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Lettres écrites d'Egypte et de Nubie entre 1828 et 1829: La correspondance de Champollion, découvreur de la Pierre de Rosette
Lettres écrites d'Egypte et de Nubie entre 1828 et 1829: La correspondance de Champollion, découvreur de la Pierre de Rosette
Lettres écrites d'Egypte et de Nubie entre 1828 et 1829: La correspondance de Champollion, découvreur de la Pierre de Rosette
Ebook355 pages5 hours

Lettres écrites d'Egypte et de Nubie entre 1828 et 1829: La correspondance de Champollion, découvreur de la Pierre de Rosette

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Jean-François Champollion dit Champollion le Jeune, né le 23 décembre 1790 à Figeac (Lot) et mort le 4 mars 1832 à Paris, est un égyptologue français. Premier à déchiffrer les hiéroglyphes, Champollion est considéré comme le père de l'égyptologie. Il disait de lui-même : « Je suis tout à l'Égypte, elle est tout pour moi ».

Dans ses "Lettres écrites d'Égypte et de Nubie en 1828 et 1829" Jean-François Champollion, l'égyptologue français et découvreur de la Pierre de Rosettes en 1799 nous livre un récit saisissant de ses expéditions scientifiques.
LanguageFrançais
Release dateMay 5, 2022
ISBN9782322427796
Lettres écrites d'Egypte et de Nubie entre 1828 et 1829: La correspondance de Champollion, découvreur de la Pierre de Rosette
Author

Jean-Francois Champollion

Jean-François Champollion dit Champollion le Jeune, né le 23 décembre 1790 à Figeac (Lot) et mort le 4 mars 1832 à Paris, est un égyptologue français. Premier à déchiffrer les hiéroglyphes, Champollion est considéré comme le père de l'égyptologie. Il disait de lui-même : « Je suis tout à l'Égypte, elle est tout pour moi ».

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    Lettres écrites d'Egypte et de Nubie entre 1828 et 1829 - Jean-Francois Champollion

    Table des matieres

    AVERTISSEMENT

    MEMOIRE SUR UN PROJET DE VOYAGE LITTERAIRE EN EGYPTE PRESENTE AU ROI EN 1827 PLAN ET MOTIFS DU VOYAG

    LETTRES ECRITES PENDANT LE VOYAGE DE PARIS A ALEXANDRIE

    PREMIERE LETTRE

    DEUXIEME LETTRE

    TROISIEME LETTRE

    QUATRIEME LETTRE

    CINQUIEME LETTRE

    SIXIEME LETTRE

    SEPTIEME LETTRE

    HUITIEME LETTRE

    NEUVIEME LETTRE

    DIXIEME LETTRE

    ONZIEME LETTRE

    DOUZIEME LETTRE

    TREIZIEME LETTRE

    QUATORZIEME LETTRE

    QUINZIEME LETTRE

    SEIZIEME LETTRE

    DIX-SEPTIEME LETTRE

    DIX-HUITIEME LETTRE

    DIX-NEUVIEME LETTRE

    VINGTIEME LETTRE

    VINGT ET UNIEME LETTRE

    VINGT-DEUXIEME LETTRE

    VINGT-TROISIEME LETTRE

    VINGT-QUATRIEME LETTRE

    VINGT-CINQUIEME LETTRE

    VINGT-SIXIEME LETTRE

    VINGT-SEPTIEME LETTRE

    VINGT-HUITIEME LETTRE

    VINGT-NEUVIEME LETTRE

    TRENTIEME LETTRE

    TRENTE ET UNIEME LETTRE

    APPENDICE

    AVERTISSEMENT

    Les lettres dont j’offre aujourd’hui une nouvelle edition au public ont ete ecrites par mon pere, Champollion le jeune, pendant le cours du voyage qu’il fit en Egypte et en Nubie, dans les annees 1828 et 1829.

