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La Cour pénale internationale: Leucophilie ou négrophobie?
La Cour pénale internationale: Leucophilie ou négrophobie?
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Ebook515 pages7 hours

La Cour pénale internationale: Leucophilie ou négrophobie?

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L’opinion publique africaine sur la Cour pénale internationale (CPI), laquelle applique le droit pénal international à deux vitesses, et l’assentiment de l’Union africaine (UA) à son égard, qui projette l’instauration d’une cour qui garantirait ses intérêts, ont inspiré le présent ouvrage. Les débats actuels des médias et des arènes politiques méritent que la communauté scientifique africaine et africaniste se mobilise.

La CPI est le premier tribunal pénal permanent et universel capable d’« exercer sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale » (Statut de Rome de la CPI, article 1). Les procédures ouvertes au sujet des violations majeures commises depuis 2004 concernent principalement celles des pays africains. De ce fait, l’opinion africaine s’interroge sur l’impartialité de la CPI, déclarant qu’elle oriente ses poursuites vers les Africains (faisant preuve de « négrophobie »), tout en protégeant les Blancs (« leuchophilie »). Ces contestations appellent à quelques clarifications sur les fondements juridiques réels, voire historiques, des procédures engagées devant la CPI.

Cet ouvrage collectif explore la position de l’Afrique sur la CPI en tentant de faire le point sur les « flétrissures » historiques non assumées ainsi que sur la pointe d’acharnement occidental vis-à-vis de l’Afrique. Il vise à faire connaître cette crise profonde qui secoue la CPI et le continent africain et qui provoque une levée de boucliers.

Joseph Tchinda Kenfo, Ph. D. en histoire des relations internationales de l’Université de Yaoundé I (Cameroun), est analyste de commission à l’Office de consultation publique de Montréal et chercheur au Centre d’analyse et de prospective sur les Afriques (Montréal). Il est aussi cofondateur et directeur du Centre africain de recherche pour la paix et le développement durable (CARPADD) à Montréal.

Alphonse Zozime Tamekamta, Ph. D. en histoire des relations internationales de l’Université de Yaoundé I (Cameroun), est enseignant et chercheur à Thinking Africa (Abidjan), de même que membre du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Bruxelles) et du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix (Montréal). Il est également cofondateur et directeur adjoint du Centre africain de recherche pour la paix et le développement durable (CARPADD). Il est actuellement enseignant-assistant au Département d’histoire de l’École normale supérieure de Yaoundé (Université de Yaoundé 1).
LanguageFrançais
Release dateJun 9, 2021
ISBN9782760552470
La Cour pénale internationale: Leucophilie ou négrophobie?
Author

Joseph Tchinda Kenfo

Joseph Tchinda Kenfo, Ph. D. en histoire des relations internationales de l’Université de Yaoundé I (Cameroun), est analyste de commission à l’Office de consultation publique de Montréal et chercheur au Centre d’analyse et de prospective sur les Afriques (Montréal). Il est aussi cofondateur et directeur du Centre africain de recherche pour la paix et le développement durable (CARPADD) à Montréal.

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    La Cour pénale internationale - Joseph Tchinda Kenfo

    INTRODUCTION GÉNÉRALE

    Joseph Tchinda Kenfo et Alphonse Zozime Tamekamta

    LA FUSION MILITANTE DE L’OPINION PUBLIQUE africaine au sujet de la Cour pénale internationale (CPI), appliquant le droit pénal international à deux vitesses, ainsi que l’acquiescement connu de l’Union africaine qui projette une Cour africaine qui garantirait ses intérêts, sont au cœur de ce projet éditorial. L’omniprésence de ce débat dans les médias et les enceintes politiques ayant suscité une adhésion quasi théologique chez certains, le choix d’en faire un sujet scientifique est devenu opportun. Car ce débat, au départ politique et politisé, interpelle les scientifiques, confirmés ou non, ainsi que les planificateurs de la gouvernance politique du continent. Pour cause, peu de sujets ont fait réagir autant d’Africains sur leur appartenance univoque et sur leur devoir à disposer de leurs propres instruments de gestion à portée internationale/ universelle. Cet ouvrage vient enrichir un débat entamé il y a quelques années et qui mérite de mobiliser la communauté scientifique africaine et africaniste.

    La CPI, dans l’histoire récente du droit international, est le premier tribunal pénal permanent et universel. Celui-ci est capable d’exercer sa compétence à l’égard des personnes ayant commis des crimes graves à portée internationale (article premier), tels que les crimes d’agression, les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Le Statut créant la CPI a été adopté le 17 juillet 1998 à Rome (et est entré en vigueur le 1er juillet 2002) par la Conférence diplomatique des plénipotentiaires des Nations unies, avec 120 voix pour, 7 voix contre et 21 abstentions. En juin 2019, 122 États avaient signé le Statut de la CPI, dont 33 États d’Afrique, 18 d’Asie et du Pacifique, 18 d’Europe orientale, 25 d’Europe occidentale et autres, 27 d’Amérique latine et des Caraïbes.

