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Maman Aurore et Papa Soleil: Littérature blanche
Maman Aurore et Papa Soleil: Littérature blanche
Maman Aurore et Papa Soleil: Littérature blanche
Ebook178 pages4 hours

Maman Aurore et Papa Soleil: Littérature blanche

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About this ebook

Jules et Paul sont deux enfants, deux frères que tout oppose même et surtout l’amour de Yolande, leur mère, un amour que Jules recherche désespérément jusqu’à s’inventer des parents aimants. Dans une famille déchirée, hantée par la mort brutale d’Anna, la sœur de Yolande, Jules, avec son ami Remzi, le fils de l’épicier turc, cherche à connaître la vérité sur la disparition tragique de sa tante. C’est dans la maison et le village breton de ses grands-parents, qu’il commencera à comprendre.

Une quête tragique, une écriture légère, les mots qui dansent et chantent les émotions d’un enfant qui voudrait tellement comprendre ce drame familial que l’on veut cacher et oublier.
LanguageFrançais
PublisherEncre Rouge
Release dateAug 27, 2021
ISBN9782377898787
Maman Aurore et Papa Soleil: Littérature blanche

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    Maman Aurore et Papa Soleil - Serge Revel

    cover.jpg

    Serge Revel

    MAMAN AURORE

    et

    PAPA SOLEIL

    BIBLIOGRAPHIE

    Aux Editions Encre Rouge

    Dialogue avec mon mainate 2018

    Au sculpteur de rêves 2018

    Le fou de dieu et le rêveur d’étoiles 2019

    Rivière Eternité 2020

    Aux Editions du Rouergue

    Les frères Joseph 2013 (Prix Claude Farrère en 2014) Paru en poche en 2015

    Le maître à la gueule cassée 2014

    Chemins de liberté2015

    Les grandes évasions de Paul Métral 2016

    Chez d’autres éditeurs

    Entre les temps d’ombre Poésie Lyon 1987

    Le vieux, la jeune fille et le capitaine Editions Michalon 1996

    Le fils du dieu soleil Editions des écrivains 1998

    le bonheur est si délicatement fragile Essai. Editions CLC 2002

    Le silence des larmes Editions Edilivre 2016

    Le juge et le cuisinier Editions Les Chemins du hasard 2018

    Le ministre, la grippe et les poulets Editions Le chant de l’aube 2007

    J’ai commencé à naître un peu avant trois ans. Je ne sais exactement quand mais ce dont je suis certain c’est que c’était avant mon anniversaire. Quand je dis naître, c’est avoir des souvenirs parce qu’avant je suis incapable de dire ce qui s’est passé, ce que j’ai vécu, ce que j’ai vu, entendu. Il paraît que c’est enfoui en soi mais j’ai beau creuser, je ne trouve rien, absolument rien.

    Plusieurs choses m’ont profondément marqué et sont comme un paysage autour de moi, un décor que je ne suis jamais arrivé à écarter vraiment. Elles me font encore peur et me font toujours souffrir aujourd’hui…

    Tout d’abord celle de l’ombre, de la nuit. Tout était sombre, la maison cachée derrière une colline qui masquait le peu de soleil qui n’atteignait le jardinet que quelques petites heures en été, la cuisine, ma chambre qu’éclairait faiblement et en permanence une ampoule qui libérait une lumière d’un jaune pisseux. J’ai pris peur de l’ombre et de la nuit. Comme j’ai pris peur du feu lorsqu’un incendie s’est déclaré dans une maison voisine. Fascinant mais surtout effrayant. Maman nous portait dans ses bras, Jules et moi, pour nous empêcher de courir vers les flammes… C’est la seule fois où j’ai dû être dans les bras de maman… avant, je ne sais pas mais après ce jour, jamais… jamais… J’ai pourtant essayé mille fois mais elle me repoussait, jamais méchamment mais visiblement elle n’avait pas envie de s’embarrasser de moi. Je quêtais un baiser comme je voyais faire les mamans dans le petit parc où une fille sans tendresse, une étudiante sans doute payée par mes parents pour s’occuper de moi, me conduisait tous les jours.

    Et puis il y a surtout ce mystère qui a grandi au cours des années, la disparition brutale de tante Anna, la sœur de maman, une disparition qui semblait mettre tout le monde mal à l’aise, qui provoquait colères et silences.

    La nuit et l’ombre, la peur et la fascination du feu, l’absence et la quête désespérée d’amour et surtout cet effrayant mystère, voilà ce qui m’a profondément marqué aux premiers jours de ma conscience. Je replonge dans mon enfance. Reviennent les images, les mots, les visages, les peurs, les joies, les rêves et surtout, surtout les questions.

    Maman

    Maman est très belle, c’est ce que tout le monde dit. Il suffit de suivre le regard des hommes lorsqu’elle se promène en ville avec mon frère Jules et moi… Mon frère qu’elle tient par la main et moi qui les suis. Je vois bien les hommes s’arrêter et se retourner ! Maman est grande, toute fine, avec des jambes qui n’en finissent pas. Elle est aussi blonde que les poupées Barbie qui sont exposées dans la vitrine du magasin de jouets du coin de la rue.

