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Esquisses morales et littéraires: Réminiscence des études, définition de l'esprit, du goût, des sensations qui s'y rattachent
Esquisses morales et littéraires: Réminiscence des études, définition de l'esprit, du goût, des sensations qui s'y rattachent
Esquisses morales et littéraires: Réminiscence des études, définition de l'esprit, du goût, des sensations qui s'y rattachent
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Esquisses morales et littéraires: Réminiscence des études, définition de l'esprit, du goût, des sensations qui s'y rattachent

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"Esquisses morales et littéraires", de Thomas Brunton. Publié par Good Press. Good Press publie un large éventail d'ouvrages, où sont inclus tous les genres littéraires. Les choix éditoriaux des éditions Good Press ne se limitent pas aux grands classiques, à la fiction et à la non-fiction littéraire. Ils englobent également les trésors, oubliés ou à découvrir, de la littérature mondiale. Nous publions les livres qu'il faut avoir lu. Chaque ouvrage publié par Good Press a été édité et mis en forme avec soin, afin d'optimiser le confort de lecture, sur liseuse ou tablette. Notre mission est d'élaborer des e-books faciles à utiliser, accessibles au plus grand nombre, dans un format numérique de qualité supérieure.
LanguageFrançais
PublisherGood Press
Release dateSep 6, 2021
ISBN4064066338220
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    Esquisses morales et littéraires - Thomas Brunton

    PREMIÈRE PARTIE

    Table des matières

    RELIGION, MORALE

    LITTÉRATURE DES HÉBREUX

    Table des matières

    L’origine de la littérature des Hébreux est fort controversée; leurs livres sont d’anciens monuments historiques de la plus haute importance, mais dont nous ne pouvons préciser l’époque absolue.

    Sanchoniaton, écrivain phénicien (1183 av. l’ère), était contemporain de Jephté, juge. Il a composé une Théologie qui a été traduite en grec par Philon de Byblos (89 de l’ère), dont il ne reste que quelques fragments. Homère chantait la guerre de Troie au temps d’Élie et d’Athalie (884). Hérodote n’écrivit que du temps d’Esdras; les ouvrages de Confucius ne remontent pas au delà du sixième siècle avant l’ère chrétienne. Bérose florissait sous Alexandre le Grand (528), Manéthon sous Ptolémée Philadelphe (265). S’il est vrai que les Égyptiens et quelques nations orientales aient précédé les Israélites dans l’art d’écrire et dans le culte des lettres, ils ne nous ont rien transmis qui puisse justifier ces conjectures et fixer nos jugements.

    Le style même des saintes Écritures, et surtout celui des livres de Moïse, prouve leur extrême antiquité. C’est la simplicité, la naïve franchise des peuples naissants: l’art ne s’y montre point. On n’avait pas encore appris à séduire les hommes par l’éclat, la pompe et l’élégance du discours, comme on n’avait point encore imaginé le luxe des meubles, de la table et des vêtements: l’or et tous les genres de richesses étaient réservés pour l’arche d’alliance et les fêtes du Seigneur.

    On remarque, entre le style des Livres saints et les plus anciennes productions du génie des Grecs, une merveilleuse ressemblance: c’est que, dans ces temps lointains, les mœurs étaient à peu près les mêmes, et que la littérature en est toujours l’expression. L’Odyssée d’Homère, dont la lecture est si attrayante, emprunte la meilleure partie de son charme à cette peinture des mœurs, de la naïveté des détails et des descriptions. Mais la simplicité des Livres saints a quelque chose de plus auguste, et qui décèle son origine céleste.

    Sans doute, il ne faut pas considérer les beautés littéraires de ces monuments sacrés comme celles des autres productions de l’esprit humain; mais le respect qui leur est dû n’empêche pas que nous ne cherchions à reconnaître le goût, le génie, le sentiment, qui distinguent ces livres sublimes; car, si la pensée vient du ciel, le style appartient aux écrivains chargés de nous la transmettre.