    Depuis plusieurs années, les relations entre la Cour pénale internationale et l’Afrique, plus précisément l’Union africaine (UA), sont tendues. De fait, elles alimentent les débats au sein des organisations internationales et régionales. Les procédures de crimes graves commis depuis 2004 sont ouvertes dans huit pays : la République démocratique du Congo, l’Ouganda, la République centrafricaine, le Soudan, le Kenya, la Libye, la Côte d’Ivoire et le Mali. Autrement appelées « situations » (dénomination officielle), quatre d’entre elles ont été déférées au Procureur par les États parties eux-mêmes, tandis que deux autres, celle du Darfour/ Soudan et celle de la Libye, ont été soumises au Procureur par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU). Pour le Kenya et la Côte d’Ivoire, le Procureur a ouvert une enquête de sa propre initiative, proprio motu. Il existe par ailleurs, huit autres situations qui sont actuellement sous la surveillance de la CPI, en phase préliminaire, c’est-à-dire avant l’ouverture d’une éventuelle enquête. Cela concerne la Colombie, l’Afghanistan, la Géorgie, la Guinée, le Nigeria, le Honduras, la Corée et les Comores.

    Au total, plusieurs procédures préliminaires sont actuellement ouvertes et des poursuites sont engagées contre l’ex-président soudanais Omar el-Béchir, renversé par l’armée le 11 avril 2019, et Seif al-Islam Kadhafi, fils de Mouammar Kadhafi. Quant à l’ancien président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, et l’ex-chef de file des Jeunes patriotes, Charles Blé Goudé, ils ont été libérés sous conditions par les juges de la CPI le 1er février 2019. Aussi, après l’abandon des chefs d’accusation contre le président en exercice du Kenya, Uhuru Muigai Kenyatta, qui a eu lieu le 5 décembre 2014, le vice-président kényan, William Samoei Ruto, a vu l’affaire le concernant se faire clore par la Chambre de première instance V(A) le 5 avril 2016. En mars 2012, la CPI a rendu un premier jugement à l’encontre de Thomas Lubanga, le déclarant coupable de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants soldats et les avoir fait participer activement à des hostilités. Un autre jugement, définitif, est celui de l’acquittement du chef de milice congolais Mathieu Ngudjolo Chui, intervenu le 18 novembre 2012, faute de preuves suffisantes.

    Pourtant, l’Afrique joue un rôle indispensable au sein même de la Cour pénale internationale. Car, depuis 2003, trois juges africaines (la Ghanéenne Kua Kuenyehia, la Malienne Fatoumata Dembélé Diarra et la Botswanaise Sanji Monageng), toutes élues Premières vice-présidentes par leurs pairs, ont servi à la CPI. De même, le Sénégalais Didier Preira fut greffier adjoint de la Cour pénale internationale. Depuis 2012, Fatou Bensouda, originaire de la Gambie, est Procureure, après avoir occupé les fonctions de Procureure adjointe pendant huit ans.

    En vérité,

    [l]a crise de confiance entre la CPI et les Africains vient du fait que certaines procédures de la Cour visent des chefs d’État et de gouvernement africains en exercice [au moment de leur déclenchement], notamment le désormais ex-président Omar el-Béchir du Soudan, le président Uhuru Muigai Kenyatta et le vice-président William Samoei Ruto du Kenya, alors que l’Union africaine (UA) a décidé que ceux-ci ne devraient pas être poursuivis par la Cour, soutenant que cela risquait de « saper la souveraineté, la stabilité et la paix » des États membres de l’UA (Anguezomo Ella, 2015, p. 26).

    C’est pourquoi une certaine opinion africaine s’interroge sur l’impartialité de la CPI, admettant qu’elle oriente ses poursuites vers les Africains (« négrophobie »), tout en protégeant les Blancs (« leuchophilie »). Ces affaires qui divisent l’opinion publique internationale et régionale dans le contexte des situations déférées à la Cour, soit par les États parties au Statut de Rome, soit par le Conseil de sécurité, appellent quelques clarifications sur les fondements juridiques réels, voire historiques, des procédures engagées devant la CPI. La question est étudiée par le moyen d’une étude de cas, mais dans une perspective comparative et complète. Car elle permet d’atténuer l’inconvénient majeur de l’étude de cas qui est la question de la généralisation.