    Oui, maman ressemble vraiment à une grande poupée Barbie, avec ses lèvres peintes, ses yeux dessinés. Je la vois tous les jours ajouter des grands cils noirs qui font ressortir ses yeux bleu si pâle qu’on dirait presque de l’eau. Elle s’ajoute aussi des ongles aux doigts, des ongles très longs et de couleur différente selon les jours. Bleu le lundi, rose le mardi, vert le mercredi, jaune le jeudi, noir le vendredi, blanc le samedi et rouge le dimanche. Comme ça je sais vraiment quel jour on est ! C’est comme pour ses robes et ses manteaux. Elle a ses couleurs suivant les jours. Maman s’habille toujours comme une princesse avant de partir travailler. Elle est secrétaire de direction d’un grand groupe, c’est ce qu’elle répète souvent comme si c’était important, secrétaire d’un grand groupe dont je n’arrive pas à retenir le nom tant il est compliqué et puis je m’en fiche d’ailleurs.

    Maman ne m’aime pas, c’est tout ce que je sais. Je l’ai bien compris quand j’ai vu, au parc, les autres mamans. Les mamans disaient à leurs enfants : ma chérie, mon chéri, mon amour, mon cœur, mon ange… Elles les embrassaient, les prenaient dans leurs bras où ils venaient se jeter, les yeux riant de bonheur. Je les regardais comme s’ils arrivaient d’une autre planète. Et ce soir-là, lorsque maman est revenue de son travail, j’ai couru vers elle pour me jeter moi aussi dans ses bras qu’elle n’ouvrait jamais. Ça ne va pas, Paul ? Qu’est-ce qui te prend ? Fiche-moi la paix ! On dirait une sangsue ! T’es collant, Paul !

    Paul… J’ai toujours détesté ce prénom, celui de l’oncle Paul, le frère du grand-père de papa, un vieux tout ridé aux yeux morts comme ceux des lapins qu’il tuait toutes les semaines. Paul… c’est bête comme prénom, ça sonne mal, ça ne donne pas envie d’exister. Juste de vivoter comme le vieil oncle baveux, l’horreur quoi, beurk… Et puis ce prénom imbécile, il sert à quoi ? À interdire… ou à obliger… Paul, ne touche pas à ça… Paul, ne monte pas sur… Paul, qu’est-ce que je t’ai dit… Paul, tu ne dois pas… Paul, qu’est-ce que tu m’as encore fait ? Paul, tu vas manger… Paul, tu vas te coucher, Paul tu vas… Oui, ça sonne mal et ça donne aussi envie de se révolter si on a un peu de caractère.

    Maman préfère mon frère Jules. Encore un prénom imbécile ! Oui, elle le préfère car lui il peut l’embrasser comme il veut. Elle l’appelle mon petit Jules, mon Juju… Et moi c’est : Paul-encore dans mes pattes !

    J’aimerais mieux qu’elle ait des pattes, maman, qu’elle ressemble à la chienne du voisin qui vient se faire câliner. Elle est toute noire avec des poils longs qui sont tout doux. Je la prends dans mes bras et elle me lèche avec sa grosse langue baveuse. C’est dégoutant, Paul ! File te laver ! Je me lave tout seul. Jamais maman ne vient avec moi comme elle le fait avec papa. Je les entends dans la salle de bain ! Ils rient tous les deux. Ça me fait mal de les entendre. Au début, j’ai pleuré mais j’ai vite compris que ça ne servait à rien. T’arrêtes de chougner, Paul ! T’as vu ta tête ! File dans ta chambre et mouche-toi !

    Maman lève souvent le bras avec un torchon mouillé au bout de la main. Mais qu’est-ce que tu as encore fait, Paul ? Tu es impossible Paul ! Qu’est- ce qui m’a fichu un abruti pareil ! Je t’avais interdit de… Tu n’as pas le droit de… Mais regarde-toi ! Tu es laid, Paul ! Tu pues, va te laver, petit porc ! Arrête de chougner pour un rien ! Chougner, c’est un mot qu’elle adore pour parler de moi.

    C’est vrai qu’au plus loin de mes souvenirs, j’étais une fontaine. Mais quand j’en ai pris conscience, j’ai fermé une bonne fois les yeux et je n’ai plus jamais pleuré, même quand elle me frappait avec son torchon, plus jamais. Je la regardais seulement, fixement. Ça la mettait encore plus en rage. Tu arrêtes, Paul ! Tu arrêtes de me regarder comme ça ! Tu me fais peur, Paul ! Plus aucune larme. Juste mes yeux pour la tuer. J’avais vu à la télévision un film où l’héroïne fixait ses adversaires de ses yeux bleus et tous baissaient la tête, aussi penauds qu’Olga, la chienne du voisin, Kémal Kérulu, qui la punissait quand elle faisait tout plein de bêtises comme son fils Remzi, mon copain. Oui, je crois bien que maman avait peur. Elle n’a plus levé son torchon. Elle se contentait de mots méchants mais je m’en fichais totalement.