    En étudiant les beautés de l’Écriture sainte, nous apprendrons à la révérer davantage; et, quand les gens du monde et les hommes d’un esprit frivole reconnaîtront que les chants de David et les inspirations des prophètes surpassent tout ce que le génie de l’homme a produit de plus parfait, ils en prendront une idée plus digne de leur source divine.

    Mais, avant de nous engager dans ces intéressantes recherches, il est nécessaire d’en faire précéder l’étude de quelques notions préliminaires: aucun homme intelligent ne saurait ignorer quels sont les différents genres de productions qui composent le corps des saintes Écritures, de quels commentaires on les a accompagnées et quelles traductions on en a publiées.

    On désigne, sous le nom de Bible, la collection des Livres saints.

    Le mot Bible est grec, et signifie Livre. On le donne aux Écritures saintes, parce qu’on les regarde, avec raison, comme le livre par excellence.

    On partage aussi la Bible en livres canoniques et livres apocryphes. Les livres canoniques sont ceux dont l’authenticité est reconnue, et qui servent de règle à la foi; les livres apocryphes, ceux dont les auteurs sont inconnus, l’autorité douteuse, et qui ne sont point compris dans le catalogue ou canon des saintes Écritures.

    Les livres canoniques consistent en quatre classes: l’histoire, la législation, la morale et la poésie.

    Les livres d’histoire se divisent en générale et particulière. L’histoire générale se compose de douze livres, qui comprennent un espace de quatre mille quatre cent quatre-vingt-treize ans, à commencer à la création jusqu’à la victoire de Judas Machabée sur Nicanor. Ils sont connus sous le nom de Genèse, d’Exode, de Josué, des Juges, des Bois, des Paralipomènes, d’Esdras, de Néhémias et des Machabées.

    La Genèse, dont le nom signifie naissance, contient l’histoire de la création, de l’origine et de la chute de l’homme, des peuples qui ont précédé le déluge, des patriarches qui l’ont suivi, jusqu’à l’établissement de la famille de Jacob en Égypte (1706).

    L’Exode, mot grec qui signifie sortie, est consacré au récit de la servitude des Hébreux sous les Pharaons; de leur délivrance miraculeuse, de leur séjour dans le désert, jusqu’à la construction du tabernacle: ces deux livres sont de Moïse.

    Le troisième, intitulé Josué, est regardé comme l’ouvrage de ce grand capitaine. Il contient, dans un espace de dix-sept ans, le récit de ses victoires, de la conquête et du partage de la Terre promise.

    Après Josué, treize magistrats, connus sous le nom de Juges, gouvernèrent le peuple d’Israël. Leur histoire est contenue dans l’ouvrage qui porte leur nom. Elle comprend trois cent dix-huit années, commence à la mort de Josué, et finit à l’époque où Samuel prit les rênes du gouvernement, comme juge.

    L’histoire des Rois, partagée en quatre livres, est celle des souverains qui ont régné sur les deux empires de Juda et d’Israël pendant cinq cent quatre-vingt-treize ans. On regarde les prophètes Samuel, Nathan et Gad, comme les auteurs des deux premiers livres. On ignore quels sont les auteurs des deux seconds.

    On appelle Paralipomènes (faits omis) une sorte de supplément à l’histoire des Rois. C’est, en effet, un recueil des divers événements tirés des notes tenues par ordre des rois. Cet ouvrage se divise en deux parties. Mais les Israélites les réunissent en une seule, sous le nom d’Annales. Saint Jérôme les nomme Chroniques.

    Esdras et Néhémias ont écrit l’histoire du retour de captivité de Babylone. Leur travail n’est connu que sous le nom de premier et second livre d’Esdras.

    Enfin, les livres des Machabées sont consacrés au récit des actions héroïques qui signalèrent les chefs du peuple de Dieu, sous le gouvernement des successeurs d’Alexandre le Grand. C’est un morceau d’un haut intérêt. L’auteur du premier livre est un Hébreu, dont on ignore le nom; l’auteur du second, un Grec, nommé Hiéron.

