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Plurilinguisme et pluriculturalisme
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Ebook249 pages3 hours

Plurilinguisme et pluriculturalisme

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About this ebook

Rares sont les sociétés contemporaines qui ne sont pas pluriculturelles et plurilingues, en raison notamment de l'émergence de l'anglais comme nouvelle lingua franca et de l'augmentation des flux migratoires des quarante dernières années. Dans un contexte de mutations sociales et économiques mondiales sans précédent, les défis posés par les politiques linguistiques et culturelles font désormais partie intégrante de notre quotidien. Mais quels sont leurs véritables enjeux - juridiques, politiques, culturels et symboliques - ainsi que leurs incidences sur l'éducation, la traduction ou les langues autochtones?

Dans une perspective résolument interdisciplinaire, ce livre fait état de la recherche collective sur la question du plurilinguisme officiel dans plusieurs pays et de solutions concrètes à des problèmes communs. Sa pertinence et son originalité résident autant dans l'actualité que dans la ferme volonté de réfléchir aux réformes à envisager afin que chaque citoyen ait la possibilité, selon l'idéal de la diversité universelle prôné par l'UNESCO, de s'exprimer, d'apprendre et d'exercer ses droits civiques dans la langue de son choix.
LanguageFrançais
Release dateApr 25, 2016
ISBN9782760636477
Plurilinguisme et pluriculturalisme
Author

Gillian Lane-Mercier

Gillian Lane-Mercier est professeure agrégée au Département de la langue et littérature françaises de l'Université McGill.

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    Book preview

    Plurilinguisme et pluriculturalisme - Gillian Lane-Mercier

    Sous la direction de

    Gillian Lane-Mercier, Denise Merkle et Jane Koustas

    PLURILINGUISME

    ET PLURICULTURALISME

    Des modèles officiels dans le monde

    Les Presses de l’Université de Montréal

    Mise en pages: Yolande Martel

    ePub: Folio infographie

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Lane-Mercier, Gillian, 1956-

    Plurilinguisme et pluriculturalisme: des modèles officiels dans le monde

    (PUM)

    Comprend des références bibliographiques.

    ISBN 978-2-7606-3645-3

    1. Multilinguisme – Politique gouvernementale. 2. Politique linguistique. 3. Minorités linguistiques. 4. Multiculturalisme. I. Merkle, Denise, 1954- . II. Koustas, Jane, 1954- . III. Titre. IV. Collection: PUM.

    P119.3.L36 2016    306.44’9    C2016-940574-5

    Dépôt légal: 2e trimestre 2016

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal, 2016

    www.pum.umontreal.ca

    ISBN 978-2-7606-3645-3 (papier)

    ISBN 978-2-7606-3646-0 (PDF)

    ISBN 978-2-7606-3647-7 (ePub)

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

    Introduction

    Gillian Lane-Mercier

    L’idéal résumé par la formule «un peuple, une langue, une nation» sous-jacent à la conception de la citoyenneté forgée par les États-nations européens modernes se situe en flagrant décalage par rapport à notre monde en profonde mutation. Il y a néanmoins lieu de se demander jusqu’à quel point certaines valeurs et pratiques rattachées à cet idéal con­tinuent à guider nos sociétés dites post-coloniales et post-nationalistes. Que celles-ci soient toujours davantage pluriculturelles et plurilingues, en raison notamment des importants flux migratoires des dernières décennies, ne fait aucun doute. Nous ne devons cependant pas oublier que le multilinguisme et la migration de populations n’ont rien de nouveau, et que l’émergence des États-nations à partir du XVIIIe siècle est tributaire d’un ensemble de phénomènes historiques, politiques, sociaux, économiques, institutionnels et juridiques visant à forger une identité nationale homogène. Parmi eux, l’imposition du monolinguisme – au nom de l’intérêt général, de la liberté civile et de l’égalité de tous les citoyens devant la loi – est centrale.

    On sait que le processus de démocratisation fondé sur la volonté désormais institutionnalisée de refuser droit de cité à la différence a cautionné, selon les contextes, des pratiques implicites ou explicites de hiérarchisation, d’assimilation, de marginalisation et d’exclusion plus ou moins coercitives, aujourd’hui bien documentées. En témoigne, sur le seul plan sociolinguistique, la dévalorisation, voire la disparition au cours des deux derniers siècles d’un nombre incalculable d’idiomes à la suite de la mise en place de politiques obligeant l’apprentissage et l’utilisation exclusifs, dans le domaine public, de la ou des langues officielles. En témoignent également, bien qu’a contrario, les inévitables mouvements de résistance qui, depuis le début du XIXe siècle, s’opposent à toute politique homogénéisante et régulatrice, le plus souvent au nom des mêmes principes démocratiques d’égalité, de liberté et de droits des citoyens. Associés tantôt à des processus de décolonisation, tantôt à des demandes de reconnaissance, d’autodétermination et de réparation, ou encore à des principes libéraux de parité et de tolérance, ces mouvements ont atteint leur point culminant dans les guerres d’indépendance d’une part et, de l’autre, dans les nombreuses revendications nationalistes, régionalistes et identitaires qui ont marqué le XXe siècle et le début du XXIe.

