UN REGARD SUR LE VIEILLISSEMENT ET LA SOCIETE EN CHANGEMENT

Ouvrages du même auteur

Potvin, P. (2012). Prévenir le décrochage scolaire. Mieux comprendre la réussite ou l’échec scolaire de nos enfants et adolescents. Collection Psychoéducation : fondements et pratiques. Béliveau éditeur.

Potvin, P. (2015). Comprendre l’apprentissage pour mieux éduquer. Une approche psychoéducative. Collection Psychoéducation : fondements et pratiques. Béliveau éditeur.

Potvin P. (2016). Alliance entre le savoir issu de la recherche et le savoir d’expérience. Collection Psychoéducation : fondements et pratiques. Béliveau éditeur.

Potvin, P. (2017). Qui sommes-nous, nous, les humains ? À la recherche d’une meilleure compréhension de notre humanité, à la lumière des neurosciences. Les Éditions Première Chance.

Potvin P. (2018). Élève à risque d’échec scolaire. Un regard sur la résilience et les facteurs de protection. Collection Psychoéducation : fondements et pratiques. Béliveau éditeur.

Potvin, P. (2020). Onze défis à relever pour mieux vivre dans le monde d’aujourd’hui. Marcel Broquet. La nouvelle Édition.

Potvin P. (2021). Mon journal personnel. Un outil pour mieux se connaître à tout âge. Béliveau éditeur.

Introduction

J’ai écrit ce livre sur le vieillissement et la société en changement pour faire le point sur mon vieillissement et pour démontrer les changements de valeurs de la société québécoise.

J’aborde le sujet sous un angle personnel, car je vis ce processus, et je suis témoin des événements qui ont transformé la société québécoise. Par ailleurs, mon point de vue ne se limite pas qu’à ma vision et à mon expérience. Il se base sur mes recherches et sur les échanges avec des membres du Groupe de codéveloppement¹. Cette présentation n’a pas la prétention de se mesurer à celle qu’auraient des gérontologues, des historiens ou des sociologues qui réalisent des travaux de recherche sur le sujet. Si je reconnais la valeur de mes propositions, j’en reconnais aussi les limites.

Je suis donc vieillissant, retraité, chercheur universitaire et auteur d’ouvrages universitaires et d’essais pour grand public. Mes lectures et ma participation au Groupe de codéveloppement alimentent depuis longtemps mes réflexions sur le vieillissement et les changements sociaux.

Cet ouvrage se divise en deux parties. La première aborde les différents aspects du vieillissement. Je tente de donner un sens au verbe vieillir. Des auteurs invités, retraités, présentent leur autoportrait et fournissent des exemples d’engagement social et de bénévolat. À cela s’ajoutent les défis que représentent l’âgisme et le jeunisme et enfin, l’art de bien vieillir.

La deuxième partie jette un regard sur la société en changement. J’y aborde le changement des valeurs fondamentales, le passage de la culture collectiviste à l’individualisme. Nous y verrons également différentes transformations que provoquent des événements particuliers. C’est le cas de l’emprise de la religion sur le peuple québécois, de la Révolution tranquille, de la révolution numérique et technologique, etc. Enfin, il m’est impossible de passer à côté d’un événement totalement imprévu, soit la pandémie de la COVID-19.

1 Le Groupe de codéveloppement est constitué de 10 à 12 personnes, hommes et femmes issues de différents milieux : universitaires, enseignement, communautaire, etc. Ce sont des personnes âgées de 55 ans et plus, à la retraite (la majorité a plus de 70 ans). Elles partagent leur expérience de vie ainsi que leurs savoirs. Elles croient à l’enrichissement personnel et à l’apprentissage par le partage de réflexions. Le groupe d’échange valorise la discussion, la réflexion et le partage. Chaque personne y trouve son compte, réfléchit sur les thèmes proposés et partage ses réflexions. Pour de l’information sur ce Groupe, voir : http://pierrepotvin.com/wp/index.php/groupe-de-codeveloppement/

Première partie :

Regard sur le vieillissement

Cette première partie jette un regard sur différents aspects du vieillissement. Tout en présentant des caractéristiques générales communes aux personnes âgées, ce processus peut se différencier selon les individus : leur santé physique, psychologique et sociale, ainsi que les différentes expériences de vie au cours des décennies.

Une mosaïque d’autoportraits de personnes vieillissantes, de leur engagement social et de leur bénévolat illustre leur créativité. Il est également question de deux phénomènes contraires auxquels les âgés ont à faire face, soit l’âgisme et le jeunisme.

Enfin, je termine cette partie avec l’art de bien vieillir, misant sur des conditions favorables au bien-être, et sur l’importance de la quête de sens et de la spiritualité.