    Cet ouvrage vient ainsi mettre en relief la perception de la CPI par l’Afrique et les Africains, en tentant un accordage entre les « flétrissures » historiques (traite négrière et colonisation) non assumées et le soupçon d’un acharnement occidental vis-à-vis de l’Afrique. Les contributions sont ainsi portées à partir du questionnement suivant : la CPI est-elle équitable vis-à-vis de l’Afrique ?

    Pour répondre à cette question, les contributeurs ont mobilisé des matériaux scientifiques et des analyses, souvent transversales, pour informer et susciter l’élaboration des bonnes pratiques. Ainsi, Alphonse Zozime Tamekamta, historien camerounais réexamine, en guise de prologue, l’Afrique dans sa propre perception de soi et ses tribulations endogènes. Les dénivellations exponentielles entre autotrahison et autodestruction aidant, l’Afrique tarde à se décomplexer et à s’émanciper, à construire ses propres échelles de valeurs, sa propre rationalité. Elle (l’Afrique) tarde également à « se constituer en un bloc souverain et viril, capable de construire une vision et de porter un idéal universel, ramenant le continent à la précolonie et à la prémodernité », puisqu’elle chemine de façon complexée dans un monde régi par les lois des plus forts. L’auteur interroge enfin la plus-value escomptée d’un nouveau panafricanisme médiatique et scientifique, incarné et porté par une nouvelle classe politique et intellectuelle africaine, rusant avec une CPI raciste et négrophobe.

    Le Congolais Languy Ossebi, dans la deuxième contribution, met en exergue les dérives de la Cour pénale internationale, objet de la crise de confiance avec l’Afrique. Pour mieux étayer son raisonnement, il a mobilisé son appareillage analytique autour de trois axes : la politisation des activités de la CPI, la tentative de mise en place d’une philosophie universaliste et les dynamiques institutionnelles dans le cadre du « défi d’injustice ».

    Il préconise, en définitive, un remodelage institutionnel. Il s’agit d’un ensemble de démarches processuelles, incluant dans son déploiement la maîtrise de notions telles que l’« impunité » et l’« immunité ». Enfin, l’auteur ne s’encombre aucunement en faisant l’écho de l’inévitable question du ressort pénal et en préfigurant la mise sur pied d’une cour africaine à compétence pénale.

    Dans la deuxième partie, Etienne Kentsa, juriste camerounais pondéré, s’est préoccupé des législations des États africains en matière d’exécution des peines d’emprisonnement prononcées par la CPI. Pour lui, le régime d’exécution des décisions prononcées par des instances internationales pénales réserve un rôle essentiel aux États. Bref, sa contribution analyse les législations des États africains pour ce qui est de l’exécution des peines d’emprisonnement prononcées par la CPI et présente le degré d’incorporation législative des énonciations du Statut de Rome en la matière. Pour cela, son analyse est portée sur la comparaison des législations de coopération avec le Statut de Rome pour mettre en lumière le degré d’incorporation du second par les premières et la comparaison des législations en question entre elles pour en dégager la ressemblance.

    Le juriste togolais Nouhou Djibo poursuit la réflexion de son prédécesseur en s’interrogeant sur le rôle des États africains dans la lutte contre l’impunité avec ou sans la CPI. D’abord, il fait un rappel historique fort évocateur, rappelant que le 11 octobre 2013 est la date à laquelle la tension Afrique-CPI a culminé. Ce jour, les dirigeants africains, réunis à Addis-Abeba au sommet extraordinaire de l’Union africaine, avaient discuté d’un éventuel retrait collectif du Statut de Rome. Toutefois, l’analyse de l’auteur est portée sur la constatation d’une défaillance notoire et progressive des systèmes judiciaires africains. C’est pourquoi il conclut en disant que les États africains « doivent prendre leur responsabilité d’États au sérieux face aux mécanismes de fonctionnement de la CPI au lieu de se borner à la critiquer dans un immobilisme préjudiciable pour les victimes ».

    Joseph Tchinda Kenfo, historien camerounais, dans son analyse, part d’un constat non nouveau, celui de la marginalisation de l’Afrique sur les plans politique, économique et géopolitique. Sa contribution, adossée d’une part aux soupçons de sélectivité des affaires menée par la CPI et aux accusations de partialité, et d’autre part à l’architecture jugée non seulement injuste et déséquilibrée, mais aussi partisane et opposée aux intérêts africains, analyse le regain d’appel à la panafricanisation de la justice pénale. Ainsi, entre partisans du respect des engagements internationaux et ceux d’une quête d’autonomie, le divorce entre l’Afrique et la CPI est amorcé.

