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Fernando Rielo : un dialogue à trois voix: Entretiens avec Marie-Lise Gazarian
Fernando Rielo : un dialogue à trois voix: Entretiens avec Marie-Lise Gazarian
Fernando Rielo : un dialogue à trois voix: Entretiens avec Marie-Lise Gazarian
Ebook229 pages3 hours

Fernando Rielo : un dialogue à trois voix: Entretiens avec Marie-Lise Gazarian

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About this ebook

Marie-Lise Gazarian a rencontré Fernando Rielo dès 1980 et nous rend témoins privilégiés d’entretiens qu’elle a menés avec lui de 1989 à 1993 autour de trois axes : sa vie, sa poésie et sa pensée.
« Leur conversation nous fait découvrir un spirituel de haute volée, un humaniste d’une grande culture et un philosophe original » (extrait de la préface du cardinal Vingt-Trois).
Dans une première partie, il évoque l’amour pour le Père Céleste vécu dès sa plus tendre enfance, l’expérience fondamentale du jour de ses 16 ans – l’appel à être saint comme Lui est saint–, mais aussi sa rencontre avec le Christ au moment de sa première communion, en pleine guerre civile, et celle avec l’Esprit Saint alors qu’il est novice chez les Rédemptoristes. La partie suivante permet au lecteur de goûter, « grâce aux extraits empreints de lyrisme, une poésie mystique authentique qui ne se contente pas de considérer Dieu comme un thème, mais qui évoque l’union et le dialogue entretenu avec Lui » (ibid.). Fernando Rielo présente dans une dernière partie la métaphysique comme la science qui traite du « Modèle absolu » et l’anthropologie comme la science qui explique l’action divine dans l’être humain, « action agente » qui n’est pas sans l’« action réceptive » de la personne humaine.


À PROPOS DES AUTEURS


Fernando Rielo Pardal (Madrid, 1923 – New York, 2004), humaniste et philosophe espagnol, poète mystique et métaphysicien, est le fondateur, en 1959, de l’Institut Id du Christ Rédempteur, Missionnaires Identès.
Marie-Lise Gazarian-Gautier est un auteur français, professeur de littérature hispanique à l’Université Saint John, critique littéraire et experte dans l’art de l’entretien. Elle a composé une quinzaine d’ouvrages.
LanguageFrançais
Release dateMar 31, 2022
ISBN9782364524415
Fernando Rielo : un dialogue à trois voix: Entretiens avec Marie-Lise Gazarian

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    Book preview

    Fernando Rielo - Marie-Lise Gazarian-Gautier

    Fernando Rielo :

    Un dialogue à trois voix

    notre catalogue complet sur

    saintlegerproductions.fr

    Traduction de

    Fernando Rielo : Un diálogo a tres voces.

    Entrevistas con Marie-Lise Gazarian

    Madrid, Fondation Fernando Rielo, 1995

    par Annick Johnson

    et une équipe de l’École Idente

    © Saint-Léger éditions, 2019.

    Tous droits réservés.

    Fernando Rielo :

    un dialogue à trois voix

    Entretiens avec

    Marie-Lise Gazarian

    « Je demande à Dieu que les membres de l’Institution se caractérisent par la joie, une joie en toutes circonstances, qui ne soit pas comme les joies fugaces de ce monde. Je veux qu’ils grandissent dans cette joie mystique qui leur fera voir la terre depuis le ciel et non le ciel depuis la terre.

    Fernando

    Rielo

    Les auteurs

    Marie-Lise Gazarian-Gautier

    Diplômée et docteur de l’Université de Columbia, Marie-Lise Gazarian-Gautier est professeur de littérature espagnole et latino-américaine à l’Université Saint John de New York, l’une des grandes universités catholiques américaines. Spécialiste de l’œuvre de Gabriela Mistral, Camilo José Cela, Carmen Conde, Ana María Matute, Elena Poniatowska et Fernando Rielo, entre autres auteurs, elle est en outre Vice-présidente de Sigma Delta Pi, association nord-américaine fondée en 1919 pour promouvoir la culture hispanique. En 2001 elle a reçu de cette même association la distinction de l’Ordre de Don Quichotte.