    Elles donnent ses impressions sur le vif, au jour le jour, et c’est encore, au dire des personnes competentes, le meilleur et le plus sur guide pour bien connaître les monuments et l’ancienne civilisation de la vallee du Nil. Elles furent successivement adressees a son frere et inserees en partie dans le Moniteur universel, pendant que mon pere, poursuivant sa mission, rassemblait les richesses archeologiques qu’on admire au musee egyptien du Louvre, dont il fut le fondateur, et recueillait les documents precieux qu’il n’eut pas le temps de mettre en lumiere, puisque tout jeune encore, en 1832, il fut enleve a la science et au glorieux avenir qui lui etait reserve.

    En 1833, mon oncle, M. Champollion-Figeac, alors conservateur au departement des manuscrits de la Bibliotheque royale, publia, chez Firmin Didot, une edition de ces lettres dont il possedait les originaux. C’est cette edition, epuisee depuis longtemps deja, que je reproduis dans le present volume.

    Les savants qui ont marche dans la voie de Champollion le jeune m’ont atteste que, malgre les progres obtenus depuis trente ans dans la science qu’il a fondee, ces lettres etaient encore d’une utilite serieuse et d’un grand interet; c’est cette conviction, unie a un vif sentiment de respect pour la memoire de mon pere, qui m’a engagee a faire cette nouvelle edition.

    Z. CHERONNET-CHAMPOLLION.

    Paris, le 15 septembre 1867.

    MEMOIRE sur UN PROJET DE

    VOYAGE LITTERAIRE EN EGYPTE PRE

    SENTE AU ROI EN 1827 PLAN ET

    MOTIFS DU VOYAGE

    On peut considerer comme un fait positif lorsqu’il s’agit de nos connaissances reelles sur l’ancienne Egypte, que les recherches des savants et des voyageurs n’ont produit jusqu’ici de resultats complets, de documents certains qu’a l’egard du seul systeme d’architecture

    suivi, pendant une si longue serie de siecles, dans ce pays ou les arts ont commence; encore est-il juste de dire que les travaux qui fixeront irrevocablement nos idees a cet egard ne sont point encore publies, et qu’il reste, de plus, a reconnaitre les regles qui determinaient le choix des ornements et des decorations, selon la destination donnee a chaque genre d’edifice. Ce point important pour la science ne peut etre eclairci que sur les lieux et par des personnes versees dans la connaissance des symboles et du culte egyptiens, car les plus simples ornements de cette architecture sont des emblemes parlants; et telle frise, qui ne semble contenir que des arabesques ou une composition calculee pour l’oeil seulement, renferme un precepte, une date, ou un fait historique.

    Les doctrines le plus generalement adoptees sur l’art egyptien, et sur le degre d’avancement auquel ce peuple etait reellement parvenu, soit en sculpture, soit en peinture, sont essentiellement fausses; les nouvelles decouvertes ont pu jeter de grands doutes sur leur exactitude; mais ces doctrines ne peuvent etre ramenees au vrai et assises sur des fondements solides que par de nouvelles recherches faites sur les grands edifices publics de Thebes et des autres capitales de l’Egypte. C’est aussi l’unique moyen de decider clairement l’importante question que des esprits diversement prevenus agitent encore si vivement, celle de la transmission des arts de l’Egypte a la Grece.

    Nos connaissances sur la religion et le culte des Egyptiens ne s’etendent encore que sur les parties purement materielles; les monuments de petites proportions nous font bien connaitre les noms et les attributs des divinites principales; mais comme ces memes monuments proviennent tous des catacombes et des sepultures, nous n’avons de renseignements detailles que pour les personnages mystiques protecteurs des morts, et presidant aux divers etats de l'ame apres sa separation du corps. La religion des hautes classes, qui differait de celle des tombeaux, n’est retracee que dans les sanctuaires des temples et les chapelles des palais: sur ces edifices couverts interieurement et exterieurement de bas-reliefs colories, charges de legendes innombrables, relatives a chaque personnage mythologique dont ils retracent l’image, les divinites egyptiennes de tous les ordres, hierarchiquement figurees et mises en rapport, sont accompagnees de leur genealogie et de tous leurs titres, de maniere a faire completement connaitre leur rang, leur filiation, leurs attributs, et les fonctions que chacune d’elles etait censee remplir dans le systeme theologique egyptien. Il reste donc encore a reconnaitre sur les constructions de l’Egypte, la partie la plus relevee et la plus importante de la mythologie egyptienne.