    Rien n’est plus connu que les histoires particulières renfermées dans le corps des saintes Écritures. Qui n’a point entendu parler de l’églogue touchante de Ruth, de l’intrépidité de Judith, de la douceur d’Esther? Ces ouvrages sont autant d’épisodes qui se rapportent à l’histoire générale des Israélites, et en sont les plus beaux monuments.

    Les livres de législation sont: le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Les livres de morale sont: la Sagesse, les Proverbes, l’Ecclésiaste et l’Ecclésiastique; leurs auteurs s’élèvent souvent à toutes les hauteurs d’une éloquence inspirée.

    Les livres prophétiques sont remarquables sous le rapport des beautés littéraires qui les placent au plus haut degré dans les productions du génie; mais ce n’est pas pour frapper les Juifs par la puissance de l’éloquence et de la poésie, que les prophètes étaient inspirés. Ils avaient, dans les décrets de Dieu, une destination bien plus digne de leur origine; c’était de leur bouche que devaient sortir les oracles qui annonçaient la nouvelle alliance du ciel et de la terre, et les prophètes sont encore la preuve la plus positive de la vérité de la religion chrétienne.

    Les prophètes sont au nombre cle dix-sept; les grands prophètes sont: Isaïe, le plus sublime de tous; Jérémie, le plus tendre; Ézéchiel, le plus énergique; Daniel, le plus élégant, et Baruch, souvent l’égal d’Isaïe pour l’élévation des idées et la noblesse du style.

    Les plus considérables des douze petits prophètes sont: Osée, Joël, Amos, Zacharie et Malachie; nous ne possédons que peu de chose d’Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie et Aggée.

    Les autres morceaux de poésie épars dans le corps des Écritures saintes sont des apologues pleins, d’intérêt et de justesse, des chants d’admiration et de reconnaissance pour les bienfaits de Dieu, et des élégies sur des malheurs publics ou particuliers: on y trouve des morceaux d’éloquence de la plus riche composition.

    Quelque nombreux que soient nos livres saints de haute antiquité, nous sommes loin néanmoins de posséder toutes les richesses de la littérature des Hébreux. Les malheurs qu’ils ont éprouvés leur en ont fait perdre plusieurs, et les livres des Rois nous renvoient souvent à des Chroniques qui ne sont point parvenues jusqu’à nous. Salomon seul avait écrit un nombre considérable de paraboles et de cantiques, et son exemple avait excité une grande émulation.

    Nul peuple n’a plus de vénération pour ses livres que le peuple d’Israël. Ils sont l’objet de la plus haute estime et des recherches les plus profondes de ses docteurs. Outre la loi écrite, ce peuple reconnaît encore une loi orale qu’il fait remonter à Dieu même, et qu’il croit transmise de bouche en bouche, depuis Moïse, jusqu’aux temps les plus reculés. Les savants ont recueilli ces traditions sous le nom de Talmud; elles sont presque aussi respectées que la Bible elle-même.

    On en distingue deux, celui de Jérusalem et celui de Babylone. Le Talmud de Jérusalem est le plus ancien, celui de Babylone le plus suivi: ils sont l’un et l’autre composés de deux parties que les Juifs nomment la Misna et la Gemare. La Misna est le texte, la Gemare le commentaire. Le texte du Talmud de Jérusalem est le plus sûr: il remonte jusqu’à l’an 500 de Jésus-Christ. Le Talmud de Babylone a été composé en Mésopotamie au cinquième siècle: c’est l’ouvrage qu’étudient particulièrement les Israélites qui aspirent au titre de savants. Il est rempli d’une foule de recherches et de dissertations, dont les unes sont excellentes, les autres frivoles, puériles, et fondées sur des traditions ridicules et fabuleuses. Ce sont ces jeux d’une imagination errante que l’on connaît sous le nom de cabale, du mot hébreu kabbalah (science de tradition). Si l’on en croit quelques rabbins, ces livres recèlent une foule de combinaisons, de sens cachés et de mots mystérieux, au moyen desquels ils prétendent converser avec les anges, chasser les démons, découvrir l’avenir et les choses cachées; rêveries que repoussent, même parmi eux, les hommes judicieux et éclairés. Le docte juif Maïmonide a fait de ces livres un extrait d’où il a écarté tout ce qui lui a paru indigne de la majesté des Écritures. C’est un ouvrage très-estimable.