    Elle fut déléguée à New York de la revue AZB, Revista de Cultura Internacional, de Guadalajara (Espagne) et est actuellement co-éditeur avec Mónica Christopher-Sánchez de Entre Rascacielos, la revue littéraire qu’elle a fondée à l’automne 2001 et qui est publiée par l’Université Saint John.

    Marie-Lise Gazarian a une expérience bien établie de promotion de la culture hispanique, qui lui valut le Prix du Mérite Culturel de la part du gouvernement espagnol en 1981 et la distinction de l’Ordre d’Alphonse le Sage par le Roi d’Espagne en 2003.

    Plusieurs autres distinctions lui ont été attribuées en reconnaissance de son œuvre au service de l’enseignement et de la littérature : entre autres de la part de la ville de New York (Queens Borough), du Congrès américain, du Gouvernement de l’Équateur, du Gouvernement du Chili, et également de la part de son université, sous l’égide de Saint Vincent de Paul et de la congrégation des Lazaristes.

    Elle a été nommée Représentante de la Fondation Prix Nobel Gabriela Mistral à New York et Ambassadeur Culturel de l’Équateur aux États-Unis.

    Membre du Pen Club américain, elle est particulièrement e­ngagée dans un programme ­de promotion de l’écriture parmi les prisonniers.

    Elle est l’auteur d’innombrables articles et de plus de quatorze ouvrages, la plupart en espagnol, parmi lesquels, outre Fernando Rielo. Un dialogue à trois voix, on peut citer : Gabriela Mistral, la maîtresse d’école de Elqui (1973, 1992) ; Entretiens avec quelques écrivains latino-américains (1989, 1992) ; Entretiens avec quelques écrivains espagnols (1991-1992) ; Carmen Conde, de vive voix (1992), avec Zenaida Gutiérrez-Vega ; Ana María Matute : La voix du silence, 1997 ; Henri Troyat, un artisan de la plume, 2003 ; Portraits en parolesEntretiens avec 25 écrivains du monde hispanique, 2003. Experte dans l’art de l’entretien, elle a interviewé nombre d’auteurs espagnols et latino-américains célèbres pour de grandes chaînes nord-américaines (CBS, ABC et Canal 47).

    Fernando Rielo Pardal

    Biographie en quelques dates :

    1923, 28 août : Fernando Rielo naît à Madrid dans une famille de 8 enfants dont 5 survivront.

    1936, 21 mai (Ascension) : Première Communion. Il échappe de peu à un peloton d’exécution.

    1939, 28 août : Le jour de ses 16 ans, lors d’un camp de jeunes à Valsaín (Ségovie), il entend la voix du Père : « Sois saint, mon fils, comme moi, ton Père, je suis saint ».

    1943-1944 : Envoyé à Grenade en tant que fonctionnaire de la poste

    1944-1946 : Service militaire

    1946-1948 : Novice chez les Rédemptoristes à Nava del Rey (Valladolid)

    1948-1954 : Séminariste chez les Rédemptoristes à Astorga (Léon)

    1951, 24 décembre : Au cours de la Nuit de Noël, annonce de la future Fondation religieuse

    1954-1956 : De retour à Madrid, consultation de 12 religieux de différents Ordres dans toute l’Espagne pour savoir s’il doit vraiment fonder. Tous répondent que oui.