    Toutes les branches si variees des arts, et tous les procedes de l’industrie egyptienne sont encore loin de nous etre connus. On a bien recueilli quelques tableaux et des inscriptions relatives a un certain nombre de metiers, tels que la charpenterie, la menuiserie, la tannerie, la construction navale, le transport des masses, la verrerie, l’art du charron, du forgeron, du cordonnier, de l’emailleur, etc., etc., etc.; mais les voyageurs qui ont dessine ces tableaux ont, pour la plupart, neglige les legendes explicatives qui les accompagnent, et aucun d’eux n’etait en etat de lire, sur les monuments ou ces tableaux ont ete copies, les dates precises de l’epoque ou ces divers arts furent pratiques. Nous ignorons donc si la plupart de ces arts sont vraiment d’origine egyptienne, propres a l’Egypte, ou s’ils ont ete introduits par l’influence des peuples anciens qui, comme les Perses, les Grecs et les Romains, ont tenu ce pays sous leur domination. C’est donc encore ici une question tres-importante a eclaircir pour l’histoire de l’industrie humaine; et cependant il en est beaucoup d’autres encore et d’un interet bien plus releve.

    Si l’historien s’enquiert d’abord des bas-reliefs historiques et ethnographiques, des scenes domestiques qui peignent les moeurs de la nation et celles des souverains, etc., il demande precisement les objets qui sont le moins eclaircis. Ainsi s’exprimait, il y a douze ans, M. de Heeren, un des hommes les plus distingues de l’Allemagne; et tout ce qu’on a publie depuis, loin de remplir cette importante lacune, n’a pu qu’augmenter encore les regrets des savants qui apprennent seulement par des dessins pris au hasard, au milieu de series immenses de bas-reliefs, que les grands edifices de l’Egypte offrent encore, sculptee dans tous ses details, l’histoire entiere de ses plus grands souverains, et que des compositions d’une immense etendue y retracent les epoques les plus glorieuses de l’histoire des Egyptiens; car ce peuple a voulu qu’on put lire sur les murs des palais l’histoire de ses plus illustres monarques, et c’est la seule nation qui ait ose sculpter sur la pierre de si grands objets et de si vastes details.

    L’Europe savante connait l’existence de cet amas de richesses historiques: son ardent desir serait d’en etre mise en possession. Elle a juge que nos progres dans les etudes egyptiennes demandent qu’un gouvernement eclaire se hate d’envoyer enfin en Egypte des personnes devouees a la science et convenablement preparees, pour recueillir, tant qu’ils subsistent encore, les innombrables et precieux documents que la magnificence egyptienne inscrivit jadis sur les edifices dont les masses imposantes couvrent les deux rives du Nil. L’Europe, sachant aussi que la barbarie, toujours croissante, detruit systematiquement ces respectables temoins d’une antique civilisation, hate de tous ses voeux le moment ou des copies fideles de ces inscriptions et de ces bas-reliefs historiques lui donneront le moyen de remplir avec certitude les plus anciennes pages des annales du monde, en perpetuant ainsi les temoignages si nombreux et si authentiques traces sur tant de monuments dont rien ne saurait remplacer la perte. Un voyage litteraire en Egypte est donc aujourd’hui l’un des plus utiles qu’on puisse entreprendre.

