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La Facture amoureuse
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La Facture amoureuse

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Ce n’est un secret pour personne : l’une des principales causes de chicane dans un couple, c’est l’argent. Celui qu’on gagne, celui dont on dispose et celui qu’on devra se séparer advenant une rupture. Dans cet ouvrage incomparable, Pierre-Yves McSween et Paul-Antoine Jetté s’attaquent à ce sujet brûlant et expliquent comment les finances
conjugales influent sur les rapports amoureux. En dévoilant les coulisses des divers arrangements économiques, fiscaux et légaux, ils démontrent de façon rationnelle que le prix de l’amour ne se calcule pas qu’en dollars.

Ce livre ne dit pas « l’amour finit toujours par coûter cher », non. Il aborde avec un regard réaliste et un brin cynique les angles morts d’un système parfois incohérent et mal adapté aux relations amoureuses modernes : répartition des dépenses, partage du gain sur la revente d’une propriété, différence de revenus, violence financière, statut de conjoint de fait, mariage, pensions alimentaires, etc. Plusieurs des pistes de réflexion proposées vous aideront à prendre de meilleures décisions.

Les deux comptables prouvent que l’amour et l’argent sont indissociables et que tout couple a avantage à prendre la pleine mesure des répercussions financières de ses choix. Après, chacun fera bien à sa tête… en toute connaissance de cause.
LanguageFrançais
Release dateJan 26, 2022
ISBN9782897583866
La Facture amoureuse

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    La Facture amoureuse - Pierre-Yves Mcsween

    Facture 01

    la vie « à un »

    Une analyse de coin de table conclurait que la vie à deux génère des économies. En effet, lorsqu’on est en couple, on est deux à payer les factures courantes : électricité, services de câblodistribution, assurances, etc. Mais on partage aussi les coûts associés à la cuisine, à la salle de bain, l’ensemble laveuse-sécheuse, le chauffe-eau. L’espace a une valeur, et être deux à le partager, c’est économique. Qui a besoin de son chauffe-eau personnel ou de deux corridors ?

    Quand on vit en couple, on peut aussi posséder une seule voiture, dont on peut partager l’usage en fonction de nos besoins respectifs. Surtout, diviser tous les coûts fixes liés à une auto, même lorsqu’elle ne roule pas. Au Canada, les ménages allouaient en moyenne 12 737 $ au transport en 2019, selon la plus récente enquête de Statistique Canada¹. Quand on comprend que cet argent est net d’impôts, il faut en gagner, du salaire brut, pour se payer ça !

    La vie à deux permet l’achat d’une seule marmite, d’une seule tondeuse et d’un seul siphon. C’est clair : ce choix de cohabiter permet de séparer le coût de bien des choses.

    Cela dit, pas besoin d’être en couple pour profiter de ces économies d’échelle : en colocation, par exemple, donc sans qu’il y ait de papillons dans l’estomac, on peut partager à peu près le même type de dépenses. La seule économie d’échelle réellement perdue est du côté de la chambre à coucher : pour le couple, il faut un seul lit, et encore… ça dépend des gens !

    Dans la relation de couple, par contre, il y a un coût de transaction amoureuse : on fait plaisir à l’autre en renonçant à un plaisir qui nous est propre. Ce renoncement coûte assurément quelque chose !

    Voilà un angle mort de l’amour : on accroît sa liberté financière en faisant des économies d’un côté, mais on en perd de l’autre en s’obligeant, par exemple, à des dépenses qu’on ne ferait pas si l’on vivait seul. D’une façon plus générale, disons simplement que l’allocation des dollars n’est pas la même selon qu’on est seul ou à deux. On a beau s’entendre au lit ou au cinéma, cela ne signifie pas que nos priorités financières sont à la même place.

    Les choix : ces grands silencieux

    Quand on est deux, il faut prendre soin de l’autre. On doit rendre les petites activités plus grandes qu’elles le sont, mettre les petits plats dans les grands. Il faut toujours faire un petit quelque chose de plus, être à son meilleur. Genre se couper les poils de nez, ou mettre le ketchup Heinz dans un petit pot de céramique.

