresse lunaire, la prophétie des éléments II
La prêtresse lunaire, la prophétie des éléments II
Ebook507 pages7 hours

La prêtresse lunaire, la prophétie des éléments II

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About this ebook

Éthan et ses compagnons sont parvenus à Endraïle, mais il s’avère que le jeune Ythérien n’est pas l’un des Gardiens… Le Haut Conseil le soupçonne en outre d’être une arme utilisée par les Sorciers pour éliminer les enfants de la prophétie. Entre deux maux, les Sages décident tout de même de l’autoriser à rester au Palais des Mages afin de le surveiller. Ce jeune homme intrigue particulièrement le Haut Sage Allarus et l’énigmatique Mage elfique. À mesure que Hala et les trois autres Gardiens apprennent à se connaître et qu’Irina se démène pour préserver la ville d’Antalia des assauts des soudards, Éthan recherche des informations le concernant : qui est-il ? Mais, voilà que l’un des Gardiens est la cible d’un attentat. Tous les yeux se tournent alors vers le jeune homme qui ne cesse de clamer son innocence. Qui pourra alors apporter la lumière sur ces mystères et aider nos héros ? Où les mèneront les prophéties ? Rejoignez Éthan et ses amis pour découvrir les différents peuples des Terres d’Avalyn : Elfes, Acarans, Ictars, Finaï, Dragons, Rockshriim, Nâgas, Drows… et la Prêtresse lunaire.
LanguageFrançais
Release dateDec 12, 2014
ISBN9782312032368
La prêtresse lunaire, la prophétie des éléments II

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    La prêtresse lunaire, la prophétie des éléments II - James Tollum

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    La Prêtresse lunaire

    La prophétie des éléments II

    James Tollum

    La Prêtresse lunaire

    La prophétie des éléments II

    LES ÉDITIONS DU NET

    22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    Merci à tous les lecteurs du premier Tome,

    pour avoir su apprécier Éthan et ses compagnons.

    Calliope, merci pour ton souffle.

    Ô Lune, nocturne phtisique,

    Sur le noir oreiller des cieux,

    Ton immense regard fiévreux

    M’attire comme une musique !

    Première strophe de « Lune Malade » d’Albert Giraud.

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-03236-8

    Remerciements

    Un grand merci à tous ceux qui m’ont encouragé, soutenu et fait part de leurs critiques constructives durant l’écriture de ce second tome.

    Une pensée particulière pour les fans de la première heure et qui attendaient avec impatience la suite : Sandrine, Sandra, Valérie, Yoann, Willy, Dominique, Yannick, Mathieu, Nathalie, Jérémy, Jacques, Patricia, Stéphanie, Cindy, Jean Michel, Sylvain, Didier, Christine… et tant d’autres.

    Fred, pour ton aide et la relecture.

    Danielle, Agnès, Olivier… pour les encouragements

    Enfin, un grand merci à tous ceux qui prendront plaisir à découvrir ce second opus et sa suite…

    Bon voyage sur les Deux Terres !

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    Prologue

    Les Terres d’Avalyn – 1er jour de la Lune du réveil de l’An 1457 (An 9997 Post Eckmul).

    La nuit avait enveloppé la plaine de sa sombre étreinte depuis de nombreuses heures. Insensible à l’étrangeté des lieux, la lune gironde éclairait le panorama désertique qui entourait le Sanctuaire, sa pâle lumière se réfléchissant sur les pierres oubliées de tous. Aucun être vivant, pas même un animal, ne s’aventurait jamais à proximité du site maudit. Son histoire était tombée depuis bien longtemps dans la désuétude, mais le mystère qui l’entourait décourageait, encore aujourd’hui, les plus aguerris : une Aura pernicieuse semblait l’imprégner et insufflait ainsi une peur sans nom à tous ceux qui s’en approchaient.

    Cela remontait à presque vingt ans, la dernière fois qu’un individu avait trouvé assez de courage, voire de folie, pour s’y aventurer, et à plus de vingt-deux siècles la fois précédente. Un laps de temps considérable sans que personne ne vienne plus visiter l’ancien site, y laissant à l’abandon les murs ternes recouverts de mousses, mais également, selon quelques anciennes rumeurs… seul et dans l’oubli son mystérieux occupant.

    La femme au teint indigo traversa le long corridor d’un pas souple et affirmé. Elle était pieds nus. La fraîcheur des dalles, polies par le temps et les milliers de passages d’antan, ne la gênait nullement. Elle connaissait chaque parcelle des murs, chaque recoin, chaque corridor au point de pouvoir s’y déplacer les yeux fermés. Elle les avait tant arpentés durant ces derniers siècles.

    Sûre d’elle-même, elle avançait sans crainte de sa démarche chaloupée et voluptueuse. À chaque mouvement, ses hanches roulaient sensuellement sous le léger tissu transparent qui composait sa toilette. Cette dernière était fixée à sa taille par une fine chaîne de mitrium, un minerai aussi rare que somptueux. Malgré la fraîche température, deux simples étoffes noires, reliées par de fines cordelettes, protégeaient la vertu de sa généreuse poitrine et de son intimité. L’ensemble mettait en valeur la silhouette parfaite de la femme, dont la beauté naturelle n’avait de toute manière besoin d’aucun artifice pour capturer le regard. Pour peu qu’il n’y ait jamais un regard qui puisse s’y poser.