    1957, 6 janvier : Arrivée à Santa Cruz de Tenerife (Iles Canaries) où il est muté, « ville choisie pour que tu fondes l’Institut, ville qui sera ta croix et ta gloire »

    1959, 29 juin : Fonde l’Institut Id du Christ Rédempteur, Missionnaires Identès

    1964, 30 mai : Au lendemain d’une grave opération, il reçoit du Père la locution « Je suis + que l’Être que tu dis », à l’origine de la conception génétique du principe de relation

    1971 : Fonde l’École Idente

    1975 : Fonde la Jeunesse Idente, association internationale proposant à des jeunes de toutes nations, cultures et croyances de s’unir à travers les idéaux les plus nobles

    1981 : Remise du 1er Prix Mondial Fernando Rielo de Poésie Mystique

    1985 : Préside le Ve Prix Mondial Fernando Rielo de Poésie Mystique au Siège de l’UNESCO à Paris, lors de sa dernière visite en France

    1987 : Remise du VIIe Prix Mondial Fernando Rielo de Poésie Mystique au Sénat, Paris

    1988 : S’installe définitivement à New York suite à l’amputation de sa jambe droite

    1991 : Conférence à l’ONU sur « La définition mystique de l’homme » et lancement du « Parlement Universel de la Jeunesse »

    2000 : 1er Congrès de Métaphysique à Rome, à l’initiative de l’École Idente

    2004, 6 décembre : Rejoint la maison du Père ; le 15 décembre, inhumation dans le caveau familial, au cimetière de La Almudena de Madrid

    2009, 29 mai : Translation de son corps dans la crypte Notre-Dame du Rosaire de la cathédrale de La Almudena (Madrid)

    2009, 4 juillet : Benoît XVI reconnaît les Missionnaires Identès comme Institut de vie consacré « de droit pontifical ».

    Bibliographie

    Recueils de poèmes, essais et conférences publiés du vivant de Fernando Rielo :

    Dios y árbol. Barcelone, Rumbos, 1958.

    Llanto azul, Madrid, Ornigraf, 1978.

    Paisaje desnudo et Pasión y muerte, Madrid, Ornigraf, 1979.

    Noche clara, Madrid, Ornigraf, 1980.

    « Poesía y mística », Mystère et matière. Essais et poèmes recueillis par Eugène Van Itterbeek. Quatrième Festival Européen de Poésie, Louvain, Leuvense Schrijversaktie, 1982.

    Teoría del Quijote. Su mística hispánica, Madrid, Porrúa, 1982.

    « Definición genética de la transverberación teresiana », Santa Teresa y la literatura mística hispana, Madrid, EDI-6, S. A., 1984, p. 101-108.

    Dieu et arbre, traduction Claude Couffon, Paris, Éditions Caractères, 1985.

    « Estudio comparado de la juglaría con la mística española y su Quijote hablado », Madrid, EDI-6, S. A., 1986, p. 151-156.

    Transfiguration, traduction Bernard Sesé, préface Jean-Claude Renard, Paris, Éditions Caractères, 1986.

    Transfiguración, Constantina (Séville), Fondation Fernando Rielo, 1988.

    « Hacia una nueva concepción metafísica del ser », ¿Existe una filosofía española ?, F.F.R., Constantina, 1988.

    « Concepción genética del principio de relación », III Congreso mundial de Filosofía Cristiana (Quito-Ecuador-Julio 1989), p. 159-181.

    Balcón a la bahía, Constantina, F.F.R., 1989.

    Dolor entre cristales, Constantina, F.F.R., 1990.

    « Concepción genética de lo que no es el Sujeto absoluto y fundamento metafísico de la ética », Raíces y valores históricos del pensamiento español, Constantina, F.F.R., 1990.

    « Dos intérpretes de la mística española en el Siglo de Oro : San Juan de la Cruz y San Ignacio de Loyola », Congreso Internacional sobre San Juan de la Cruz y San Ignacio de Loyola, Madrid–Pastrana, 1990.

    « La persona no es ser para sí ni para el mundo », Hacia una Pedagogía Prospectiva, Constantina, F.F.R., 1992.

    En las vírgenes sombras, Constantina, F.F.R., 1994.

    « Función de la fe en la educación para la paz », Educar desde y para la paz, Constantina, F.F.R., 1995.

