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A la fin, elle meurt
A la fin, elle meurt
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A la fin, elle meurt

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About this ebook

Emma est une jeune fille qui a décidé de profiter de sa jeunesse (sa seule vérité) pour vivre comme elle l’entend : dans l’excès.
Lors d’une soirée, elle rencontre Sophie qui devient aussitôt sa complice. Elles décident de vivre ensemble, pour mieux régner sur leur débauche.
Lorsque leurs parents les menacent de ne plus les entretenir, elles ripostent en cumulant les boulots de courte durée, et quand Emma quitte définitivement les bancs de la fac pour se poser derrière une caisse enregistreuse, ce n’est pas de bon cœur. Le monde, en particulier celui du travail, elle ne le comprend pas, et il lui rend bien. Capitulant, elle s’efforce de supporter sa descente au calvaire.
Lorsque le supermarché devient le théâtre d’un fantasme nouveau, la motivation la gagne, un peu plus, puis l’obsède, jusqu’à…
Perdue entre ses envies et celles des autres, elle devra mettre de côté son immoralité pour suivre un troupeau qui ne lui ressemble pas mais dont l’autorité la captive étrangement.
Réaliste compte-rendu d’une génération sans filet, c’est le roman du désenchantement.
Le style mordant d’une héroïne qui exprime précisément, ses sensations et sentiments, nous offre une écriture à vif.
L’humour et le second degrés sont de mise aussi bien dans les réflexions que dans les dialogues (rares et réalistes). L’émotion est palpable lors des chassés-croisés saphiques, même si la passivité et la nonchalance d’Emma et des autres personnages domine le style.

LanguageFrançais
PublisherPublishroom
Release dateApr 29, 2022
ISBN9782384540457
A la fin, elle meurt

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    A la fin, elle meurt - Solène Gallet

    9782384540440.jpg

    Solène Gallet

    À LA FIN,

    ELLE MEURT.

    « A 20 ans les accidents sont des points de départ ,

    A 25, des nouvelles chances.

    Merci à eux, qui étaient là.»

    Je reste là, immobile devant l’œuvre qui agresse mes yeux à n’en plus pouvoir la regarder. Baissant la tête, je n’aperçois maintenant que le bas de ses jambes, qui suffit à m’impressionner au point de ne plus sentir les miennes. Est-ce le fait de sa supériorité hiérarchique qui me déstabilise tant ou le résultat de ce physique si parfait ?

    L’envie violente de la libérer de ses chaînes que sont un chignon trop serré et un tailleur trop taillé me traverse furtivement l’esprit. Quelle femme encore plus formidable peut bien se cacher derrière cette austérité, déjà si charmante, que je n’ose à peine en imaginer l’effet dans ses moments d’épanouissement ?

    Relever la tête, il faut relever la tête. Je dois avoir l’air d’un vassal devant son seigneur ou pire, d’un esclave face à son maître. C’est alors que mon corps se décide à reprendre la confiance qui, en temps normal, me caractérise tellement.

    Le haut de ses cuisses, la rondeur de ses hanches, la finesse de sa taille, tant d’obstacles à surmonter pour la regarder en face. J’ai le sentiment de découvrir les merveilles du monde les unes après les autres. Je n’ai pas le temps d’en profiter que déjà la suivante vient s’imposer à moi. Cette accumulation me terrorise adorablement et m’amène à penser que je ne supporterais pas cette exploration jusqu’au bout.

    Prise d’un instinct de survie, je redresse fortement la tête, passant ainsi de son ventre à ses yeux en évitant de m’attarder sur de fines mains, dont les frôlements doivent être d’une douceur indéfinissable, une poitrine, légère, une nuque, plus lisse et attirante qu’un aimant, et une bouche… Putain sa bouche…

    Me voilà donc plongée, noyée, dans ses yeux, deux saphirs derrière leur vitrine façon Afflelou, parvenant tout de même à saisir la perche que me tend Sophie pour me ramener à la réalité :

    –Emma, je te présente madame Leroy, chargée d’assurer l’intermédiaire entre nous et la grande hiérarchie.