    La sixième contribution, celle du Camerounais Ousmanou Nwatchock A Birema, ferme cette deuxième partie et présente la réciprocité sentimentale entre l’UA et la CPI, marquée par la déloyauté et l’humiliation. Partant des multiples défections avérées ou annoncées de plusieurs États africains, autrement appelées « résistances africaines à la CPI », l’auteur prend appui sur lesdites défections pour interroger à la fois le sens et la consistance d’un tel « réalisme de réveil » qui gagne l’Afrique, et que plusieurs États exploitent utilement pour fragiliser, disqualifier et discréditer la CPI dans ses prétentions à enrayer l’impunité des auteurs de crimes les plus graves dans le monde.

    Dans la troisième partie, le Camerounais Fridolin Martial Fokou, auteur du septième chapitre, analyse la phénoménologie de l’instrumentalisation de l’ordre international en mettant en relief la relation Union africaine-CPI comme avenant des vicissitudes de l’ordre mondial post-2001. Pour lui, le rapport entre les institutions internationales et les pays africains constitue aujourd’hui un enjeu important dans les relations internationales. C’est de cette perception analytique que découle son hypothèse, confirmée à la fin de l’analyse : les relations entre la CPI et l’Union africaine se tiennent et sont tenues par les enjeux géopolitiques mondiaux au sein desquels l’Afrique occupe de plus en plus une place très importante dans le programme des grandes puissances internationales.

    Marie Gibert, Française et auteure de la huitième contribution, analyse la relation entre la Cour pénale internationale et l’Afrique sous un angle fonctionnel en matière d’opposition et d’appropriation. Dans la première section, elle démontre la complexité, bien plus ancienne, des tensions entre l’Afrique et la justice internationale. De ce fait, affirme-t-elle, les tensions actuelles ne doivent pas nous faire « oublier que les États africains ont été parmi les premiers soutiens à la CPI, et que le continent a aussi servi de laboratoire à certains modèles de justice internationale – commissions de vérité et réconciliation, cours hybrides – maintenant repris dans d’autres régions du monde ». Dans la deuxième, l’auteure montre que la tension actuelle entre certains dirigeants africains et la CPI découle de l’effet boomerang d’une instrumentalisation régressive de la justice internationale. En effet, soutenue au départ par les dirigeants africains, la CPI s’était vu confier, par les soins de certains dirigeants africains et à des fins politiques, des dossiers compromettants des opposants et d’anciens rebelles pour soigner leur image à l’international. Dans la troisième section, elle explique l’origine du divorce entre l’Afrique et la justice internationale par les décisions du premier Procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, de poursuivre des chefs d’État en exercice au Soudan et au Kenya. Dans la dernière section, mention est faite sur la mise en place des Chambres africaines extraordinaires (CAE) au Sénégal. Il s’agit du nouvel outil juridictionnel par lequel l’Afrique s’est entendue pour contourner le procès d’Hissène Habré et peut-être ceux de cas ultérieurs.

    Dans le neuvième chapitre, l’historien camerounais Primus Fonkeng se préoccupe du rapport entre la CPI et le Soudan, en y voyant un déni de justice, voire une conspiration. Partant des souffrances endurées par le peuple soudanais et ceux du Darfour, il s’offusque que les procédures de la CPI soient à double vitesse. Bien que l’auteur soit favorable à la poursuite des coupables des crimes odieux au Darfour, il estime que la crédibilité de la CPI recommanderait que des dirigeants des pays occidentaux, non moins coupables de crimes similaires, soient également poursuivis devant la CPI.

    Dans le dixième chapitre, le Camerounais Jean Pierre Tsango Boko étudie comment les procédures en cours constituent une tentative de déstabilisation de l’Afrique, engagée par la CPI et soutenue par les organisations non gouvernementales (ONG). Amnistie internationale et Human Rights Watch, dans son étude, sont présentés comme les ONG instigatrices de la déstabilisation de l’Afrique, aidées par les relais locaux africains. Selon lui, il est évident qu’Amnistie internationale et Human Rights Watch accompagnent la Cour pénale internationale dans l’exercice de leurs fonctions. À cet effet, Géraldine Mattioli-Zeltner, spécialiste de la justice internationale à Human Rights Watch, prend un exemple pour illustrer la politique de cette organisation non gouvernementale vis-à-vis de la Cour pénale internationale :

    Après avoir tiré des enseignements du fonctionnement des tribunaux ad hoc, nous avons vivement recommandé à la CPI de renforcer ses activités de sensibilisation auprès des populations concernées par les affaires en cours. Dans un premier temps, nous avons abordé le sujet dans le cadre de nos rencontres biannuelles [sic] ou lors de rencontres bilatérales. Face à l’absence de résultats, nous sommes montés au créneau en nous adressant directement aux États parties puis en publiant des documents publics en collaboration avec d’autres ONG. Nous avons suivi la même méthodologie pour d’autres sujets qui nous posaient souci (Harbulot, 2012, p. 11).