    Seul, on peut manger à même le plat un restant de la veille sans mettre la table. On peut être de mauvaise humeur sans déranger personne d’autre que soi. On n’a pas à répondre à « Qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? » et à se trouver poche de répliquer juste « Rien ». Personne ne nous reproche d’être en mode procrastination quand on n’a pas d’alter ego.

    Être seul, c’est être libre de tous ses choix. De vivre dans une grande simplicité ou de dépenser à tout vent. De vivre au chalet ou en ville, d’être du type canot-camping ou alors d’opter pour le glamping en VR surdimensionné, de manger du Kraft Dinner ou d’être bio-végane-sans-gluten-de-légumes-élevés-en-liberté-à-flanc-de-montagne-nourris-à-l’eau-de-glaciers-éternels. Seul, on n’a personne à motiver et on ne subit l’inertie de personne. On est le capitaine et le moussaillon, avec les deux mains sur le gouvernail. Aucune frustration n’émane du compromis, de la fin de non-recevoir ou de choix imposés par l’autre.

    Quand on vit seul, on peut se permettre de porter ce qui n’est pas portable et de négliger le négligeable. Tsé, le chandail de Duran Duran encore bon de ton grand frère ? On peut reporter le lavage d’une journée, faire la vaisselle le lendemain et ne pas prévoir l’épicerie des huit prochains jours sans risque de se faire traiter de personne non organisée. On peut vivre avec des meubles de 1981 si ça nous plaît. Si tes amis disent qu’ils sont « laites », tes divans bourgogne, tu peux quand même les garder, car c’est toi qui décides !

    L’économie que permet le fait de vivre seul est souvent sous-évaluée. Par exemple, quand on n’est pas en couple, on peut décider de juste manger un sandwich au jambon plate le vendredi soir sans avoir à expliquer son choix.

    On peut vivre à son goût. On peut même vivre sans avoir de goût ! Surtout, sans être obligé d’en démontrer. Parce que la vie à deux, c’est aussi la pression des autres sur le chum ou la blonde. Pourquoi ? Parce que l’autre veut être fier de partager sa vie avec quelqu’un. Le jugement de la meilleure amie de ta blonde sur toi a beaucoup plus de valeur que tu le penses. Ton chum (ou ta blonde) veut être fier (ou fière) de sortir avec toi. Il ou elle veut que ses amis ou ses amies l’envient. Et quoi de mieux pour générer l’envie que de dépenser un peu plus que ce que t’aurais choisi si ce n’était pas qu’il faille épater la galerie ? Quelque part, t’as la pression de « performer », sans même le savoir. Chaque jour de la vie à deux, on est en mode évaluation, qu’on le veuille ou non.

    Le revers de la médaille

    La vie à deux exige des compromis sur tout : la bouffe, les activités, les investissements, les dépenses, le mode de vie, etc.

    Des compromis de consommation, en premier lieu. Souviens-toi : cette fameuse nouvelle table de cuisine (tellement trop chère d’ailleurs), où l’on ne mange pas mieux que sur l’ancienne, qu’on a achetée juste pour faire plaisir à l’autre… ou lui fermer la trappe ? Tu le sais fort bien : le motel plus pratique que confortable qui se transforme en hôtel cinq étoiles ou la voiture d’occasion bien raisonnable qui devient un VUS de luxe.

    Mais vivre à deux exige bien d’autres types de compromis aussi. Acheter une maison, alors qu’on préférerait rester locataire sans se soucier de l’entretien. Voyager chaque année, alors qu’une petite sortie de pêche et une cotisation supplémentaire au REER seraient le comble du bonheur pour soi. Envoyer les enfants à l’école privée, alors qu’on serait normalement un fier ambassadeur de l’école publique.

    Bref, à un couple amoureux est associé une certaine… facture.

    Cette facture n’est pas que financière : elle provient aussi de la renonciation d’être totalement libre. Même s’il faut admettre que la liberté totale est de l’ordre de l’utopie : elle n’existe jamais réellement. Vivre à deux, c’est supporter la consommation de l’autre qui n’aurait peut-être pas été la même si l’on avait évolué en solo.

    Combien de personnes souffrent dans une relation qui, à long terme, stoppent littéralement leur désir ou leur capacité économique d’être seules ?