    –Bonjour mademoiselle Gallet, dit-elle en serrant ma main encore tremblante.

    –E, é, é… Emma Madame, heu b’jour.

    –Je vous souhaite la bienvenue au sein de notre entreprise Emma. Pour les questions et problèmes d’ordre technique, vous vous adresserez à Sophie. Elle est chargée de votre formation. Pour tout autre problème, c’est à moi qu’il faudra se référer, de même que je me permettrai de vous convoquer si je le juge nécessaire, sachant que moins nous aurons l’occasion de nous voir, plus cela sera signe de votre bonne convenance à ce poste. Avez-vous des interrogations concernant les attentes de vos missions ?

    –Heu… Non madame… Heu… (j’ai déjà oublié son nom. C’est bon signe !)

    –Sachez toutefois que nous attendons de vous de grandes qualités relationnelles afin de servir au mieux notre enseigne et nos clients. Quels que soient vos préjugés sur ce poste, les hôtesses de caisse sont et font l’image de notre magasin, c’est pourquoi vous devez avoir une tenue irréprochable et appliquer sans cesse la règle du B.M.A.S. : Bonjour, Merci, Au revoir et le plus important, le Sourire. Il doit être omniprésent sur votre visage, quel que soit votre état d’esprit. Ceci dit, je ne me fais pas trop de soucis pour ce détail, vous devez avoir l’habitude d’en jouer, de ce joli sourire…

    C’est quoi ça !? Ça l’amuse de me voir rougir sous ses compliments ? Je n’ai pas l’air assez perdue comme ça, il faut en remettre une couche ? L’effet qu’elle me fait est visible à ce point ?

    Elle fait donc partie de ces personnes qui se régalent de l’anxiété des autres et qui enrichissent leur ego en cultivant la honte et le malaise chez eux, jugés alors, inférieurs et indignes de leur intérêt.

    Les secondes de silence, qui se feront bientôt minutes, me font prendre conscience du ridicule de mes pensées. Je me fais des idées. Un compliment, c’était juste un compliment. D’ailleurs, toutes les caissières avaient dû y avoir droit à leur arrivée, avec pour objectif de leur donner confiance et motivation, et de leur fournir une bonne raison de montrer leurs dents.

    Je me sens idiote d’avoir pu imaginer une seconde qu’une telle personne pouvait me complimenter sincèrement et se sentir touchée par mon sourire… qu’elle n’a d’ailleurs pas eu le loisir de percevoir, vu mon comportement depuis le début de cet entretien ! Mais évidemment !

    Comment peut-elle me complimenter sur un sourire qu’elle n’a pas pu apprécier ?

    La rancœur que je venais de chasser revient avec fougue. Les choses sont donc claires, le résultat est le même. Je ne peux, à ses yeux, être équipée d’une once de perspicacité ! Elle me prend donc pour la conne de caissière que je ne dois pas oser supposer être, naïve, dépourvue de la moindre présence d’esprit, à qui il suffit de mentir avec élégance pour illuminer sa journée et lui faire estimer un métier sans intérêt.

    Qu’est-ce qui lui permet de nous juger, elle qui reste planquée derrière son bureau toute la journée, et qui n’use de son sourire qu’au moment de se curer les dents ?

    À la suite de cette hypocrisie, de cette tromperie, de cette ruse qui me fait ouvrir les yeux sur la personnalité de mon nouveau tortionnaire, je ressens presque une envie sincère de la remercier. Merci de me donner une bonne raison d’arrêter mes fantasmes, merci de me dévoiler votre vraie nature et éviter ainsi à mon imagination de me torturer, vous offrant au passage, le plaisir de mon trouble.

    Cette nouvelle découverte n’empêche pas le silence de progresser, bien au contraire et une fois de plus, Sophie vient à mon secours :

    –Je vais, si vous le permettez Madame Leroy, te montrer ton vestiaire, Emma.

    Accompagnant ses paroles d’une main dans le dos, d’abord rassurante puis, sous le pincement de ses doigts, de plus en plus douloureuse, elle fait apparaître sur mon visage le fameux sourire tant attendu, dessiné alors par la douleur. Ma bouche laisse tout de même échapper quelques mots de politesse avant de prendre congé, puis, je suis Sophie guidée par la souffrance.