    La onzième contribution, présentée par Raphaël Batenguene Assil, Camerounais, mène une réflexion plus globalisante des rapports de la CPI aux États africains. Il décrit minutieusement une relation idyllique au départ, mais vite muée en exaspération. Pour lui, cette relation est sulfureuse au regard de l’évaluation du nombre d’accusés africains à cette Cour. C’est pourquoi il soupçonne une « instrumentalisation » ou une « politisation » excessive de la CPI. Pour corriger cette erreur et et rééquilibrer la situation, il préconise « [l]a mise en place de juridictions spéciales mixtes, composées de juges africains et occidentaux [ce qui] peut apparaître comme une solution africaine à la poursuite des auteurs de crimes de guerre, de génocide, d’agressions et de crimes contre l’humanité ».

    Dans le chapitre 12, Joseph Tchinda Kenfo décrit la construction antithétique de la relation entre la CPI et l’Afrique, dominée au départ par la force du droit et ayant abouti au droit de la force. La force du droit, manifestée par la CPI à sa création, se justifie par la « volonté d’universaliser la justice contrairement à Nuremberg où il avait plus été question de juger les responsables des puissances de l’Axe ». C’est pourquoi un espoir est né en Afrique, justifiée par les ratifications massives. Par la suite, la justice rendue par la CPI s’est avérée être une « justice à deux vitesses » et inéquitable. Dans ce contexte, le divorce est inévitable ; d’où le retrait de plusieurs États parties dont celui de l’Afrique du Sud présenté au secrétaire général des Nations unies le 21 octobre 2016.

    Le chapitre 13 est le fruit d’une analyse du Togolais Mohamed Madi Djabakate dans laquelle il pose les jalons d’une réflexion poussée, démontrant que la joute autour du retrait de l’Union africaine de la CPI relève d’une dynamique pour discréditer ou affaiblir une institution dont l’existence menace certains privilégiés. Pour lui, la campagne de retrait collectif des États africains de la CPI, au-delà de son aspiration à remettre en cause le système de droit international discriminatoire existant, prend souvent les allures d’une cabale politique empreinte d’intérêts personnels, les chefs d’État africains cherchant une immunité de fait. Pour cela, la CPI doit revenir à la réalité juridique, gage d’un procès impartial prenant en compte à la fois les droits de la défense et des victimes.

    Dans la dernière contribution, le Camerounais Alphonse Zozime Tamekamta s’est penché sur le déroulement du procès d’Hissène Habré et remet en question les CAE dans leur structure et leur efficacité. Pour y parvenir, il articule sa réflexion autour de deux questionnements : quelles leçons et quels enseignements la postérité peut-elle tirer de l’existence (ponctuelle) des CAE et du procès d’Hissène Habré ? Quelle comparaison entre les CAE et la CPI peut être établie ? Pour parvenir à une réponse univoque à ses questionnements, l’auteur retrace la brève histoire du Tchad, en mettant en relief les crimes et autres déportations perpétrés entre juin 1982 et décembre 1990, intervalle correspondant au règne d’Habré. Par la suite, il présente le contexte de création des CAE et analyse son efficacité, au plan réglementaire et fonctionnel. Enfin, il fait une analyse prospective de l’avenir des CAE et du projet de mise en place d’une Cour africaine.

    Au total, cet ouvrage fédère les points de vue et les démarches plurielles pour tenter de comprendre une crise majeure qui secoue la CPI et l’Afrique, occasionnant une levée de boucliers. L’actualité de la thématique et l’acuité des conjectures sont ainsi d’excellents prétextes pour s’interroger sur l’Afrique dans sa globalité ; elle qui semble conjurer la vertu au profit du vice.

    BIBLIOGRAPHIE

    ANGUEZOMO ELLA, S. L. (2015). Les tensions entre l’Union africaine et la Cour pénale internationale à l’occasion de la poursuite des chefs d’État africains, Master en droit et sciences politiques, Limoges, Université de Limoges.

    HARBULOT, C. (dir.) (2012). Guerre de l’information : le dessous des ONG, une vérité cachée, Paris, Réseau d’experts en intelligence économique.

    PARTIE 1

    LA CPI CONTRE L’AFRIQUE

    ABJECTIONS ET OBJECTIONS

    CHAPITRE 1

    LEUCHOPHILIE OU NÉGROPHOBIE ?