    Outre le recueil des traditions orales, les Israélites possèdent des versions de la Bible et des paraphrases qui sont souvent d’une grande utilité pour l’interprétation des livres saints. Ces ouvrages sont connus chez eux sous le nom de Targum.

    Lorsque le peuple de Dieu, après sa longue captivité, retourna à Jérusalem (en 536), la plupart des Israélites qui étaient nés à Babylone avaient presque oublié leur langue maternelle. Esdras (452) ne put lire en public les livres saints, sans les faire traduire oralement en langue chaldaïque à mesure qu’il parlait. Il s’établit alors des interprètes qui facilitaient au peuple l’intelligence des livres saints. Bientôt on sentit l’avantage d’écrire ces traductions, on en recueillit huit, dont les principales sont celles d’Onkelos (rabbin), de Joathan et de Jérusalem. Le Targum d’Onkelos est une traduction fidèle et littérale des cinq livres de Moïse, connus sous le nom de Pentateuque. C’est l’ouvrage d’un savant très-versé dans la langue, la religion et les mœurs des Israélites.

    La version de Joathan est écrite avec une grande pureté, mais elle est moins exacte; c’est plutôt une paraphrase qu’une traduction. Elle comprend le Pentateuque et les livres des Prophètes.

    Les autres ouvrages de ce genre sont beaucoup moins estimés, mais ils peuvent servir encore à l’explication des passages difficiles de l’Écriture. Le savant Buxtorf les a réunis tous dans la grande Bible hébraïque qu’il a publiée à Bâle en 1620. On fait remonter à l’an 44 de Jésus-Christ le Targum d’Onkelos.

    Lorsque les Juifs, en passant sous le joug des Grecs, furent plus connus; lorsqu’ils commencèrent à se mêler parmi les autres nations, leurs livres devinrent un objet de curiosité et d’intérêt pour les savants. Ptolémée Philadelphe, en Égypte (en 277), s’adressa au grand prêtre Éléazar, qui lui envoya des interprètes très-versés dans les deux langues. Quelques historiens, et entre autres Aristée, plus amis du merveilleux que de la vérité, ont écrit que ces interprètes, au nombre de soixante-douze, furent enfermés dans des cellules séparées, saris aucune communication entre eux; qu’ils travaillèrent soixante-douze jours; que le soixante-treizième, ils présentèrent chacun leur travail, et que ce travail se trouva tellement semblable, qu’on ne put y remarquer un seul mot de différence. Saint Jérôme a contesté avec raison ces récits fabuleux. Tout ce qu’on peut dire à ce sujet, c’est qu’en effet on traduisit les livres saints pour la bibliothèque d’Alexandrie, et que cette traduction ayant été soumise à l’examen de soixante-dix docteurs, elle obtint leur approbation, et fut publiée sous le nom de Version des Septante. On n’est pas sûr que tous les livres de l’Écriture aient été compris dans cette traduction célèbre; quelques savants pensent qu’on ne traduisit que les cinq livres de Moïse. Si cette opinion est fondée, il est à présumer que les autres parties ont trouvé aussi des interprètes habiles et fidèles, car la Version des Septante a toujours joui d’une haute considération. C’est sur ce texte qu’ont été faites les plus anciennes traductions latines.

    Dans les premiers siècles de l’Église, le nombre en était infini; la faveur des fidèles les multipliait avec plus de zèle que de discernement. Il en était une, cependant, à laquelle on accordait une juste préférence. Elle était connue sous le nom d’Italique, de Vulgate ou d’Antique. Saint Jérôme conçut l’heureuse pensée d’en donner une nouvelle édition sur le texte hébreu. Il se livra à l’étude de cette langue avec tant d’ardeur, et s’y rendit si habile, que sa traduction fut bientôt admise. On les a depuis réunies, en leur conservant le nom primitif. Cette traduction est celle dont nous nous servons aujourd’hui. Tout n’est pas de saint Jérôme; les Psaumes sont de l’ancienne Vulgate, ils ont été traduits sur le texte grec.