    « Tratamiento psicoético en la educación », Educación y desarrollo personal, Constantina, F.F.R., 1996.

    Los hijos del encuentro, Constantina, F.F.R., 1999.

    Mis meditaciones desde el modelo genético, Madrid, F.F.R., 2001.

    « Formación cultural de la filosofía », Filosofía, ética y educación, Constantina, F.F.R., 2001.

    « Prioridad de la fe en la formación humana », Educación y desarrollo personal, Constantina, F.F.R., 2001.

    Ouvrages posthumes

    Leyendas de amor, Madrid, FFR, 2010. (Narration d’épisodes de sa vie)

    El criterio de credibilidad y el don de la fe, F.F.R., Madrid, 2010.

    El humanismo de Cristo, F.F.R., Madrid, 2012.

    Concepción mística de la antropología, Madrid, FFR, 2012.

    En el Corazón del Padre, Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 2014.

    Cristo y su sentido de empresa, Madrid, F.F.R., 2017.

    Biographie :

    Isabel Orellana, Fernando Rielo. Biografía, Madrid, Ediciones Paulinas, 2009.

    Sur Fernando Rielo :

    La poesía mística de Fernando Rielo, Montclair (Forés, Aldo R.), New Jersey, Senda Nueva de Ediciones, 1985.

    José María López Sevillano, « La nueva metafísica de Fernando Rielo », Aportaciones de pensadores españoles del siglo XX a la filosofía, Constantina, F.F.R., 1990.

    Poet, Mystic, Modern Hero Fernando Rielo Pardal (Brooks, Zelda I.), Scripta Humanistica, Maryland, 1991.

    Fernando Rielo. Poeta y filósofo. Poet and Philosopher, Madrid, F.F.R., 1991. (Actes du Symposium du 28/10/89 à l’Université Georgetown, Washington D. C.)

    José María López Sevillano, « Supuestos metafísicos en la obra poética de Fernando Rielo », Filosofía y poesía, Constantina, FFR, 1994.

    Enrique Rivera de Ventosa, Isabel Orellana, San Francisco de Asís y Fernando Rielo : convergencias. Respuestas desde la fe a los interrogantes del hombre de hoy, Salamanca, Universidad Pontificia, 2001.

    Pascale Vincette, « La conception de la conscience chez Newman et chez Rielo », Études newmaniennes 23 (2007), p. 189-201 et « John Henry Newman et Fernando Rielo. Une étude comparative », Études newmaniennes 26 (2010), p. 79-98.

    Marie-Jeanne Coutagne, « El Cristo metafísico o bien metafísica y mística en la obra de M. Blondel y de F. Rielo », Proceedings Sixth World Conference en Metaphysics, Salamanque, 12-14 novembre 2015, p. 125-141.

    De nombreux articles sur la pensée de Rielo figurent dans les Actes des Congrès de Métaphysique qui se déroulent tous les trois ans depuis 2000, à Rome et Salamanque : www.romemetaphysics.org

    Préface

    Pour approcher une grande figure spirituelle qu’il ne nous a pas été donné de rencontrer personnellement si ce n’est à travers ceux qui vivent de son charisme, et c’est le cas, en ce qui me concerne, pour Fernando Rielo Pardal, il est d’usage de recourir à sa biographie, son autobiographie ou ses écrits. Dans l’attente de leur traduction en français, un livre d’entretiens sur sa vie, sa poésie et sa pensée est ici proposé.

    Marie-Lise Gazarian-Gautier, professeure à l’Université Saint John’s, a longuement interrogé Fernando Rielo dans les dernières années de sa vie, alors qu’il s’était retiré à New York, où il était suivi médicalement, suite à l’amputation de sa jambe gauche. Leur conversation nous fait découvrir un spirituel de haute volée, un humaniste d’une grande culture et un philosophe original. Car Fernando Rielo est tout cela à la fois, en plus d’être le fondateur, en 1959, de l’« Institut Id du Christ Rédempteur. Missionnaires Identès ».

