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Même si mes yeux pleuraient, mes larmes ne couleraient pas
Même si mes yeux pleuraient, mes larmes ne couleraient pas
Même si mes yeux pleuraient, mes larmes ne couleraient pas
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Même si mes yeux pleuraient, mes larmes ne couleraient pas

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Marzam est un pays où tout ramène à la mort qu’on aime plus que la vie. Sur toutes les ondes des radios nationales, qu’elles soient publiques ou privées, tout le monde a les oreilles collées aux postes pour entendre les avis des décès, si ce n’est des communiqués pour remercier tous ceux qui ont contribué aux malheurs des familles éprouvées. Quant aux morts, à travers certains qui se disent connaisseurs, ils ont leur propre histoire à raconter. C’est qu’à Marzam, ils sont nombreux à se considérer comme des spécialistes de la mort. Jacques Fakarmaffi, dit le chien qui fume, et Abdoulaye Logamou, le politicien, ne sont pas en reste. Entre les morts qui sont définitivement morts et ceux qui ne veulent pas mourir, alors qu’ils le sont, il y a tant à dire. Quant à moi, Ngadatna, je trouve que les morts régissent trop notre précaire vie, et qu’il faudrait légiférer sur ce phénomène afin de mieux contrôler ses coûts socio-économiques dans le pays. De toute façon, la vie comme la mort sont des dons. Et si quelqu’un, par caprice, décide de s’ôter la vie, par exemple en se suicidant, il devrait d’abord être fouetté avant d’être enterré. C’est probablement à cause de toutes ces considérations que j’ai cessé de pleurer les défunts, car mes larmes ont, par leur propre volonté, refusé de s’épandre. Au grand dam des miens qui me honnissent pour ce comportement.
LanguageFrançais
Release dateNov 13, 2018
ISBN9782312063034
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    Même si mes yeux pleuraient, mes larmes ne couleraient pas - Avocksouma Djona Atchénémou

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    Même si mes yeux pleuraient, mes larmes ne couleraient pas

    Avocksouma Djona Atchénémou

    Même si mes yeux pleuraient, mes larmes ne couleraient pas

    Roman

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2018

    ISBN : 978-2-312-06303-4

    Au Dr Denis Mukwege Mukengere, Patriote africain,

    Digne fils de la RDC, l’homme qui répare les femmes.

    Chapitre 1

    C’est toujours moi Ngadatna qui me présente encore devant vous. Comme s’il était inscrit quelque part que l’on ne devrait parler que de moi. Comme pour imprimer une quelconque marque de quelqu’un qui est au-dessus de la mêlée. Comme tous ces saints prophètes dont on ne cesse jamais de radoter leurs dires alors qu’ils sont déjà morts il y a si longtemps. Et pourtant moi, je ne fais que narrer des choses qui sont parfois aussi improbables les unes que les autres. Je me souviens des conversations du quartier qui me faisaient croire que tout ce qu’on raconte dans un livre était vraisemblable. Comme si c’était la stricte vérité. Les Anglo-Saxons ont bien raison lorsqu’ils définissent les romans par un terme très rêveur de « fiction ». Même en français de France, la fiction ce n’est rien d’autre que de l’imagination. Une de mes copines était même convaincue que tout ce que je rapportais dans des livres était totalement vrai, en particulier dans « Moi, Ngadatna, le fils opposant. Le livre du fils et du père ». Que cela révèlerait mon véritable côté caché, mes comportements qu’elle ignorait. Pourtant ce n’était que de l’imagination. D’autres prennent mes écrits pour des vérités telles que racontées dans les Livres saints. Je me souviens encore des palabres à n’en point finir entre les croyants de l’Église protestante de mon ancien village, enfin le village d’où seraient issus mes défunts parents. Il paraît que là-bas, ils se battent tout simplement parce que quelqu’un n’a pas su bien interpréter les paroles de Dieu qui sont inscrites dans la sainte Bible. Ils disent que ce qui est énoncé dans les saintes Écritures ne peut être que de la pure vérité. Même les paraboles qui sont traduites de l’anglais ou du français en langues vernaculaires ne peuvent être qu’exactes, quand bien même les contextes sont totalement différents.