    L’Afrique à la croisée de la raison et de la « déraison »

    Alphonse Zozime Tamekamta

    ¹

    RÉSUMÉ

    La Cour pénale internationale (CPI), première juridiction pénale internationale, a été créée le 17 juillet 1998 et son Statut, lui, a été adopté à l’issue de la conférence diplomatique et plénipotentiaire des Nations unies à Rome. Elle est compétente pour juger les personnes coupables des infractions de portée internationale telles que les crimes d’agression, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité (articles 5, 8, 7 et 8 du Statut de Rome). En 2004, huit États, tous africains (Ouganda, Soudan, République démocratique du Congo [RDC], République centrafricaine [RCA], Kenya, Libye, Côte-Ivoire et Mali), étaient concernés par des procédures ouvertes à la CPI. Après un mandat d’arrêt émis contre les présidents soudanais et kényan, et malgré l’arrêt des poursuites contre ce dernier, des voix s’élèvent de plus en plus pour crier au complot contre l’Afrique. De nombreux intellectuels africains voient également dans le rapport CPI-Afrique une interaction insidieuse entre le narcissisme de l’Occident (« leuchophilie ») et la haine contre l’Afrique (« négrophobie »). Or, il suffit d’interroger l’Afrique dans son fonctionnement et sa gouvernementalité pour y déceler des infractions graves. Ainsi, plutôt que de conspuer la CPI, cette contribution ressuscite la réflexion sur l’Afrique et sa propre perception, sur la perception que l’Afrique a de ses rapports au monde, sur l’Afrique et ses propres prévisions/provisions stratégiques.

    Mots clés : Afrique, amour, déraison, haine, raison.

    DEPUIS QUELQUES ANNÉES, L’AFRIQUE S’EST ÉTONNAMMENT découvert une nouvelle identité, faite de construction décloisonnée entre des valeurs tropicales à respecter et le refus de subir la prédation culturelle de l’Occident. Elle se glorifie de sa gouvernance précoloniale que les mécaniques actuelles tardent à formaliser et à reproduire. Elle s’inscrit dans la mondialisation, fait usage de ses bienfaits, mais refuse de se rapprocher des standards internationaux. La violation des droits fondamentaux des Africains par les présidents éternitaires semble peu préoccuper les victimes, au point où certains rusent avec le syndrome de Stockholm dont seraient atteints durablement les Africains. Bien que la violation des droits de l’homme ne soit pas seulement l’apanage des dirigeants africains, les proportions semblent y être dénotées par la présence ubiquitaire des dirigeants au cœur de tous les leviers de l’État et jouant avec la violence légitime.

    Le néopanafricanisme médiatique et scientifique de jeunes intellectuels africains, réclamant une « démocratie » africaine à théoriser et excluant l’alternance au pouvoir, fait encore débat. Le recul nécessaire et la masse critique pourraient, dans ce cas, être présentés comme les outils manquants de l’appareillage scientifique et de leur démarche épistémologique. Ainsi, l’inversion des valeurs et le nivellement se sont accomplis au contact du clientélisme ambiant au point où le quotient de virilité du grand nombre d’intellectuels est la pensée paresseuse, c’est-à-dire que les logiques gouvernantes, sévères hypothèques de l’avenir des millions de jeunes, se rapprochent plus de la médiocratie qu’elles ne s’en écartent. Quelle est ainsi l’efficience des débats larmoyants des Africains ? Quelle est la part capitalisée et théorisée des valeurs traditionnelles africaines susceptibles d’être injectées dans le continuum civilisationnel de la mondialisation ? La CPI est-elle à conspuer dans une Afrique présentée comme le « tombeau » des droits de l’homme ?

    En harmonie avec l’approche toute nouvelle, mais finalement en progrès, de la déconstruction, cette contribution se veut un prologue à une réflexion menée par de jeunes intellectuels africains, non moins acrimonieux que leurs devanciers. Il s’agit donc de susciter le rebours d’une tendance, finalement militante, qui inspire les Africains du dedans et du dehors et en fait des petites gloires marchandes ou épiques.

    LEUCHOPHILIE OU NÉGROPHOBIE : CE QUE L’HISTOIRE NOUS ENSEIGNE

    Le tollé soulevé par l’opinion africaine après la mise en accusation des présidents du Soudan et du Kenya et l’exaltation du protonationalisme au sein de l’Union africaine entretiennent un vieux débat construit sur la base des agrégats spirituels de maître à esclave. En effet, le souvenir de la colonisation hante encore le sommeil des Africains et les contraint à passer des semaines entières, effarés dans leurs lits, ruminant péniblement un passé qui leur a tout hypothéqué : leur présent, leur avenir, leur capacité de concevoir des modèles de développement, leur rationalité, etc. De même, les Africains semblent toujours minorer les grands enjeux internationaux et les rapports de force qui déterminent la politique internationale, au point de ne voir dans leur rapport à l’universalité que les extrêmes affectifs : l’amour et la haine.