    Rien n’était plus propre à faire connaître les livres saints que de réunir dans un corps d’ouvrage toutes les versions qui en avaient été faites. C’était un moyen d’en saisir mieux l’esprit, d’en apprécier plus facile ment les beautés, Origène eut le premier cette idée. Il rassembla d’abord dans un même volume les quatre traductions grecques les plus estimées de son temps. Celle des Septante y tenait le premier rang. Il en ajouta ensuite deux autres, ce qui fit donner à cette riche collection le nom d’Hexaples (six). Son zèle s’accroissant avec le succès, il y ajouta le texte hébreu en caractères hébraïques et en caractères grecs. Mais cette grande édition était plutôt un monument religieux qu’un livre usuel; pour en rendre la communication plus facile, il en fit un abrégé où il n’admit que la version des Septante, avec toutes les variantes des autres traductions.

    Il était difficile de mieux servir la religion et la science. Cependant de grandes entreprises ont été faites dans nos temps modernes. Depuis la découverte de l’imprimerie, les presses se sont enrichies de magnifiques éditions polyglottes. La première est celle du cardinal Ximenès, archevêque de Tolède, publiée en 1517, à Alcala, en six volumes in-folio. Elle renferme un texte hébreu très-pur: la traduction chaldaïque, la version grecque des Septante et la version latine. Les éditeurs de ce célèbre ouvrage sont souvent désignés sous le nom de Complûtes, parce que le nom latin de la ville d’Alcala est Complutum.

    Arias, savant théologien espagnol, surnommé Montanus (parce que, pour travailler plus tranquillement, il vivait retiré dans les montagnes de l’Andalousie), a surpassé encore le travail du cardinal Ximenès. Chargé, en 1560, par le roi Philippe II de publier une grande et riche édition de la Bible, il réunit en huit volumes in-folio l’hébreu, le chaldéen, le grec, le latin, le syriaque, et fit imprimer ce grand ouvrage à Anvers. Cette superbe édition est connue sous le nom de Polyglotte royale.

    Il semblait, en effet, qu’une si grande et si belle entreprise ne pouvait appartenir qu’à un roi. Cependant, en 1628, un simple avocat de Paris, nommé Lejay, conçut un projet plus vaste encore. Mécontent de toutes les Polyglottes qui avaient paru jusqu’alors, il fit venir des montagnes du Liban de savants Maronites, dépensa 100,000 écus pour faire fondre des caractères et fabriquer de magnifique papier; il employa dix-sept ans à son travail, et publia, de 1628 à 1645, une Bible in-folio en dix volumes, contenant l’hébreu, le samaritain, le chaldéen, le syriaque, l’arabe, le grec et le latin. Mais cette Bible, chef d’œuvre de typographie, est encore imparfaite. Le format en est incommode, et la traduction syriaque ne se trouvant point en regard avec les autres, on est obligé, pour la consulter, de recourir à des colonnes particulières.

    Lejay se ruina, entra dans les ordres, obtint le brevet de conseiller d’État, et vécut péniblement du produit de quelques bénéfices. En sacrifiant sa dignité, il eût conservé sa fortune, et probablement obtenu de grandes récompenses. Il ne voulut point faire le sacrifice de sa gloire à l’ambition du cardinal de Richelieu, qui, pour rivaliser avec le cardinal Ximenès, désirait que Lejay lui fît hommage de son travail et le publiât sous son nom. Content de l’honneur qu’il s’était acquis, il en fit sa plus chère jouissance et dédaigna le reste. Les Anglais, quelques années après, firent composer une Bible semblable par un de leurs plus savants évêques nommé Walton, en disposèrent mieux les parties, et la firent publier sous un format plus commode. C’est, de toutes les Polyglottes, celle qu’on préfère aujourd’hui, quoiqu’elle ne soit pas sans reproches.