    La liberté financière, je l’ai martelé plusieurs fois dans En as-tu vraiment besoin ? et dans Liberté 45, c’est aussi la liberté de choix.

    Quitter la vie à deux est aussi un choix. À partir du jour où elle fait le choix de vivre seule, une personne qui avait un grand train de vie peut constater que vivre simplement est une option possible. Elle peut retrouver soudainement le plaisir de ne rien faire, d’avoir moins de possessions, de pression et d’ambition, mais de vivre mieux. La frustration quotidienne est partie.

    L’utilité économique ou la jouissance par dollar dépensé ne sont pas les mêmes lorsqu’on vit en couple que lorsqu’on est seul. Un homme peut accompagner sa conjointe au concert de son artiste rock matante préféré pour lui faire plaisir ou s’il veut éviter une chicane. Tout seul, il aurait peut-être plutôt choisi d’aller entendre le guitariste au pub irlandais du coin.

    L’angle fiscal

    Lorsqu’il n’a pas d’enfant, le célibataire à faible revenu, vivant seul, peut se voir accorder certains avantages fiscaux pour compenser l’obligation qu’il a de tout payer.

    D’abord, il pourrait être admissible à un crédit d’impôt pour solidarité (remboursable). Ce crédit permet de couvrir trois composantes potentielles : le logement, la TVQ et la résidence sur le territoire d’un village nordique. Évidemment, la notion de village nordique touche bien peu de gens, mais les deux autres conditions sont fréquemment remplies. Par contre, elles deviennent inaccessibles quand les revenus à deux, une fois combinés, sont plus élevés. Donc, le fait de vivre seul ou à deux a une incidence sur l’importance de ce crédit d’impôt.

    Un autre avantage intéressant est le crédit d’impôt accordé à une personne vivant seule. Le nom le dit : le fait de vivre à deux vient éliminer cet avantage fiscal.

    Évidemment, on ne parle pas ici de sommes considérables. Si une personne décide de demeurer seule pour profiter de ces deux seuls avantages, elle fait un mauvais deal ! Un crédit d’impôt compense très peu le coût réel de la vie en solo.

    Un point de départ

    Chaque nouvel essai amoureux appelle des coûts de transactions plus ou moins importants : déménagement, activités, achat de matériel, vente de matériel, pénalités hypothécaires, etc. Au moment de la rupture aussi, il y a un prix à payer pour acheter la paix. Parfois, c’est y laisser beaucoup d’actifs ou de biens ; occasionnellement, c’est signer un gros chèque à son ex ou à son avocat, ou pire, aux deux !

    La facture amoureuse suscite une série de choix, d’essais et d’erreurs. Personne ne connaît d’avance la couleur que prendra sa propre facture amoureuse tout au long de sa vie. Il n’existe pas d’assurance contre les coûts de l’amour ou des malchances amoureuses.

    Le célibat est la seule « facture amoureuse défensive ». On peut davantage, et peut-être plus facilement, en prévoir le coût. Par contre, en choisissant le célibat, on ne profitera pas de l’effet de levier amoureux, qui permet d’augmenter sa valeur financière grâce à la vie à deux, et parfois, accessoirement, d’accéder à un certain niveau de bonheur. Il y a une facture à la vie à deux, et il y a une facture à la vie en solo. La solitude, la sainte paix et la liberté incluent toutes trois un coût de renonciation.

    Maintenant, être seul toute sa vie, est-ce vraiment amusant ? À chacun de voir. Par contre, pour la plupart, la vie sera parsemée de plusieurs liaisons engendrant une série de factures amoureuses. Notre société nous conditionne à être deux. Si bien que lorsque l’on est célibataire, ou non officiellement en couple, il y a toujours quelqu’un pour demander « As-tu un chum ? » ou « Fréquentes-tu quelqu’un ? » Pas pour rien qu’on parle de trouver sa pas-toujours-si-douce-moitié : comme si une personne seule était nécessairement incomplète. La société nous vend l’idée qu’être deux est l’apothéose de la réussite. Pourtant, il y a bien un coût à l’être, car même en amour, le concept « d’utilisateur-payeur » peut exister. Cela remet en question tout ce pour quoi on a été élevé : aller à l’école, travailler, rencontrer quelqu’un, se marier et faire des enfants (la conception première de « l’apothéose du succès »).