    Comme vous devez vous imaginer, j’ai un compte à régler avec la vie. Depuis Moi, Ngadatna, le fils opposant, sorti en février 2018 aux Éditions Atramenta, je reviens encore pour vous faire part de ma réflexion sur des sujets de la vie, en particulier sur la mort. « C’est grave, ce que tu fais-là. On ne parle pas à la légère de la mort. On te prendrait pour un sorcier, mangeur des âmes », m’avertit mon ami Samedi, le Day qui se prend pour un Ngama. Pour moi, on n’a pas besoin d’être un savant ou un érudit pour parler de la mort. Quant aux sorciers, ils n’ont qu’à s’occuper de leurs affaires. C’est quand même la denrée la plus partagée dans la vie, et je ne vois pas pourquoi analyser le phénomène de la mort doit toujours relever du domaine privé de quelques-uns, en particulier des adultes et des sorciers. On n’a pas besoin d’être un savant pour en parler.

    De mon côté, et vous le savez peut-être déjà, figurez-vous qu’après avoir vadrouillé ici et là dans le monde, j’ai décidé de rentrer définitivement chez nous à Bâté. J’ai pu me trouver une maison en location au quartier Ngonba, non loin de la concession d’un oncle éloigné de mon défunt père, le bien nommé Mabagaye, passé de vie à trépas il y a une bonne dizaine d’années déjà. Je suis venu ici à Ngonba en homme oublié par la fortune. Sans héritage, sans renommée, sans diplôme, même pas un faux comme on en trouve tant dans notre pays. Évidemment, sans situation aussi ; tout de même si : chômeur sans emploi. Comme s’il y avait des chômeurs avec emploi, me raillait notre voisine qui s’était installée comme vendeuse de la bière de mil couramment appelée bili-bili.

    Comme vous le savez aussi déjà, je n’ai pas fait d’études, c’est-à-dire de vraies études à l’issue desquelles on certifie que vous êtes désormais capable d’être considéré comme un qualifié. Certes, il m’arrive d’être qualifié dans le petit larcin, mais on dit que ça, ce n’est point un métier. Pour moi, quiconque vit doit être qualifié en quelque chose. Comme il est dit dans les saintes Écritures, même les oiseaux qui ne sèment pas, et par conséquent ne récoltent pas, sont pourtant nourris, à plus forte raison un être humain comme moi. Je ne peux quand même pas être traité comme un moins que rien au point de ne pas mériter mon pain quotidien. Il faut bien que je me débrouille pour survivre. En conséquence, je suis dans une situation comme cela, dans un présent dont je ne réclame rien, puisque je n’ai rien fait de bon dans ma petite vie. Dans la société, je suis comme une entité négligeable, mais cela ne veut pas dire que je ne survis pas comme tout le monde, et que je sois épargné par la mort. Riche ou pauvre, on meurt toujours un jour ou l’autre.

    Maintenant que vous savez presque tout de moi, je veux vous confirmer que j’avais fini par être libéré de mon asile psychiatrique au motif du doute. Il paraissait que je n’étais pas tout à fait fou, et que je ne présentais aucune menace pour la société. Faible consolation pour moi, il faut le reconnaître. On n’aurait pas dû aller m’enfermer dans ce lieu lugubre pour soi-disant me rééduquer comme si j’avais été un animal méchant qui menaçait de mordre les passants. Tout ce que ces gens-là ignorent, c’est que tous ceux qui sont violents potentiellement, et qui portent atteinte à la sécurité des biens et des personnes ne sont pas toujours étiquetés comme des fous notoires avant de poser un acte morbide sur autrui.

    On oublie généralement que les vrais fous ne sont pas en institution. J’avais lu un livre passionnant qui abordait ce sujet{1}. Selon l’auteur, les véritables questions concernant la folie devraient être les suivantes : « Où s’arrête la normalité et où commence la folie ? Soigne-t-on dans nos hôpitaux les bonnes personnes malades mentales ? Hitler ou Staline étaient-ils fous ? » En réalité, selon moi, les fous se promènent comme des gens normaux dans la rue, vous saluent et dînent avec vous ou sont en charmante compagnie. Et pourtant, des fois… qui le sait ?

    Par exemple, le gourou tueur américain du nom de Charles Manson, celui-là même qui avait commandité l’assassinat de l’actrice Sharon Tate en 1969, et qui mourut d’ailleurs tranquillement sur son lit de prison le 20 novembre 2017 à l’âge de 83 ans, eh bien, figurez-vous qu’on l’avait toujours considéré comme quelqu’un de « normal » avant son passage à l’acte fatal, puisqu’il n’avait jamais été arrêté en tant que psychopathe. Certes, comme bon nombre d’autres suprématistes avant lui, avec sa croix gammée tatouée sur le front, il se prenait pour la réincarnation du Christ sur terre, et avait fomenté une série de meurtres dans le seul but de provoquer un affrontement entre Blancs et Noirs avec la ferme certitude que les premiers en sortiraient victorieux.