    Il n’est pas de peuple chrétien qui n’ait une ou plusieurs traductions de la Bible en sa langue naturelle; on en trouve le catalogue dans la bibliothèque sacrée du P. Lelong. Les traductions françaises se sont très-multipliées depuis un siècle. La plus répandue est celle de Lemaistre de Sacy, publiée en 1682, d’abord in-8°, ensuite in-folio, et enfin sous tous les formats.

    Aujourd’hui ces traductions sont effacées par celle de Genoude, la plus élégante et la plus fidèle qu’on ait encore publiée dans notre langue. Les meilleures éditions latines de la Bible sont celles de l’abbé de Vence (1720), du P. des Carrières (1701) et de Vatable (1558). Le meilleur commentaire en notre langue est celui de dom Calmet. Les commentaires latins les plus savants et les plus estimés sont ceux publiés sur la Bible de Clément VIII et Sixte-Quint. Ils se composent de vingt-huit volumes in-4°, écrits par onze théologiens du plus grand mérite.

    La langue hébraïque était celle d’Abraham et des Patriarches qui l’ont précédé, celle de Moïse et des Livres saints. Les Hébreux la conservèrent soigneusement pendant leur séjour en Egypte. Elle n’avait rien de commun avec la langue des Pharaons, car Joseph fut obligé de se servir d’interprètes pour entretenir ses frères. Image fidèle du peuple qui la parlait, elle se distingue par une rare simplicité. Tous les mots qui la composent sont tirés d’un petit nombre de racines; son dictionnaire est l’un des moins étendus que nous connaissions; mais elle est riche dans les verbes, qui expriment souvent le développement d’une idée tout entière. Ainsi elle dit d’un seul mot: Être grand, être élevé à la grandeur, conférer la grandeur. Une lettre, un signe ajouté au commencement ou à la fin d’un mot, tiennent souvent lieu de pronom et de préposition. C’est, de toutes les langues connues, celle qui s’exprime avec le plus de brièveté. La marche en est facile et naturelle, et il n’y a jamais d’obscurité. Chaque proposition est exprimée séparément. La phrase principale n’est point surchargée d’accessoires et ne s’embarrasse point dans les détours d’une longue période. Il en résulte une grande clarté, mais cet avantage n’est pas le seul; comme les Hébreux ont peu de mots abstraits, le langage est nécessairement pittoresque et figuré ; car ils sont obligés d’emprunter les noms des objets matériels pour exprimer leurs idées morales et intellectuelles. Les Hébreux ne craignent point les répétitions. Ils redisent souvent, dans le même ordre et avec les mêmes mots, ce qu’ils ont dit précédemment. C’est ainsi qu’Homère fait aussi parler ses dieux et ses héros. Ils se plaisent, comme tous les Orientaux, dans les comparaisons, l’hyperbole et les allégories. Ils recherchent les figures brillantes et tout ce qui tient à une imagination vive et animée. Dans la simplicité de leurs mœurs, ils se permettent quelquefois des images qui offenseraient notre susceptibilité ; mais on reconnaît partout un grand caractère de franchise et de liberté.

    Il ne paraît pas qu’ils aient jamais songé à étudier et fixer les règles de leur langue, pour en faire un corps de doctrine. Leur grand respect pour les Livres saints les éloignait de tout esprit d’innovation. Les caractères dont ils se servaient étant d’une forme moins simple que les nôtres, exigeaient plus de temps. C’était dans l’origine ceux qu’on appelle aujourd’hui samaritains, parce qu’ils se conservèrent plus longtemps à Samarie qu’à Jérusalem. Après la captivité de Babylone (536), on substitua à ces caractères, d’une forme inélégante et compliquée, des signes plus faciles à tracer et plus agréables à l’œil. Tels sont ceux dont on se sert aujourd’hui.

    Tout le monde sait que les Hébreux écrivent de droite à gauche, dans un ordre inverse du nôtre; de sorte que leur première page correspond à la dernière de nos livres modernes. C’est un usage chez la plupart des peuples orientaux. Ce fut d’abord celui des Grecs, qui ne le changèrent qu’après une longue suite d’années.