    Tu cherches l’amour ou peut-être as-tu déjà trouvé la perle rare ? Mais as-tu déjà calculé le prix de votre union économico-conjugale ?

    Avec ton conjoint, parlez-vous d’argent ? De compromis ? De choix ? De justice financière entre vous ?

    Oserais-tu en parler avec une nouvelle flamme avant que vous vous embrassiez et que vous vous embrasiez ?

    La facture amoureuse

    de la vie en solo ?

    S’arranger tout seul, émotivement et financièrement.

    1 Statistique Canada, Tableau 11-10-0222-01, Dépenses des ménages, Canada, régions et provinces, DOI : https://doi.org/10.25318/1110022201-fra.

    Facture 02

    la première date

    On a « swipé » chacun à droite ? On a coché les bonnes cases – apparence, culture générale, intelligence, etc. –, alors on est prêts à se donner une chance ?

    On ne se mentira pas, avant la première date, tu dois avoir passé le SAMG : le « seuil d’acceptabilité minimum garanti ». En clair, si tu ne réponds pas aux critères de base, tu n’as aucune chance d’avoir une rencontre en personne. Mais si tu passes le SAMG et si tu te rends à cette première date en toute naïveté, tu risques de ne pas apercevoir les premiers signes de la dimension économique de cette relation.

    Lors du premier rendez-vous, on se plie à une multitude de conventions sociales : on se met sur son trente-six, on se donne rendez-vous dans un café, etc. Certains de ces codes existent depuis longtemps tandis que d’autres plus récents sont inventés par les jeunes générations.

    À la première rencontre, certains sont tentés de forcer le destin. Ils rationalisent l’amour en se disant des choses du genre « Ok, il/elle semble bien pour moi, il/elle est gentil(le) et a de belles valeurs, il/elle a une bonne paye, il/elle répond à mes exigences à 87 % ». Est-ce vraiment de l’amour ? En réalité, on ne choisit pas qui sera l’élu de notre cœur, ça arrive comme ça un matin, sans avertissement.

    L’amour se ressent, se vit et donne envie d’être avec l’autre ne serait-ce que quelques minutes. L’amour, c’est lorsqu’on a l’impression d’avoir 14 ans alors qu’on en a 35. Certains diront que c’est la passion du début. D’accord, disons ça.

    Dans les faits, qu’on appelle cela de l’amour ou de la passion, il y aura un prix, un coût, un débit sur la carte ! Il faudra sortir, performer et paraître attirant. On n’organise pas une date en offrant de regarder Game of Thrones habillés en mou, évachés sur un vieux divan bourgogne en mangeant des chips. Pas le premier soir en tout cas ! On est dans Squid Game : il y aura un seul gagnant et des centaines de victimes au passage.

    Évidemment, avec l’avènement des réseaux sociaux, la première rencontre est parfois diluée dans une série d’échanges préliminaires avant qu’on en vienne aux choses un peu plus sérieuses (comme dans d’autres domaines, diront certains). Cela dit, cet échange est déjà subtilement subordonné à un bon nombre de concepts financiers et économiques. Si une rencontre entre deux personnes est le fruit d’un certain hasard, il est surtout celui du marché de l’offre et de la demande. Si tu offres ta présence à quelqu’un (offre), c’est que tu juges de prime abord que cette personne a des attentes qui y correspondent (demande). En somme, vous vous rencontrez au point d’équilibre du marché.

    La première facture

    Brisons la glace : dès la première rencontre, l’argent s’impose par lui-même.

    Avertissement gratuit 

    Si tu as été choqué en lisant la phrase précédente, ferme immédiatement ce livre, car tu ne survivras pas à ce qui sera élaboré dans les prochaines pages à propos des corrélations entre l’amour, l’argent et la fiscalité.

    Je peux tenter d’expliquer à l’envers et à l’endroit qu’une union amoureuse est aussi une union économique et financière. Si tu habites un monde de licornes où ce sujet est tabou, rien n’y changera ! Retourne payer ton loyer avec tes bons sentiments et tes nobles intentions. Tant que ton propriétaire acceptera de se faire payer en câlins, tu survivras. Mais ce genre de propriétaire est aussi rare qu’un trèfle à huit feuilles.

