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Traité de psychiatrie clinique à l'usage de tous: Des cinq psychanalyses au DSM V
Traité de psychiatrie clinique à l'usage de tous: Des cinq psychanalyses au DSM V
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Traité de psychiatrie clinique à l'usage de tous: Des cinq psychanalyses au DSM V

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About this ebook

En un peu plus d’un siècle, la psychiatrie a fait des progrès, pas toujours reconnus par la société : théorisation du psychisme, découverte de thérapies toujours plus efficaces et souvent mieux tolérées, prise en charge humaniste…
La complexification parfois artificielle des concepts, les querelles de chapelles des différentes écoles et la légitime revendication des patients nécessitent pour le professionnel des connaissances théoriques et pratiques parfois difficiles à acquérir.
Alors que la médecine s’apprend et ne s’invente pas, il paraît nécessaire d’avoir la possibilité de découvrir et de mieux connaître les grandes pathologies psychiatriques.
Basé sur plus de 30 ans de pratique, l’ouvrage s’adresse aux acteurs de soins mais aussi à tous les professionnels confrontés à la maladie psychique : acteurs sociaux, éducateurs, MJPM… et à toutes les personnes intéressées par le fonctionnement du psychisme humain. Il élargit son propos sur les prises en charge actuelle et propose de nombreuses situations tirées de la culture populaire.
LanguageFrançais
Release dateApr 23, 2021
ISBN9782312080352
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    Traité de psychiatrie clinique à l'usage de tous - Docteur Nicolas Monnier

    cover.jpg

    Traité de psychiatrie clinique à l’usage de tous

    Docteur Nicolas Monnier

    Traité de psychiatrie

    clinique à l’usage de tous

    Des cinq psychanalyses au DSM V

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08035-2

    Le jeu de la folie est un sport de l’extrême

    Qui se pratique souvent au bord des précipices

    Ou dans les yeux des filles au bout des couloirs blêmes

    Des labyrinthes obscurs aux fumeux artifices

    Hubert Félix Thiéfaine « Le jeu de la folie » 2005

    Encore aujourd’hui, la psychiatrie garde une place à part au sein des spécialités médicales. Alors que les pathologies psychiques sont particulièrement complexes et que leur prise en charge l’est tout autant, tout quidam se sent autorisé à avancer un avis sur ces mêmes maladies et leurs traitements. Régulièrement accusés d’enfermer trop de personnes et, parfois dans le même temps, de ne pas garder hospitalisées les personnes dangereuses, les psychiatres sont souvent sur la sellette pour leur supposé pouvoir ou pour leurs incontestables erreurs.

    Les modifications récentes de l’approche psychopathologique, la découverte de nouveaux traitements, les bouleversements taxonomiques liés entre autres à l’utilisation de classifications internationales ont entraîné de nombreuses zones d’incompréhension entre les professionnels avec par exemple la disparition de certaines pathologies (hystérie…) et l’apparition de nouvelles entités plus ou moins discutables (trouble dissociatif de la personnalité…).

    En dehors du champ médiatique et sociétal, il paraît utile de faire un état des lieux de nos connaissances des maladies mentales afin que toute personne en contact avec la souffrance psychique puisse avoir les outils nécessaires à sa pratique professionnelle.

    Brève histoire de la psychiatrie

    img1.jpg

    Les légendes ont toujours joué un rôle puissant

    dans la construction de l’histoire.

    Hannah Arendt « les origines du totalitarisme » 1951

    Cet exposé de l’histoire des grands courants de la psychiatrie se limitera aux mouvements ayant des répercussions sur les pratiques de soins actuelles, laissant donc de côté ceux ayant peu d’impacts en occident, les techniques n’ayant pas réellement laissé de traces et les approches trop mystiques.

    Par ailleurs, nous devrons tenir compte de certaines limites :

    * La rareté voire l’absence de certaines sources, particulièrement pour les périodes les plus anciennes. Cette rareté peut être constitutive par absence d’écrit, contextuelle par perte des textes ou délibérée par destruction ou remaniement de certains documents.

    * La variabilité de la notion de médecine et de la différenciation médecine somatique-psychiatrie : l’idée même de soins a longtemps été difficile à cerner.

    * La confusion entre la médecine, surtout psychique, et la religion. Les soins ne se libèrent que tardivement de la religion et l’on propose en France des pèlerinages pour guérir les « fous » jusqu’au XXe siècle.