    La leuchophilie, première épithète structurelle de cet ouvrage, renvoie à un enfermement affectif de l’Occident dans les négociations avec les pays du Sud. De la sorte, le Statut de Rome, comme les autres conventions internationales élaborées par les pays du Nord, relèverait d’un narcissisme démesuré. À l’inverse (chez les Africains), la leuchophilie renvoie à la tendance démentielle des Africains à justifier leurs retards et faiblesses par l’extrême chauvinisme de leurs interlocuteurs ou partenaires (Occidentaux). Pourtant, l’Afrique est bien plus heureuse de recevoir l’aide publique au développement de l’Occident, de dupliquer malaisément les modèles de développement de l’Occident, d’admettre inopportunément les accords de partenariat économique (APE), sans sourciller face au rebours inefficient et sans convoquer une saine complicité entre ses dirigeants et les Occidentaux. Plutôt, l’Afrique se consacre à énoncer une pseudo-haine dont elle serait victime, exprimée sous forme de « négrophobie », au lieu de tirer des leçons de la « négrologie » de Stephen Smith (2003). Les tribulations endogènes de l’Afrique à se constituer en un bloc souverain et viril, capable de construire une vision et de porter un idéal universel, ramènent le continent à la précolonie et à la prémodernité. En conséquence, elle chemine de façon complexée dans un monde régi par les lois du plus fort auxquelles elle s’identifie et construit les bases de son émancipation internationale. C’est dans ce sillage qu’intervient le droit international, entendu comme ensemble des règles juridiques internationales qui régissent les relations entre plusieurs États ou comme ensemble des textes juridiques ratifiés par plusieurs États ou personnes.

    De façon totale, la polémique construite autour de la prétendue conspiration de la Cour pénale internationale contre l’Afrique pose le problème de la capacité des Africains à s’approprier les contenus et les procédures du droit international au contact des législations nationales. Car, l’Afrique des oligarques domine encore et celle des chefferies se perpétue. Ainsi, que faire des instruments internationaux et universels des droits de l’homme dont les pays africains sont signataires triomphants ? Il s’agit, outre le Statut de Rome, de :

    la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée, ouverte à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa Résolution 34/180 du 18 décembre 1979, entrée en vigueur le 3 septembre 1981 ;

    la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée, ouverte à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa Résolution 39/46 du 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987 ;

    la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ;

    la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, adoptée par la Conférence diplomatique pour l’élaboration des conventions internationales destinées à protéger les victimes de la guerre, adoptée le 12 août 1949 ;

    la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre ;

    la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des armes contre l’humanité, adoptée, ouverte à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa Résolution 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968 ;

    la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée, ouverte à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’Assemblée générale dans sa Résolution 26 A (III) du 9 décembre 1948 ;

    la Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, ouverte à la signature et à la ratification par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) dans sa Résolution 1763 A (XVII) du 7 novembre 1962 ;

    la Convention sur les pires formes de travail des enfants, adoptée en 1999 par la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail ;

    la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, adoptée et ouverte à la signature, à la ratification ou à l’adhésion par l’Assemblée générale de l’ONU le 4 décembre 1989.

    À celles-ci, on peut ajouter des normes juridiques régionales, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples² et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant³.

    La polémique larmoyante des Africains au sujet de la CPI permet au moins de théoriser un mythe : la dyade entre Africains du haut (dirigeants) et ceux du bas (citoyens). Les Africains du haut, présidents en exercice/ anciens présidents des États africains, enfermés dans un enclos impénétrable, sont des surhommes que la justice ne peut nullement inquiéter, quelles que soit les infractions commises. Quant aux Africains du bas, ils constituent la masse silencieuse, justiciables impénitents. Ceux-ci, exécutants, peuvent comparaître devant les juridictions nationales et internationales, alors que les donneurs d’ordre ne le peuvent pas.