    Encore là ? Bon, alors commençons par le premier échange financier : le moment où l’addition arrive sur la table au restaurant. Il se passe beaucoup de choses intéressantes à ce moment très précis.

    Qui doit payer ?

    « L’homme ! » affirment souvent les personnes aux valeurs un peu trop conservatrices. Cette règle sociale ne vient-elle pas de l’époque où le salaire de l’homme était généralement plus élevé que celui de la femme ? Et pourquoi les serveurs ont-ils souvent tendance à présenter l’addition à l’homme plutôt qu’à la femme ? Parfois, même quand c’est la dame qui demande l’addition, le porte-addition en cuirette cheap est tendu au porteur de pénis (une observation purement anatomique). C’est cru, mais tant qu’à se faire traiter comme en 1950 par un serveur qui obéit à une convention sociale désuète, ne prenons pas de détour de langage : si ce n’est pas du patriarcat systémique, c’est quoi ?

    Compliquons la donne : si on est gai ou lesbienne ou si on ne s’identifie à aucun genre, qui doit payer ? Cet exemple extrême ne vise pas à discriminer, mais à illustrer à quel point il est illogique de déterminer qui doit payer en tenant d’abord compte du genre des individus.

    Cette situation ambiguë implique une sous-question. Si l’une des deux personnes tient pour acquis qu’il lui revient de régler l’addition, cela signifie-t-il qu’elle sous-évalue sa valeur par rapport à celui ou celle qui l’accompagne ?

    Bien sûr !

    Si je crois que je dois inviter l’autre, c’est que je me considère comme chanceux que cette personne m’accompagne. Je me sous-estime par rapport à elle et j’ai la certitude que c’est à moi de payer pour compenser cette différence de valeur. Au-delà de la galanterie, si l’homme paye la facture automatiquement, c’est qu’il reconnaît devoir payer pour amorcer une relation avec une femme. Dans le même ordre d’idées, cela signifierait donc que la femme a besoin d’être compensée monétairement pour avoir « accordé » sa compagnie, non ?

    Voilà qu’une situation qui semblait toute simple au départ commence à se corser. Choque-toi pas, on parle de finance ici. Purement de finance. On évalue l’échange d’argent par rapport au service reçu en contrepartie. Il s’agit là de la définition d’un échange économique dans sa plus pure expression. On pourrait parler de générosité, de savoir-vivre, d’appréciation, d’altruisme, mais cela n’y changerait rien. À la fin, quelqu’un insère une carte de crédit ou de débit dans le lecteur d’un terminal. Il y a échange d’argent. Appelons un chat un chat.

    Dès les premiers instants d’une relation, la notion de pourvoyeur de fonds s’installe. Dans notre exemple, l’homme devient un pourvoyeur de ressources, ce qui témoigne de sa valeur inférieure par rapport à celle de la femme. Il se juge en situation de dette : il doit payer pour compenser cet écart.

    Dans le cadre d’une relation financière égalitaire, ni l’homme ni la femme ne devrait payer la part de l’autre. Surtout dans une société où les deux devraient gagner autant l’un que l’autre. Bien sûr, nous n’y sommes pas encore puisqu’un écart des revenus médians existe statistiquement entre les sexes. Peut-être alors que le paiement pour l’autre est une forme de compréhension de son privilège ? Une compensation tacite ?

    Par contre, on ne tient plus pour acquis que l’homme gagne un revenu significativement supérieur à sa dulcinée potentielle. C’est parfois le cas, mais les rôles sont inversés beaucoup plus souvent que par le passé. Compte tenu de cette nouvelle réalité, pourquoi un gars deviendrait-il nécessairement pourvoyeur de fonds ? Par simple convention sociale ? Par galanterie ? Pourquoi y aurait-il deux poids, deux mesures dans une société qui se veut égalitaire ? Une telle affirmation peut choquer, car elle remet en question les conventions, mais pourquoi la société n’inverserait-elle pas certains dogmes amoureux ?

    Alors, qui doit payer la facture à la fin ? Honnêtement, on s’en balance. Ce qui importe, c’est de ne pas considérer le paiement par l’un ou l’autre des protagonistes comme un automatisme, ou pire, comme une démonstration de son « soi » à son meilleur. Est-on vraiment à son meilleur lorsqu’on accepte de sous-entendre qu’on est de valeur inférieure ?