    D’où l’importance qu’il convient d’attribuer aux idéologies contempo­raines «post-»: post-modernisme, post-colonialisme, post-ethnicisme, post-nationalisme, dont le dénominateur commun réside dans le désir de décloisonnement, d’ouverture, de réconciliation, de diversité, mais aussi d’identités et d’allégeances multiples, susceptibles de se nouer selon des bifurcations non plus rationnelles (préétablies, imposées), mais aléatoires, imprévisibles, sur le double plan global et local. En malmenant l’idée même de frontière, ces idéologies se sont efforcées de désamorcer ce que l’on pourrait considérer comme étant le rapport binaire fondateur le plus violent du paradigme moderne, à savoir «nous versus autrui», au profit d’une nouvelle sensibilité plurilingue et pluriculturelle, entérinée en 2001 à l’échelle mondiale par la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, promulguée au nom des «libertés fondamentales» et des droits de l’individu. Rappelons-en les articles 4, 5 et 6:

    La défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine. Elle implique l’engagement de respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales, en particulier les droits des personnes appartenant à des minorités et ceux des peuples autochtones (article 4). Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l’homme, qui sont universels, indissociables et interdépendants. […] Toute personne doit ainsi pouvoir s’exprimer […] dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites qu’impose le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 5). La liberté d’expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l’égalité d’accès aux expressions artistiques, au savoir scientifique et technologique […] et la possibilité, pour toutes les cultures, d’être présentes dans les moyens d’expression et de diffusion, sont les garants de la diversité culturelle (article 6).

    Au vu du rôle primordial que la Déclaration accorde aux politiques publiques dans le respect de la diversité culturelle (article 11), tout porte à croire que lorsqu’un pays légifère sur le plurilinguisme officiel, il inscrit les principes démocratiques d’équité, de parité, de respect, de liberté et de pluralisme culturel dans ses textes fondateurs. Nombreux sont les pays qui ont décrété le bilinguisme ou le plurilinguisme officiel afin d’accorder un même statut législatif, juridique et administratif à une ou plusieurs langues, qu’il s’agisse d’états fédéraux (la Suisse, le Canada, l’Afrique du Sud) où cohabitent historiquement plusieurs communautés linguistiques territorialisées; que ce soit dans le sillage des guerres d’indépendance (l’Inde, le Nigéria, le Burundi, la République de Guinée équatoriale) ou à la suite de revendications de groupes tantôt minoritaires (la Finlande), tantôt majoritaires (le Luxembourg, la Belgique); que ce soit, plus récemment, dans des contextes sociolinguistiques particuliers tel celui de la surdité (la Suède, le Danemark, la Nouvelle-Zélande) où la langue des signes jouit désormais d’une reconnaissance officielle.

    La prémisse du présent volume se formule comme suit: le plurilinguisme officiel – qu’il soit décrété à l’échelle nationale (la Suède, le Kenya), régionale (l’Espagne, l’Italie, la Chine, la Russie) ou institutionnelle (la langue des signes) – se présente a priori comme solution politique et juridique concrète aux problèmes d’assimilation, de hiérarchisation, de discrimination et d’exclusion engendrés par l’idéal monolingue. Dès lors, le défi politique principal consiste à concevoir, à faire adopter et – ce qui ne va pas toujours de soi – à implanter un modèle de plurilinguisme officiel destiné à corriger des déséquilibres démographiques, ethniques, socioéconomiques ou symboliques causés par des relations de pouvoir linguistique et culturel historiquement asymétriques. Particulièrement palpables au sein de groupes minoritaires créés par la colonisation, la décolonisation ou la post-colonisation, ces relations sont perçues comme autant d’entraves à l’égalité des citoyens et à la reconnaissance de jure de la diversité culturelle. Non seulement les langues officielles ont le même statut juridique, mais elles sont censées assurer, par le truchement de politiques éducatives, médiatiques, ­administratives et de transfert culturel (p. ex. la traduction), le maintien de la vitalité linguistique et de la dignité culturelle des groupes sociolinguistiques coprésents, leur participation active et paritaire à la vie politique, leur droit à l’auto-affirmation culturelle, économique et identitaire, leur accès aux savoirs et aux technologies, ainsi que le droit des minorités et, dans certains pays, des immigrants à la traduction et à l’interprétation.