    Tandis qu’elle continuait de cheminer, elle entra dans une nouvelle pièce où s’alignaient des centaines de piliers : ils s’élançaient vers le sommet pour se perdre dans les ombres mouvantes du plafond. Tout en traversant la salle, elle caressa de sa main tendue les larges colonnes qui soutenaient la voûte de l’édifice. Ses doigts effleurèrent délicatement la profusion de caractères sacrés gravés depuis des millénaires dans la pierre, tandis qu’elle repensait à toutes les informations qui s’y trouvaient fixées pour l’éternité.

    Elle traversa ensuite un nouveau corridor, parsemé de nombreuses ouvertures à droite comme à gauche qui donnaient elles-mêmes sur de petits couloirs obscurs menant aux anciens appartements des défuntes Prêtresses. Enfin, au bout du passage, elle déboucha dans un colossal cirque à ciel ouvert. Les rayons lunaires se reflétaient sur le dallage de marbre blanc, illuminant d’un éclat irréel l’immense salle. La femme pénétra dans le cercle de lumière et s’y arrêta afin de s’y baigner sans retenue, fermant les yeux et tendant son doux visage vers l’astre passif.

    Sous l’éclairage lunaire se distinguaient alors, sur la peau indigo de son visage, deux marques mauves en forme d’aile d’oiseau. Celles-ci prenaient naissance au-dessus de ses sourcils et s’étiraient le long de ses joues. Tel un loup en deux parties, séparées par son nez aux fines arêtes. Ses longs cheveux auburn encadraient son atypique visage et cascadaient jusqu’au creux de ses reins, virevoltant sous la légère brise.

    Après quelques minutes de relaxation dans la sérénité nocturne, la promeneuse rouvrit les yeux. Leur éclat n’avait rien à envier aux étoiles. Elle posa son regard sur l’immense statue de marbre noir qui trônait au centre de l’arène : une majestueuse femme dont les deux bras s’enroulaient autour de la taille. Ses doigts reposaient gracieusement au niveau de ses hanches sur ce qui semblait être une robe de tulle ou de lin. Son port était majestueux, apaisant. Il se dégageait de l’idole une quiétude sans nom. Le front de la statue était orné par trois croissants de lune enchâssés les uns dans les autres. Symbole qui pendait également le long de la fine chaînette en argent ceignant le front de la femme au teint indigo.

    Celle-ci chemina d’un pas assuré vers la statue ébène qui grandissait au fur et à mesure qu’elle s’en approchait. Finalement, elle s’arrêta et lui fit face, une ombre de malice et de haine dans les yeux. Du haut de ses sept toises, la sculpture semblait observer la visiteuse qui se tenait sans pudeur à ses pieds.

    « Tu ne me retiendras pas éternellement captive en ce lieu. J’attends depuis des millénaires, mais je sais qu’arrivera le jour où je pourrais quitter cette prison et alors le monde apprendra à m’obéir et à me vénérer comme je le mérite. L’heure de ma délivrance arrive ! Elle me l’a prédit », expliqua la femme sans aucune colère dans la voix.

    Elle affirmait ce qu’elle savait être véridique et rien de plus. Sans attendre la moindre réponse de la statue, elle s’en retourna et retraversa, sous le manteau de la nuit, l’arène en direction de la galerie par laquelle elle était arrivée.

    « Une fois l’Ocüleüb récupéré, mon pouvoir sera sans limites », compléta-t-elle tandis qu’elle disparaissait dans les ombres du Temple, sans un regard en arrière.

    Chapitre 1

    Les Terres d’Avalyn – 1er jour de la Lune de fleur de l’An 1457 (An 9997 Post Eckmul).

    Malak se rendit encore une fois au Tribeüm, la salle du Haut Conseil. Il accomplissait ce parcours chaque matin, et ce, depuis un mois, date à laquelle il avait rejoint Endraïle en compagnie de ses amis. De ses appartements personnels, il ne lui fallait pas plus de vingt minutes pour rejoindre le fief des cinq Hauts Sages.

    Traversant les lumineux couloirs du Palais des Mages, il ne prêta guère attention aux somptueuses décorations qui ornaient les murs. Ici et là, des myriades de fresques avoisinaient la beauté d’immenses tapisseries. Les promeneurs pouvaient les admirer en se relaxant sur de riches sofas de velours près desquels trônaient des guéridons aux essences rares. Accrochés à la voûte de pierre blanche, de magnifiques lustres d’ivoire, de cristal ou de pierres diverses dominaient indifféremment les allées et venues des visiteurs. L’œil des passants pouvait également être charmé par l’éclat de grands miroirs dans lesquels se reflétait la lumière cristalline des galeries.

    Malak était perdu dans les tréfonds de ses pensées et ne percevait pas cette richesse de trésors. Il se remémorait les différentes discussions qu’il avait eues avec le Haut Conseil des Sages concernant le cas d’Éthan. Pour lui, il n’y avait aucun doute : le jeune Ythérien n’était pas un Sorcier. Pendant la durée de leur voyage à travers les Terres d’Antyras puis celles d’Avalyn, Malak avait gardé l’espoir que son jeune protégé était l’un des Gardiens. Mais avec le recul, il savait s’être lui-même bercé d’illusions. Et dans son désir de trouver l’un des enfants de la prophétie, il avait entraîné Éthan dans ses pérégrinations.

