Surpoids et obésité chez les enfants et les adolescents: Caractéristiques, contraintes et bénéfices de l’activité physique
By Olivier Rey and Christophe Maïano
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Surpoids et obésité chez les enfants et les adolescents - Olivier Rey
1
La condition physique et le profil métabolique chez les jeunes en situation de surpoids ou d’obésité
Caractéristiques et effets de l’activité physique
Pascale Duché et Désirée B. Maltais
Mise en contexte
Le surpoids et l’obésité sont le résultat d’une inadaptation à un mode de vie obésogène entraînant des complications métaboliques à un âge de plus en plus précoce. La promotion et l’augmentation des niveaux d’activité physique, l’amélioration de la condition physique et la réduction des comportements sédentaires jouent un rôle essentiel dans la prévention et la lutte contre le surpoids et l’obésité et de leurs complications non seulement pendant l’enfance et l’adolescence, mais aussi des années plus tard.
La condition physique est définie par un ensemble de capacités permettant d’effectuer des tâches quotidiennes sans fatigue. Les facteurs de la condition physique associés à la santé regroupent la capacité cardiores-piratoire, les qualités musculaires (endurance et force) et les capacités motrices (adresse, agilité, équilibre, souplesse). Une condition physique faible pendant l’enfance et l’adolescence est un facteur de risque majeur de développer des maladies chroniques à l’âge adulte. Chez les enfants et les adolescents en situation d’obésité, la question est encore plus cruciale dans la mesure où le surpoids et l’obésité ont des effets sur la condition physique. Une corrélation inverse est classiquement observée entre l’indice de masse corporelle (IMC) et la condition physique, or une faible condition physique prédispose à un plus grand niveau de sédentarité. Les effets de l’activité physique et de la sédentarité sur le niveau de condition physique des jeunes en situation d’obésité sont à analyser par rapport aux recommandations. Nous nous concentrerons dans ce chapitre sur la condition physique cardiorespiratoire et le profil métabolique.
Les complications associées au surpoids et à l’obésité juvénile
Le surpoids et l’obésité sont la résultante d’un bilan énergétique positif (apports énergétiques supérieurs aux dépenses énergétiques) conduisant à une accumulation de tissu adipeux dont le métabolisme¹ va entraîner un stockage lipidique excessif, de nombreuses complications et des effets négatifs sur la santé. Ces phénomènes représentent un facteur de risque important pour le développement des maladies chroniques.
Le surpoids et l’obésité précoces ont des incidences sur la santé dès l’enfance et des conséquences jusqu’à l’âge adulte. La conséquence principale est le risque très important pour un jeune atteint d’obésité de devenir un adulte en situation d’obésité. Le développement précoce des complications associées à l’obésité de l’enfant entraîne une diminution de l’espérance de vie (Olshansky et al., 2005). De même, les risques de maladie cardiovasculaire sont augmentés chez les enfants en situation de surpoids ou d’obésité. L’incidence de diabètes de type 2 chez les jeunes en situation d’obésité a fortement augmenté pour atteindre 45% des nouveaux cas de diabètes pédiatriques contre 1-2% dans les années 1990 (Kaufman et Shaw, 2007).
Les manifestations cliniques précoces associées à l’obésité infantile, attribuées à une résistance à l’insuline liée à l’obésité, sont notamment une hypertension, une dyslipidémie, une résistance à l’insuline (conduisant au diabète) et une stéatose hépatique (Daniels, 2009). Ces premières complications peuvent rapidement conduire à un syndrome métabolique, caractérisé par une obésité abdominale, une hypertension artérielle, une dyslipidémie (hypertriglycéridémie, faible cholestérol à lipoprotéines de haute densité) et une intolérance au glucose avec insulinorésistance (Alberti et al., 2006). Bien que le niveau de preuve soit moins important chez les enfants que chez les adultes, l’obésité chez les jeunes populations semble associée également au syndrome d’apnée du sommeil (syndrome d’apnées obstructives de sommeil) (Martinelli et al., 2017), fortement associée aux causes précoces de mortalité chez l’adulte.