    –Oui, bien sûr Soph’. Au revoir madame.

    –Au revoir Emma, et bonne chance pour votre première journée.

    Bonne chance pour ma première journée et toutes celles qui suivront !

    La porte est à peine refermée derrière moi que Sophie me chuchote, avec énergie :

    –T’es défoncée ou quoi ? T’abuses Emma, je te trouve du taff et toi tu te pointes décalquée devant ma responsable, pour ton premier jour ! Sympa la copine. Ce n’est pas parce que t’es incapable de garder un boulot que tu dois me faire perdre le mien !

    –Nan Sophie, j’te jure j’ai pas fumé. Je sais pas, j’me suis sentie mal, elle m’a fait bloquer. Je ne sais pas pourquoi, mais j’te jure Soph’, j’ai pas fumé, j’suis pas conne putain ! J’te raconte pas d’conneries, merde !

    –Ouais...ok, mais tu ne me refais plus jamais ça ! c’est clair ! Tu m’a fait trop flipper, à ne rien dire !

    –J’suis désolée, j’ai rien compris non plus, elle est captivante ta patronne.

    –Elle est imposante, c’est sûr, mais moi je la trouve plutôt sympa. Pis, tu ne trouves pas qu’elle est vraiment canon ?

    –Ouais, je ne sais pas. je n’ai pas vraiment fait gaffe.

    –En tout cas y faudra t’y faire sinon t’es pas sauvée !

    Je me laisse entraîner dans les couloirs du supermarché, sans les voir, et sans entendre les informations que Sophie me donne devant chaque bureau, chaque porte, serrant la main aux personnes qui me sont présentées sans entendre leurs noms, ni quoi que ce soit d’autre, assurant tout de même un minimum de politesse et usant en contrepartie de mon sourire, le fameux, meilleur moyen de ne pas parler à quelqu’un sans être impolie. Je dois donner l’air d’être timide tout simplement !

    Arrivées aux vestiaires, Sophie me montre mon casier, le numéro treize. Je préfère croire qu’il me portera chance. Elle me donne les clefs et me dit de la rejoindre à la cafétéria une fois prête :

    –Magne-toi, on a encore le temps de se faire une clope.

    Après m’être changée, je me fais un plaisir de claquer la porte du casier. Quelque chose me dit que c’est pour lui le début d’un long calvaire. Il vient d’entrer dans son rôle de souffre-douleur !

    Je suis vraiment en colère, j’ai la rage. Ça fait une semaine que je flippe pour ce putain d’entretien, une semaine que je m’en fais le film.

    J’ai imaginé le pire pour être sûre d’assurer le jour J. Tout y est passé, mon portable qui sonne, la crise de rire, l’envie de vomir, l’arrivée de mes règles, la chute, due aux talons que je porte avec très peu d’assurance, toutes les situations possibles et imaginables, toutes, sauf une !

    Je n’arrive pas à comprendre comment cette personne a pu m’impressionner et m’émouvoir à ce point. Moi qui détiens, d’ordinaire, une assurance insolente envers les hommes, qui sait user de mon charme, qui sait plaire, me voilà piégée par mes propres armes, me voilà envoûtée par cette femme qui, de sa simple présence, a fait de moi un corps sans voix, a détruit tout mon système de protection, m’a dénudée.

    Cette attirance est d’une nouveauté angoissante.

    Je me rassure en me rappelant que je ne la reverrai que pour acter mon contrat, si ma période d’essai est convaincante. J’ai donc une semaine pour me remettre de cet entretien et préparer le prochain !

    Le joint que je n’ai pas osé fumer ce matin commence à me manquer sérieusement. Mais je ne dois pas craquer, pas maintenant. J’ai encore toute la matinée à assurer, et avec le sourire !

    J’ai rencontré Sophie au cours de mes études. Parlons plutôt de ma « vie d’étudiante ».

