Un nomade en ville: Récit d’un descendant des nomades du Sahara
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Book preview
Un nomade en ville - Brahim Bokori Youssoubo
Un nomade en ville
Brahim Bokori Youssoubo
Un nomade en ville
Récit d’un descendant
des nomades du Sahara
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
La photographie de couverture
Image d’illustration ; prise et retouchée par l’auteur lui-même.
Les mots dialectaux dans l’ouvrage
Le dialecte employé dans cet ouvrage est le Gorane
(langue parlée par les Toubous ou les Ikaradens dans le Sahara oriental)
et son écriture respecte la graphie ancienne
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-05831-3
Préface
On demande souvent aux jeunes tchadiens d’écrire des livres, pour faciliter leurs échanges avec le monde et se divertir en même temps. Et ce jeune a eu l’audace d’écrire ce roman à sa manière, pour exprimer son passé et son vécu et aussi pour faire découvrir sa culture au monde extérieur. Je trouve intéressant son projet et il donne aussi l’envie aux autres jeunes d’écrire, surtout en utilisant le français facile pour véhiculer leurs messages. Et cela les encourage à écrire très facilement et sans se faire des grands soucis. L’écriture est aussi une forme d’apprentissage. On apprend à écrire et on devient écrivain.
L’auteur a imaginé des continents, des pays, des régions et des villes qu’il les situe entre le Sahara et la steppe. Et il a raconté son histoire. Pour bien comprendre ce roman, il faut connaitre l’histoire du pays de l’auteur. Et celui-ci a utilisé un style nouveau qui inverse les noms des villes réelles et qui code ces dernières. Par exemple : Laitka veut dire Kalait qui est une ville située au nord-est du Tchad. Pour bien comprendre le contenu, il faut savoir déchiffrer les mots codés. Pour arriver à cela, il faut se référer tout le temps à l’histoire du pays de l’auteur et vous arriverez à le décoder totalement et comprendre le sens. C’est un jeu en quelque sorte. Par exemple : Boussaw veut dire sable en langue Gorane (langue maternelle de l’auteur). Et une région totalement désertique au Tchad, se trouve qu’au BET (Borkou, Ennedi, Tibesti), donc Boussaw = BET.
L’auteur a attribué à ses deux personnages clés les prénoms de Jokouri Jolo{1}, qui signifie une coiffure traditionnelle en langue Gorane. C’est aussi une forme de transmettre sa culture aux autres. Tout comme le mariage et le divorce chez les Goranes et le rôle de la femme dans la vie du couple. Tout en soulignant un petit trait culturel spécifique. Sans oublier les commerces des hommes dans le désert et à dos de dromadaires. Ces commerces millénaires ont inspiré le monde entier et donnent envie de lire ce livre. Et sans oublier les longs voyages en caravane dans le Sahara. Si on a lu une histoire du désert, on ne loupera jamais de lire ceci.
Ce roman relate aussi la guerre de 1979 que le pays de l’auteur a connu, où des factions rebelles disputent le pouvoir central. Et au final une petite faction des rebelles, parvient à prendre le pouvoir et dirige le pays jusqu’à 1982. Cette petite faction dirigeante est aussi une partie des révolutionnaires que l’auteur parle dans ce roman.
Ce roman s’est inspiré aussi du roman 1984 de George Orwell et pour accentuer l’imagination et le côté mythe. Par exemple : l’auteur surnomme l’Afrique ; Océnia, l’Europe ; Eurasia et l’Asie ; Estasia. Contrairement à George Orwell qui délimite les appellations en trois parties des continents qui sont reliées les unes aux autres, pour former des très grands « blocs ». Et l’auteur lui surnomme continent par continent, sans relier les trois parties continentales.
En lisant ce roman, on se rend vite compte que l’histoire se déroule en Afrique et surtout la sècheresse de 1984. Ce tragédie s’est déroulé qu’en Afrique et est des raisons climatiques. C’est l’interaction entre trois systèmes océaniques (Atlantique, Pacifique et Indien) qui est en cause. La sécheresse de 1984 est décrite comme la pire enregistrée depuis un siècle. Des milliers des personnes sont mortes de malnutrition, avec un déplacement de population dépassant le chiffre des milliers. Et un grand nombre de ces personnes est concentré dans les capitales et les grandes villes du continent.
Anonyme
C’était un matin d’été de 1988 à Glabtirtum{2}, que Jokouri a été soustrait de sa mère, par son père Jolo, juste après la mort de son grand-père maternel, au village de Boussaw{3}. Jokouri Jolo, l’enfant qui vient d’être endeuillé, pensant partir à Boussaw, pour célébrer le septième jour du décès brusque de son grand père qu’il l’a tant chéri. Et comme le veut la coutume, comme le font sa mère Magrou et sa sœur Bobrou, avec le reste de la famille maternelle.