    Si Fernando Rielo a évidemment hérité des grands mystiques du Siècle d’or, de la langue de Cervantès ou encore de la passion des poètes et penseurs espagnols du xxe siècle, la richesse de cette personnalité profondément catholique défie toute classification et ne pouvait demeurer plus longtemps inaccessible au lecteur francophone. C’est sur la base d’une relation personnelle exceptionnelle avec Dieu le Père, d’une conscience filiale aiguë et de son désir de vivre et de transmettre la sainteté, qu’il a fondé sa pensée et l’ensemble de son œuvre. Ce caractère expérientiel unique est fortement accentué et très fécond chez lui, non sans l’omniprésence de ce qu’il appelle la « douleur de l’amour ». Les passages sur le mal, le péché et la souffrance sont d’ailleurs remarquables de clarté et de profondeur.

    La première partie de ces entretiens est bouleversante : le lecteur se laissera fasciner sans peine par les récits autobiographiques, même si l’ordre chronologique se trouve parfois bousculé ; la seconde n’est pas moins intéressante : qu’on soit amateur ou pas de poésie, la sensibilité spirituelle permet ici de reconnaître, grâce aux extraits empreints de lyrisme, une poésie mystique authentique qui ne se contente pas de considérer Dieu comme un thème, mais qui évoque l’union et le dialogue entretenu avec Lui ; la dernière partie est certes plus ardue : il y a une densité considérable de pensée philosophique ramassée en quelques pages qui nécessiteraient des développements. Fernando Rielo y défend la métaphysique comme science qui traite de Dieu, appelé « Modèle Absolu », et l’anthropologie comme science qui explique Son action dans l’être humain, avec l’être humain, c’est-à-dire en tenant compte de la réponse active de la personne humaine à l’action divine. L’humaniste espagnol met ainsi en valeur la personne comme être relationnel qui, loin d’être seul ou « jeté dans le monde », a été créé par Quelqu’un qui est le principe de son être, mais aussi de l’agir et du connaître. C’est dire que la réflexion philosophique de Fernando Rielo nous fait entrer dans le mouvement de circumincession trinitaire, à l’intérieur duquel nous sommes en quelque sorte « pris », de par notre image et ressemblance « native », notre « déité » constitutive, et notre destination par grâce.

    Reste à espérer que ce « dialogue à trois voix » soit pour le lecteur une invitation à entretenir une relation toujours plus intime avec les Personnes divines et à suivre l’appel à la sainteté reçu du Père par le jeune Fernando le jour de ses seize ans, appel qui allait retentir quelques années plus tard de manière universelle au cœur du Concile Vatican II.

    André Cardinal Vingt-Trois

    PREMIÈRE PARTIE

    VIE

    Marie-Lise Gazarian – Dans mon prologue à ton livre Théorie du Quichotte, j’ai écrit : « Fernando Rielo est un écrivain aux facettes multiples : poète mystique, critique et philosophe »¹. On pourrait ajouter maître, et fondateur d’une institution religieuse. Quelle est la part vraiment essentielle en toi ? Te considères-tu d’abord poète, philosophe, critique ou fondateur ? Lequel a été le premier : le poète, le critique, le philosophe ou le maître ?

    Fernando Rielo – Je ne me suis jamais senti rien de tout cela, et cela ne m’a jamais réellement intéressé au cours de mon existence, d’être en quoi que ce soit un poète, un philosophe, un critique ou un maître. Je me vois comme un être humain qui vit intensément le concept d’« esprit », et se trouve par-là amené à faire siennes les paroles du Christ : « Je ne suis pas du monde » (Jn 17, 16). Moi non plus je ne me suis jamais senti de ce monde, ni en ce monde, ni pour ce monde. Je me suis toujours vu comme sans habitat. Toutes les créatures, et même beaucoup d’êtres humains, croient trouver leur habitat, leur cadre social. On dirait que cet habitat les pénètre par tous les pores de la peau et les rend momentanément heureux, ce qui ne les empêche pas de tomber ensuite dans le désenchantement que causent les avatars de l’existence. Pour moi, c’est toujours le contraire qui s’est produit : je n’ai jamais rien attendu de ce monde. Et l’expérience que j’en ai aujourd’hui est la même, avec simplement une plus grande intensité, que celle de mon enfance. 