    Les Gardiens avaient été identifiés et chaque ligne de la prophétie correspondait : leur naissance lors de la nuit de l’étoile, le symbole sur leur poitrine, leurs liens avec l’un des quatre éléments et l’utilisation magique de ce lien alors qu’à l’exception de Jamir, le Gardien du feu, ils venaient de peuples qui ne maîtrisaient pas directement la magie. Malak acceptait l’idée qu’Éthan ne soit pas un Gardien. Toutefois, il ne pouvait envisager qu’il soit une arme dormante des Sorciers. Il l’avait observé durant des mois entiers depuis leur fuite d’Ythéria et il était bien placé pour savoir qu’Éthan n’était pas un Sorcier, comme certains le laissaient entendre. Magnus et Eliabeth, deux des cinq éminents Hauts Sages, semblaient en effet en être intimement persuadés.

    Jusqu’à présent, Éthan était consigné dans ses appartements, constamment sous la surveillance de trois Mages de feu, facilement reconnaissables à leurs robes rouges. Ces Mages étaient en charge de la sécurité du palais et de ses visiteurs. Au nombre de quarante, ces hommes et femmes avaient suivi un entraînement particulier et étaient l’élite dans leur classe respective. On trouvait des Élémentalistes, des Métamorphes, mais également des Psychés. À leur tête, Karon, un Mage de feu, veillait d’une main de fer aux règles que tout un chacun, Mage, personnel ou invité, devait suivre.

    Dans le contexte actuel, Karon avait décidé de veiller personnellement, avec deux de ses meilleurs hommes, sur le jeune Ythérien. La présence du jeune homme si près des Gardiens rendait tous les Mages nerveux. Néanmoins, Malak connaissait Karon depuis des décennies et avait confiance en son jugement et son impartialité. Il ne craignait pas pour la vie d’Éthan.

    Jusqu’au verdict, le jeune homme avait interdiction de sortir de ses appartements, sauf lorsqu’il était convoqué par le Haut Conseil et dans ces cas-là, son transfert se réalisait sous escorte. Bien entendu, il ne pouvait en aucun cas avoir de contact avec les Gardiens. Cette décision avait considérablement offensé Hala dont la loyauté envers Éthan, son ami et sauveur, était sans limites. Seuls Mira, Prisca, Rambi et Malak avaient eu l’autorisation de lui rendre visite.

    Le Mage arriva devant les deux grands panneaux de bois avant même de se rendre compte du chemin parcouru. Il s’arrêta alors face à l’entrée de la salle sacrée. Le Tribeüm était le fief du Haut Conseil. Toutes les décisions importantes se discutaient en ce lieu. Malak avança la main vers la clenche et se rendit compte qu’elle tremblait. Aujourd’hui se jouait le sort de son jeune ami et c’était Malak qui devait assurer toute la plaidoirie. Le Mage inspira un grand coup et poussa les majestueuses portes.

    Les cinq Hauts Sages étaient déjà présents et discutaient entre eux. La courtoisie était de mise, comme à l’ordinaire. Depuis la création de cette institution, il était de rigueur que les cinq Mages constituant le Haut Conseil des Sages soient exemplaires et arrivent à un consensus sans qu’aucune dissension ne paraisse entre eux. Ils n’étaient pas toujours du même avis. Parfois, plusieurs semaines, voire des mois pouvaient s’écouler avant qu’une décision par consensus ne soit prise, mais une fois prononcée, chacun devait la respecter et avoir une attitude collective. Le Haut Conseil des Sages parlait d’une seule voix.

    Malak traversa nerveusement la pièce. Elle lui parut particulièrement grande en ce jour. Son attention se fixa sur des détails anodins : les rayons solaires sur le parquet patiné, le fil décousu d’un rideau, un oiseau devant les larges vitres, le tintement sonore du cristal composant les lustres… Puis, machinalement, il se positionna près de la chaise faisant face à l’estrade sur laquelle se trouvait le Haut Conseil. Celui-ci était constitué de cinq Mages : Ariana, Eliabeth, Magnus, Actors et Allarus.

    « Hauts Sages, je vous salue, débuta comme à l’accoutumée le Mage en fixant ses interlocuteurs dans les yeux.

    — Malak, mon ami, nous te saluons également. Je t’en prie, prends place », lui répondit Allarus de sa voix posée et pleine de sagesse.

    Malak et Allarus se connaissaient depuis de nombreuses années. Le premier, orphelin à l’âge de dix ans, avait très rapidement été pris sous l’aile du vieux Mage. Allarus était un ami personnel du père de Malak. À la mort accidentelle de ses parents, il avait suivi avec minutie l’évolution du jeune Mage de feu. Quelques années plus tard, ce fut sans grande surprise que Malak fut choisi pour participer à la plus grande quête de tous les temps : retrouver les enfants de la prophétie. Ils étaient vingt Mages à l’origine. Si peu revinrent.

    « Aujourd’hui, une décision doit être prise concernant Éthan. Malak, veux-tu bien nous résumer une dernière fois les différents arguments en faveur de ce jeune homme, afin que nous puissions étudier la question de manière éclairée et sans oublier le moindre point ? » demanda Ariana de sa voix rocailleuse.

    Cette dernière, descendante d’une très longue lignée de Mages, était la plus jeune du Haut Conseil. Elle l’avait rejoint à peine douze ans plus tôt. Ses décisions, ses arguments pleins de sagesse, son esprit analytique et son franc parlé étaient toujours appréciés de ses quatre homologues. Ils respectaient son jugement, et ce, malgré son jeune âge en comparaison des leurs. Elle dénotait également de ses confrères par son physique quelque peu excentrique. Elle portait de nombreux piercings et une flamboyante chevelure rouge sang au milieu de laquelle ses yeux bleus ressortaient tels deux saphirs.