    Avec un peu de recul, je ne pense pas que quatre années de fac, pour arriver en deuxième année de psycho sans même la valider, soient vraiment qualifiables d’études supérieures.

    En effet, la liberté qui m’était soudainement offerte et mon besoin de relations humaines eurent raison de ma pseudo passion, post-lycéenne, pour les secrets de l’âme. Toujours est-il qu’après avoir passé mes trois premières années, dans ma petite chambre universitaire où seuls les barreaux manquent pour retrouver une sensation proche, je l’imagine, de la prison, excepté que pour nous, les toilettes se trouvaient au fond du couloir et étaient au nombre de trois pour une trentaine de visiteurs, je me suis donc décidée à tenter l’expérience de la colocation.

    Mais pour ça, pas question de prendre le risque de me retrouver avec un accro du boulot ou une personne dont la joie de vivre pathologique me vanterait les bienfaits d’un esprit sain dans un corps sain et surtout, un ennui plus que malsain !

    Mon entourage était le seul moyen de trouver cette perle rare, le tri sélectif étant une pratique que j’applique également à mes connaissances, dans le but de ne jamais polluer mon état d’esprit, laissant les ordures entre elles et prenant soin d’entretenir les esprits réparables ou déjà réparés, et alors, bénéfiques.

    De jour en jour, je découvrais de nouveaux visages et de nouvelles personnalités. Il y en aurait bien un, entre ces jeunes marginaux, ces artistes débutants, ces grands enfants désireux de quitter leur mère, ou même ces étudiants victimes, comme moi, de l’incarcération universitaire, qui se laisserait tenter par une nouvelle avancée dans le monde de l’autonomie et de la liberté, poussé par la naïveté, plein de crédulité et d’ignorance.

    Je n’étais pas désespérée au point de me vendre par petite annonce. Je décidais donc de prendre mon mal en patience et de laisser faire le destin, qui, jusqu’à présent, avait plutôt bien fait les choses. Il me fallait maintenant attendre de trouver quelqu’un à sauver du droit chemin.

    Je me trouvais une fois de plus, dans une de nos orgies étudiantes, sur fond d’alcool, de drogues, de musique et de découvertes en tous genres, où nous étions tous les rois du monde, les rois de notre monde. Aucune autre occasion que celles-ci ne me faisait sentir plus vivante. Nous étions tous à découvert. Plus de jeux, plus de mensonges, plus de masques pour ne pas blesser la morale, juste l’incroyable sensation d’être nous, entiers, et d’en être fiers ! J’ai passé plus de temps, en cinq ans, à boire et à fumer qu’à étudier. Ceci étant devenu à mes yeux une très bonne école. Il y a des expériences qui doivent se vivre et qu’aucun livre ne peut satisfaire.

    Ici la convivialité et les rapports humains (dans tous les sens du terme et entre tous les humains) étaient de bon ton.

    Sophie était assise à côté de moi et comme à l’accoutumée, le lègue d’un joint entama la conversation.

    Qui a dit que le cannabis rend les consommateurs renfermés sur eux-même ?

    Enfermés peut-être, mais entre eux !

    Elle se libéra de son verre de vin, comme pour recevoir cette donation sans encombrement :

    –Merci, dit-elle en saisissant le pèt’, qui avait tant de valeur que chaque passage d’une main à une autre était d’une savoureuse lenteur, accompagnée d’un sourire discret, mais interminable.

    –Sophie, ajouta-t-elle en recrachant l’épaisse fumée, doucement, sans en perdre la moindre vapeur, je suis venue avec Ben.

    –Emma. On s’est déjà croisées, l’année dernière ! Tu connais Ben depuis longtemps ?

    Ben était un grand ami, mon grand ami, un personnage captivant, croisé un jour sur le bord d’un trottoir. Un personnage que l’on n’oublie jamais d’inviter lorsque l’occasion se présente, jusqu’à ce que, de lui-même, il provoque les occasions, souvent dans nos propres appartements, qu’il a tous, peu à peu, apprivoisés.

    –Nan, je l’ai rencontré cet après-midi au square, j’étais en rade de feuille et de clope.