Ce grand père nomade venu de loin et à l’est de Boussaw, pour trouver l’amour, chez ses oncles maternels. Ce grand père de famille millénaire, dont des ethnologues d’autres siècles en ont écrit dans les annales de l’histoire. Ce grand père aimant, courageux, riant… qui le prend fièrement, sur le dos de son Goni{4}, lors de transhumance de l’est à l’ouest du Sahara. Ce grand père qu’il l’a fait gouter le premier goute, du prestigieux lait de la chamelle. Ce grand père qui l’a fait manger pour la première fois, la précieuse viande de Wahni{5}. Ce grand père qu’il l’a assisté à ses premiers pats et à ses premiers langages enfantins. Ce qui a marqué Jokouri Jolo, c’est le fait de ne pas pu partir assister au septième jour, de funérailles de ce grand père, dont il admirait tant, malgré qu’il soit enfant. Chez les gens de Boussaw, les enfants doivent accompagner les adultes, dans les moments difficiles. Et Jokouri Jolo n’a pu faire cette assistance et ça le choque énormément.
Cette soustraction de Jokouri de sa mère n’est pas comme les autres. Par ce qu’il est autorisé, par les coutumes de Boussaw. Lorsqu’un mari et une femme divorcent, le mari a deux options. La première option ; il a l’autorisation traditionnelle de prendre ses enfants, avec lui de gré ou de force et partir les élevés, dans son nouveau foyer. Mais à condition qu’il les éduque parfaitement et les nourris convenablement. Sinon, il aura une lourde amende. Et elle est d’une conséquence historique. Tous les déclins de ses enfants reposent donc sur ses épaules. La deuxième option ; soit il les éduque lui-même ou soit il acquitte des pécules et des pensions alimentaires à la mère biologique de ses enfants. Dans ce cas, les enfants resteront avec leur mère et la responsabilité de déclins des enfants est partagée. Et si, le père laisse ses enfants chez leur mère et part refaire sa vie avec une autre femme, sans s’occuper de ses enfants, là on parle d’abandon. Quoiqu’il advienne aux enfants, la responsabilité du père est engagée. C’est ainsi les mœurs et les coutumes, chez les nomades de Boussaw. C’est une loyauté parallèle de celle du reste du monde et des autres pays. Dont ils l’ont hérité de leurs aïeuls et qui les sert aujourd’hui de survie, dans cet immense désert aride, où presque rien ne pousse, à part quelques palmiers dattiers et des fruits exotiques.
Leurs ancêtres qui ont des origines multiples et ont traversé quasiment tous les déclins planétaires. Ils ont su s’adapter à toutes les périodes du réchauffement climatique, des invasions étrangères et des guerres mondiales fratricides. Ils ont laissé aujourd’hui leurs traces par des gravures rupestres, sur les massifs de Boussaw, dont le secret reste encore à percer. Des personnages mystérieux qui y sont peints sur des roches. On découvre à travers ces arts rupestres, qu’ils ont élevé des vaches, quand il y a de l’eau et qu’ils ont élevé des dromadaires, quand il y a du sable. Ils ont planté de mils et du bleu, quand il pleut et ils ont planté des palmiers dattiers, quand il ne pleut guère. Ils ont su s’adapter à toutes les périodes. Par cet art, Ils ont légué aujourd’hui un héritage gigantesque, qui sert encore de survie à leurs descendances, dans cet immense désert du sable rouge et jaune, tacheté piètrement du bleu et du vert. Où il faut faire des kilomètres et des kilomètres à pied, pour trouver des points d’eau pour s’approvisionner et assoiffer ses bêtes. Et cela dit, on y découvre encore aujourd’hui, de nombreuses caravanes à Boussaw, qui parcourent cet immense désert, comme leurs aïeuls, il y a plusieurs milliers d’années. Dont la diversité et la beauté des paysages émerveillent encore, les touristes et les chercheurs du monde entier. Où les ossements archéologiques montrent que le premier homme est né ici, à Boussaw.
Jokouri Jolo est né hors de Boussaw, dans une région que son père Jolo venu chercher la richesse, en fuyant la sècheresse du Sahara. Parait-il ? Que Jolo ait perdu très tôt son père et son frère ainé Jinaye le maltraite. Et Jolo a pris la décision de quitter la demeure familiale et Boussaw définitivement. C’est ainsi la vie dans le désert. Chacun cherche à survivre. Ceux qui résistent restent et ceux qui ne résistent pas partent. C’est une question de survie aussi quelque part. Mais parait-il ? Que l’oncle paternel de Jokouri Jolo, Jinaye en a abusé des richesses de son grand-père paternel, qui a laissé comme héritage à ses enfants, après sa mort. Logiquement chez les gens de Boussaw, lorsqu’un père de famille meurt, c’est le fils ainé qui prend la responsabilité de la famille et gère parfaitement les troupeaux et la richesse, pour élever ses frères et sœurs comme en été autre fois, à l’existence de son père. C’est une responsabilité lourde de taille et peu des gens peuvent la remplir parfaitement aujourd’hui.