    * Une évaluation faussée des idées et événements anciens, avec une vision anachronique. Une théorie qui n’a plus cours est souvent perçue comme mineure ou prêtant à sourire. Ainsi, la phrénologie ou la méthode du docteur Coué passent pour des pratiques farfelues, minorant de fait leur importance contextuelle.

    ANTIQUITÉ GRÉCO-ROMAINE

    Les maladies de l’âme sont plus funestes que celles du corps.

    Ciceron

    La médecine antique grecque a mis en opposition des écoles recherchant la cause des maladies (écoles dogmatiques* (Le symbole *renvoie au glossaire en fin d’ouvrage) dont le plus célèbre représentant fut Hippocrate et sa théorie des humeurs) et des écoles empiriques se centrant sur l’expérience clinique. Le nom même des fondateurs d’école empirique (Serapion d’Alexandrie ou Philinus de Cosne) est tombé dans l’oubli.

    Il existait bien évidemment d’autres approches dont l’école méthodiste (représentée par Asclepiade de Pruse) qui se représentait le corps comme un assemblage de particules en mouvement.

    Nous citerons pour mémoire le travail du sophiste Antiphon d’Athènes qui soignait en interprétant les rêves et pratiquait une thérapie des âmes fondée sur le discours, plus de deux mille ans avant Freud.

    Les romains ont suivi les mêmes voies de recherches avec, entre autres, la théorie des tempéraments de Galien. La société romaine a par ailleurs théorisé un statut juridique pour l’insensé, statut mêlant, déjà, protection et répression.

    MOYEN-ÂGE

    Mes frères, pour l’amour de Dieu

    faites-vous du bien à vous-mêmes.

    Jean de Dieu, 1537

    Alors que le niveau scientifique et sociétal marque le pas par rapport à l’empire Romain, la religion impose une nette séparation entre le corps et l’âme. La maladie mentale est considérée au mieux comme une possession démoniaque au pire comme une hérésie.

    Le fou est toléré mais vite exclu de la société si son comportement gène. Toute la notion de prise en charge reste du domaine de la « charité chrétienne ».

    RENAISSANCE

    O le plus fou de tous les hommes,

    toi qui aspires à la sagesse !

    Érasme « Éloge de la folie » 1509

    Le monde scientifique, et donc médical, est marqué par la redécouverte des textes gréco-romains entraînant une modification profonde de la pensée. Les soins médicaux commencent à apparaître, toujours marqués par la religion.

    Les guerres et l’urbanisation entraînent une nette augmentation du vagabondage avec un rejet récurrent du fou. La société oscille entre l’aide et l’exclusion, parquant parfois les « fous » dans des lieux isolés voire sur des bateaux (mis en image par Jérôme Bosch dans la nef des fous).

    AGE CLASSIQUE

    Je pense donc je suis.

    René Descartes « Discours de la méthode » 1637

    La période voit la multiplication des errants avec la nécessité pour la société de faire face à la misère urbaine. C’est l’époque du « grand renfermement » selon les termes du livre de Michel Foucault « Histoire de la folie à l’âge classique ». Cet ouvrage philosophe autour de la création des hôpitaux généraux au milieu du XVIIe siècle. Ces institutions, premiers lieux réellement de soins, sont accusées d’être des lieux d’enfermement pour les « fous ». En fait, les hôpitaux généraux n’auront jamais accueilli une proportion importante de malades mentaux (moins de 10 % des hébergés).

    Les « fous » étaient par ailleurs pris en charge dans les maisons de force et gérés par les lettres de cachet. Ces dernières, images de l’incarcération abusive, suivaient une procédure assez stricte et étaient fréquemment à l’initiative de l’entourage de la personne enfermée. Elles seront abolies par la révolution française puis remplacées par une autre forme d’enfermement (loi de 1838 sur les hospitalisations sous contrainte).

    Même si les soins sont encore balbutiants, et le plus souvent religieux, le XVIIIe siècle voit apparaître les premières démarches scientifiques de démembrement de la maladie mentale, essentiellement en Angleterre : Thomas Sydenham (1624-1689), William Cullen (1710-1790)…

    RÉVOLUTION FRANÇAISE

    Quand ils deviennent trop méchants, que faites-vous ?

    – Je les déchaîne.

    – Et alors ?

    – Ils sont calmes !

    Jean Baptiste. Pussin à Philippe Pinel, 1792

    En 1793, s’inspirant des méthodes de travail de son infirmier Jean-Baptiste Pussin, Philippe Pinel (1745-1826) « libère » les aliénés de leurs chaînes à Bicêtre puis à la Salpêtrière. Il théorisa la prise en charge « humaniste » des patients dans son « Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale » (1801).