    Malak prit quelques instants de réflexion. Il devait être clair, concis et direct.

    « Trois principaux faits m’encouragent à penser qu’il doit suivre l’entraînement dispensé aux quatre Gardiens. Même s’il n’est pas l’un d’entre eux, son aide peut s’avérer utile. Nous sommes tous d’accord pour dire aujourd’hui, ajouta Malak en fixant Magnus et Eliabeth, qu’Éthan est un Mage. Particulier, j’en conviens, mais un Mage.

    Premièrement, il porte sur le thorax une marque identique à celle des Gardiens. Ce qui ne peut être un pur hasard. Deuxièmement, son Aura prouve qu’il est doté d’une très grande puissance, il serait complètement irresponsable de ne pas l’impliquer dans la guerre contre les Sorciers ! Commença à argumenter Malak tandis que Magnus lui lançait un regard lourd de reproches à l’insulte déguisée. Enfin, son pouvoir est en symbiose avec celui des Gardiens, comme nous nous en sommes aperçus lorsqu’il a pressenti le danger que courait Hala chez les Nâgas. »

    Le Mage se tut. Rien de ce qu’il ajouterait ne pourrait changer le cours des choses à présent. Ces trois faits se suffisaient à eux-mêmes.

    « Merci Malak. L’un d’entre vous veut-il rajouter quelque chose avant que nous délibérions ? demanda Allarus en souriant discrètement au Mage qui venait d’exposer son argumentation.

    — Je ne m’explique pas la relation qu’a ce jeune homme avec les Gardiens, mais cela ne fait pas de lui un Mage. Nous ne savons pas qui il est exactement. Même lui l’ignore, intervint Magnus dont la petite moustache lui donnait un air strict.

    — En effet, et pour moi, la seule chose dont nous sommes absolument sûrs, c’est justement qu’il n’est pas un Mage. Ses pouvoirs ne correspondent à aucune des classes établies. Alors, posons-nous la question, à savoir s’il… reprit Eliabeth pour compléter l’idée qui germait dans l’esprit de son confrère.

    — S’il n’est pas un Sorcier ! l’interrompit Malak avec de la colère dans la voix. Avec tout le respect que je vous dois, je voyage avec lui depuis de nombreux mois. J’ai assisté à la mort de ses parents, sauvagement massacrés sous ses yeux par les sbires d’Arkan. Il a également fait face à Lothar et à son armée pour sauver les Mères du Grand Temple, entraî…

    — Entraînant la mort du Sorcier rouge ! Oui, nous savons cela ! reprit sèchement Eliabeth, dont le fin visage et la chevelure grisonnante lui donnaient un air chevalin. Mais Lothar a été tué par la Sorcière Trisha au moment où celui-ci allait occire le jeune homme. Pourquoi ? Que sait-elle que nous ignorons ? Qu’a-t-elle vu qui puisse justifier son action ? Je ne remets pas en doute le fait que ce jeune homme ait beaucoup souffert par la faute des Sorciers, mais comme Magnus le soulignait, lui-même ne sait pas qui il est et d’où il vient. Qui nous prouve qu’il n’est pas une arme secrète employée à son insu par le Démon pour détruire les Gardiens ? Sinon, pourquoi Trisha aurait-elle sacrifié son amant pour ce jeune garçon qu’elle n’avait jamais rencontré auparavant ? Trop de questions restent sans réponse à mon avis. 

    — Je pense qu’Eliabeth a soulevé un point pertinent. N’est-ce pas un risque pour l’avenir que de le laisser côtoyer les Gardiens ? Ceux-ci doivent suivre un entraînement particulier afin de développer leurs pouvoirs, créer une parfaite symbiose entre eux et développer une confiance mutuelle sans égal. La prophétie nous met en garde sur ce sujet :

    Quand les ombres en sursis,

    Prêteront enfin allégeance,

    Les gardiens, d’être réunis,

    Seront proches, mais sans confiance.

    Ils doivent apprendre à se connaître et à se comprendre au-delà de leurs différences culturelles. Sa présence ne risque-t-elle pas de les déstabiliser ? Et nous ne pouvons écarter le fait qu’il puisse être une arme dormante des Sorciers. Je pense qu’il est même dangereux de le laisser en liberté ! argumenta Magnus.

    — Si je reprends tes arguments Malak, continua Eliabeth, ne trouves-tu pas étrange qu’il porte une marque identique aux Gardiens et qu’il soit en résonance avec eux ? Tout porte à croire qu’il devait les infiltrer ou du moins s’en approcher au plus près. Dans ces conditions, ne devons-nous pas nous poser la question suivante : pourquoi ? Si par malheur, nous n’avions pas trouvé les quatre Gardiens, mais seulement trois en plus de lui, combien de temps aurions-nous mis pour nous apercevoir que ce jeune homme était un imposteur ? Une fois que l’un d’entre eux aurait trouvé « accidentellement » la mort ?