Ce que signifie vieillir

•État des lieux sur le vieillissement

•Le vieillissement

•Les différents types d’âges liés au vieillissement

•Les différents types de vieillissement

•Le vieillissement et la santé physique

•Le vieillissement et la santé psychologique

•Le vieillissement et la vie sociale

•Les pressions sociales et les « super » vieux

•Les changements, les pertes, les deuils et les adaptations

•Quelques avantages à prendre de l’âge

•Les moyens pour contrer les inconvénients du vieillissement

État des lieux sur le vieillissement

Dans son travail de recherche, Da Silva² s’attarde au vieillissement dans le monde. Selon sa recension d’écrits :

[…] entre 1970 et 2025, le nombre des personnes âgées devrait augmenter d’environ 694 millions, soit une hausse de 223 %. En 2025, le monde comptera approximativement 1,2 milliard d’habitants de plus de 60 ans. En 2050, ils seront plus de 2 milliards (…). Selon le recensement canadien de 2016, les aînés sont plus nombreux que les jeunes pour la première fois dans l’histoire du pays. Statistique Canada (2016)³ prévoit qu’un Canadien sur quatre sera âgé de plus de 65 ans d’ici 15 ans.

Dans ses deux Plans d’action gouvernementaux, soit, vieillir et vivre ensemble chez soi, dans sa communauté, au Québec (2012-2017)⁴ et Un Québec pour tous les âges (2018-2023)⁵, le gouvernement du Québec présente un état de situation du vieillissement au Québec. En voici quelques grandes lignes.

Le Plan d’action (2018-2023) adopte une approche du vieillissement actif que prône l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le but est de permettre aux personnes âgées de vieillir en santé en créant des environnements sains, sécuritaires et accueillants à leur égard. De plus, cette approche vise à favoriser la participation sociale des aînés dans leur communauté.

Les personnes du troisième et du quatrième âge souhaitent qu’on les considère comme membres à part entière de la société en favorisant leur contribution au développement social, culturel et économique du Québec.

Cela ne sera possible qu’à la condition que, dans notre société québécoise, il règne une équité intergénérationnelle où l’âge n’est pas un frein et où les personnes aînées peuvent se sentir respectées, engagées et reconnues. Cette approche du vieillissement actif favorise la santé, la participation sociale et la sécurité, et elle permet d’accroître la qualité de vie pendant la vieillesse.

Le Québec vit un accroissement rapide de sa population. Il compte en effet plus de 1,5 million de personnes âgées de 65 ans et plus. Actuellement, une personne sur six fait partie de cette catégorie d’âge. En 2031, nous en compterons une sur quatre.

Dans de nombreuses autres sociétés occidentales et au Québec, trois causes expliquent cette hausse fulgurante. Nommons d’abord la diminution du taux de natalité, l’augmentation de l’espérance de vie après 65 ans et enfin le poids démographique important de la cohorte de baby-boomers.

Le vieillissement touche tous les pays industrialisés. Le Québec l’est particulièrement, puisqu’après le Japon, c’est la société qui connaît le vieillissement le plus rapide. Ainsi, les démographes précisent qu’en 2011, les personnes âgées de 65 ans ou plus au Québec représentaient 15,7 % de la population, alors qu’en 2031, elles en représenteront 25,6 %.

Depuis 2011, la proportion des personnes âgées est supérieure à celle des moins de 15 ans. De plus, les personnes de plus de 75 ans représentent actuellement 7 % de la population totale québécoise. En 2031, cette proportion passera à près de 13 %. Le groupe d’âge des 85 ans ou plus est en nette progression.

En 2017, l’espérance de vie est de 84,5 ans pour une femme, alors que pour un homme, on parle de 80,6 ans. Les femmes âgées sont plus nombreuses et moins fortunées. Ainsi, 55 % des personnes âgées de 65 ans et plus sont des femmes, et le revenu moyen disponible de ces aînées correspond à 70,4 % du revenu moyen des hommes, soit 24 100 $ pour les premières et 34 300 $ pour les seconds. Le choix des personnes âgées est de vieillir chez soi, ce que font la majorité des aînés québécois.

Ces statistiques démontrent l’importance du vieillissement, tant au Québec que dans le monde. Si cet avant-propos met en scène le vieillissement, il vient aussi appuyer, ne serait-ce que par l’ampleur démographique, la justification d’écrire sur le sujet et de mieux le comprendre.

Le vieillissement⁶

Le vieillissement est le processus naturel de tout organisme vivant. Les lois de la nature s’expriment en trois grandes étapes : la vie avec la naissance, le vieillissement, et finalement la fin avec la mort. Ainsi, les fleurs vivent, vieillissent, se fanent et meurent, il en est ainsi pour les animaux. Même les objets inorganiques vieillissent, c’est le cas de nos maisons, de nos routes et de nos autoroutes.

Nous nous rendons graduellement compte que le temps passe et qu’il laisse des traces sur notre corps. Chaque année, nos anniversaires sont une occasion de prise de conscience. Le même phénomène se répète avec l’arrivée du Nouvel An. Il cause un changement en nous.