    Mais ce n’est point a l’histoire seule de l’Egypte que le voyage propose dans ce Memoire doit fournir des lumieres qu’on chercherait vainement autre part que dans les palais de Thebes: c’est la qu’existent egalement, et nous en avons la certitude, des notions aussi desirables qu’inesperees, sur tous les peuples qui, des les premiers temps de la civilisation humaine, jouaient un role important en Afrique et dans l’Asie occidentale. Les principales expeditions des Pharaons contre les nations qui, dans cet ancien monde, pouvaient lutter de puissance avec l’Egypte ou lui inspirer des craintes, sont sculptees sur les monuments eriges par les triomphateurs: on y lit les noms de ces peuples, le nombre des soldats, les noms des villes assiegees et prises, les noms des fleuves traverses, ceux des pays soumis, la quotite des tributs imposes aux peuples vaincus; et les noms des objets precieux enleves a l’ennemi sont ecrits sur des tableaux qui representent ces trophees de la victoire. Ces bas-reliefs, entremeles de longues inscriptions explicatives, sont d’autant plus utiles a connaitre que les artistes egyptiens ont rendu avec une admirable fidelite la physionomie, le costume et toutes les habitudes des peuples etrangers qu’ils ont eu a combattre. Nous pourrons donc apprendre enfin, par l’etude directe de cette immense galerie historique, quelles nations pouvaient balancer, a des epoques sur lesquelles l’histoire est encore muette, le pouvoir des Pharaons en rivalisant avec l’Egypte, pour lui disputer l’empire de cet ancien monde que nous n’apercevons encore qu’a travers mille incertitudes, mais dont la realite, deja demontree, n’en est pas moins surprenante; toutefois, en rapportant le temps de ces grandes scenes a des epoques beaucoup plus rapprochees de nous que ne le voulait un esprit de systeme plus hardi que raisonne.

    On ne saurait fixer l’importance des decouvertes historiques que peut amener une etude approfondie des bas-reliefs qui decorent les edifices antiques de l’Egypte, et surtout ceux de Thebes, sa vieille capitale. Ce pays s’est en effet trouve en relation directe avec tous les grands peuples connus de l’antiquite: si ses venerables monuments nous montrent une foule de peuples a demi sauvages du continent africain, vaincus et deposant aux pieds des Pharaons l’or, les matieres precieuses, les oiseaux rares et les animaux curieux de l’interieur d’un pays encore si peu connu, nous trouvons d’autre part le tableau des luttes sanglantes des Egyptiens, soit sur terre, soit sur mer, avec diverses nations asiatiques (les Assyriens, les Bactriens et les Hindous peut-etre), nations qui combattent avec des armes egales et des moyens tout aussi avances que ceux des Egyptiens, leurs rivaux. Nous savons, a n en point douter, que les temples et les palais de l’Egypte offrent les images et des inscriptions contemporaines des rois ethiopiens qui ont conquis l’Egypte, au milieu des monuments des Pharaons, dont ils ont momentanement interrompu la longue et brillante succession. On y recueillera les annales des rois egyptiens les plus renommes, tels que les Osimandyas, Amosis, les Rhamses, les Thouthmosis; ailleurs celles des Pharaons Sesonchis, Osorchon, Sevechus, Tharaca, Apries et Nechao, que les Livres saints nous peignent entrant dans le cœur de la Syrie a la tete d’armees innombrables. On reunira les copies du peu de monuments eleves sous la tyrannie des rois persans, les Darius et les Xerxes; on notera les lieux ou se lisent encore le grand nom d’Alexandre, celui de son frere, de son jeune fils, et ceux des successeurs de cet homme qui releva l’Egypte foulee par le gouvernement militaire des Perses. On eclaircira toute l’histoire des Lagides; et cet examen des inscriptions monumentales se terminera en recueillant, sur les memes edifices qui ont precede tant d’empires, leur ont survecu, et qui ont vu passer tant de gloires, les noms les plus illustres de Rome gouvernee par les empereurs. Ainsi les monuments de l’Egypte conservent des inscriptions qui se lient a l’histoire ancienne tout entiere, et en recelent une grande partie que les ecrivains ne nous ont point conservee: c’est donner une idee de l’immense moisson de faits et des documents qu’un gouvernement protecteur des sciences utiles peut assurer aux etudes solides, en ordonnant l’execution d’un voyage auquel sont directement interesses les progres de toutes les sciences historiques. Ajoutons enfin que ce voyage, ou l’on pourra etudier et comparer entre elles le nombre immense d’inscriptions qui couvrent tous les monuments de l’Egypte, avancerait avec une merveilleuse rapidite nos connaissances sur l’ecriture hieroglyphique, et qu’il fournira, sans aucun doute a cet egard, des lumieres qu’on ne pourrait peut-etre point obtenir d’une etude de plusieurs siecles faite en Europe sur les seuls monuments egyptiens que le hasard y ferait transporter a l’avenir. Sous ce point de vue seul, les resultats du voyage projete seraient inappreciables.