    Cet élan humaniste et scientifique sera le point de départ de la mise en place de la psychiatrie moderne.

    XIXe SIÈCLE

    Je est un autre

    Arthur Rimbaud « lettre à Paul Demeny »1871

    Ce siècle verra l’apparition des différents aspects de la prise en charge médicale des pathologies psychiatriques :

    – Nosographique avec la grande tradition des aliénistes français : le délire chronique d’interprétation de Sérieux et Capgras, la bouffée délirante aiguë par Magnan, la psychose hallucinatoire chronique par Ballet, la folie maniaco-dépressive par Falret, la perversion et dégénérescence par Morel… Ces travaux se font en parallèle avec la découverte ou la théorisation de maladies neurologiques : Jean-Martin Charcot (1825-1893) et la sclérose latérale amyotrophique, la sclérose en plaque…

    – Thérapeutique avec l’élaboration de nouvelles approches : Mesmer et le magnétisme animal, Charcot et l’hypnose, Pierre Janet (1859-1947) et l’approche de l’inconscient préfigurant la psychanalyse…

    – Juridique avec, à l’initiative de Jean-Étienne Esquirol (1772-1840), la loi de 1838 sur les hospitalisations sous contrainte (qui restera en vigueur jusqu’en 1990) et l’irresponsabilité du dément (article 64 du code pénal, modifié en 1994).

    XXe SIÈCLE

    Il n’y a pas de suicide au Sahel

    Pas de psychiatre en plein désert

    Pas d’overdose à Kinshassa

    Réponses ou questions ? Je sais pas.

    Jean-Jacques Goldman « petite fille » 1984

    La psychiatrie, comme le reste de la médecine et toute la science, fait un bond sans précédent tant pour la compréhension que pour le traitement des maladies.

    Dans ce siècle marqué par les progrès de prise en charge des malades, il n’est pas possible de passer sous silence la tragédie qui s’est déroulée dans les hôpitaux psychiatriques durant la deuxième guerre mondiale. Alors qu’aucune consigne d’extermination des malades mentaux n’a été donnée en France, près de 50 000 patients sont morts de faim, et ce à partir 1940. Cette hécatombe, en grande partie due au détournement de la nourriture par le personnel, a touché essentiellement les malades les plus fragiles, dont la sculptrice Camille Claudel.

    Il serait trop long de faire l’inventaire de toutes les découvertes et mouvements apparus au cours du XXe siècle et nous ne soulignerons que ceux dont l’importance reste actuelle.

    La schizophrénie

    Il vaut mieux être schizophrène que mal accompagné

    Anonyme

    En 1898, Emil Kraepelin isole la notion de démence précoce des autres formes de démences. Cette première véritable formalisation insiste sur le début précoce et sur l’aspect déficitaire.

    Eugen Bleuler, en 1911, conteste l’évolution systématiquement déficitaire. Il introduit de plus la distinction entre les signes primaires, fondamentaux (dissociation), et les signes secondaires, liés aux modes de réaction de défense et d’organisation (syndrome autistique, perceptions délirantes).

    Les aliénistes, entre autres français, fourniront de profondes analyses du syndrome dissociatif (citons Henry Ey et le lyonnais Jean Guyotat).

    La psychanalyse

    Dans le cours des siècles, la science a infligé à l’égoïsme naïf de l’humanité deux graves démentis.

    La première fois, ce fut […] de Copernic […].

    Le second démenti fut infligé à l’humanité par […] Ch. Darwin […].

    Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître dans sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique.

    Sigmund Freud, « Introduction à la psychanalyse » 1916

    Fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud s’est très vite entouré d’élèves et de collaborateurs. Malgré la qualité souvent remarquable de ses disciples, il y aura pratiquement systématiquement des conflits parfois violents, limitant la notion d’école. Les théories développées par Otto Rank, Alfred Adler, Carl Gustav Jung, Georg Groddeck ou Karoly Ferenczy marquent des ruptures avec la théorie freudienne.

    Les post-freudiens et les écoles étrangères développeront la diversité de la psychanalyse avec le courant freudo-marxiste développé par Wilhelm Reich et surtout Erik Frohm, la psychanalyse américaine avec Franz Alexander et Bruno Bettelheim et la très riche psychanalyse anglaise (Mélanie Klein, Anna Freud, Michael Balint, Wilfred Bion et Donald Winnicott).