    Sans compter que cela est un signe de ce qui arrivera plus tard. Si la relation financière commence avec un sophisme financier, avouons qu’il ne s’agit pas d’une bonne base. Un sophisme ? Mais oui : une erreur argumentaire sur la répartition des finances.

    Dire qu’« on doit continuer ainsi parce que c’est comme ça depuis que le monde est monde » est un sophisme financier. Le monde change, la vie change. Les rôles évoluent, les droits aussi. Il devrait donc en être de même pour les conventions financières et sociales.

    Le revenu : le syndrome de la check-list

    Comme il est mentionné brièvement dans le livre En as-tu vraiment besoin ?, le revenu du conjoint fait implicitement partie des critères qu’on évalue avant de s’investir davantage ou non dans une relation amoureuse. Le coup de foudre existe, mais il est souvent teinté par cette liste de critères que nous avons tous. Cela se produit consciemment ou non.

    Un jour ou l’autre, parfois même dès le premier rendezvous amical, on lance son enquête. « Tu fais quoi dans la vie ? » Façon subtile d’évaluer le potentiel de la personne relativement à sa carrière, à son revenu et à son statut social. L’importance accordée au revenu et au statut social d’autrui n’est pas nécessairement un signal d’abus à venir ou du désir d’être pris en charge financièrement par sa tendre moitié. Non, c’est surtout une façon d’évaluer s’il y aura possibilité d’harmonie au sein du couple pour tout ce qui a trait aux valeurs, aux ambitions, à l’autonomie, etc.

    Si l’autre est un altermondialiste qui travaille dans un OBNL à temps partiel à 15 $ l’heure, on ne doit pas s’attendre à ce qu’il nous dise : « Hé, on part à Paris maintenant pour quatre jours, fuck le prix du billet ! » En gros, évaluer le potentiel économique de l’autre permet de vérifier si nous pourrons réellement partager un mode de vie nous convenant à tous les deux.

    Paris, ça fait de plus beaux portraits Instagram qu’un demi-sous-sol de Rosemont. Encore faut-il être capable de se payer le décor et d’en profiter plutôt que de simplement se mettre en représentation devant celui-ci.

    La radiologiste qui tombe amoureuse du guitariste d’un groupe de jazz obscur peut-elle vraiment aspirer au même train de vie que si elle avait rencontré un oncologue ?

    Parler de titre, de statut professionnel et de revenus – donc de pouvoir – est une façon d’envoyer un signal de prix. Ça signifie : « Voici le genre de vie que je peux ou que je veux me permettre. Voici le mode de vie qui vient avec ma personne. » Je suis vice-président de ma boîte, je dirige une équipe, je gagne plus de 150 000 $ par année, j’ai donc les moyens de m’offrir un train de vie qu’un musicien qui n’obtient pas encore tous les contrats souhaités ne réussira peut-être pas à s’offrir. Ce n’est pas une question de hiérarchie sociale ou de jugement moral, mais de compatibilité quant à la capacité actuelle ou potentielle d’atteindre le mode de vie désiré.

    Lors de cette enquête préliminaire que l’on fait au début de relation grâce à cette fameuse « check-list », on tente donc d’évaluer l’échelle de revenus de notre alter ego. Parfois, cette étape peut même être incontournable : c’est un « go/no go » – une condition essentielle. Si l’autre semble gagner beaucoup plus ou beaucoup moins, on n’ira pas plus loin.

    Cette fameuse check-list est souvent longue et parfois farfelue. Il faut être honnête, on exige souvent plus de l’autre que ce qu’on lui offre. Combien de fois a-t-on vu un gars ordinaire désirer recevoir plus qu’il n’offre ?

    Il arrive parfois qu’on espère sincèrement que l’argent ne soit pas un problème entre nous et qu’il ne soit pas un frein à une vie minimalement confortable. En économie, la liste des désirs (à ne pas confondre avec les besoins) est illimitée, mais les ressources financières ne le sont pas. C’est ce qui explique la valeur élevée de certains biens ou services.