    Les travaux des Francais qui firent partie dell’expedition d’Egypte n’ont fait que preparer l’Europe savante a de tels resultats, en lui montrant, par le trop petit nombre de dessins pris sur les monuments historiques, tout ce qu'elle doit desirer encore, et tout ce qu’on peut attendre d’un examen approfondi et d’un voyage dont ces monuments seront l’objet principal. Ces recherches, qui doivent produire tant de fruits et jeter tant de lumieres sur l’obscurite des temps antiques, etaient impossibles alors. On n’avait, en effet, a la fin du siede dernier et dans les premieres annees du siede present, aucune donnee positive sur le systeme des ecritures egyptiennes; aussi les membres de la Commission d’Egypte, et la plupart des voyageurs qui ont marche sur leurs traces, persuades peut-etre qu’on n’arriverait jamais a l’intelligence des signes hieroglyphiques, ont-ils attache moins d’interet a copier avec exactitude les longues inscriptions en caracteres sacres qui accompagnent les figures mises en scene dans les bas-reliefs historiques; il les ont presque toujours negligees, et souvent meme, en copiant quelques scenes de ces bas-reliefs, on s’est contente de marquer seulement la place occupee par ces legendes. C’etait cependant, sinon pour cette epoque, du moins pour l’avenir, la partie la plus interessante d’un tel travail. Mais enfin on doit beaucoup de reconnaissance a ces voyageurs pour nous avoir appris, a n’en pouvoir douter, qu’il ne depend plus que de notre volonte de recueillir, par exemple, dans le palais de Karnac a Thebes, l’histoire des conquetes de plusieurs rois, et probablement aussi celle de la delivrance de l’Egypte du joug des Pasteurs ou Hykschos, evenement auquel se rattachent la venue et la captivite des Hebreux; dans les sculptures de Kalabsche, le tableau des conquetes de Rhamses II a l’interieur de l’Afrique; dans les galeries du palais de Medinet-Abou, les expeditions de Rhamses-Meiamoun contre les peuples de l’Asie; dans divers temples de la Nubie, des hauts faits des Pharaons Mœris, Osortasen, Amenophis II; dans le palais de Kourna, ceux de Mandouei et Ousirei, etc.; enfin, dans les palais de Louqsor, les edifices d’Ibsamboul et le palais dit d’Osimandyas, les details les plus circonstancies sur les conquetes du grand Sesostris, tant en Asie qu’en Afrique.