Nous commençons à nous rendre compte de notre âge vers la cinquantaine, et plus encore lors de la soixantaine avancée. Quelques cheveux gris et quelques rides nous signalent les effets de l’âge.

Cependant, c’est avec la prise de la retraite qu’une importante étape arrive. Elle ouvre la porte à un nouveau statut social et à une nouvelle identité, celle d’être « retraité ». Nous sommes devenus un âgé⁷. Ainsi, presque automatiquement, à la pharmacie ou dans des boutiques, on nous offre un rabais pour les 65 ans et plus, et cela après un simple regard.

Le plus grand témoin et notre meilleur indicateur de vieillissement, c’est notre corps. Nous sentons une diminution d’énergie. Nous nous rendons compte de notre lenteur, nous ne pouvons plus faire certaines choses (se coucher à deux heures, bricoler toute une journée, etc.).

Malgré les constats de changements progressifs dans notre corps et malgré nos pertes d’énergie, le docteur DeLadoucette constate que la conscience réelle de notre vieillissement se fait lorsque nous sommes sérieusement affectés dans nos activités quotidiennes⁸. Nous entrevoyons alors notre finitude. Les questions existentielles arrivent : « Quel est le sens de ma vie ? Quelle en est la finalité ? Comment accepter et comprendre ma disparition future⁹ ? »

Jacques Ross aborde admirablement l’âge du détachement (75 ans et plus) dans son livre « Les âges psychologiques de la vie adulte »¹⁰. Il donne en exemple le déclin du corps lors du processus du vieillissement :

[…] le petit parcours à pied […] que nous jugions si facile à effectuer il y a quelques semaines encore, est maintenant difficile. Puis, un bon jour, nous ne sommes plus capables, malgré tous nos efforts, de le faire […] Il nous faut aussi apprendre à nous détacher graduellement de certains petits plats et de tous ces bons vins et de l’alcool qui jadis faisaient nos délices chaque semaine. Tous ces grands plaisirs que nous avons depuis fort longtemps associés à nos sens se font de plus en plus rares à cause du piètre état de notre corps et de notre moindre énergie vitale. Finalement, en plus de ces petites ou grandes pertes, il y a toutes ces maladies bizarres et innombrables qui surviennent, nos organes qui se détériorent progressivement et toutes ces douleurs qui surgissent à la moindre occasion.

Dans un documentaire autobiographique sur sa vie¹¹, Brel aborde la vieillesse comme suit : « C’est important d’être vieux puisque c’est le dernier âge de la vie, c’est l’aboutissement du voyage. C’est à ce moment-là qu’on sait si l’on a raté sa vie ou si l’on a vaguement un petit peu réussi. »

Les différents types d’âges liés au vieillissement

Dans son excellent livre sur le vieillissement, DeLadoucette¹² présente différents points de référence associés à cet âge.

1— L’âge de la jeunesse, période des apprentissages et des acquisitions ;

2— L’âge adulte, un temps pour avoir une famille et une carrière ;

3— L’âge de la vieillesse, la période de la retraite et du repos ;

4— L’âge chronologique (avoir 70 ans), calculé à partir de sa date de naissance ;

5— L’âge des artères, il correspond à l’âge biologique ;

6— L’âge administratif, il indique l’âge de la retraite à 65 ans ;

7— L’âge des désirs, soit de garder en soi une partie des désirs de son enfance ;

8— L’âge social, il correspond à un changement dans le statut social.

La perception du vieillissement varie selon le groupe d’âge auquel on appartient. Ainsi, pour les 18-34 ans, on est vieux à partir de 64 ans ; pour les 25-49 ans, c’est à 71 ans. Les 50-64 ans situent la vieillesse vers 78 ans, alors que pour les 65 ans et plus, c’est à partir de 84 ans¹³.

Les différents types de vieillissement¹⁴

Selon différents travaux de recherche en gérontologie, il y aurait trois types de vieillissement.

1— Le vieillissement normal. Il répond à une norme statistique sur la façon de vivre et de réaliser des activités qui correspondent à un âge donné, en l’absence de la maladie ;

2— Le vieillissement réussi (successful aging). Il se manifeste par une adaptation adéquate aux transformations physiques et sociales dues à l’âge. Les personnes âgées ont trois particularités en commun. Elles ont rarement des maladies, surtout de celles qui nuisent à l’autonomie ; elles maintiennent de bonnes aptitudes intellectuelles et physiques ; elles conservent un beau réseau social et témoignent de la satisfaction de leur vie. Ce type de vieillissement rejoint ce qu’affirme l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2002-2015)¹⁵ ¹⁶ ¹⁷ sur le vieillissement actif : être en bonne santé, participer socialement et être en sécurité, d’où l’expression « vieillir en restant actif ».

3— Enfin, le vieillissement pathologique. Il correspond aux personnes vieillissantes qui présentent des problèmes de santé.