    Les savants qui ont étudié la langue hébraïque sont partagés sur l’origine des points-voyelles; jusqu’au seizième siècle, on les avait crus aussi anciens que la langue même. Mais l’invention de l’imprimerie ayant fait sortir des bibliothèques une foule de manuscrits inconnus et d’une haute antiquité, on fut étonné d’en trouver un grand nombre sans aucun point. Élias, lévite, l’un des Israélites les plus érudits de son temps, se livra à ce sujet aux plus utiles et aux plus laborieuses recherches, et se flatta de démontrer que ces points-voyelles étaient d’une origine moderne; qu’ils avaient été inventés par des docteurs qu’on appelait Massorètes, du mot hébreu Massorah (tradition), et qui tenaient une sorte d’académie à Tibériade (aujourd’hui Tabarié), ancienne ville de Syrie. Il fixa l’époque de cette innovation vers la fin du cinquième siècle ou au commencement du sixième.

    Avant ce temps, les voyelles étaient sous-entendues; leur son était convenu et fixé par la tradition. Les Samaritains sont restés fidèles à cet usage, et les enfants des Arabes apprennent encore aujourd’hui à lire sans points.

    Dans tous les temps et chez tous les peuples, les mouvements de l’âme, dans les grandes passions, se manifestent au dehors par des effets remarquables, tels que la musique, le chant, la poésie et le langage figuré.

    La voix, n’ayant qu’un certain degré de force et d’étendue, ne peut s’exercer que sur des espaces mesurés. Ces espaces ont été appelés, chez tous les peuples, nombre, rhythme, mesure, et leur réunion, versification.

    La versification n’est pas la poésie. Celle-ci est essentiellement caractérisée par le sentiment, l’imagination et le langage allégorique. La versification ne consiste que dans le nombre, l’arrangement des mots, ou la valeur des sons.

    On ne connaît que trois manières de soumettre le langage à la versification et de l’approprier à la musique. La première consiste dans un nombre déterminé de syllabes sans rimes; la seconde dans un nombre de syllabes avec rimes; la troisième dans une quantité de syllabes composées de longues et de brèves. La première est la moins parfaite: elle répond aux vers blancs de quelques nations modernes; la seconde représente nos vers rimés français; la troisième, les vers mesurés des Grecs et des Latins.

    Les Hébreux ont une poésie; il ne faut, pour s’en convaincre, qu’ouvrir le livre des Psaumes, ou ceux de Job et d’Isaïe. Les Hébreux chantaient, et jamais, peut-être, aucun peuple n’a déployé autant de pompe dans les chants religieux qui faisaient partie du culte public. Ils avaient donc une versification. Mais de quelle nature était-elle? Ressemblait-elle à celle des Grecs? Était-elle conforme aux vers blancs des Anglais ou aux vers rimés des Français? Ici les savants sont divisés d’opinion. Nous n’avons aucune connaissance certaine de la véritable prononciation de la langue hébraïque ni de sa prosodie; il faudrait des recherches profondes pour découvrir son système. Saint Jérôme paraît persuadé que les vers des Hébreux ressemblaient à ceux des Grecs et des Romains; d’autres personnes pensent que ces vers étaient rimés comme les nôtres; enfin, d’habiles critiques croient que la versification de ce peuple ne consistait que dans des versets correspondants, répétés, redoublés, symétriques, et propres à former une phrase musicale.

    Il est d’abord facile de démontrer que les Hébreux n’ont jamais eu de vers composés de longues et de brèves, comme ceux d’Homère et de Pindare, de Virgile et d’Horace. Le génie de leur langue s’y opposait invinciblement. On ne saurait faire des vers avec mesures, sans avoir la liberté de transposer les mots à son gré ; autrement il faudrait que la langue elle-même produisît des vers tout faits, ce qui n’existe nulle part, car la versification cesserait d’être un art. Mais on ne peut transposer les mots sans avoir des conjugaisons et déclinaisons pour les faire reconnaître. Or la langue hébraïque n’a aucun de ces avantages. Elle ressemble par sa marche à la langue française. Tout y est assujetti à un ordre précis et régulier; en français, nous ne saurions transposer à notre gné les adjectifs; un homme

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