    De nos jours, des dessins de la totalite de ces grandes scenes historiques, qui s’eclairent les unes par les autres, et surtout des copies exactes des inscriptions hieroglyphiques qu’on y a melees en si grand nombre, acquerraient un prix infini et realiseraient, sinon en totalite, du moins en tres-grande partie, les hautes esperances qu’y rattachent les sciences historiques. Les notions positives sur le mecanisme de l’ecriture hieroglyphique sont assez avancees, et l’on a reconnu le sens d’un nombre de caracteres assez considerable, pour retirer sur-le-champ, avec une certitude entiere, les faits principaux et les plus precieux contenus dans ces bas-reliefs ou dans ces inscriptions, et tous les documents utiles qu’ils renferment; enfin, avec les connaissances nouvellement acquises sur les ecritures de l’ancienne Egypte, un voyage entrepris maintenant sur cette terre classique, par un petit nombre de personnes bien preparees, produira incontestablement des resultats scientifiques tels qu’on eut en vain ose les esperer dans le temps meme que l’Egypte, au pouvoir d’une armee francaise, etait livree aux recherches d’une foule de savants qui ont beaucoup fait pour les sciences physiques, naturelles et mathematiques, mais qui manquaient de l’instrument essentiel et indispensable pour exploiter convenablement la mine si riche de documents historiques que la fortune des armes livrait a leur examen. La France guerriere a fait connaitre a fond l’Egypte moderne, sa constitution physique, ses productions naturelles, et les differents genres de monuments qui la couvrent: c’est aussi a la France, jouissant de la faveur de la paix, si propice au progres des sciences et de la civilisation nouvelle, a recueillir les souvenirs graves sur ces monuments temoins d’une civilisation primitive et des efforts progressifs des sciences sur une terre qui en fut le berceau: elles en sortirent pour eclairer l’Europe encore a demi sauvage lorsque l’Egypte etait deja dechue de sa premiere splendeur: l’Europe remontera donc ainsi vers ses plus antiques origines.

    Apres cet expose sommaire des motifs generaux du voyage, il reste a indiquer l’ordre detaille des travaux que doivent executer les personnes chargees de cette entreprise litteraire.

    1 deg. Visiter un a un tous les monuments antiques de style egyptien, en faire dessiner l’ensemble, et lever le plan du petit nombre de ceux que les voyageurs ont negliges ou n’ont point suffisamment etudies.

    2 deg. Rechercher sur chaque temple les inscriptions dedicatoires donnant l’epoque precise de leur fondation, et celles qui indiquent toujours l’epoque ou ont ete executees les differentes parties de la decoration.

    C’est, en d’autres termes, recueillir les elements positifs de l’histoire et de la chronologie de l’art en Egypte.

    3 deg. Copier avec soin, dans tous leurs details et avec leurs couleurs propres, les images des differentes divinites auxquelles chaque temple etait dedie. Recueillir les inscriptions religieuses relatives a ces divinites, et tous les titres divers qui leur sont donnes.

    4 deg. Copier surtout les tableaux mythologiques ou plusieurs divinites sont mises en scene.

    5 deg. Dessiner les bas-reliefs representant les diverses ceremonies religieuses, et tous les instruments de culte.

    Ces divers travaux auront pour resultat de faire connaitre a fond l’ensemble du culte egyptien, source de toutes les religions paiennes de l’Occident, et serviront a demontrer les nombreux emprunts que la religion des Grecs fit a celle de l’Egypte. On terminera ainsi les dissidences qui partagent les savants sur une matiere mise en discussion avant de posseder les elements indispensables pour en eclaircir les difficultes.

    6 deg. Prendre, dans les temples, des calques exacts des figures representant les divers souverains de l’Egypte, et avec tous les details de costume, afin de former ainsi l’iconographie des rois et des reines; ces bas-reliefs, surtout ceux de l’epoque la plus ancienne, offrant le portrait des Pharaons, de leurs femmes et de leurs enfants.

    7 deg. Rechercher dans les palais de Thebes, d’Ahydos, de Sohleb, et dans tous les genres d’edifices, tous les bas-reliefs historiques; les dessiner avec soin, figures et legendes, et copier les longues inscriptions historiques qui les suivent ou les separent.

    8 deg. Recueillir dans les palais et les tombeaux des rois tout ce qui se rapporte a la vie publique et privee des Pharaons.

    9 deg. Dessiner dans les catacombes de Thebes ou des autres villes egyptiennes les tableaux et les inscriptions relatives a la vie civile

    des diverses classes de la nation, surtout ceux qui retracent les arts, les metiers et la vie interieure des Egyptiens; faire le recueil des costumes des diverses castes, etc.