    Ces meurtres sauvages de Los Angeles avaient occasionné la panique dans la ville. Horrible. S’il était bien identifié comme fou, pourquoi l’avoir laissé en liberté ? Que je sache, Hitler n’a jamais été pris pour un aliéné mental. Tout comme d’ailleurs Staline et autre Pol Pot.

    Que dire de Jack l’Éventreur ? En effet, le fameux Jack, qui n’est en fait qu’un surnom d’un tueur en série, ne serait pas encore formellement identifié jusqu’à maintenant. Il aurait sévi en 1888 à Whitechapel, à Londres. On lui avait même attribué la responsabilité de cinq meurtres. Ces malheureuses victimes étaient toutes des prostituées comme si ce sinistre Jack avait des problèmes particuliers avec cette catégorie de personnes. Cependant, comme elles étaient toutes massacrées de la même façon : des balafres à la gorge, des mutilations à l’abdomen et aux parties génitales, et des organes prélevés, on avait extrapolé que cela ne pouvait provenir que d’un barbier. Or, il se trouvait qu’un certain Aaron Kosminski était lui aussi un barbier à la même époque, ce qui a fait dire que cet Aaron pouvait être Jack l’Éventreur. Ce qu’il fallait démontrer.

    En fait, le criminel était bien tapi dans la société. Il se la coulait douce. Totalement dilué parmi la population citadine. Comme un sous-marin. Comme une ombre lugubre. Peinard. Même les policiers n’y avaient vu que du feu. Par exemple, chaque matin, le fameux Jack l’Éventreur conduisait ses enfants à l’école. Puis, il faisait tranquillement le tour de la ville, buvant une tasse de thé ou du café ça-et-là tout en dégustant de croustillants croissants. Enfin, muni de son paquet d’outillage composé de rasoirs et de paires de ciseaux, il allait paisiblement continuer sa course du jour qu’il remettait à sa femme, avant de poursuivre sa quête de recherche d’argent en permettant à ses clients de se faire une beauté. Ce que l’on ignore, c’est comment il s’organisait pour aller assassiner ses victimes, et surtout quel était son mode opératoire. S’il avait été marqué sur son front qu’il était un fou dangereux, on l’aurait facilement démasqué, mais personne n’avait relevé le moindre soupçon dans son comportement.

    À l’époque donc des meurtres de prostituées, personne ne pouvait coller un visage sur le coupable. Et ce n’est que maintenant que l’on pense que cet Aaron, qui était à l’époque un émigré juif polonais de 23 ans et un barbier sachant manier les rasoirs, ne pouvait être que le supposé vrai meurtrier en série, puisqu’il connaissait bien l’anatomie humaine. Mince démonstration, à mon avis, puisque mon voisin Salam, par exemple, un barbier lui aussi, qui ne sait pas seulement manier les rasoirs, mais aussi les couteaux aussi tranchants les uns que les autres, n’est pas un meurtrier pour autant.

    Je sais que de temps en temps, Salam massacre des moutons et des bœufs, en tant que boucher occasionnel, mais personne ne le soupçonnerait d’être un criminel caché derrière la barbe de qui que ce soit. Mais les mauvaises langues ajoutent, pour probablement mieux aggraver son cas, que cet Aaron Kosminski avait été interné dans un hôpital psychiatrique pour avoir tenté de tuer sa sœur quelque temps auparavant. Il aurait alors été longtemps suspecté par la police de Londres, mais elle n’avait jamais pu le prouver, signe que les fous ne sont pas toujours fous pour venir comme cela se livrer à la police. Je ne dirais pas que ce sont des gens très intelligents, mais je ne le pense pas moins.

    Vous pouvez ne pas me croire, mais il n’y a pas d’aussi dangereuses personnes que les personnalités qui paraissent normales devant tous, alors qu’elles sont pathologiques lorsqu’elles se retrouvent seules face à d’autres humains sans défense. Sans raison apparente d’ailleurs, sauf que cela ne tourne pas rond dans leur tête. Comme toutes ces personnalités qui se cachent derrière ce qu’elles qualifient pompeusement de raison d’État pour éliminer leurs adversaires politiques.