Chez les enfants, bien que l’existence d’un syndrome métabolique fasse débat, la présence des composantes du syndrome métabolique pourrait être associée à un risque vasculaire lié à l’obésité. Des anomalies artérielles, telles que des troubles de la mécanique artérielle et de la fonction endothéliale, corrélées aux marqueurs d’insulinorésistance et inversement corrélées au cholestérol à lipoprotéines de haute densité, ont déjà été observées chez les enfants atteints d’obésité. Ces complications pourraient être les premières manifestations d’une maladie vasculaire qui se déclarera pleinement à l’âge adulte. Les prévalences de syndrome métabolique chez les enfants en surpoids varient de 0,2 % à 5,2% chez les filles en situation de surpoids, de 3,1 à 14,7% chez les filles en situation d’obésité. Chez les garçons, la prévalence varie de 0,7 à 3,7% pour ceux en situation de surpoids et de 4,1 à 11,7% pour ceux en situation d’obésité. Comparativement, chez les jeunes de poids normal, les prévalences s’établissent à 0,4% pour les taux des valeurs élevées (Ahrens et al., 2014).
Si ces complications sont les plus marquées, d’autres complications ont également été observées, comme des troubles hépatiques, respiratoires, musculaires et orthopédiques. Enfin, trop souvent oubliées, des difficultés psychosociales et scolaires telles qu’une faible estime de soi (voir le chapitre 2), de mauvais résultats scolaires et des troubles à caractère dépressif sont aussi retrouvés (Puhl et Heuer, 2010).
L’effet du surpoids et de l’obésité sur la condition physique cardiorespiratoire
Bien que trop souvent confondues, l’activité physique et la condition physique sont deux concepts différents. Si l’activité physique améliore la condition physique, cette dernière est un facteur essentiel de la performance et de la santé dès l’enfance. La condition physique relative à la santé inclut plusieurs composantes : la capacité cardiorespiratoire, la force et l’endurance musculaires, la souplesse et l’équilibre, auxquelles s’ajoute la composition corporelle.
La capacité cardiorespiratoire est plus associée que l’activité physique aux facteurs de risques vasculaires et aux paramètres de santé de façon générale. La capacité cardiorespiratoire est classiquement évaluée par la consommation maximale d’oxygène (VO2 max) (encadré 1.1), qui représente l’aptitude maximale à délivrer et à utiliser l’oxygène. VO2 max est donc un marqueur important de santé et de condition physique.
Encadré 1.1
Le test d’évaluation VO2 max
La capacité cardiorespiratoire est classiquement évaluée lors d’une épreuve maximale réalisée en laboratoire, test de référence. Lors de cette épreuve à charge incrémentale, il est demandé au participant de maintenir une vitesse de course (épreuve sur tapis roulant) ou de pédalage (épreuve sur ergocycle) alors que la résistance est progressivement augmentée par palier de 1 à 3 minutes, jusqu’à épuisement (compris ici comme l’impossibilité de maintenir la vitesse requise en raison de la fatigue) Les jeunes en situation d’obésité atteignent rarement les critères de maximalité des épreuves d’effort (un plafonnement VO2, une fréquence cardiaque au moins égale à la fréquence cardiaque [FC] maximale théorique et un quotient respiratoire supérieur à 1,1). En l’absence de plateau, un quotient respiratoire supérieur ou égal à 1,0, une fréquence cardiaque maximale supérieure ou égale à 90% de la fréquence cardiaque prédite (FC max ≥ 90% FC max prédite) et des signes d’effort intense tels que l’hyperpnée, les rougeurs et les grimaces du visage ainsi que la transpiration ont été suggérés comme critères secondaires validant la maximalité de l’exercice (Armstrong et Welsman, 1994). Les difficultés d’homogénéiser les protocoles et d’atteindre réellement VO2 max chez les jeunes populations en situation d’obésité ou non ont amené certains auteurs à proposer un test de vérification (Rowland, 1993). Il s’agit de réaliser un test supramaximal 15 minutes après un test maximal. Après un échauffement de 2 minutes à 20 watts, le test de vérification consiste à pédaler le plus longtemps possible à 105% de la charge maximale atteinte lors du test maximal. La cadence de pédalage est choisie par les enfants. Le test s’arrête lorsque les enfants ne peuvent maintenir une cadence de 50 tours par minute pendant 5 secondes malgré les encouragements.