    10 deg. Copier les inscriptions votives, gravees sur la plate-forme des temples, sur les rochers environnants et dans les catacombes, toutes les fois que ces inscriptions porteront une date clairement exprimee.

    11 deg. Recueillir toutes les legendes royales, sculptees sur les edifices, avec leurs diverses variantes, et preciser le lieu ou elles se lisent, pour determiner ainsi l’anciennete relative de chaque portion d’un meme edifice, et l’etat soit progressif, soit retrograde de l’art.

    12 deg. Rechercher et faire dessiner avec soin tous les bas-reliefs et tableaux astronomiques, prendre les dates exprimees soit sur ces memes sculptures, soit dans leur voisinage, pour demontrer sans replique l’epoque assez recente de ces compositions, que l’esprit de systeme s’obstine encore, malgre des demonstrations palpables, a considerer comme remontant a des siecles fort anterieurs aux temps veritablement historiques. On fixera egalement ainsi l’opinion encore incertaine des savants a l’egard du point reel d’avancement auquel les Egyptiens avaient porte la science de l’astronomie.

    13 deg. On devra recueillir avec un soin scrupuleux tous les caracteres hieroglyphiques de formes differentes, en notant les couleurs de chacun d’eux, afin de former le tableau le plus approximativement complet qu’il sera possible de tous les caracteres employes dans l’ecriture sacree des Egyptiens.

    14 deg. On dessinera toutes les inscriptions qui peuvent conduire soit a confirmer, soit a etendre nos connaissances, relativement a la langue et aux diverses ecritures de l’ancienne Egypte.

    15 deg. Il est du plus pressant interet pour les etudes historiques et philologiques de chercher dans les ruines de l’Egypte des decrets bilingues, semblables a celui que porte la pierre de Rosette. Ces steles existaient en tres-grand nombre dans les temples egyptiens des trois ordres. Des fouilles seront donc dirigees dans l’enceinte de ces temples, pour decouvrir de tels monuments, par le secours desquels le dechiffrement des textes hieroglyphiques ferait un pas immense.

    16 deg. Le directeur du voyage ferait aussi executer des fouilles sur les points ou il serait possible de rencontrer des monuments historiques de divers genres: ceux des objets trouves et qui meriteraient quelque attention seraient emportes pour etre places au Musee royal du Louvre, si ces objets etaient d’ancien style egyptien, et au Cabinet des antiques de la Bibliotheque royale, si ces objets etaient des medailles et des pierres gravees, ou autres monuments de style grec ou romain. Les statues grecques ou romaines appartiendraient aussi au Musee des antiques du Louvre.

    17 deg. On pourrait faire egalement, a Thebes et dans toutes les autres parties de l’Egypte, des achats d’objets interessants pour les collections royales; on pourrait completer ainsi avec avantage les diverses series de monuments antiques qui existent dans ces etablissements.

    18 deg. On desire depuis longtemps que des personnes instruites dans les langues orientales visitent les couvents de la vallee des lacs de Natron et de la Haute-Egypte, et examinent les livres coptes ou autres que renferment les bibliotheques des moines chretiens, lesquelles peuvent contenir des ouvrages importants. Cette visite pourrait etre faite avec soin pendant le voyage, et il serait facile peut-etre d’acquerir des manuscrits interessants a peu de frais.

    19 deg. Quelques voyageurs en Egypte ont parle d’inscriptions en caracteres inconnus, tracees ou gravees sur quelques monuments; on s’attacherait a les recueillir, precisement parce qu'elles sont considerees comme inconnues. Il en serait de meme des manuscrits ou inscriptions en phenicien, dont il n’existe encore qu’un tres-petit nombre en Europe, ainsi que des inscriptions en caracteres persepolitains ou cuneiformes, dont l’alphabet n’est pas encore entierement connu, quoique les monuments ou ils sont employes ne soient pas tres-rares. La decouverte des hieroglyphes phonetiques a concouru a accroitre cet alphabet au moyen d’une courte inscription en caracteres cuneiformes et en caracteres egyptiens. On peut en trouver d’autres, qui seraient soigneusement copiees.