    — Je pense qu’il ne faut pas s’emballer, intervint Actors pour la première fois depuis le début de la séance. Comme Malak nous l’a rapporté, ce jeune homme a toujours combattu les Sorciers et il semble avoir la confiance de nombreuses personnes, notamment celle de Malak, de Hala, Gardienne de l’eau et des Rockshriim de Karagandha. »

    Cet homme était le plus ancien membre après Allarus dans le Haut Conseil des Sages. Malgré sa longue barbe blanche, son crâne dégarni, son dos voûté et la peau flasque de son visage, ses yeux pétillant de vitalité et d’espièglerie rendaient ce personnage aussi énigmatique que chaleureux. Issu également d’une longue lignée de prestigieux Mages, il était le dernier de sa lignée, toute sa famille ayant été massacrée par Radhamante. Sa femme et ses deux fils avaient péri dans d’horribles souffrances, torturés puis déchiquetés par la bête du Sorcier qui ne le quittait jamais. Ce drame avait failli anéantir le Mage et même après de nombreuses années, la douleur était toujours présente. Pas une nuit ne passait sans qu’il ne fasse le vœu d’assister à la mort du Sorcier et de son Démon sanguinaire.

    « Oui, mais également celle des Nâgas, de la Mère Suprême du Grand temple et peut-être aussi de Trisha Opus de Selemiun. Dois-je vous rappeler que les premiers exterminent sans pitié les Mages depuis des millénaires, que les seconds nous ont chassés des Terres d’Antyras et condamnés à mort au cas où nous reviendrions et quant à la troisième, ses méfaits se passent de commentaires ! compléta Eliabeth en plongeant son regard d’un vert intense dans celui d’Actors.

    — En parlant des Nâgas et du Grand Temple, nous devons également prendre une décision. Le représentant du peuple Nâga est pour le moment sous bonne garde dans ses appartements, mais combien de temps acceptera-t-il cette situation ? De son côté, le Grand Temple attend une éventuelle aide de notre part au vu de la trêve négociée par Éthan. Je pense qu’il ne faut pas oublier que grâce à lui, il nous est possible de faire la paix avec ces deux ennemis héréditaires, bien évidemment si nous prenons les bonnes décisions ! reprit Ariana.

    — Si vous le permettez, je souhaiterais rajouter quelque chose concernant ce point, demanda Malak après un léger raclement de gorge pour attirer l’attention des cinq Mages sur lui.

    — Bien entendu ! Nous t’écoutons mon ami, lui répondit Allarus, un sourire bienveillant accroché aux lèvres.

    — Au début de notre voyage, je ne portais pas le Grand Temple dans mon cœur et c’est toujours le cas aujourd’hui. Lorsque j’ai découvert que la Mère Suprême elle-même voyageait parmi nous, j’ai cru que j’allais la tuer de mes propres mains. Cette femme m’insupportait par son intolérance, sa haine, son caractère autoritaire et son comportement égocentrique. Mais ensuite, grâce à Éthan et au Prince Rambi Nai-sing, elle a évolué et nous a même aidés, au risque de perdre sa fonction. Cela bien évidemment, en contrepartie d’une éventuelle alliance, mais sans toutefois aucune garantie de notre part. Éthan lui a fait comprendre qu’il n’était pas en notre avantage de laisser les Sorciers prendre position et régner irrémédiablement sur les Terres d’Antyras. Cela renforcerait leur domination sur le monde et leur permettrait d’obtenir un contingent de soldats quasi sans limites, si ces territoires tombaient définitivement sous leur coupe. Aujourd’hui, le Grand Temple résiste de toutes ses forces face aux assaillants, mais ce n’est qu’une question de semaines avant qu’il ne soit investi. Il est impératif que nous les aidions.

    Quant aux Nâgas, ils sont liés à Éthan par une étrange prophétie et le considèrent comme leur roi. Ils le suivront où qu’il aille et quel que soit l’ennemi. Nous avons ici l’opportunité de faire la paix avec cette race d’incroyables guerriers qui ont toujours tenu tête à nos plus grands Mages. Ne ratons pas cette occasion. Leur savoir, leur courage et leur force peuvent être des atouts décisifs dans la guerre qui nous oppose aux Sorciers. J’ai voyagé avec Ashak et à son contact, j’ai appris à le connaître. Lui, mais également son peuple. Ce sont des êtres fidèles et respectueux de leurs croyances. Or, si nous voulons signer un traité de paix avec eux, il est fortement déconseillé de garder Éthan prisonnier. J’ai encore, à ce jour, la confiance d’Ashak, mais cela ne durera pas éternellement.

    — Merci Malak pour ces informations complémentaires et pour ton analyse éclairée sur les faits qui nous préoccupent. Si vous êtes tous d’accord, je vous propose de délibérer afin d’aboutir à une solution qui prendra en compte toutes les données du problème. Malak ! Si tu veux bien nous excuser. Nous te convoquerons, ainsi qu’Éthan, lorsqu’un consensus aura été établi, conclut Allarus en se levant et en regardant son ami par-dessus ses lunettes en demi-lune.

    — Bien sûr ! J’attendrai d’ici là dans les appartements d’Éthan », répondit Malak respectueusement. 

    Il se leva du fauteuil, salua les cinq Hauts Sages et se dirigea vers les deux lourds battants de la salle du Conseil. Une fois ceux-ci refermés, il se mit en chemin vers les appartements où se trouvait le jeune Ythérien, toujours sous surveillance.

    Les cinq Hauts Sages attendirent quelques minutes sans échanger le moindre mot. Chacun était perdu dans ses pensées et réfléchissait à la somme des informations récoltées durant le mois écoulé. À présent, ils devaient prendre une décision.