    –T’avais la beuh, et lui la clope et les feuilles, la complémentarité est parfaite, vous êtes faits l’un pour l’autre !

    –Me parle pas de ça, je sors juste d’une histoire d’amour à la con, avec un mec à la con, qui s’est tiré pour une connasse et qui me laisse seule dans un appart qui pue sa présence !

    –Merde, dur, j’suis désolée.

    –Nan c’est pas grave, au moins, je ne suis plus emmerdée par des crises de jalousie insupportables pour un sourire de trop à un voisin pas assez repoussant à son goût, ou par des leçons d’morale du style : Tu devrais bosser Soph’ au lieu de fumer toute la journée ! ou putain ! c’est vraiment l’merdier dans cet appart, on r’trouve plus rien ! ! t’as qu’ça à foutre et t’es même pas capable d’arranger c’taudis.

    Bref tout un tas de réflexions comme seuls les mecs peuvent les penser, et surtout, savent les dire.

    –Ouais, je vois, le genre de mec qui a besoin de s’affirmer, de se sentir fort et qui flippe d’être dépassé par l’être supérieur : la femme !

    Ma remarque eut un impact étonnant car nous fûmes prises d’un éclat de rire démesuré qui n’aurait certainement été qu’un sourire sans l’effet des psychotropes. Évidemment ce fou rire n’était qu’un échantillon de tous ceux qui nous attendaient tout au long de la nuit. Tout devenait prétexte à se marrer et nos hilarités interminables commençaient à contaminer l’ensemble de l’assemblée, qui riait de nous voir torturées, pliées en deux sous le poids de nos délires. Au final, plus personne ne savait pourquoi on riait, mais on riait et c’était incurable. C’était un crescendo formidable et exquis.

    Aujourd’hui, rares sont les personnes qui s’autorisent une aventure humoristique avec quelqu’un qu’elles ne connaissent pas et encore moins en public. Que penserait-on de nous ? Que l’on s’amuse ? Quelle vulgarité ! Quelle horreur ! La vie c’est sérieux, ce n’est pas un jeu ! Empêchons-nous vite de rire !

    On ouvre la porte si on connaît, on donne, si on connaît et on parle, donc on rit, si on connaît, à moins d’avoir quelque chose à y gagner, ayant une valeur matérielle ou financière bien sûr.

    L’humanité ne fait pas manger !!! S’ils savaient que le rire fait vivre plus fort et plus longtemps que leurs coffres et leurs maisons bien remplis. Les pauvres !

    Tout petit déjà, on nous apprend qu’il y a un moment et un endroit pour rire, on ne peut pas rire n’importe quand et n’importe où. Sur les bancs d’école, rire donnait droit à une punition. Rire en classe c’est mal, et c’est d’ailleurs pour ça que mes meilleurs fous rires s’y sont passés. Je n’avais pas le droit de rire, alors c’était encore plus drôle et je riais encore plus fort, jusqu’à la victoire : le coin de la classe qui me permettait d’afficher mon plus grand sourire sans me prendre de gifle (acte de frustration de la personne qui a perdu son rire, qui ne sait plus rire, se contente à peine de sourire. Celle-là même qui, quelques années auparavant, sur le même banc, peut-être pour la même blague, riait plus fort que moi encore).

    C’est donc à cette occasion que je rencontrais celle qui allait m’ouvrir les portes de la grande distribution ! Faisant de moi un symbole de la consommation de masse.

    Elle avait de grands yeux sombres qui portaient un regard vif mais rassurant. De temps à autre Sophie les libérait d’une mèche pas moins rebelle qu’elle. Elle était de ces jeunes filles, façon Twiggy, qui donnent au jean son sens véritable : emballer les choses précieuses des regards trop impatients ; et aux baskets, dont le créateur ne pouvait être qu’un homme, leur rôle réel : faire voyager l’élégance, doucement et sans bruit, pour que tout le monde ait le temps d’en profiter. Elle était de celles que l’on savait jeunes pour l’éternité et dont la présence seule, suffit à se sentir bien. Aujourd’hui encore, je

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