    Il revient donc à l’Afrique d’inventer et d’imposer ses propres mécanismes de (re)production de ses valeurs et d’en faire le levain de son identité et de sa souveraineté. Le prix de la Fondation Mo Ibrahim de gouvernance, sans lauréat depuis plusieurs années, invite la conscience 3 parties et en 68 articles, cette Charte stipule, en son article 2, que « toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». Ainsi, « tout être humain a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne ». africaine à la réalité existentielle. L’évocation des épopées africaines dans le système-monde n’est certes pas anodine, mais il faut les capitaliser et en faire un substrat de progrès. Car, il ne suffit plus d’évoquer les exploits antérieurs de l’Afrique dans les domaines de l’agriculture, de la culture, de l’art ou de l’économie pour conforter un capital théorique et rééquilibrer les forces. En effet, les espoirs charriés par l’euphorie des indépendances africaines n’ont pas su entretenir le rêve des masses populaires. L’extrême rajeunissement de la population africaine, sans avoir été une préoccupation majeure des premiers dirigeants et des chefs d’État actuels, décline chaque jour son lot d’exigences. Mises à part les urgences coloniales d’hier, l’Afrique déchante sur les ruines de la monocratie, vendant aux enchères les énergies verbales et pratiques de sa jeunesse. En permanent conflit avec elle-même, subissant l’oppression du système politique, assouplie ou enraidie par l’armature de l’État, la jeunesse africaine, par exemple, brise le mythe par l’envie de l’ailleurs. Ceuta, Melilla, Lampedusa, les gouvernements perpétuels africains, l’aridité du développement, etc. meublent l’histoire et méritent une meilleure attention.

    QUELQUES AFRICAINS ENTRE PARANOÏA ET AMNÉSIE : QUI PEUT ALLER À LA CPI ET POURQUOI ?

    L’éthique du pouvoir politique africain est discutable. Les dernières décennies de gestion cheffale des États africains (principalement en Afrique centrale) donnent du crédit aux analyses antérieures faites par Jean-François Médard (1991) et Jean-François Bayart (1991). Pris dans l’étau de la paranoïa et de l’amnésie, plusieurs Africains ont finalement oublié que l’Afrique est cofondatrice de la Cour pénale internationale, et qu’elle (l’Afrique) a animé la fraction gagnante à la conférence de Rome, opposée à la vision américaine d’une cour inféodée au Conseil de sécurité des Nations unies. Ce sont encore les dirigeants africains, une fois le Statut de Rome adopté, qui s’auréolaient d’être parvenus à rompre les constellations de la traditionnelle opposition entre les blocs Nord/Sud et Est/Ouest.

    Bien plus, les données statistiques, plus ou moins concordantes, fournies par les agences intergouvernementales (ONU, OUA/Union africaine [UA]) et les organisations internationales non gouvernementales agréées (International Crises Group,etc.) ont sonné l’alarme au sujet de l’Afrique, il y a plusieurs décennies. En effet, depuis 1970, l’Afrique a été le théâtre de plus de 95 crises et conflits, dont une grande majorité était des conflits internes, ayant fait 17 millions de réfugiés et des centaines de milliers de morts. D’ailleurs, pour 11 pays africains en conflit durant les années 1990 (Soudan, Éthiopie, Ouganda, Mozambique, Angola, Liberia, Sierra Leone, Burundi, Rwanda, ex-Zaïre, Congo), le nombre de morts était de 3,8 à 6,8 millions ; soit 2,4 à 4,3 % de la population totale de ces 11 pays, estimée à 155 millions d’habitants (Hugon, 2001).

    Deux cas illustratifs précis, non exhaustifs, peuvent être évoqués : le Kenya et la Centrafrique. Au Kenya, les violences et répressions postélectorales de 2007-2008 ont fait 1300 morts, 5000 blessés et 350 000 déplacés. En RCA, comme en RDC, la situation est catastrophique. En effet, depuis plus d’une décennie, les conflits se sont superposés en RCA, forçant le déplacement de plusieurs milliers de Centrafricains, dont 200 000 déplacés internes en 2003, 212 000 durant la guerre civile de 2004-2008, 394 000 en septembre 2013 et 922 000 en janvier 2014. Aussi plusieurs milliers se sont-ils établis dans les pays voisins en mars 2014, dont 130 187 au Cameroun (Agence France-Presse – AFP, 2014), 55 533 en RDC, 87 000 au Tchad, 14 108 au Congo-Brazzaville (Commission européenne, s. d., p. 1). Au 26 septembre 2013, la situation humanitaire en RCA était catastrophique : 1,6 million hors de leurs domiciles (pour 4,6 millions de la population totale), 60 000 enfants exposés à la malnutrition, 650 000 enfants privés du droit à l’éducation, 484 000 personnes exposées à l’insécurité alimentaire, 13 700 malades privés des antirétroviraux, moins de 20 % de couverture médicale dans le pays, 13 700 recrutés par les groupes rebelles⁴. Dans cet environnement, les droits de l’homme sont bafoués. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) en dégage plusieurs, de différente nature : violence physique (coups, tortures, etc.), violences et crimes sexuels, prélèvement illégal des taxes, disparitions forcées, détentions arbitraires, confiscation

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