    « Mes amis, j’aimerais que nous analysions la situation de manière objective et en prenant en compte les enjeux actuels, annonça Allarus en brisant le silence. Avant toute chose, j’aimerais connaître votre avis. Puis nous discuterons afin d’aboutir à un consensus… pour le bien de tous.

    — Pour moi, c’est un Sorcier, commença Eliabeth.

    — Je ne sais pas ce qu’il est, mais je ne le pense pas néfaste, continua Actors.

    — J’ignore également à quelle catégorie il appartient, mais je suis persuadé qu’il est une arme dormante des Sorciers introduite ici pour détruire les Gardiens, intervint Magnus.

    — Un Mage, fit Ariana en fixant sereinement ses collègues de ses grands yeux bleus.

    — Je rejoins partiellement l’avis de Magnus, compléta Allarus. Mais alors, quelle décision devons-nous prendre ? S’il est une arme dormante, il est manipulé à son insu. En d’autres circonstances, je m’interrogerai sur le fait d’avoir le droit de sacrifier un innocent sur des suppositions. Pourtant, aujourd’hui, nous parlons de la survie de tous les peuples libres des Deux Terres. Dans cette éventualité, faut-il le détruire ou essayer de retourner cette arme à notre avantage ? Là est la question primordiale. »

    Sur le parcours le menant aux appartements d’Éthan, Malak rencontra quelques confrères de son ordre qu’il salua rapidement d’un signe de tête. Il ne prit pas le temps de s’arrêter. Depuis son retour, de nombreux Mages souhaitaient discuter avec lui et les trois autres Mages qui avaient réussi l’incroyable exploit de ramener en vie l’un des quatre Gardiens. Mais de ces héros, Malak était le plus sollicité, car il avait voyagé sur l’autre continent, traversé la grande mer, rencontré les dirigeantes du Grand Temple, cheminé à travers les Marais jaunes et en était ressorti vivant. Tant d’exploits que tous voulaient entendre et savourer, en particulier les plus novices de leur congrégation.

    Aussi, afin d’éviter la grande galerie où se croisaient de nombreuses personnes, le Mage bifurqua rapidement dans un petit couloir s’ouvrant sur sa gauche. Celui-ci s’allongeait sur un quart de lieue et se terminait par une petite arche de pierre. Ce parcours était plus long pour se rendre dans le quartier des invités, mais bien moins fréquenté par les habitants du palais. Arrivé au bout du passage, il déboucha sur un patio arboré. Un chemin de ronde muni de colonnes blanches richement travaillées encadrait le jardin. Le soleil brillait intensément en cette belle matinée de printemps. La chaleur de ses rayons réchauffait la terre comme les hommes.

    C’était le début de la lune de fleur. Les parterres de bourgeons ressemblaient à un patchwork de mille et une couleurs. Des taches or, andrinople, vermillon et indigo prospéraient au milieu de l’étendue verte composée d’herbe grasse soigneusement entretenue. Ici et là émergeaient des giroflées, des jacinthes, des iris ou encore de magnifiques asters et campanules. Au centre trônaient des arbres aux feuillages colorés et légers, arborant leurs plus belles parures. Un ravissement pour l’œil et le nez, qui ne pouvait ne pas capter les différentes fragrances s’échappant des myriades de pétales. Ce patio invitait à la détente et à la relaxation.

    Une seule personne s’y trouvait lorsque Malak y pénétra. Assise sur un banc de pierre, les yeux fermés, elle écoutait le doux bruissement du souffle dans les feuillages touffus des eucalyptus. Son thorax se soulevait et se rabaissait au rythme de sa profonde respiration, tandis qu’elle tentait de capter et d’enregistrer chaque odeur voyageant sur les ailes du vent. Discrètement, Malak se rapprocha de la jeune fille et contempla son innocent visage illuminé par la caresse du soleil. Une petite branche craqua sous les pas du Mage, rappelant à la réalité la jeune fille du patio. Cette dernière ouvrit alors les yeux et, un sourire accroché au coin des lèvres, elle contempla le Mage.

    « Bonjour Malak. Comment cela s’est-il passé ce matin ? demanda-t-elle une légère angoisse dans la voix.

    — Bonjour Prisca. À dire vrai, je n’en sais rien, mais nous serons fixés aujourd’hui. J’ai essayé de les convaincre, mais je ne suis pas sûr d’y être arrivé. Aussi ne nous reste-t-il plus qu’à attendre leur verdict. Mais dis-moi, comment as-tu eu connaissance de ce patio ? C’est bien loin des appartements des invités et peu de personnes s’aventurent dans cette partie du palais.

    — C’est exactement le but recherché. J’avais besoin de calme et de tranquillité. Ce palais est une véritable fourmilière, bien plus grand que le Grand Temple. Depuis notre arrivée, je suis continuellement le centre d’attentions d’individus qui veulent écouter le récit de notre voyage ou me poser de multiples questions. Fatiguée de cette sollicitude continuelle, la semaine dernière, je me suis éloignée des grandes artères de ce palais et j’ai fini par découvrir ce petit coin de paradis. Ici, tout y est plus simple, plus reposant.

    — En effet, c’est un lieu paisible et magnifique et heureusement peu fréquenté. Un véritable havre de paix. »

    Le Mage se tut quelques secondes et contempla la jeune fille qui suivait des yeux un magnifique papillon bleu et jaune. Elle était si belle, si douce et… si jeune malheureusement.

    « As-tu rencontré Maître Gillian ?