    En France, la psychanalyse se développera avant-guerre et les pionniers seront à l’origine de la création de la Société Psychanalytique de Paris autour de Marie Bonaparte (1882-1962). La psychanalyse française prendra un tournant spécifique avec Jacques Lacan (1901-1981), s’appuyant sur la linguistique et s’éloignant d’autant de la médecine somatique.

    Le comportementalo cognitivisme

    Nous n’arrivons dans ce monde

    qu’avec notre capacité à apprendre.

    John B. Watson 1926

    L’approche comportementale en psychiatrie s’est développée dans les suites des travaux de Pavlov dans les années 1930, essentiellement dans les pays anglo-saxons. Elle est basée sur l’étude des réflexes et du conditionnement, phénomènes ayant leur importance en psychiatrie tant au niveau clinique que thérapeutique.

    Sur le plan clinique, le comportementalisme permet de rendre compte de la pathologie mentale comme pouvant s’inscrire comme un comportement inadapté au stress environnemental.

    Sur le plan thérapeutique, les travaux de John Watson et de Burrhus Frederic Skinner (1904-1990) permettront de développer des thérapies dites « comportementales » comme les méthodes de désensibilisation. Plus tard, Albert Bandura introduira la notion de « renforcements intérieurs » avec l’étude des croyances, des attentes, des pensées…

    L’approche cognitiviste est en plein développement. Élaborée dans le sillage de la psychologie comportementale, mais aussi de la psychologie sociale et de la phénoménologie, elle a été stimulée dans son essor par l’informatique. Elle s’appuie sur le postulat que les processus de pensée conscients ou inconscients peuvent faire l’objet d’une investigation scientifique et d’une démarche expérimentale.

    Pour le cognitiviste, les informations, les représentations qu’elles engendrent et les systèmes logiques qui en découlent peuvent être modélisés. Le psychisme est alors considéré comme un système fonctionnel qu’il est possible de travailler en thérapie en s’appuyant notamment sur les croyances, les logiques intérieures…

    Les thérapeutiques

    Nous devons nous souvenir que

    toutes nos idées provisoires en psychologie

    seront probablement un jour basées

    sur une infrastructure organique.

    Sigmund Freud « Pour introduire le narcissisme » 1914

    Pré neuroleptiques

    Dès le début du siècle, les méthodes de soins deviennent plus scientifiques à défaut d’être efficaces. Outre les différentes techniques de choc (choc au Cardiazol, cure de Sakel à l’insuline, impaludation…), la psycho-chirurgie aura une place de choix, bien que sombre. Mise au point par le portugais Egas Moniz (prix Nobel de Médecine en 1949), la lobotomie a eu un succès considérable dans l’immédiate après-guerre (près de 100 000 patients ont été « traités » dans le monde entre 1945 et 1954).

    Quelques soins ont tout de même une tolérance acceptable et améliorent la prise en charge des patients : électrochocs, barbituriques, enveloppement… Ils permettent aussi l’entrée dans les hôpitaux psychiatriques de soins médicalisés et le remplacement des « gardiens » par des infirmiers.

    Les neuroleptiques

    Au début des années 50, Jean Delay et Pierre Deniker, reprenant les travaux de l’anesthésiste Henri Laborit, montrent l’efficacité du premier neuroleptique (la chlorpromazine) sur les signes psychotiques. Les autres psychotropes suivront rapidement : antidépresseurs IMAO en 1952, halopéridol en 1957, antidépresseurs tricycliques en 1957, lithium et benzodiazépines à la fin des années 60.

    À la fin des années 90, la découverte des neuroleptiques atypiques modifie la prise en charge des malades grâce à des effets secondaires moins invalidants.

    Les approches sociales

    L’antipsychiatrie

    Ils jouent un jeu. Ils jouent à ne pas jouer un jeu.

    Si je leur montre que je le vois

    je briserais les règles et ils me puniront.

    Je dois jouer leur jeu, qui consiste

    à ne pas voir que je vois le jeu.

    Ronald David Laing « nœuds » 1971

    Le courant antipsychiatrique, qui a émergé en Italie à la fin des années soixante, pose la folie comme une réponse à l’exigence d’une société hiérarchisée, bureaucratique et mécanisée. Ainsi, les individus les plus fragiles n’auraient pas d’autres solutions que d’être les victimes à enfermer dans les asiles que la société a créés pour eux. La mise en application de la théorie (fermeture des hôpitaux, arrêts de traitements…) n’a pas amené les améliorations espérées sur l’état de santé des patients. Cette approche est par contre à l’origine des structures de vie alternatives à l’hospitalisation (foyer, SAVS*, ESAT*…).