    Quand la personne convoitée a des dettes, un dossier de crédit qui lui vaut des appels répétés d’agents de recouvrement et des visites impromptues et régulières de personnes qui viennent cogner pour réclamer leur dû, ça ajoute inévitablement un facteur de désenchantement élevé. Quand un paquet d’enveloppes de Revenu Québec sont empilées dans un tiroir, sauve-toi. Ça risque d’être la catastrophe.

    On veut une relation amoureuse, pas développer une relation avec la moitié des huissiers de la ville. Quoique ça pourrait donner lieu à une belle rencontre.

    Les écarts de richesse : un motivateur ou un frein

    Contrairement à ce que l’on pourrait croire, un écart de richesse important peut être à la fois un facteur de motivation ou un frein lorsqu’on souhaite construire une vie amoureuse. Certaines personnes cherchent à améliorer leur sort financier, d’autres veulent simplement quelqu’un pour les accompagner, et ce, peu importe le montant du chèque à décaisser pour avoir accès à cette vie rêvée.

    Paradoxalement, certaines personnes sont incapables d’accepter de vivre avec quelqu’un dont les revenus sont considérablement plus élevés que les leurs. D’ailleurs, voici une phrase maintes fois entendue : « Je connais un gars qui ne pouvait pas supporter que je gagne plus que lui… » Peut-être que pour beaucoup de gars, avoir des revenus supérieurs à ceux de l’autre a une importance qui tient de la fierté sociale, ou encore du désir d’être capables de partager le même mode de vie.

    Ce comportement masculin est pourtant irrationnel. Gagner moins que l’autre, c’est comme l’assurance implicite qu’on n’aura pas à verser une pension alimentaire en cas de rupture. Tu sais, si la fille part ou si tu décides de partir, elle ne viendra pas plomber ton régime de retraite. Qui plus est, elle pourrait même devoir te dédommager peu importe la façon dont la relation se sera terminée.

    Les hommes sont-ils socioconstruits à vouloir gagner plus que leur conjointe ? Ce serait un peu con. Personnellement, quand un gars me dit que sa conjointe gagne plus que lui, je me dis « chanceux » ou « good for you ».

    Toujours est-il que certains ne peuvent simplement pas tolérer cette réalité. Comme si leur pénis était coupé de deux pouces ou que leur masculinité toxique de domination financière était atteinte. Sérieusement, c’est dur de comprendre ce complexe d’infériorité financière. Vive le féminisme, surtout financier.

    Les écarts de richesse sont monnaie courante dans les couples. Ils sont susceptibles d’être à la source de conflits, d’amplifier ces derniers ou même de servir d’armes en cas de différend.

    Quand l’un désire un mode de vie que l’autre ne peut pas s’offrir, il peut s’établir un rapport de force malsain : « Je paye, donc je décide. »

    Ce rapport de force est un coût parfois caché de la facture amoureuse. C’est comme un sabot de Denver qui entrave ta liberté. On te dit : « Envoye, roule ! », mais tu es immobilisé. Comment peut-on dire à une personne qu’on l’aime tout en lui brandissant un droit de veto financier ? S’octroyer le droit de décider parce qu’on paye la facture, c’est comme anéantir la relation consensuelle. Ça équivaut à détruire la passion, l’harmonie et la relation égalitaire.

    Pour certains, cela crée dès les premières rencontres ou les premiers moments une incompatibilité irréconciliable. Souvent on refuse de le reconnaître, mais qu’on l’accepte ou non, qu’on en soit conscient ou non, un signe de dollar flotte à temps plein au-dessus de la relation amoureuse dès le tout début.

    Les conséquences financières de la première rencontre

    Oui, la première rencontre et les premiers moments forgent la relation amoureuse. Pendant que s’exerce ce charme du regard, cette séduction pulpeuse, que se promène allègrement cette main dans les cheveux, ou ailleurs, une relation économique se met en œuvre. Commence alors un jeu de mise en commun des ressources communes passées, présentes et futures.

    Amorcer une vie commune, c’est aussi vivre avec les conséquences des choix individuels et communs. Surtout, on accepte d’être possiblement contraint par les décisions du conseil d’administration du couple : une gestion de coentreprise pas toujours simple.