    Or, il y a lieu de se demander jusqu’à quel point et selon quelles modalités les modèles de plurilinguisme et de pluriculturalisme officiels actuellement en vigueur ont réussi à atteindre leurs objectifs tant politiques que socioculturels et linguistiques. Voilà la question qui parcourt l’ensemble des textes réunis dans le présent volume, question qui, par le fait même d’être posée, implique une remise en cause sinon radicale, du moins partielle de la prémisse formulée ci-haut. Ce faisant, elle permet d’avancer l’hypothèse de départ que voici, commune elle aussi à l’ensemble des textes: tout en proposant une alternative certes salutaire aux processus d’homogénéisation inhérents au monolinguisme officiel, le principe de la diversité linguistique et culturelle officielle reconduit, ne serait-ce qu’à d’autres niveaux, sous d’autres formes ou par d’autres moyens, certains des effets mêmes qu’il est censé combattre, dont, précisément, la discrimination, les hiérarchisations, les privilèges de la classe dominante et l’éventuel désengagement des instances politiques. De tels «effets pervers» du plurilinguisme officiel sont particulièrement flagrants en ce qui a trait aux langues minoritaires (la Chine, l’Inde, la langue des signes), aux langues autochtones (la République de Guinée équatoriale, le Canada, le Nigéria) et aux langues allophones issues de l’immigration (le Luxembourg, le Canada), lesquelles con­servent leur statut de langues non officielles dans un contexte politique, juridique et éducatif qui pourtant prône la diversité et l’égalité d’accès aux services comme aux institutions.

    De cette hypothèse découlent des questions de recherche plus précises portant sur les motifs qui sous-tendent la mise en place (ou non) de modèles de plurilinguisme et de pluriculturalisme1 officiels, sur les effets tant bénéfiques qu’inefficaces ou néfastes que ces modèles ont générés dans des contextes historiques et géopolitiques déterminés, sur les problèmes avec lesquels certaines sociétés officiellement plurilingues et pluriculturelles se trouvent actuellement aux prises et sur les améliorations ou solutions possibles qu’il importe d’envisager. Chacun des chapitres soulève ainsi une série de questions ciblées. Pourquoi une société donnée choisit-elle de légiférer sur le plurilinguisme et quelles langues privilégie-t-elle? Quels sont les enjeux politiques, juridiques, administratifs, économiques, éducatifs et éthiques de la législation en matière de langues et cultures officielles? Quels sont les principes qui guident l’implantation d’un modèle particulier, et quelles réalités sociolinguistiques s’efforce-t-il de représenter? Quels sont les avantages et les désavantages du modèle retenu? Quels intérêts sert-il, et qui s’en trouve avantagé, marginalisé, assimilé? Comment cette politique linguistique est-elle perçue par les communautés visées (et, à plus forte raison, exclues)? Quel est l’impact sur les politiques éducatives et traductives, d’un côté, et de l’autre, sur les communautés minoritaires, autochtones et allochtones non officielles? Mais surtout: comment parer aux lacunes, faiblesses et faillites de modèles qui, sensibles aux aspects linguistiques de la citoyenneté, courent néanmoins le risque de fragiliser, à l’instar des politiques du monolinguisme ou d’un multiculturalisme défini en silo, les fondements mêmes de la démocratie tels qu’ils se trouvent incarnés dans la Déclaration universelle sur la diversité culturelle?

    Les éléments de réponse proposés dans les chapitres qui suivent ne sont pas simples; on comprend qu’il reste du travail à faire, que ce soit sur le plan législatif, économique, de l’aménagement linguistique et culturel, des politiques éducatives et traductives, ou des attitudes envers le plurilinguisme officiel en général et les langues-cultures non officielles en particulier. L’intérêt du présent volume, qui offre un aperçu de neuf projets en cours portant sur le modèle de plurilinguisme adopté – ou refusé – dans neuf pays différents, réside donc tout d’abord dans sa visée résolument interdisciplinaire. Relevant de la science politique, de la sociologie, de la sociolinguistique, des sciences de l’éducation, de l’analyse du discours, de la traductologie et de l’aménagement linguistique, les approches adoptées mettent au jour la complexité de la sensibilité plurilingue et pluriculturelle qui marque désormais la vaste majorité de nos sociétés contemporaines. Leur réunion dans un même ouvrage offre la possibilité de comparer des modèles adoptés dans des aires géopolitiques disparates afin d’en faire ressortir tant les divergences que les points communs. À ce titre, il est frappant de constater le lien fait par presque tous les auteurs entre politiques linguistiques et politiques éducatives, que ce soit en Europe, en Afrique, en Inde, en Amérique du Nord ou en Chine: sans la mise en place de politiques axées sur l’apprentissage obligatoire de la langue maternelle, a fortiori lorsque celle-ci est non officielle, rares sont les modèles de plurilinguisme officiel viables. Soulignons également l’importance accordée par plusieurs aux politiques et aux pratiques de traduction qui, conçues simultanément comme phénomène de transfert et comme méthode pédagogique, assurent, outre l’intercommunication à tous les niveaux, l’accès des groupes linguistiques minoritaires aux langues, aux textes et aux savoirs des groupes dominants, leur intégration sociale et politique et, de ce fait, le démantèlement des hiérarchies comme des processus discriminatoires et assimilationnistes fondés sur la langue dans des contextes de plurilinguisme officiel.