En 2020, les premières valeurs de référence VO2 max pour des enfants en situation d’obésité ont été publiées et situent les valeurs médianes VO2 max (ml.min-1.kg-1, épreuve sur ergocycle) pour les filles à 30,8 à l’âge de 8-11 ans, à 27,2 à 12-14 ans, à 26 à 14-15 ans et à 25,5 à l’âge de 16-20 ans, et, pour les garçons à 30,6 à l’âge de 8-11 ans, à 27,6 à 12-14 ans, à 25,6 à 14-15 ans et à 23 à l’âge de 16-20 ans (Johansson et al., 2020). Les enfants et les adolescents en situation d’obésité présentent des valeurs VO2 max inférieures jusqu’à 22% pour les filles et jusqu’à 35% pour les garçons par rapport aux valeurs de référence pour les enfants de poids normal âgés de 9 à 17 ans, évaluées à en moyenne 42 et 46 ml.min-1.kg-1 pour les garçons, et à 35 et 37 ml.min-1.kg-1 pour les filles (mesurées lors d’un test navette et d’un test sur ergocycle, respectivement). Cet écart doit être relativisé selon la disparité des méthodes utilisées.
Plusieurs recherches se sont intéressées à la définition d’un seuil de condition physique cardiorespiratoire à atteindre pour être en bonne santé. Dès 2011, des seuils VO2 max ont été proposés pour les enfants de poids normal de 9 ans à 37,4 ml.min-1.kg-1 pour les filles et à 43,6 ml.min-1.kg-1 pour les garçons (Tomkinson, 2011). L’actualisation de ces normes a été réalisée en 2016 puis en 2019 et fixent les seuils à 35 et à 42 ml.min-1.kg-1 pour les filles et les garçons respectivement (Lang et al., 2019). Les enfants et les adolescents en situation d’obésité présentent donc une capacité cardiorespiratoire globalement inférieure à celle des jeunes de poids normal, dès lors qu’elle est relativisée à la masse corporelle. En revanche, lorsqu’elle est exprimée par unité de masse maigre, les différences entre les jeunes avec et sans obésité disparaissent, ce qui témoigne d’une aptitude maximale oxydative relative similaire chez les jeunes en situation ou non d’obésité.
Le métabolisme de repos
La majorité des études observent une corrélation significative entre VO2 de repos et la masse maigre qui explique, selon les études, de 60 à 80% de la variance VO2 de repos. Outre la masse maigre, la prise en compte de variables telles que la masse grasse, le sexe, l’âge, le stade de développement et le tour de taille améliore significativement la prédiction du métabolisme de repos chez les enfants en situation d’obésité (Vermorel et al., 2005). Le métabolisme de base en valeur absolue des jeunes en situation d’obésité (filles : 1593 ± 264 kcal.24h-1 ; garçons : 1726 ± 291 kcal.24h-1) est donc plus élevé que celui de leurs pairs de poids normal (filles : 1221 ± 151 kcal.24h-1 ; garçons : 1338 ± 151 kcal.24h-1) en raison d’une masse maigre et d’une masse grasse supérieures (Molnár et Schutz, 1997), voire d’un tour de taille supérieur (Rodríguez et al., 2002). Cependant, le métabolisme de base une fois relativisé aux dimensions corporelles n’est plus significativement différent, ce qui pourrait indiquer que l’activité métabolique relative de base ne diffère pas entre les enfants avec et sans obésité.
Le coût énergétique
Un métabolisme de base supérieur chez les enfants et les adolescents avec obésité comparativement à celui des jeunes de poids normal a pour conséquence un coût énergétique (dépense énergétique pour une activité donnée rapportée par unité de poids corporel et par unité de distance parcourue pour la locomotion, par exemple) plus élevé pour chaque activité. Par exemple, les vitesses de marche de 4, 5 et 6 km.h-1 représentaient respectivement 47, 59 et 71% VO2 max chez les adolescents avec obésité, alors que chez des adolescents de poids normal de même âge et de même genre, ces vitesses de marche correspondaient respectivement à 34, 41 et 48% VO2 max (Lazzer et al., 2005). Ainsi, les jeunes en situation d’obésité ont une dépense d’énergie quotidienne plus élevée que celle des jeunes sans obésité, malgré un niveau d’activité physique plus faible, un niveau de sédentarité plus élevé et une thermogénèse (production de chaleur) alimentaire relativement plus faible (Lazzer et al., 2003). Les dépenses énergétiques quotidiennes ont été évaluées à environ 540 kcal de plus chez des adolescents en situation d’obésité comparativement à celles des adolescents de poids