    20 deg. Il manque a la Bibliotheque du Roi quelques-uns des plus utiles ouvrages de la litterature arabe. On aurait peut-etre l’occasion de les acquerir a un prix convenable.

    Tels sont le but, le plan et les motifs d’un voyage en Egypte.

    Pour l’executer, M. Champollion n’attend plus que les ordres du Roi.

    LETTRES ECRITES PENDANT

    LE VOYAGE DE PARIS A

    ALEXANDRIE

    Lyon, le 18 juillet 1828.

    Me voici arrive a Lyon en tres-bonne sante. J’ai trouve notre ami M.

    Artaud pret a me recevoir, et je me suis etabli dans son musee.

    J’ai trouve dans celui de la ville, entre autres morceaux curieux, une statuette en bronze, de 7 pouces de hauteur, representant le dieu Nil, morceau d’un excellent travail. Je la fais dessiner pour mon Pantheon: c’est, jusqu’ici, une chose unique et que je suis bien aise d’avoir rencontree.

    M. Artaud a ecrit aujourd’hui a M. Sallier d’Aix, pour l’informer de mon prochain passage par cette ville. Je m’attends donc a faire une bonne recolte dans cette nombreuse collection, et j’y consacrerai deux jours s’il le faut.

    Toulon, 25 juillet 1828.

    Je suis arrive ici hier au soir en parfaite sante et apres un voyage moins penible que la saison d’ete et le ciel de Provence ne pouvaient le faire supposer. Partis d’Aix a trois heures du matin, nous etions a Toulon sur les six heures du soir; je me suis a peine apercu de la chaleur pendant la route, grace aux fourrures en laine dont je suis couvert; ce qui me fait croire que le proverbe vulgaire: Qui pare le froid pare le chaud, doit etre emane comme tant d’autres de la sagesse des nations.

    Il m’a ete impossible d’ecrire d’Aix comme j’en avais le projet: le cabinet de M. Sallier m’a occupe pendant les deux jours que j’ai passes dans cette vieille ville. J’y ai trouve quelques pieces importantes que j’ai copiees ou fait dessiner. Ce ne fut que le soir du second jour que M. Sallier me mit dans les mains un paquet de papyrus egyptiens non funeraires, dans lequel j’ai trouve: 1 deg. un long papyrus en fort mauvais etat, qui m’a paru renfermer des observations astrologiques, le tout en belle ecriture hieratique; 2 deg. deux rouleaux contenant des especes d’odes ou litanies a la louange d’un Pharaon; 3 deg. un rouleau dont les premieres pages manquent, mais qui contient les louanges et les exploits de Rhamses-Sesostris en style biblique, c’est-a-dire sous la forme d’une ode dialoguee, entre les dieux et le roi.

    Cette affaire-ci est de la plus haute importance, et le peu de temps que j’ai donne a son examen m’a convaincu que c’est un vrai tresor historique. J’en ai tire les noms d’une quinzaine de nations vaincues, parmi lesquelles sont specialement nommes les Ioniens, louni, Iavani, et les Lyciens, Louka, ou Louki; plus les Ethiopiens, les Arabes, etc. Il est parle de leurs chefs emmenes en captivite, et des impositions que ces pays ont supportees. Ce manuscrit a pleinement justifie mon idee sur le groupe qui qualifie les noms de pays etrangers, et ceux de personnages en langues etrangeres. J’ai releve avec soin tous ces noms de peuples vaincus, qui, etant parfaitement lisibles et en ecriture hieratique, me serviront a reconnaitre ces memes noms en hieroglyphes sur les monuments de Thebes, et a les restituer, s’ils sont effaces en partie.

    Cette trouvaille est immense, et ce manuscrit hieratique porte sa date a la derniere page. Il a ete ecrit (dit le texte) l’an IX,

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