    M. – Parlons donc de ton enfance. Comment ressentais-tu, lorsque tu étais enfant, cette ferveur religieuse ?

    F. – Le mot « religieux » est un vocable utilisé en général pour désigner une personne qui accomplit avec dévotion une série de pratiques appelées « religieuses ». On dit ainsi d’une personne qu’elle a un fort – ou plus ou moins fort – sentiment religieux en fonction de la ferveur avec laquelle elle accomplit ces pratiques. En moi ce n’est pas le sentiment religieux qui prédomine : c’est plutôt un sentiment qu’il faudrait appeler « mystique », même si, en ce qui concerne la mystique, chacun peut aussi émettre, selon ses opinions ou sa manière de penser, une idée plus ou moins correcte. Je me sens conduit, habité par Dieu : j’entends les harmonies d’un autre monde, un monde d’êtres, de personnes, mais surtout, je me sens fils légitime, descendant d’un Père éternel, concélébré par le Fils et l’Esprit Saint.

    M. – À quel moment s’est manifestée pour la première fois cette intimité avec Lui ?

    F. – Depuis toujours je crois, même quand je n’étais pas encore conscient. Ce que je vais te dire peut paraître incroyable, et aurait de quoi étonner un psychiatre. Je peux t’assurer que le moment de ma conception – je parle maintenant en adulte –, celui où mon esprit me fut infusé, fut accompagné d’un baiser. Ensuite, bien entendu, j’en perdis toute conscience. Mais, au moment même de la conception, j’ai été conscient de mon existence. J’ai perçu – bien que n’ayant pas encore de cerveau – ce qui correspond à ce que nous désignons sous le concept de « personne », et qui existe dès le moment de la conception. J’ai eu une vision qui n’était pas cérébrale puisque mon cerveau – et donc ma raison et mes idées – n’existait pas encore. Car selon moi la raison est « cérébration » de l’intelligence. J’ai eu néanmoins la vision spirituelle de ce baiser originel du Père et de la splendeur de Sa face. Je l’exprime dans l’un de mes sonnets du recueil Dans les ombres vierges. En voici de mémoire le premier quatrain :

    Ton éternelle pensée de moi avant de me créer

    est ton baiser premier : être pensé par Toi.

    Je garde le rêve ou la mémoire de ton baiser insufflé en moi :

    quand tu m’as fait naître tu m’as donné ton baiser².

    J’ai toujours eu la vive impression spirituelle de ce baiser du Père au moment même où j’ai été conçu dans le sein de ma mère. Cet événement m’a donné une conscience filiale qui a régi ma vie entière. L’un de mes poèmes de Larme d’azur, « Mi creación amada » (Ma création bien-aimée), retrace cette expérience :

    Je continue à vivre l’émotion d’un baiser,

    celui qui mit en moi le rêve d’être toujours tien.

    Je garde de lui, et de Toi, le souvenir premier, amoureux et pur³.

    M. – Les expériences que tu partages avec moi sont vraiment belles et émouvantes. Que peux-tu me dire de ta vie avec Dieu après être né en ce monde ?

    F. – J’ai ressenti, dès l’enfance, le besoin de cet Être suprême, qui pour moi fait particulièrement référence au Père, car il se manifestait à moi, me touchait, se mettait en relation avec moi. Nous avons toujours communiqué. Par pudeur, il m’est difficile d’en parler. J’ai écrit, parce qu’on m’y a forcé, une œuvre

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