    Enfin, le présent recueil fait état de la recherche collective de solutions concrètes à des problèmes communs, visant à enrichir nos connaissances, à modifier les politiques et les attitudes; autrement dit, de travaux qui tendent à agir sur notre quotidien, notre devenir collectif et la notion même du vivre-ensemble. Sa pertinence, sa portée et son originalité se trouvent dans la diversité des législations, points de vue et aires géopolitiques mis en regard dans une tentative de réfléchir aux réformes qu’il faudrait entreprendre à l’échelle locale et mondiale pour véritablement changer les choses. L’ouvrage se veut un tremplin vers une réflexion plus poussée sur les enjeux soulevés par le plurilinguisme et le pluriculturalisme officiels dans un contexte de mondialisation où chaque citoyen devrait avoir la possibilité, selon l’idéal de la diversité universelle inscrit dans la Déclaration de l’UNESCO, de s’exprimer, d’apprendre et d’exercer ses droits civiques dans la langue de son choix.

    1. En l’absence de définition unique des termes «plurilinguisme» et «pluri­culturalisme», nous nous abstenons d’en proposer ici, préférant laisser le soin à chaque auteur d’y apporter les nuances nécessaires. Signalons simplement que le français préfère le mot «plurilinguisme» à celui de «multilinguisme» utilisé en anglais.

    1. Les politiques en matière

    de traduction en Belgique

    de 1830 à 1914

    Lieven D’hulst, Marie Bourguignon, Koen Lemmens,

    Bieke Nouws, Heleen Van Gerwen et Reine Meylaerts

    Tout au long du XIXe siècle, les processus européens de démocratisation ont été accompagnés d’efforts de politisation de l’usage des langues et des relations entre celles-ci. L’action légale, politique et sociale des citoyens dépendait de ses ressources communicatives. Or celles-ci se cantonnaient à l’usage d’une langue partagée, dite nationale, qui assurait le relais entre les citoyens et les autorités et permettait aux citoyens d’exercer leur droit de contrôle sur les autorités. La maîtrise de la langue nationale donnait en outre accès aux documents officiels, et notamment aux textes de loi. De plus, cette langue était censée porter, voire enrichir des sentiments d’appartenance et d’identité nationales.

    Comme d’autres formations géopolitiques, la Belgique a dès sa naissance officielle accrédité cette logique nationale, le français étant d’un seul tenant adopté comme langue officielle du nouvel État. Le premier gouvernement belge s’engagea fermement à supprimer graduellement le néerlandais1. À cette fin, il s’est évertué à conférer tous les emplois civils et militaires à des francophones, voulant ainsi inciter les néerlandophones à apprendre le français. En d’autres mots, les autorités belges, au même titre que celles de bien d’autres États européens, ont rapidement pris conscience de l’importance des politiques linguistiques. Ces dernières peuvent être définies de plusieurs manières; selon Spolsky (2012), elles se composent de trois éléments: (1) les pratiques langagières2, (2) les croyances ou idéologies langagières3 et (3) les régulations langagières4, l’interrelation de ces trois éléments étant confirmée par le fait que l’effectivité de la régulation linguistique tient à son adéquation avec des pratiques parfois conflictuelles et avec des croyances quelquefois fluctuantes. Aussi la réussite de cette adéquation est-elle un enjeu crucial pour les autorités démocratiques, car elle conditionne la communication réciproque entre le centre politique et la communauté linguistique qui en dépend.

    Pourtant, l’idéal démocratique d’une langue pour une communauté dans un État-nation était et continue d’être une utopie. La Belgique de 1830, en l’occurrence, donne à voir plusieurs communautés culturelles, qui sont au surplus multilingues. Face à des croyances langagières hétérogènes sinon opposées, ces communautés sollicitent des régulations langagières qui sont ajustées à leurs besoins ou à des attentes spécifiques et qui sont censées en particulier refléter, au sein de l’État, leur différence par rapport à d’autres groupes. Pour cette raison, les politiques linguistiques sont indissociables des questions de citoyenneté et notamment de la question d’une participation politique égale des différentes communautés linguistiques. En raison du fossé existant entre l’idéal monolingue des autorités et les réalités multilingues sur le terrain, les politiques linguistiques doivent

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