L’oncle paternel de Jokouri Jolo a failli à sa mission, comme la majorité de cas. Et Il devenu un Halagun{6}. Il vend à tout va les Goni de l’héritage et parcourt des kilomètres, pour assister à des cérémonies de Nagara{7}. Il achète et rachète des coûteuses chaussures en cuir venu d’Eurasie. Il saute aux rythmes des tambours, des tamtams et des youyous des jeunes filles et des femmes Ogou{8}. Et il déchire ses chaussures et rachète d’autres encore, encore et encore. Et la fête continue. Il est devenu un vrai fêtard, un Halagun au sens large du terme. Son nom est presque connu, dans tous les milieux de jeunes. Il se fait parler de lui, d’une culture venue d’ailleurs. Il est devenu une autre personne, une personne étrangère. Une culture, qu’il l’a embrassée au détriment de sa coutume. Une culture, que les jeunes nomades de Boussaw l’ont ramenée d’ailleurs. Une culture, que les jeunes nomades de Boussaw l’ont ramenée, dans leurs bagages des autres pays, lors de leurs échanges commerciaux. Une culture de ces pays, qui en ont des mers, des océans, des fleuves, des grands lacs et qui cultivent du blé, du riz et du tabac. Ces pays qui en ont une survie plus sure que la leur. Ces pays, où on peut pêcher gros poissons et voyager loin avec des bateaux, des cargos et des chalutiers. Ces pays, où on peut découvrir d’autres modes de vie très facilement et où ces habitants sont réglés comme des horloges. Ils s’assimilent à d’autres cultures quand il le faut et ils s’enferment quand il s’en méfie. De façon qu’ils ont côtoyé tous les peuples du monde, leurs expériences en vaut mille chandelles. Ces pays qui ont des multiples couleurs et des multicultures. Malheureusement, les Halagun n’ont pas su, vu que chez le Boussaw les règles sont strictes, inchangeables et connues de tous, depuis des siècles. Soit, on assimile au mode de vie des ancêtres ou soit on quitte Boussaw. L’un ou l’autre, les deux ne vont pas ensemble et rien de plus et rien de moins. C’est une question de survie et bien tracée par les anciens. Et depuis que l’océan s’est retiré de Boussaw, il y a plusieurs milliers d’année, elle est restée enclaver par les dunes de sable et des roches. Il n’y a pas des mers. Il y a des tunnels souterrains, qui la relient à des mers. Et tout est presque séché naguère. Les ossements en calcaire des reptiles, des quadrupèdes et des poissons d’eau des mers profonds font le bonheur aux chercheurs venus d’ailleurs et qui ne servent rien aux nomades, à part le tourisme et bouclier au désert. On ne peut plus chasser avec, il n’y a pas des gibiers à leurs portés, comme a été autre fois. Tout est disparu, dans ce vent sec et à la tornade du sable, qui souffle aux cris du chacal. La seule issue qui leurs reste, c’est l’élevage des dromadaires et la plantation des palmiers dattiers ou doums sauvages dans les rares oasis. Goni, ces animaux millénaires et agiles qui résistent aux milieux arides, qui peuvent rester trente ou quarante jours, sans boire d’eau et qui peuvent parcourir des kilomètres et des kilomètres dans le Sahara, sans se fatiguer. Ces quadrupèdes robustes, qui peuvent transporter plusieurs kilos de marchandises et s’échangés à cout des millions de Goursa{9}, aux marchés du batail. Ces palmiers, qui poussent ses racines profondément et résistent au vent sec du Sahara. Ces doums sauvages, qui servent d’abri et des protections hivernales aux nomades. Ces palmiers dattiers, dont les fruits s’échangent aux prix d’or. Ces palmiers, dont les feuilles servent à construire des hangars au marché et des huttes en brousse. Ces palmiers, qui sont les survies des femmes et des enfants… et qui servent des banques aux femmes divorcées.
Après avoir, presque finis de vendre tous les troupeaux de la famille, Jinaye l’oncle paternel de Jokouri Jolo, s’est converti dans les trafics illicites des Goni et la razzia. Comme les font d’ailleurs, presque tous les Halagun, pour payer les frais de leurs multiples cérémonies de Nagara ou les causes du thé nocturne. D’autres en font avec le tabac, qu’ils les importent des pays frontaliers du nord et les revendent dans les marchés noirs de Boussaw ou plus au sud. D’autres chassent et trafiquent, la viande d’autruche et des gazelles. Communément appelés ; Chohour (autruche) et Wahni. Et dans tous ses pétrins, Jinaye finit par perdre les pédales. Il a fini tout son argent et commence à se battre, avec d’autres bergers avertis, qui résistent à l’enlèvement de leurs troupeaux. Et il s’isole. Tant tôt militaire, tant tôt civil ou tant tôt chasseur, il est devenu baroque et rebelle. Il se croit fort avant, mais devenu faible après. Il commence à frapper ses petits frères, à tout va et