    — Oh, oui ! Merci Malak d’avoir organisé cet entretien. Cet homme est un vrai puits de connaissance. Il est d’une grande patience, déborde de curiosité et respire la bonté et l’ouverture d’esprit.

    — Ce n’est pas pour rien qu’il a été nommé érudit et historien en chef du palais.

    — Finalement, il a accepté de me prendre à son service, en tant qu’assistante bien sûr. Ainsi, nous pourrons apprendre mutuellement l’un de l’autre m’a-t-il dit : il m’enseignera l’histoire, les us et coutumes et les légendes des Terres d’Avalyn et moi celles des Terres d’Antyras. Comme il l’admet lui-même humblement, ses connaissances concernant mon pays remontent à ce qui a été écrit avant la séparation du monde. Mille ans se sont écoulés depuis.

    — C’est parfait ! Quand commences-tu ?

    — La semaine prochaine et uniquement le matin pour débuter. Encore merci Malak », répondit l’ancienne novice, le regard empli de bonheur.

    La jeune fille referma les yeux et tendit son visage vers l’astre solaire. Elle rayonnait comme jamais. Malak la contempla ainsi sans dire un mot afin de ne pas briser le tableau qui se présentait à lui.

    Chapitre 2

    Une heure plus tard, Malak se présenta devant la porte des quartiers d’Éthan. Les trois Mages en faction le saluèrent amicalement et se décalèrent afin de le laisser passer. Il frappa deux petits coups secs sur le panneau de bois et attendit. Un entrez sourd se fit entendre de l’autre côté. Il ouvrit la porte et pénétra dans les appartements luxueux qui avaient été attribués au jeune homme.

    Comme tous ceux des invités, son logement se composait de trois pièces. Dès l’entrée se trouvait un large vestibule aux murs blancs où seule une confortable banquette décorait la pièce. Elle permettait généralement aux personnes reçues de patienter. Ensuite venait la pièce principale, à la fois bureau et salon, au centre de laquelle trônait un magnifique secrétaire de bois rouge. Le long des murs, deux petites bibliothèques soutenaient une modeste collection de livres — des copies bien évidemment — pour le bon plaisir des invités. Le parquet ancien, tiré d’une essence claire, était recouvert d’un épais tapis blanc et ocre en peau de bneuf.

    Sur le mur donnant vers l’entrée, une cheminée éteinte en cette saison trônait de toute sa hauteur sur l’ensemble de la pièce. À l’extrême droite se trouvait un petit guéridon qu’entouraient trois hauts sièges recouverts de velours rouge clouté permettant de partager à l’occasion une tasse de thé avec quelques amis. Enfin, sur la gauche, une porte donnait accès à la troisième pièce : la chambre. Elle se composait d’un grand lit à baldaquin, d’une immense penderie et de deux coffres en bois magnifiquement sculptés et recouverts de marqueterie provenant d’un célèbre village des Contrées.

    Malak se dirigea immédiatement dans le salon où l’attendait Éthan. Ce dernier se tenait face à la fenêtre et contemplait le paysage grandiose qui se présentait à lui. Un immense parc se trouvait au pied du bâtiment, bordé à l’Ouest par un petit bois aux reflets argentés, dû à la prédominance d’épicéas gris. Cette magnifique vue ravivait d’anciens souvenirs de la campagne entourant Ythéria, ce qui n’arrangeait en rien l’humeur déjà morose du jeune homme. Il se remémorait les bosquets près de la ferme où il vivait et, chemin faisant, il repensa à ses parents assassinés.

    En outre, contempler ce panorama uniquement depuis ses appartements le ramenait indubitablement à sa condition de prisonnier. Il n’avait pas quitté ce logement depuis son arrivée à Endraïle, hormis lors des quelques convocations du Haut Conseil. Il étouffait à rester ainsi cloîtré à l’intérieur, tandis qu’un magnifique soleil brillait dehors.

    Le jeune homme se retourna en entendant les pas de son visiteur s’arrêter à quelques toises de son dos. Il n’avait pas besoin de se retourner pour savoir que c’était Malak. Il avait passé assez de temps avec le Mage pour reconnaître immédiatement ses schèmes mentaux.

    « Bonjour Éthan. Comment vas-tu aujourd’hui ?

    — Je me sens comme un animal en cage Malak et… je suis complètement perdu. Depuis un mois, je me pose continuellement la même question : qui suis-je ? Jour et nuit… Il me faut des réponses et actuellement, je n’ai que trop de temps pour ressasser cette même question. J’ai besoin de sortir d’ici, de m’occuper l’esprit à autre chose… je vais devenir fou Malak si cela continue, lâcha subitement le jeune Ythérien comme s’il cherchait à expulser ses peurs et ses doutes.

    — Je sais Éthan. Je fais le maximum pour te faire sortir d’ici, mais… 

    — Alors fais plus ! C’est toi Malak qui m’as emmené ici, toi qui m’as dit que j’étais un Gardien, toi qui m’as présenté à mes Geôliers ! Je t’ai suivi, je t’ai donné ma confiance et regarde où je suis aujourd’hui. Oh ! Bien sûr, ma cage est dorée, mais que m’importent ces beaux tapis et ces meubles précieux », hurla Éthan.

    Ses yeux s’emplirent de leur feu magique et virèrent au bleu clair, presque translucide. Sous sa tunique blanche, sa marque thoracique se mit à briller et à pulser au rythme effréné de son cœur. L’Aura du jeune homme se mit soudainement à augmenter, tandis qu’un vent tourbillonnant fit vibrer les poils du tapis.