    On cherche d’ailleurs encore à savoir qui a réellement tué Martin Luther King, Marien Ngouabi, Thomas Sankara, Norbert Zongo, et j’en passe. Tous ces immortels qui ne sont nés que pour être assassinés, être sacrifiés. Leur vie sur terre fait peur. Des complots sont ourdis partout contre leur petite personne. Leur disparition est souhaitée pour laisser place à des calculs machiavéliques de la part de toutes celles et tous ceux qui comptent sur leur absence pour profiter du vide que laissent ces pauvres victimes. Au nom des luttes de classes, des différences d’opinions, de divergences de religion, de problèmes de caste, de différences de genre, de race et des conditions socio-économiques On ne supporte pas leur présence sur terre. Comme ils se montrent plus intelligents, plus doués, plus riches, plus érudits, plus beaux, plus originaux que tout le monde, alors les autres, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas les plus pourvus par la nature leur en veulent. C’est tout naturel, ils les poussent, de gré ou de force à quitter ce monde et à aller rejoindre leur Dieu, dans ces cieux où les superlatifs abondent. Ils pourront faire là-haut leur malin avec les anges, tout en attendant le jour du Jugement dernier afin de se faire donner raison. Le monde ici-bas est destiné aux plus méchants, aux plus cyniques, aux plus cupides, aux plus assoiffés de pouvoir, aux plus exploiteurs. À ces derniers l’exploitation de l’homme par l’homme, de la femme par l’homme, de la femme par la femme, de l’homme par la femme, du Noir par le Blanc, des pays pauvres par des pays riches, des mécréants par les tenants des religions révélées. À eux toujours l’exploitation des biens de ce monde avec toutes les conséquences dramatiques qui vont avec. Les changements climatiques, le resserrement du nombre des plus riches qui accaparent tout au détriment du plus grand nombre des plus pauvres. Ces méchants, ces cyniques, ces cupides, ces puissants exploiteurs n’ont cure des guerres, des sécheresses, de la paupérisation que leurs actes provoquent au détriment de la paix dans le monde, et du bonheur de tous les humains.

    Devant l’omerta, on se demande qui finalement a assassiné ces hautes personnalités qui n’en finissent d’ailleurs jamais d’être mortes. Ce sont des morts qui ne sont pas morts. Parce qu’entre celui qui porte le glaive ou le couteau et qui tranche la gorge de son prochain, et celui qui commandite l’assassinat, on ne sait plus exactement qui est le vrai coupable. Parfois, on prend un pauvre idiot qui est innocent qu’on fait passer à la guillotine, alors que les vrais coupables courent toujours. En véritables fous en liberté. Les avocats sont faits pour cela : défendre l’indéfendable et tenter de tout faire pour laisser en liberté les vrais coupables. Comme tous ces hommes forts qui sont au-dessus de la justice et surtout de la loi.

    Chapitre 2

    Un matin, de bonne heure, alors que je venais d’arriver à Bayaka, le village natal de ma tante, pour y passer quelques jours, je fus réveillé par un homme. Natif de ce même village, apparemment calme, se prenant pour Jésus et Galilée réunis, il me lança, tout de go, d’une voix tonitruante : « En vérité, en vérité, ce n’est pas en disant la vérité que c’est la vérité. » Dans le quartier, tout le monde l’appelle Jacques Fakarmaffi. Les plus intimes l’ont affublé d’un surnom peu flatteur de « chien qui fume ». Je ne sais pas pourquoi on l’a surnommé ainsi. Lui-même ne le sait pas non plus. Pourtant, dans sa jeunesse, comme la plupart de ceux de sa génération, il avait fumé pendant un certain temps, et, depuis, il y a mis fin. En principe, on ne devrait plus à son propos faire allusion à la consommation du tabac. Est-ce parce que, lorsqu’il parle, il donne l’impression d’un chien qui a avalé un os que son gosier a du mal à faire passer ? Nul ne le sait. De toute façon, il n’en a cure.

    Jacques Fakarmaffi, alias le chien qui fume, est surtout connu pour être quelqu’un qui aime parfois dire des choses incompréhensibles, empreintes de sous-entendus. Certains le prennent pour un fou, et d’autres pour un philosophe qui aurait raté son parcours. Dans tous les cas, il est autant

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