    Qui aura droit de veto au moment de prendre des décisions ? Qui pèsera le plus dans la balance ? Les premiers moments sont les jalons d’une mise en commun des réflexions financières et d’un mode de vie.

    Choisir un amour, c’est choisir non seulement une vie sentimentale, mais aussi un potentiel de flexibilité, d’indépendance financière et de mobilité : une série de choix à partager.

    Évidemment, pour bien des gens, parler d’argent dès les premiers moments peut sembler une manière de tuer l’amour dans l’œuf et d’imposer un discours de rationalité au premier abord. Cependant, qu’on le veuille ou non, quelque part dans notre cerveau germent des questions quant au type de vie auquel on est en droit d’aspirer.

    Cette personne sera-t-elle un plus ou un moins à mon existence ? A-t-elle le potentiel d’être autonome ? Vais-je recevoir autant que je pourrai lui donner ? Déjà que je doive payer des impôts à titre de contribuable, est-ce que, si ça foire, je devrai fournir une pension ou partager mon patrimoine à un ex-amoureux ? Bref, est-ce que je risque de devenir un contribuable amoureux ? Pourrai-je baiser sans me faire four*** (ou vice-versa) ?

    Les plus subtils

    Certains se montrent plus subtils à ce chapitre dès le départ. Ils provoquent le hasard là où il y a une « sélection de richesse à l’entrée ». En somme, on se tient dans des établissements huppés, on s’entraîne dans des gyms dont le prix de l’abonnement varie de 100 à 300 $ par mois, on s’inscrit dans des activités de rencontre qui coûtent les yeux de la tête… On fréquente les endroits « où ça sent l’argent », quoi ! Par la suite, le « hasard » des rencontres fait son œuvre, étant entendu que le contexte force un match auprès d’une clientèle présélectionnée. Mais il n’y a aucune garantie pour la suite : le luxe se vit aussi à crédit.

    Que ce soit clair : amour et argent sont indissociables. Les moyens financiers et les choix influencent de façon lourde le contexte des relations amoureuses. Les premières rencontres sont teintées de signaux que le futur être aimé est appelé à décoder.

    Bon, on entend déjà fuser les commentaires : « McSween, l’amouuuuuuuuuuuurrrr c’est paaaaas financier ! ! ! » Tu as raison, l’amour n’a rien de financier. Mais, mais, mais… les finances jouent un rôle indiscutable dans l’amour : dans sa naissance, dans son évolution, dans sa réussite, dans sa durée et dans sa complexité.

    Pas d’accord ?

    Pourtant, selon les études qui ont été faites sur le sujet, il y aurait une corrélation entre le score de crédit des partenaires et la durée de la relation. Quand les scores de crédit indiquent un trop grand écart au début de la relation, la relation risque de se terminer plus rapidement. Selon les données de la Réserve fédérale américaine et Equifax², ce constat est fondé sur une analyse d’une durée de 15 ans portant sur 49 000 couples dont la cote de crédit variait entre 300 et 900. Les couples qui entament leur relation avec un écart de 66 points et plus ont 24 % plus de risques de se séparer au cours des deux à quatre années qui suivent le début de la relation que les autres dont l’écart de pointage est moins élevé. Ce n’est pas romantique, c’est statistique.

    Quand Hollywood s’en mêle

    De nombreux films hollywoodiens évoquent cette réalité du clash financier observable dès les premiers rendez-vous.

    Dans Pretty Woman, Julia Roberts et Richard Gere incarnent une travailleuse du sexe et un multimillionnaire évoluant dans des univers extrêmement différents. La dame se sent achetée et est très frustrée que l’associé de Richard Gere considère qu’elle soit « achetable ». Cette intrigue sent l’argent à plein nez. L’argent teinte la relation de pouvoir qui naît entre les deux personnages.

    Dans Cocktail, un classique de 1988, un barman (Tom Cruise) tombe amoureux d’une fille de « bonne famille » (Elisabeth Shue). Le père de la jeune femme, qui n’approuve pas cette relation, tente d’éloigner le jeune homme en lui offrant un chèque, sachant qu’il est fauché. Romantique, celui-ci le déchire.

    Dans Proposition indécente, un multimillionnaire (Robert Redford) tente d’acheter

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