Le prof d’histoire: Littérature blanche
Par Alain Tytgat
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Alain Tytgat est né en 1949 au Congo. Juriste de formation, il a fait carrière dans la publicité. Passionné d'histoire, de littérature et de musique, il partage aujourd'hui son temps entre l'écriture et les voyages. Il vit à Gand.
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Aperçu du livre
Le prof d’histoire - Alain Tytgat
2
La Jaguar de Michael fonçait sur l’Autoroute du Soleil ! Nous étions partis à quatre découvrir Coudrac avant de concrétiser l’offre élaborée par Didier De Jaeger.
— Où dois-je quitter l’autoroute ?
— Tu passes Montélimar, dit Bernard qui consultait la carte, nous prendrons la sortie de Bollène, puis traverserons le Rhône à Pont-Saint-Esprit pour emprunter la départementale 901 jusque Barjac, qui est à dix kilomètres de Coudrac.
Michael Callebaut conduisait sans fatigue depuis Bruxelles. La perspective d’un bon repas lui donnait des ailes. Nonchalant de naissance, il avait eu la chance d’hériter, ce qui le mettait à l’abri de tout souci financier. Il aurait pu, à lui seul, acquérir le hameau. Michael consacrait son énergie à son passe-temps favori : la recherche de bons vins ! Sa bedaine refoulant les pantalons et ses inévitables taches sur sa cravate trahissaient en lui l’épicurien ! Martine, son épouse, demeurait la plupart du temps dans leur villa au Zoute. Ils n’avaient pas d’enfants.
J’étais assis à l’arrière, à côté de notre président Reginald Van den Bossche. Reginald était un ami d’enfance. Nous nous étions connus au collège, alors que certains portaient encore leurs culottes courtes. Il avait épousé Fabienne, une fille du quartier. Leur fille, Zoé, seize ans, avait le caractère franc, gentil, de son père, et la beauté délicate de sa mère.
— As-tu effectué des recherches sur Coudrac ? demanda Reginald.
— En fait, je n’ai pas trouvé grand chose ! Cette manse faisait partie de la commune de Vagnas, qui fut rattachée, comme tout le Vivarais, à la couronne de France en 1271. La réforme avait gagné Vagnas en 1628. Louis XIII fit démolir les remparts et soumettre le bourg. À la révocation de l’édit de Nantes, sous Louis XIV, il ne faisait pas bon être Huguenot dans le Bas-Vivarais ! Puis il y eut le début de l’insurrection des camisards en 1702. L’année suivante, ces derniers subiront une terrible défaite à Vagnas contre les troupes royales du général Julien…
— Qui sont ces camisards ?
— Tu as jusqu’à Barjac pour donner ton cours ! avertit Michael.
— J’irai à l’essentiel ! dis-je en prenant ma respiration. Dans les manuels d’histoire, on vous explique que le bon roi Louis XIV désirait raffermir son autorité et reconstituer l’unité religieuse dans le royaume. Un roi, une foi, une loi ! Sous l’influence de son épouse morganatique, Madame de Maintenon, de son ministre Louvois, de son confesseur le père La Chaise, et des jésuites, il ordonna une nouvelle et cruelle guerre de religion ! Les papistes contre les protestants. En fait, ceux-ci furent persécutés, emprisonnés, envoyés aux galères, contraints à l’exil ! Ils devaient abjurer ou mourir. Certains continuèrent leur lutte dans la clandestinité où ils écoutaient quelques pasteurs et prédicants. On les appelait, dans le Languedoc, les camisards. En réalité, ce fut surtout une guerre civile, sur fond de religion, qui a permis tous les excès. Raser les temples, tuer, piller, violer au nom de Dieu — c’est plus confortable comme blanc-seing. Ce fut une guerre de pauvres, une guerre de paysans contre les Dragons du roi, une guerre désordonnée, bref une sale guerre