    Le jeune homme frappa le bureau d’un coup de poing afin de ponctuer l’intensité de sa colère. Au moment où celui-ci rencontra le noble bois du mobilier, le secrétaire explosa littéralement, projetant dans toute la pièce de fines échardes et autres morceaux du meuble. Avant même que toutes les particules aient atteint le sol, la porte s’ouvrit à la volée. Dans un assourdissant fracas, les trois Mages en robes rouges pénétrèrent dans la pièce principale. Une sphère de feu brûlait dans chacune de leurs mains. Réagissant comme l’éclair, Malak s’interposa immédiatement entre le jeune Ythérien et ses trois geôliers.

    « NON ! hurla-t-il à son tour, tout en tendant une main vers ses trois compatriotes. Je maîtrise la situation. 

    — En es-tu certain Malak ? demanda un Mage aux cheveux poivre et sel et au visage buriné. Ses yeux verts remplis de suspicion dardaient le jeune homme.

    — Oui Karon. Il avait juste besoin de se défouler. Tu peux retourner dans le couloir, tout va bien », répliqua Malak en regardant le jeune homme qui venait de s’asseoir à même le sol, la tête entre les deux mains.

    Le dénommé Karon jeta un coup d’œil perplexe à ce qui restait du bureau. Puis, faisant signe à ses deux acolytes, il fit disparaître de ses mains le feu magique et repartit vers le couloir. Une fois la porte partiellement tirée, Malak se dirigea vers son jeune ami et s’accroupit face à lui.

    « Excuse-moi Malak, je ne voulais pas dire… 

    — Tu as parfaitement raison, tout ceci est de ma faute. J’en suis parfaitement conscient… à présent, trancha le Mage d’une voix glacée. Je venais t’annoncer que le Haut Conseil des Sages va rendre sa décision aujourd’hui. Il devrait également se prononcer sur ce qui doit être entrepris pour le Grand Temple et les Nâgas, reprit-il après quelques minutes de silence.

    — Malak, tu sais que je n’accepterai pas la captivité. J’ai pour le moment attendu sagement la décision du Haut Conseil,… mais sache que s’ils essaient de me retenir de force, je mettrai alors tous les moyens en ma possession pour m’enfuir. Je voulais que tu sois au courant afin que tu ne trouves pas sur mon chemin. Je ne souhaite pas que tu sois blessé », répondit froidement le jeune homme, le regard fixé sur celui du Mage.

    Ce dernier eut un hoquet de surprise, plus pour l’intensité de ce regard que pour les mots qui venaient d’être prononcés.

    Le Mage fut soudainement rappelé à la réalité par des coups énergiques qui résonnèrent sur la porte restée entrouverte par l’intrusion musclée des trois Mages.

    « Monsieur ! Le Haut Conseil des Sages demande à vous voir sur-le-champ », cria une voix grave depuis le vestibule.

    Le jeune homme se leva. Sans prononcer un seul mot, il se dirigea vers la porte. Malak pouvait lire de la détermination dans ses yeux verts. Comment cela allait-il se terminer, se demanda alors le Mage. Il prenait très au sérieux ce qu’Éthan venait de lui dire. Si le Haut Conseil décidait de l’emprisonner, du sang risquait de couler. Alors, comment devait-il réagir ? Il l’ignorait lui-même. Allait-il briser son allégeance au Palais des Mages pour aider son jeune ami ou bien le trahir en participant à sa neutralisation. Ne devait-il pas, comme le lui avait suggéré Éthan, s’abstenir d’être présent.

    Malak emboîta le pas du jeune Ythérien, tout en continuant à se poser mille et une questions. Il se dirigea vers la porte derrière laquelle attendaient les trois Mages en faction. Un nouveau venu en robe noire, symbole de la classe des Psychés, et à l’air hautain attendait nerveusement le jeune Ythérien. Il se tenait près de Karon et des deux autres Mages de feu. Lorsqu’Éthan sortit de ses appartements, le Psyché prit immédiatement la direction du grand hall sans lui adresser le moindre mot. Sur sa poitrine se trouvait le même symbole que les Mages rouges : deux ellipses noires enlacées, à l’exception du soleil gris qui était remplacé par un œil ouvert. Karon et ses deux compagnons se positionnèrent de part et d’autre du jeune homme, tandis que Malak suivit le petit groupe quelques pas en arrière, perdu dans ses insondables pensées.

    Lorsqu’Éthan pénétra dans le Tribeüm, il eut l’agréable surprise de découvrir Ashak qui se tenait immobile sous le regard scrutateur des cinq Mages. Tout comme le jeune homme, le Nâga avait été assigné à résidence et gardé sous étroite surveillance. Même s’il avait passé sans encombre la ceinture d’Adriëndir, il restait pour le moment un ennemi des Mages. Depuis bien trop longtemps, le peuple Nâga massacrait tous ceux qui venaient se perdre dans les Marais jaunes : homme, femme et enfant. La pitié n’était pas de mise pour eux. Éthan et Ashak ne s’étaient pas revus depuis leur arrivée à Endraïle, un mois plus tôt. Une personne avait eu l’autorisation de rendre visite au Nâga afin de lui expliquer la situation actuelle et de lui intimer la plus grande patience : Malak. Il avait endossé ce rôle à la perfection, car il connaissait suffisamment l’homme-serpent pour avoir voyagé à

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