    Un jour, je l’ai entendue dire à papa : je n’en peux plus de ton fils ! Il est effrayant ! Tu as vu son regard ? On dirait qu’il veut m’assassiner ! Je n’ai pas compris ce que papa a répondu mais ça l’a mise en fureur. Elle est sortie en claquant la porte et papa est venu me voir, m’a pris dans ses bras et m’a dit qu’il me comprenait mais qu’il fallait essayer d’être gentil avec elle, que c’était ma maman, qu’elle avait eu une vie compliquée et que ce n’était pas forcément de sa faute, que je comprendrai plus tard…

    Papa

    J’aime mon papa. Il s’appelle Jean, mais personne ne l’appelle par son prénom et surtout pas maman. Il est presque aussi haut que la porte et, quand il me met sur ses épaules, je touche le plafond ! Il est tout grand et tout musclé comme Raphaël Nadal. Il lui ressemble tellement, surtout quand il met son bandeau sur la tête pour faire son sport dans le garage. Je m’assieds sur la marche et je le regarde. Il fait des pompes, saute à la corde, pédale sur son vélo, se couche sur le dos pour faire rouler ses jambes, respire fort, souffle, écarte les bras, les jambes, sautille, se hisse à la force des bras accroché à une barre qu’il a coincée dans la trappe du grenier, au- dessus du garage, se met à quatre pattes, lève un bras, puis l’autre, pareil pour les jambes, fait la roue, le pendu… Il transpire beaucoup, il est tout rouge quand il a terminé. Papa est un vrai sportif. Il va aussi trois fois par semaine au judo. Il me dit à chaque fois : quand tu seras grand, tu pourras t’entraîner comme moi… C’est toujours quand je serai grand, avec lui.

    Papa joue de temps en temps, avec moi et mon frère Jules, le dimanche, dans le jardin ou plutôt dans le bout de pré qu’il a acheté dans la banlieue de la ville. On y va tous les quatre. On a construit une cabane, on fait un feu avec des brindilles ce qui met chaque fois maman en colère. Tu sais que c’est interdit ? On va se faire prendre ! Mais papa s’en fiche. Il hausse les épaules et rajoute du bois en me faisant un clin d’œil. J’aurais tant aimé jouer avec lui tous les dimanches… Parfois maman ne vient pas et c’est bien mieux car on peut tout faire mais Jules raconte tout à maman et on se fait disputer.

    Papa ne parle pas beaucoup. Un peu avec moi et Jules. Il nous prend parfois dans ses bras et nous dit : mes enfants, mes garçons, mes grands. Il ne parle plus dès qu’on est tous ensemble avec maman. Il ne lui répond même pas quand parfois elle s’adresse à lui. Je le comprends. Elle crie tout le temps et papa, ça doit l’énerver. D’ailleurs il part très vite. Dans son bureau, dans le jardin ou même dans la rue. Parfois il s’en va même le soir faire du sport ce qui met maman en colère. Elle lui crie : c’est ça, vas-y, ne te gêne surtout pas !… Je ne sais pas ce qu’elle veut dire. Mon frère Jules se précipite dans ses bras et moi je suis tout triste parce que papa est parti et je reste muet. Je regarde le vide. C’est pratique, le vide, parce que c’est comme si on n’était plus là. Ça met maman en fureur. T’es bien comme ton père ! Deux sourdingues ! Pas un pour racheter l’autre ! Alors je pars en claquant la porte, comme papa. ! Moi, je suis fier de ressembler à papa et ça me rend plus fort.

    Papa reste toujours silencieux quand nous sommes tous les quatre, c’est-à-dire le soir ou les dimanches, au moment des repas. Je voudrais dire plein de choses sur papa-Silence, c’est comme ça que je l’ai appelé. Mais c’est difficile de parler de l’absence. Il revient très tard chaque soir, sans dire un mot, m’embrasse sur le front et soupe si silencieusement que je n’entends que le petit chlac de la cuillère dans l’assiette de soupe. Il ne nous regarde pas, maman, Jules et moi, à peine un léger sourire quand il se lève de table pour disparaître jusqu’au lendemain soir. Il m’impressionne, papa-Silence. Et surtout il a un air si triste, sauf quand il fait son sport, que j’ai envie de le prendre dans mes bras pour le consoler. Moi qui rêve d’un papa-Soleil comme j’en vois de temps en temps au parc, qui jouent au ballon avec leurs enfants, qui les portent sur leurs épaules en faisant le cheval, hennissant et éclatant de rire. Il n’y a qu’au jardin, quand on est tous les deux, qu’il s’amuse vraiment avec moi.

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