    À noter qu’un des derniers antipsychiatres de renom Thomas Stephen Szasz a fondé la commission des citoyens pour les droits de l’homme en partenariat avec l’église de scientologie, fer de lance actuel du dénigrement de la psychiatrie.

    La psychothérapie institutionnelle, la sectorisation

    On juge du degré de civilisation d’une société

    à la manière dont elle traite ses fous.

    Lucien Bonnafé 1977

    Plusieurs expériences de soins institutionnels portées par Jean Oury (1924-2014) à la clinique de la Borde ou François Tosquelles (1912-1994) à l’hôpital de Saint Alban sur Limagnole ont déclenché une réflexion sur les rôles de l’hôpital. Les années 60 amèneront, outre la diminution notoire du rôle du médecin dans les soins, une désinstitutionalisation plus ou moins réussie des malades mentaux.

    Le point d’orgue de ce mouvement sera la mise en place de la sectorisation psychiatrique. Le secteur psychiatrique, qui reste le modèle de l’intervention psychiatrique publique dans notre pays, est né dans la continuité de la psychiatrie institutionnelle de l’après-guerre. Il s’agissait pour la psychiatrie publique de déplacer l’intervention des équipes spécialisées de l’hôpital psychiatrique, assimilé aux asiles, vers des lieux de soins plus proches du domicile du patient afin d’éviter chronicisation et désocialisation.

    L’idée novatrice est de rattacher à chaque service hospitalier une aire de recrutement et d’intervention d’environ 70 000 habitants auxquels seront proposées des consultations rapprochées dans les Centres Médico Psychologiques (CMP), véritables plaques tournantes des soins en psychiatrie publique, mais aussi des interventions infirmières au domicile du patient (les VAD, visites à domicile).

    La conséquence la plus visible de la sectorisation en France sera la diminution recherchée du nombre de lits en hospitalisation à temps complet : ceux-ci passent de 170 000 en 1970 à 57 000 en 2010 et la durée moyenne de séjour des patients baisse, passant de plus de 250 jours en 1970 à moins de 50 jours en 2017. Plus de 60 % des malades suivis par la psychiatrie publique ne seront jamais hospitalisés.

    Les évolutions légales

    La Raison c’est la folie du plus fort.

    La raison du moins fort, c’est de la folie.

    Eugène Ionesco « Journal en miettes » 1967

    Outre la sectorisation, il faut citer la loi de 1968 sur les incapables majeurs qui sépare enfin la protection des biens et des personnes de l’hospitalisation psychiatrique. La loi sera remplacée en 2007 sans modification majeure.

    La loi de 1838 sur les hospitalisations sous contrainte, une première fois remplacée en 1990 sans réel changement, a cédé la place à la loi de 2011, aboutissant, entre autres, à judiciariser les hospitalisations sous contrainte.

    La mise en place de la COTOREP, puis de la MDPH* en 2005, permet aux patients avec une lourde pathologie d’avoir un projet social et un revenu assuré. La loi de 2005 formalise de plus la notion de handicap psychique.

    L’évaluation en psychiatrie

    img2.jpg

    Peut-on savoir où s’arrête le normal, où commence l’anormal ?

    Vous pouvez définir ces notions, vous, normalité, anormalité ?

    Philosophiquement et médicalement,

    personne n’a pu résoudre le problème.

    Eugène Ionesco « Rhinocéros » 1959

    Liée à la neurologie jusqu’en 1968, la psychiatrie a longtemps été considérée comme une branche peu scientifique de la médecine, la renvoyant de fait plutôt aux sciences humaines.

    Les progrès dans la prise en charge et le traitement des patients, les efforts constants de taxonomie et de délimitations claires des pathologies changent petit à petit cette image.

    APPROCHES DE LA PSYCHIATRIE

    Une conception globale de la discipline nécessite un aller-retour constant entre la sémiologie* classique avec des groupes de pathologie liées à des structures psychodynamiques et une classification descriptive représentée par le DSM.

    Cet ouvrage, dont le titre est l’acronyme de « diagnostic and statistic manual », s’est imposé comme le fer de lance d’une psychiatrie athéorique et descriptive. Cette démarche, souvent indispensable pour l’évaluation d’une situation, n’est pas toujours adaptée pour donner du sens à cette même situation.

    La sémiologie classique

    La sémiologie (étude des signes cliniques des maladies) a été riche et descriptive jusqu’à la fin du XIXe siècle. Puis, se

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